Les Meilleurs Films de 2023 - Ecran Large

La Rédaction | 23 décembre 2023 - MAJ : 26/12/2023 00:19
La Rédaction | 23 décembre 2023 - MAJ : 26/12/2023 00:19

Le Top 25 des meilleurs films de 2023 selon Écran Large, avec des paranos, du grand spectacle, de l'animation, des larmes et beaucoup de cinéma.

C'est l'un des jeux préférés des cinéphiles (avec les tacles sur Marvel et les jeux de mots pourris) : lister les coups de cœur pour construire mois après mois le futur classement des meilleurs films de l'année.2022 avait ainsi offert une ribambelle de grands films après quelques années de moins bien (notamment à cause du Covid) et cette année 2023 a démontré que le cinéma avait encore de quoi nous épater pendant longtemps.

  

 

Entre les retours de grands noms du 7e art (Scorsese, Fincher, Miyazaki, Ceylan, Nolan, Spielberg, Scott, Anderson), la confirmation de jeunes cinéastes (Ben Hania, Fennell, Nikou, Triet) ou la découverte de jeunes talents (Satter, Vaniček, Manning Walker), 2023 a été enrichissante et fascinante. Établir un classement n'a donc pas été simple, l'équipe a hurlé, pleuré, frappé, râlé et finalement voté pour sélectionner les 25 meilleurs films de 2023, que ce soit au cinéma, en VOD ou streaming, célébrant à la fois la richesse de l'année, les coups de coeur de la rédaction d'Ecran Large et sa diversité d'opinion.

NB : Ce top 25 a été constitué par un système de points et d'occurrences grâce aux tops individuels des rédacteurs les plus éminents de la rédaction : Judith Beauvallet, Geoffrey Crété, Antoine Desrues, Mathieu Jaborska, Alexandre Janowiak et Déborah Lechner.

  • À lire aussi : Notre classement des PIRES FILMS de 2023

 

  

25. saltburn

  • Sortie : 22 décembre 2023 (sur Prime Video)
  • Durée : 2h07

 

 

De quoi ça parle : Un étudiant d'Oxford venu d'un milieu modeste se lie d'amitié avec un riche aristocrate. Durant un été, il s'installe à Saltburn, le manoir de sa famille. Et ça ne va pas du tout se passer comme prévu.

Pourquoi c'est à ne pas rater : Parce que c'est le nouveau film d'Emerald Fennell, réalisatrice et scénariste révélée avec l'excellent Promising Young Woman (Oscar du meilleur scénario). Saltburn est certes beaucoup moins percutant et féroce, la faute à un scénario qui remixe des idées déjà trop attendues et familières, et devient beaucoup trop démonstratif dans la dernière partie. Malgré ça, il vaut le détour à bien des niveaux.

Premièrement, le film est d'une beauté sensationnelle, avec la photo Linus Sandgren (La La Land, Mourir peut attendre), le format 1:33 et la mise en scène d'Emerald Fennell qui rend les corps et les décors hypnotisants. La réalisatrice filme le désir, la sueur et les peaux avec une attention toute particulière, emballant quelques scènes mémorables (la baignoire, oui oui). Et c'est aussi grâce au talent de ses acteurs, à commencer par les bombes atomiques Barry Keoghan et Jacob Elordi, entourés des fantastiques Rosamund Pike et Alison Oliver.

Avec en plus quelques éclats d'humour noir et de cruauté bien sentis, Saltburn confirme au moins une chose : Emerald Fennell, on va suivre ta carrière de près.

Ça te plaira si t'aimes : Sexe Intentions, Theorème, Plein soleil

Notre critique de Saltburn

 

24. traquÉE

  • Sortie : 22 septembre 2023 (sur Disney+)
  • Durée : 1h33

 

 

De quoi ça parle : Réveillée en pleine nuit par des intrus, une jeune femme affronte des aliens.

Pourquoi c'est génial : C'était l'une des meilleures surprises de 2023. Sorti de nulle part pour débarquer sur Disney+, Traquée a pu être apprécié dans les conditions optimales, c'est-à-dire sans en savoir grand-chose au-delà du point de départ (qui était déjà un argument indéniable pour se jeter dessus).

Au-delà du home invasion très bien ficelé, No One Will Save You (un titre original bien plus malin) a frappé par son parti pris de film sans dialogue, son malin dézoom sur la situation apocalyptique, et finalement son héroïne parfaitement incarnée par Kaitlyn Dever. Quelques scènes de tension savamment orchestrées, de bonnes visions de cauchemar, une générosité certaine et de belles touches d'émotion jusqu'à la toute dernière scène : le réalisateur et scénariste Brian Duffied a remporté son pari haut la main, malgré quelques choix casse-gueule (dévoiler à ce point les aliens, et les filmer en long, en large et en travers).

Il n'y a vraiment pas assez de films d'invasion alien, et le très malin Traquée rappelle à quel point c'est dommage.

Ça te plaira si t'aimes : SignesL'Invasion des profanateurs de sépulture, Cloverfield

Notre critique de Traquée

 

23. Sissi & moi

  • Sortie : 25 octobre 2023 (sur Prime Video)
  • Durée : 2h12

 

Sissi & moi : photo, Sandra Hüller, Susanne WolffLes Demoiselles de Bavière

 

De quoi ça parle : Une “vieille fille” devient la dame de compagnie de Sissi, impératrice d’Autriche. Entre abus et émerveillement, sa vie va changer du tout au tout.

Pourquoi c’est génial : Bien plus une fiction qu’une biographie, Sissi & moi est une réinterprétation d’une histoire dans l’Histoire d’un point de vue féminin et résolument moderne. Sans chercher l’exactitude factuelle, mais plutôt la complexité dans les égéries figées et du sens là où les manuels scolaires n’en donnent pas, le film de Frauke Finsterwalder s’amuse des anachronismes et de la licence poétique. Photographie à l’inspiration très picturale et bande-son pop, le film peint un drame en couleurs, dont l’univers est aussi beau que terrible.

Sandra Hüller qui, avec Anatomie d’une Chute et La Zone d’Intérêt, était cette année la star de Cannes, brille aussi ici dans le rôle d’Irma Sztáray. À la fois rebelle et déterminée, mais aussi toujours soumise à sa mère qui la bat malgré ses 40 ans passés, Irma est une femme pleine de passion, mais empêtrée dans un corps maladroit et un terrible manque de confiance en elle. Le profil idéal pour se brûler à la lumière de l’incandescente impératrice, incarnée par la majestueuse et intrigante Suzanne Wolff, une actrice qu’on espère voir beaucoup plus à l’avenir. Deux femmes, loin d’être ingénues, mais tragiquement condamnées au malheur par une étiquette patriarcale qui les violentera toujours et les conduira toujours à se violenter entre elles.

Ça te plaira si t'aimes : Portrait de Femme, Thelma & Louise, Portrait de la jeune fille en feu

Notre critique de Sissi & Moi

  

22. la famille asada

  • Sortie : 25 janvier 2023
  • Durée : 2h07

 

La famille Asada : photo, Kazunari NinomiyaDans la famille Asada, on demande le fils Masashi Asada

 

De quoi ça parle : Mashashi Asada est un jeune photographe qui met en scène les rêves inassouvis de sa famille. 

Pourquoi c'est génial : Voilà un film que personne dans la rédaction n'attendait, encore moins dans ce top 10. Et pourtant, La Famille Asada mérite amplement de figurer parmi les meilleurs films de cette mi-année tant celui-ci est puissant, narrativement, visuellement et surtout émotionnellement. Ce long-métrage japonais réalisé par Ryota Nakano retrace l'histoire vraie d'un jeune photographe et des membres de sa famille qu'il a mis au centre de plusieurs de ses travaux. À l'image de ses clichés fidèlement reproduits à l'écran, une joie et une candeur communicatives se dégagent de ce long-métrage qui opère comme un antidépresseur.

Mais cette famille fonctionnelle et décomplexée n'est qu'une facette du film, qui s'attarde aussi à restaurer nos souvenirs et moments de vie a priori anodins. Le réalisateur s'intéresse au parcours de Masashi Asada, puis finit par se substituer à lui. Comme le photographe, Ryota Nakano fait appel à de la mise en scène, c'est-à-dire à une part d'artificialité, pour capter l'authenticité et l'essence de ses sujets. Il souligne les petits détails qui les caractérisent et n'appuie sur le déclencheur que quand il est certain d'avoir parfaitement compris qui il a devant son objectif. De fait, le film témoigne une tendresse et une bienveillance sans concession envers l'intégralité de ses personnages, des principaux aux plus secondaires. 

Ça te plaira si t'aimes : Mes Voisins les Yamada, Little Miss Sunshine, La Famille Bélier

Notre critique de La Famille Asada 

 

21. la montagne

Sortie : 1er février 2023 - Durée : 1h52

 

La montagne : Photo Thomas SalvadorLa Montagne, ça vous gagne

 

De quoi ça parle : Du changement de vie de Pierre, qui découvre les Alpes lors d'un séminaire professionnel. Fasciné par la chaine de montagnes, il finit par s'installer en altitude et refuse de redescendre.

Pourquoi c'est génial : Après l'excellent Vincent n'a pas d'écailles, le très attachant Thomas Salvador continue sur sa lancée avec un film fantastique d'une beauté bien plus éclatante que son minimalisme assumé ne le laisse présager. Sur le papier, avec ses prises de vue naturalistes spectaculaires et son rythme doucereux, La Montagne a tout d'un Into the Wild français. Du moins jusqu'à ce que le surnaturel s'en mêle tardivement et révèle sa singularité.

Comme dans son précédent long-métrage, Salvador se met lui-même en scène. Et ce qui pourrait tourner à l'égotrip mégalo est au contraire une preuve d'humilité assez désarmante, puisqu'en visant les sommets et en atteignant une forme de pureté naturelle presque mythique, son héros apprend tout simplement à trouver sa place dans un monde habité aussi bien par la médiocrité que par le sublime. La modestie sincère qui transparait dans le dernier acte a de quoi fragiliser le plus endurci des coeurs de pierre (c.-à-d. notre rédacteur en chef).

Ça te plaira si t'aimes : La rando, Vincent n'a pas d'écailles

Notre critique de La Montagne

 

20. the lost king

  • Sortie : 29 mars 2023
  • Durée : 1h49

 

The Lost King : photo, Sally HawkinsÉdimbourg d'un seul 

 

De quoi ça parle : Une femme se découvre un jour une passion dévorante pour l'histoire de Richard III, et décide de découvrir sa sépulture.

Pourquoi c'est génial : Réalisateur prolifique s’il en est, l’Anglais Stephen Frears occupe solidement les salles de cinéma depuis 1968, à raison d’un film tous les deux ans en moyenne. Avec une production variée, le réalisateur ne fait pas toujours autant de bruit qu’avec son film emblématique, Les Liaisons Dangereuses, sorti en 1988. Pourtant, sa filmographie est émaillée d’un tas de pépites qui valent le coup d’être dénichées. C’est le cas du sublime The Lost King, inspirée de l’histoire vraie et invraisemblable de Philippa Langley, la femme qui a découvert le corps perdu du roi Richard III en 2012.

Interprétée par la trop rare et délicieusement british Sally Hawkins, la Philippa de Frears incarne trois combats en un : celui des invalides dans un monde validiste, celui des femmes dans un monde d’hommes et celui de la vérité historique sur le fantasme dans la fiction. Avec toute l’élégance et la légèreté dont il est capable, Frears réussit à prendre le contrepied de l’imposante tragédie shakespearienne Richard III tout en rendant hommage à la force de sa poésie. Sous ses airs de petit film mignon qu’on regarde à l’heure du thé, The Lost King est un film magnifique, bouleversant et important, qui rappelle à quel point Frears reste l’un des fleurons du cinéma britannique et du cinéma tout court.

Ça te plaira si t'aimes : Looking for Richard, Tamara Drewe, Erin Brockovich

Notre critique de The Lost King

 

19. de humani corporis fabrica

  • Sortie : 11 janvier 2023
  • Durée : 1h58

 

De Humani Corporis Fabrica : photoL'aventure intérieure

 

De quoi ça parle : De ce qu'il y a en nous. Mais pas métaphoriquement.

Pourquoi c'est génial : Sur le papier, De humani corporis fabrica ressemble à un banal documentaire sur la chirurgie. Dans les faits, c’est une expérimentation hyper radicale qui ausculte moins l’acte en lui même que les corps mis à nu, ouverts, les chairs exposées et parfois malmenées par le scalpel, les organes à vif. Le tout de très, très près puisque la plupart des images proviennent directement d’instruments de captation chirurgicaux. D’où ces plans absolument hallucinants qui partent de l’intérieur du corps pour en sortir et laisser le spectateur découvrir quelle sombre partie de l’anatomie humaine il a pu observer.

Alors bien entendu, il faut avoir l’estomac accroché (phobiques des césariennes ou des lésions oculaires, abstenez-vous) et d’ailleurs ils sont en général nombreux à avoir jeté l’éponge au milieu de la séance. Mais c’est justement cette dimension quasi horrifique, explicitée dans un final presque inquiétant, qui fait du long-métrage une œuvre absolument inédite. En apnée dans les recoins mal éclairés de notre corps et même dans ceux de cerveaux en fin de parcours, il nous renvoie violemment à notre véritable nature : un tas de viande dégoulinant, malléable comme une gigantesque sculpture de pâte à modeler organique. Ça pique. 

Ça te plaira si t'aimes : Docteur maboule, Caniba 

 

18. babylon

  • Sortie : 18 janvier 2023
  • Durée : 3h09

 

 

De quoi ça parle : L'ascension et la chute de plusieurs personnages lors de la transition du cinéma hollywoodien dans les années 20.

Pourquoi c'est génial : Damien Chazelle avait impressionné son monde avec Whiplash et La La Land avant de se lancer à la conquête de la Lune dans le moins estimé First Man. Sans trop de surprise, le réalisateur est donc revenu à ses thèmes de prédilection avec le cinéma et surtout la musique avec Babylonet quel retour. Avec une ambition impressionnante (le film dure plus de 3h), Damien Chazelle tente de recréer le Hollywood des années 20 notamment en capturant les derniers jours de l'ère du muet et la transition complexe vers le cinéma parlant.

Il en résulte une oeuvre complètement folle, souvent incapable de différencier la décadence et l'outrance, à l'image de cette scène mirobolante avec un éléphant, l'incroyable fête d'introduction et la plongée dans les entrailles orgiaques de Los Angeles. D'où cette étrange sensation que le film jongle en permanence entre une préciosité et majesté enivrante, mais aussi une vulgarité et négligence assez étonnante venant de Damien Chazelle.

Pour autant, Babylon parvient toujours à effacer ces fautes de goût grâce à ses furieux soubresauts scéniques et musicaux. La musique fabuleuse de Justin Hurwitz, la mise en scène audacieuse de Chazelle et le jeu remarquable de Margot Robbie (parmi d'autres) transforment alors ce chaos ambiant en véritable expérience de cinéma hors-norme.

Ça te plaira si t'aimes : Chantons sous la pluie, Boulevard du Crépuscule, Ave Cesar, Once Upon a Time... in Hollywood

Notre critique de Babylon

 

17. les filles d'olfa

  • Sortie : 5 juillet 2023
  • Durée : 1h47

  

Les Filles d’Olfa : photoUne affaire de famille

 

De quoi ça parle : De Olfa et de ses filles. Deux d'entre elles ont quitté le domicile familial, radicalisées par des groupes terroristes. La mère et les deux soeurs restantes vont rejouer les évènements.

Pourquoi c'est génial : Le documentaire de Kaouther Ben Hania s'appuie sur un dispositif singulier : il propose à Olfa et à ses filles de rejouer la perte des deux jeunes femmes, parties faire le Jihad et désormais emprisonnées. Celles-ci sont incarnées par de véritables comédiennes. De même que la mère est remplacée par une actrice lors des séquences les plus difficiles.

La cinéaste aurait pu en tirer une fiction étrange pétrie de malaise, mais ce n'est pas ce qui l'intéresse. Les Filles d’Olfa est un vrai documentaire, ou plutôt même une sorte de making of d'un film... dont on n'apercevra que des bribes. En soumettant à la famille cette idée, elle observe sa dynamique et chronique en temps réel un processus d'introspection de son propre chef. Une spontanéité dans le traitement d'un évènement passé assez unique.

Transparait de l'expérience un point de vue singulier sur la radicalisation, thème souvent évoqué dans les médias traditionnels. En laissant ses sujets interagir entre eux et avec les actrices, la réalisatrice lève le voile (sans mauvais jeu de mots) sur une terrible fracture idéologique. Pas question de pointer du doigt des responsables, mais plutôt de raconter ce moment où la lutte des générations, le contexte social ou familial mènent au pire.

Ça te plaira si t'aimes : Valse avec Bachir, Le Bouton de nacreHow to save a dead friend (autre très bon documentaire sorti cette année)

Notre critique de Les Filles d'Olfa

  

16. the fabelmans

  • Sortie : 22 février 2023
  • Durée : 2h31

 

 

De quoi ça parle : L'histoire de Sammy Fabelman, un jeune adolescent qui tombe amoureux du cinéma, commence à faire ses propres films chez lui et ressemble étrangement à un certain Steven Spielberg.

Pourquoi c'est génial : En s’attaquant à sa propre enfance, et au traumatisme qu’a représenté le divorce de ses parents, Steven Spielberg n’a pas fait que signer un chef-d'œuvre introspectif. Il revient en filigrane sur certains des motifs primordiaux de sa filmographie, d’une enfance chahutée à la nécessité de grandir en passant par l’amour inconditionnel de parents tourmentés.

Le cinéaste en tire une galerie de portraits d’une incroyable tendresse, dont la maestria technique ne cesse de fluidifier les impressionnantes ruptures de ton. The Fabelmans en devient vertigineux, d’autant que Spielberg confirme l’évidence de sa mise en scène et sa maîtrise d’un langage que découvre justement le jeune Sammy. Le personnage devient rapidement obsédé par l’idée de contrôler les images, et il fait tout pour ne jamais laisser s'échapper la lumière du projecteur.

Tout est dans l’attrait de cette lumière, qui nous attire comme des insectes, et nous laisse suspendus aux ombres qu’elle projette. Spielberg fait du placard de Sammy sa propre version de la caverne de Platon. Un lieu clos essentiel pour communiquer, et interpréter le monde sous un autre angle.

Ça te plaira si t'aimes : Armageddon Time, E.T., Cinema Paradiso

Notre critique de The Fabelmans

 

15. the house (skinamarink)

  • Sortie : 28 juillet 2023 (directement sur Shadowz)
  • Durée : 1h40

 

 

 

De quoi ça parle : Deux enfants se réveillent au milieu de la nuit pour découvrir que leur père a disparu et que toutes les fenêtres et les portes de leur maison ont disparu.

Pourquoi c'est génial : Car comme Blair Witch avant lui, The House explore un dispositif, une sous-culture et des peurs universelles, ici ancrés dans l’enfance. Kyle Edward Ball, pour son premier long-métrage, annonce une nouvelle ère en faisant pleinement entrer la culture Internet au cinéma. Et cette démarche revêt une importance particulière lorsqu’on sait que d’autres vidéastes tels que Kane Parsons, également Youtubeur, va introduire l’univers des Backrooms dans le septième art pour A24.

D’abord vidéaste sur YouTube, Kyle Edward Ball débute sa filmographie par un cinéma de l’attente, créant une atmosphère authentique inspirée de ses courts-métrages basés sur les peurs de ses abonnés. Il puise également dans Silent Hill et toute une culture vidéoludique qui exploite brillamment la peur du vide, la solitude et l’anti-spectaculaire. Utilisant le found footage, lié à tout un pan de l’horreur moderne, The House joue surtout sur l’imaginaire du spectateur, ouvrant ainsi la voie à un cinéma expérimental.

Alors que le genre de l’horreur est souvent enlisé dans une narration convenue, des frissons éculés et un manque criant d’authenticité, Kyle Edward Ball amène un nouveau souffle dont le cinéma d’horreur américain (et mondial) avait cruellement besoin.

Ça te plaira si t'aimes : Blair Witch, Paranormal Activity, Ring, V/H/S

Notre avis sur le phénomène The House alias Skinamarink

 

14. the killer

  • Sortie : 10 novembre 2023 (sur Netflix)
  • Durée : 1h59

 

 

De quoi ça parle : Après une catastrophe évitée de justesse, un tueur se bat contre ses employeurs (et lui-même) dans une chasse à l'homme à travers le monde qui, dit-il, n'a rien de personnel.

Pourquoi c'est génial : Avec The Killer, David Fincher est revenu en pleine forme. Quand on nous vend Michael Fassbender en tueur à gages traqué à travers le monde dans un film réalisé par l’un des maîtres du thriller contemporain, on signe directement. Sauf que David Fincher prend le contrepied total de nos attentes. Contrairement aux habituels dialogues et rythmes effrénés de l’action, The Killer prend son temps.

Le spectateur est forcé d’écouter la moindre pensée d’un Monsieur Tout-le-monde orgueilleux incapable d’harmoniser ses réflexions et ses actes. Le tueur est le reflet du spectateur, un pion de la société moderne qui s'auto-persuade qu'il n'en est pas un. Le principal intérêt de The Killer réside peut-être dans son montage sonore, en perpétuel désaccord avec la mise en scène millimétrée  et délibérément linéaire, comme le récit  du long-métrage.

David Fincher nous fait entendre la musique du tueur via ses écouteurs, puis via un point de vue neutre, et nous prévient même parfois avant son tueur de la menace qui arrive. "Respecte ton plan", répète le tueur anonyme de Michael Fassbender sans jamais le faire. David Fincher ne le fait pas non plus, et nous livre un nouveau long-métrage clivant, mais brillant, bercé d'un humour noir dont lui seul a le secret.

Ça te plaira si t'aimes : Le Samouraï, Collatéral, Tuez Charley Varrick !, Le flingueur, La loi du milieu...

Notre critique de The Killer

  

13. Suzume

  • Sortie : 12 avril 2023
  • Durée : 2h02

 

Suzume : photoUn film qu'il est beau

 

De quoi ça parle : Suzume est une adolescente de 17 ans qui vit dans un petit village où elle rencontre un jour un jeune homme à la recherche d'une porte. Sans trop savoir pourquoi, elle décide de le suivre dans sa quête. 

 

Pourquoi c'est génial : Depuis le succès de Your Name, Makoto Shinkai devient l’un des nouveaux auteurs phares de l’animation japonaise. Son romantisme à fleur de peau, sa mélancolie bouleversante, et sa vision d’un sublime vertigineux trouvent avec Suzume quelque chose de définitif. Sa narration fantastique programmatique lui permet de condenser ses obsessions à partir de son duo de protagonistes, en mission pour refermer des portes menant vers une dimension dangereuse.

Ce postulat pourrait lasser, mais Shinkai joue de cette répétition pour marquer ses variations, et l’évolution touchante de son couple de héros dans un mélodrame d'une totale efficacité lacrymale. L'épique du récit est même intelligemment contrasté par l’humour du réalisateur, qui s’amuse ici avec une chaise qui parle et avec un petit chat espiègle.

Mais surtout, le cinéaste personnifie plus que jamais les catastrophes naturelles si ancrées dans la culture japonaise. Suzume revisite le passé et les traumatismes par la poésie de la ruine, et met en perspective ses personnages avec le pays meurtri qui les accueille. Un film d’une beauté et d’un lyrisme sidérants.

Ça te plaira si t'aimes : Your Name, Les Enfants du Temps, Silent Voice, Le Voyage de Chihiro...

Notre critique de Suzume

 

12. TÁR

  • Sortie : 25 janvier 2023
  • Durée : 2h38

 

TÁR : photoCate Blanchett, maestria

 

De quoi ça parle : L'histoire de Lydia Tár, une cheffe d'orchestre avant-gardiste mondialement connue et vénérée... jusqu'au jour où sa vie bascule et son image se dégrade.

Pourquoi c'est génial : En seulement deux films, le déchirant In the Bedroom et le troublant Little Children, Todd Field avait marqué les esprits, dévoilant à la fois un talent indéniable de metteur en scène, mais aussi de conteur hors pair. Et pourtant, le cinéaste avait complètement disparu des écrans radars depuis 2006. Son retour avec TÁRnouveau film original suivant la descente aux enfers d'une cheffe d'orchestre, était donc très attendu, d'autant plus avec Cate Blanchett dans le rôle principal.

Sans surprise, l'Américain n'a pas perdu de sa maestria en plus de quinze ans d'absence puisque TÁR, en plus d'être un nouveau bijou de mise en scène, est un portrait incisif du 21e siècle à travers une figure inspirante, mais controversée (et fictive). D'abord précieux dans sa fausse simplicité, le thriller psychologique qui se met en place progressivement à l'écran devient captivant au moment de sa bascule : un échange rude entre Tár et un étudiant sur la différenciation "homme vs artiste" (entre autres).

En découle alors une étude fascinante sur nos postures morales, nos convictions malléables et un monde où la vérité est de plus en plus difficile à décrypter (notamment à l'ère des réseaux sociaux). Et en ajoutant une atmosphère fiévreuse à son récit, Todd Field (qui est également scénariste) parvient alors à livrer un puzzle complexe, ambigu et mordant.

Ça te plaira si t'aimes : Sils Maria, Eve, Vox Lux, Blue Jasmine, La Chasse...

Notre critique de TÁR

 

11. le procès goldman

Sortie : 27 septembre 2023 - Durée : 1h56

 

Le procès Goldman : Arieh Worthalter, Arthur HarariProcès d'intention

 

De quoi ça parle : Du procès très médiatisé de Pierre Goldman, fervent militant communiste accusé de braquage et de meurtre.

Pourquoi c'est génial : Les amateurs de films de procès ont été servis en 2023, surtout s'ils ont fait un tour sur la Croisette pendant le Festival de Cannes. Le Procès Goldman est très différent du long-métrage multi-récompensé en 6e position de ce classement, d'une part car il relate un véritable évènement, d'autre part car il ne sort pas du tribunal passé la scène d'introduction. Un minimalisme qui contraste avec la personnalité forte en gueule du personnage principal, figure exubérante cristallisant une certaine tension politique et sociale.

Le réalisateur Cédric Kahn choisit d'opter pour un format légèrement plus resserré que la largeur de la salle d'audience. Ainsi, il se force à recadrer son point de vue, qu'il filme les soutiens ou les détracteurs de l'accusé, lesquels se livrent une véritable guerre à l'arrière de la pièce, d'autant plus intense que les figurants réagissaient spontanément au déroulement du procès. Un travail de mise en scène méticuleux, qui met à rude épreuve à la fois le grand théâtre de la justice et une société française qui n'a pas changé tant que ça sans jamais quitter des yeux ceux qui la faisaient trembler. Et Arieh Worthalter est phénoménal.

Ça te plaira si t'aimes : 12 Hommes en colère, Présumé Innocent, la Fille au bracelet...

Notre critique de Le Procès Goldman

 

10. JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

  • Sortie : 29 mars 2023
  • Durée : 1h58

 

Je verrai toujours vos visages : photoLa ronde

 

De quoi ça parle : Des personnes victimes et coupables d'infraction dialoguent dans le cadre de la Justice Restaurative.

Pourquoi c'est génial : Déjà, dans son très beau deuxième film Pupille, Jeanne Herry racontait l'importance des mots pour créer et réparer les liens. Elle creuse encore plus la question dans Je verrai toujours vos visages qui tourne entièrement autour des paroles, qu'elles soient cris ou chuchotements. C'est le sujet du film puisque c'est tout le principe de la Justice Restaurative, mise en place en France depuis 2014 en complément de la justice pénale : créer un dialogue entre les victimes et les auteurs d'une infraction ou agression, dans un cadre sécurisé où tout le monde vient pour parler.

Sur le papier, on dirait une bête utopie digne des bisounours. À l'écran, c'est une passionnante bataille, où les silences et les mots sont lancés à travers la pièce pour espérer retrouver du sens dans la violence. Réalisatrice et scénariste, Jeanne Herry dirige ses acteurs et actrices d'une main de maître (notamment Élodie Bouchez, Adèle Exarchopoulos, Dali Bensallah, et Miou-Miou), avec une attention toute particulière sur les intonations, l'articulation et le rythme, pour que le public retrouve lui aussi le goût des mots et des paroles. C'est magnifique, c'est déchirant, c'est d'une intelligence rare (l'ultime confrontation avec Chloé et son frère), et c'est d'une simplicité qui attrape à la gorge dès la première seconde.

Ça te plaira si t'aimes : Polisse, Pupille, Women Talking, la série En thérapie...

 

9. oppenheimer

  • Sortie : 19 juillet 2023
  • Durée : 3h01

 

 

De quoi ça parle : Du Dr. Robert J. Oppenheimer et du Projet Manhattan, destiné à mettre en place la première bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale.

Pourquoi c'est génial : À chaque nouveau film, Christopher Nolan semble toujours plus en phase avec sa vision du septième art, au point de tester les limites de ses spectateurs dans de grands films populaires. Le pari était grand. Sa réussite en est d'autant plus miraculeuse. Si Dunkerque était un faux film de guerre, Oppenheimer est un faux biopic, où le montage éclaté et les temporalités croisées du cinéaste lui servent plus que jamais à questionner notre rapport à l'histoire avec un grand H.

En opposant les points de vue du protagoniste et de Lewis Strauss (merveilleux Cillian Murphy et Robert Downey Jr.), Nolan retourne aux origines de sa filmographie : un cinéma de la perception, de la pure subjectivité, qui amène un homme à porter la culpabilité du monde sur ses frêles épaules. En faisant un film sur le créateur de la bombe atomique, le réalisateur aurait pu se complaire dans une échelle gargantuesque et écrasante, surtout maintenant qu’il utilise à leur plein potentiel les caméras IMAX. Or, Oppenheimer est une oeuvre d'une maîtrise faussement discrète. Avec ses lents travellings, qui remettent les corps au centre du cadre, il peut désormais transformer le visage en paysage épique, qu’on se plaît à ausculter à chaque gros plan.  

Ça te plaira si t'aimes : l'angoisse de l'Apocalypse nucléaire, Threads, Docteur Folamour

Notre critique de Oppenheimer

 

8. Simple comme sylvain

  • Sortie : 8 novembre 2023
  • Durée : 1h50

 

Simple comme Sylvain : critique de la comédie romantique de l'annéeIl n'y a rien de plus complexe que la simplicité

De quoi ça parle : Sophia sent que son couple un peu trop pépère bat de l'aile, et sa rencontre avec le beau Sylvain ne va rien arranger. 

Pourquoi c'est génial : Sur le papier, il est facile de vendre le film réalisé par Monia Chokri comme une bête comédie romantique sur une bourgeoise frustrée qui s'éprend d'un gentil prolétaire. Autrement dit, Simple comme Sylvain pourrait se contenter de remâcher un pitch simpliste et caricatural, mais c'est bien là toute la malice de la cinéaste québécoise.

Si le long-métrage reprend effectivement plusieurs motifs de la romance neuneu, c'est pour mieux les tordre et les pervertir, avec un résultat à la fois drôle, grinçant et déchirant. La relation entre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal) et Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) n'est pas une évidence et a même quelque chose de déroutant. On constate leur épanouissement sexuel, mais aussi la débâcle sentimentale qu'ils traversent conjointement. C'est donc une histoire d'amour à laquelle on peut avoir du mal à croire, qu'on peut voir comme une chute libre ou une impasse. 

Cette rencontre est pourtant belle dans son caractère passionnel, charnel et éphémère. Sur ce point, la réalisatrice filme d'ailleurs remarquablement la sexualité de ses protagonistes, et plus particulièrement le désir féminin qui passe par la découverte, la désinhibition, le plaisir (évidemment) et surtout la communication. Mais c’est en voulant figer cette relation si spéciale, en voulant la cadenasser jalousement et finalement définir l’indéfinissable en accord avec des attentes sociales étouffantes que la situation leur échappe tristement. 

Ça te plaira si t'aimes : Babysitter (le précédent film de Monia Chokri), (500) jours ensemble

Notre critique de Simple comme Sylvain

 

7. le garçon et le héron

  • Sortie : 1er novembre 2023
  • Durée : 2h03

 

Le Garçon et le Héron : Le Garçon et le Héron explose tous les records pour son premier week-endLe Garçon et le héron, Le Vent se lève... les deux faces d'une même pièce

 

De quoi ça parle : Le père du jeune Mahito s'est remarié avec la soeur de sa défunte épouse et déménage avec son fils à la campagne. Là-bas, Mahito fait la découverte d'un étrange héron et d'une tour en ruines construite par son énigmatique Grand-Oncle.

Pourquoi c'est génial : Le Garçon et le Héron a de quoi diviser tant celui-ci cherche à déstabiliser et désorienter son public, comme souvent chez Hayao Miyazaki. C'est un conte initiatique et labyrinthique qui ne répond pas à un schéma type ou à d'autres exigences que celle de son créateur. De fait, la narration s'égare et fait des détours, le récit étant saccadé pour offrir des parenthèses magiques sans forcément leur chercher un but ou un sens précis. L'artiste a donc donné vie à une nouvelle oeuvre libre et imprévisible qui ne peut fonctionner que si on consent à être pris par la main et baladé d’un endroit à un autre, sans forcément comprendre (ou même apprécier) toutes les escales. 

Le cinéaste nous ouvre à nouveau les portes de son imaginaire onirique, et on retrouve bien la plupart des fils rouges thématiques et visuels de son cinéma. Mais il serait dommage de ne voir Le Garçon et le héron que comme une relecture nostalgique du Voyage de Chihiro, car cet aspect familier se met au service d’un propos plus grand sur l’héritage et ses fardeaux, là où il a souvent été question pour Ghibli de trouver l'héritier de Miyazaki. Le fait d’envoyer valser ses faux impératifs est donc un beau message plein d’espoir pour l’avenir du studio d'animation. 

Ça te plaira si t'aimes : Le Voyage de Chihiro, Le Vent se Lève (et plus globalement les films de Miyazaki), Alice au pays des merveilles, Voyage vers Agartha

Notre critique de Le Garçon et le Héron

 

6. anatomie d'une chute

  • Sortie : 23 août 2023
  • Durée : 2h31

  

Anatomie d'une chute : photoChute accidentelle ou criminelle ?

 

De quoi ça parle : Sandra est jugée pour le meurtre de son mari, mais le procès ne peut départager le vrai du faux.

Pourquoi c'est génial : Après avoir bouleversé la Croisette et remporté la Palme d’Or cannoise, Anatomie d’une chute a séduit les salles françaises et les festivals internationaux. Et il y a de quoi : le film de Justine Triet passe sur son spectateur comme un rouleau compresseur, broyant la moindre de ses certitudes pour lui permettre de questionner sans relâche ses préjugés et ses interprétations. Pour ce faire, la réalisatrice prend le parti de ne jamais dévoiler ce que pense ou ressent sa protagoniste, pour que le public ne puisse, comme les jurés, ne se fier qu’au récit.

Au casting, Sandra Hüller est à la barre, et impressionne par son charisme glacial. À ses côtés, le jeune Milo Machado Graner livre une partition sans faute dans le rôle de Daniel, le fils malvoyant de Sandra, tandis que le trop rare Swann Arlaud brille en avocat droit comme la justice. Il fallait bien ce niveau d’interprétation pour accompagner ces 2h30 d’épreuve psychologique, dont on ne ressort qu’avec la seule satisfaction d’avoir été mis en face de ses propres limites. Un film de procès tout aussi héritier de son genre que rejeton rebelle, qui n’a pas fini de conquérir la planète et de s’imposer dans les mémoires.

Ça te plaira si t'aimes : Autopsie d’un Meurtre, La Vérité, The Staircase (la série documentaire de Netflix)

Notre critique d'Anatomie d'une chute

 

5. la passion de dodin bouffant

  • Sortie : 8 novembre 2023
  • Durée : 2h14

 

La Passion de Dodin Bouffant : photoLes petits plats dans les grands

 

De quoi ça parle : L'histoire d'amour entre le gastronome Dodin Bouffant et sa cuisinière Eugénie, qui passe avant tout par l'amour de la nourriture 100% pas végétarienne.

Pourquoi c'est magnifique : Le film qui a pris par surprise toute l'équipe, dès le Festival de Cannes (Prix de la mise en scène) jusqu'à sa sélection pour représenter la France aux Oscars (plutôt qu'Anatomie d'une chute). Pourtant, sur le papier, rien de bien extraordinaire dans cette histoire de bourgeois amoureux de leurs pot-au-feu et de leur indépendance confortable, portée par Benoît Magimel et Juliette Binoche – qui ont par ailleurs été en couple, dans une autre vie.

Mais la magie de La Passion de Dodin Bouffant arrive pas-à-pas, ou plutôt plat après plat. Dès la scène d'ouverture, aux airs de ballet silencieux, le réalisateur Tran Anh Hung (L'Odeur de la papaye verte) capte quelque chose de mystique dans cette cuisine et dans cette harmonie muette entre Dodin et Eugénie. Leur histoire est celle d'une délicatesse et d'une pudeur aussi belle que douloureuse, car pleine de non-dits et de jeux.

La Passion de Dodin Bouffant est aussi une histoire de temps. Qui file, qui passe, qui échappe. Qu'il faut maîtriser pour parfaire ses plats et qu'il faut accepter quand il vient frapper à la porte. C'est là que le personnage d'Eugénie est particulièrement bouleversant, puisqu'une part d'elle restera inatteignable et mystérieuse jusqu'au bout. Juliette Binoche est formidable, et il suffit de repenser à la toute dernière scène, et la question qu'elle pose à Dodin, pour se souvenir de la saveur unique de cette merveille.

Ça te plaira si t'aimes : Ratatouille, The Lunchbox, Maïté qui t'explique comment manger les ortolans

Notre critique de La Passion de Dodin Bouffant

 

4. SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE

  • Sortie : 31 mai 2023
  • Durée : 2h21

 

 

De quoi ça parle : Alors qu'il vient de retrouver Gwen Stacy, le Spider-Man de Miles Morales est transporté dans le Multivers, bousculant encore un peu sa vie d'adolescent.

Pourquoi c'est génial : Après la claque de New GenerationSpider-Man : Across the Spider-Verse était une des plus grosses attentes de l'année. Et même si cette suite avait tous les risques de s'écrouler sous son propre poids, c'est finalement un autre miracle, artistique et industriel, même si les récentes déclarations des équipes techniques ont quelque peu désenchanté ce conte de fées cinéphile.

Pour rester sur le film en lui-même et non sa production chaotique, il dépasse toutes les attentes esthétiques avec un nouveau patchwork qui profite des possibilités infinies qu'offre l'animation. Le résultat est d'un dynamisme électrique grâce à la multitude de styles d'animation, de graphismes et de courants artistiques pour créer des dimensions toutes plus singulières les unes que les autres. C'est particulièrement le cas pour celle de Gwen Stacy, où les couleurs pastel et les arrière-plans plus abstraits s'adaptent à ses émotions ou les expriment quand elle veut les réprimer, ressemblant ainsi à une toile en train d'être peinte.

Côté scénario, la narration inaboutie est frustrante, mais cette première moitié de diptyque proposes des réflexions moins évidentes qu'a priori sur l'industrie des super-héros, la nécessité de ne plus simplement décliner la même histoire sous des traits différents, mais de l'exploser pour réellement créer du neuf avec du vieux. Miles Morales cherche ainsi à reprendre son histoire en main, et plus globalement celle de Spider-Man au moment où la légitimité de son existence est remise en question.

Ça te plaira si t'aimes : Tous les films Spider-Man (surtout la trilogie de Sam Raimi et Spider-Man : New Generation)

Notre critique de Spider-Man : Across the Spider-Verse

3. beau is afraid

  • Sortie : 26 avril 2023
  • Durée : 2h59

 

 

De quoi ça parle : Beau tente de se rendre chez sa mère, mais le monde semble se liguer contre lui.

Pourquoi c'est génial : Il n'aura fallu que deux films (Hérédité et Midsommar) à Ari Aster pour complètement renverser le cinéma horrifique américain. Et si, avec Beau is Afraidle cinéaste confirme qu'il est bel et bien un des maîtres contemporains de l'horreur, il démontre surtout que l'étendue de son talent ne s'arrête pas aux frontières du genre en question. Ari Aster s'évertue ainsi à muter tout ce qu'il touche en objet de malaise, le tout à travers une expérience faussement chaotique dissimulant une richesse thématique éblouissante.

Derrière le surréalisme perturbant du premier acte de Beau is Afraid, l'humour noir déjanté de son deuxième acte ou l'horreur existentielle concluant les dernières mésaventures de son héros (Joaquin Phoenix en totale parano), Ari Aster continue en effet à étudier ses obsessions avec un cynisme imparable et une ingéniosité visuelle qui force le respect. Car derrière la profonde auscultation des liens familiaux toxiques, l'Américain livre une expérience narrative unique capable de fusionner enjeux intimes et voyage opulent, histoire imprévisible et destination inéluctable.

Non seulement Ari Aster donne naissance à une sorte de film-somme venant (sans doute) clôturer la première partie de sa carrière et se positionne en véritable Dieu de ses propres créations, transformant le cinéma en un théâtre cruel détenant le pouvoir de vie et de mort. Fabuleux.

Ça te plaira si t'aimes : Psychose, Magnolia, Mother!, toute la filmo d'Ari Aster et notamment ses courts-métrages

Notre critique de Beau is afraid

 

2. mad god

  • Sortie : 26 avril 2023
  • Durée : 1h24

 

Mad God : photoUn miroir tendu au monde dentier

 

De quoi ça parle : Un Assassin surgit des abysses et s’enfonce au cœur d’un univers infernal peuplé de créatures mutantes et de scientifiques fous.

Pourquoi c'est génial : Au bout de 30 ans de travail, le génial créateur d’effets spéciaux Phil Tippett aura réussi à créer le parfait cauchemar. Dans ce film en stop-motion terriblement dérangeant, l’artiste fait une démonstration de tous ses talents. Avec une photographie aussi belle que sombre, ses terribles marionnettes sont formidablement animées image par image pour créer un monde dystopique qui ressemble étrangement au nôtre. Un homme descend toujours plus loin sous terre, explorant par palier les différents étages qui ressemblent de plus en plus à l’enfer.

Un enfer qui met en scène le pire dont sont capables les hommes, tant certaines atmosphères rappellent les horreurs de la Shoah et le désespoir de la guerre. À travers un fantastique désespérant, Phil Tippett émerveille visuellement, mais retourne l’estomac avec un film qui se veut un miroir tendu à ce qu’on refuse de voir au fond de nous. Une œuvre qui prouve aussi, si c’était encore nécessaire, l’efficacité et la beauté des effets spéciaux en dur : l’image de Mad God ne vieillira jamais, et son souvenir marquera longtemps les personnes qui l’auront vu comme une incarnation sublime de la part refoulée de l’humanité.

Ça te plaira si t'aimes : Junk Head, Métal hurlant...

Notre critique de Mad God

 

1. killers of the flower moon

  • Sortie : 18 octobre 2023
  • Durée : 3h26

 

 

De quoi ça parle : Devenu l'un des peuples les plus riches du monde grâce au pétrôle, les Osages sont victimes d'une étrange série de meurtres dans les années 20.

Pourquoi c'est génial : Avec Robert De Niro et Leonardo DiCaprio, les deux acteurs fétiches de Martin Scorsese réunis pour la première fois derrière sa caméra, et également l'excellente Lily Gladstone au casting, Killers of the Flower Moon était l’un des évènements de l’année. Toute la rédaction n'est pas forcément d’accord sur la nécessité de sa durée-fleuve de 3h26, mais l’équipe est globalement unanime sur sa puissance et sa beauté tragique.

En s’attaquant à l’histoire des Osage et notamment à la série de meurtres dont ils ont été victimes dans les années 1920 en Oklahoma, adapté du livre éponyme de David Grann, Martin Scorsese livre, à plus de 80 ans, une sorte de magnum opus. Killers of the Flower Moon jongle ainsi entre le polar noir, le western romantique, la tragédie horrifique, le portrait historique et le devoir de mémoire, mettant en lumière l'invisibilisation d'une culture, la soif de domination des Blancs et la violence systémique de l'Amérique. 

De quoi déployer une fresque criminelle épique, brutale, mais aussi et surtout exténuante, amère et funèbre sur la cupidité et la cruauté humaine… tout en parlant de cinéma, de son avenir et de sa crainte de le voir disparaître notamment dans un épilogue miraculeux. Bref, difficile de ne pas succomber devant une telle richesse de cinéma revenant à ses origines et ses fondamentaux.

Ça te plaira si t'aimes : Le Fleuve sauvage, Mississipi Burning, Les Affranchis, Casino, There Will Be Blood...

Notre critique de Killers of the Flower Moon

 

Killers of the Flower Moon : les tops de l'année

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commentaires
Ghost Leopard
17/01/2024 à 18:26

Au fait, Mars Express est toujours en salle dans les cinémas Pathé.
Il est reprogrammé pour une semaine de plus.

Cest génial ! Sincèrement, je suis vraiment content pour l'équipe du film et plus généralement pour le cinéma d'animation français ! (^_^)

Euh
03/01/2024 à 13:06

Écran large semble être passé à côté de Dernière nuit à Milan, et c'est dommage. Même pas une critique sur le site. Polar tendu, personnages attachants, Pierfrancesco Favino...

Marc en RAGE
02/01/2024 à 16:18

Top 3 des film 2023 ☆☆☆☆☆
LE GARÇON ET LE HÉRON
THE CREATOR
MARS EXPRESS

Geoffrey Crété - Rédaction
25/12/2023 à 20:00

@Kirby

On a beaucoup aimé Le Règne animal
https://www.ecranlarge.com/films/critique/1491602-regne-animal-critique-monstres-compagnie-romain-duris

Mais c'est le jeu des tops : laisser des films de côté quand on fait le bilan...
Il "manquera" toujours des oeuvres, mais ça ne veut pas dire qu'elles sont oubliées ou pas aimées.

Kirby
25/12/2023 à 19:54

Moi, le gros choc de l'année, c'est Le Règne Animal. Certainement le film français le plus ambitieux de l'année. Vu son sujet, ses thèmes, son ambiance, je dois avouer être étonné de ne pas le retrouver dans votre top.

Raph
25/12/2023 à 19:39

Mon top 5

1- Anatomie d'une chute (chef d'oeuvre absolu)
2- Le procès Goldman
3- Perfect Days
4- The Fabelmans
5- L'enlèvement

Beaucoup aimé aussi Chiens de la casse, Yannick ou encore Je verrai toujours vos visages : preuve que le cinéma français a de très belles choses à dire, si on arrive à sortir du tourbillon médiatique Astérix / Les Trois Mousquetaires (et plus globalement toutes les purges avec François Civil et Jonathan Cohen).

Dario 2 Palma
25/12/2023 à 19:17

De cette liste je retiens les bonnes surprises de THE LOST KING (léger, touchant, drôle et excellement interprété), BABYLONE (imparfait, trop long mais si généreux!) et LA PASSION DE DODIN BOUFFANT (touchant, avec un beau couple et de jolies images).
Pas convaincu par contre par le gentillet et convenu THE FABELMANS et l'interminable, plat et mou dernier opus de Martin Scorsese, pas relevé par les prestations cabotines de Di Caprio et De Niro!

RickDalton
25/12/2023 à 16:28

Bravo et merci pour votre top très complet (même si je ne suis pas d'accord avec tout, nottament Oppenheimer et Beau is Affraid). Pour ma part cette année était prometteuse sur le papier mais finalement très décevante. D'habitude je ne classe que les films que j'ai notés entre 4 et 5 étoiles (et ça me fait généralement une liste pouvant aller jusqu'à 15 ou 20 films) mais cette fois j'ai dû baisser mes exigences pour arriver à un classement de seulement 10 films. Les 2 premiers sont d'énormes coups de coeurs qui sont directement allés s'inscrire dans la liste de mes films préférés, les 5 suivants sont d'excellentes surprises puis le reste sont de bons moments passés au milieu d'une année médiocre.

1) Killers of the Flower Moon 5/5 : de loin le meilleur film de l'année et de la décennie pour le moment. Un chef-d'œuvre de noirceur, de radicalité politique, de mise en scène, d'acteurs au sommet de leur art (Gladstone, DiCaprio et De Niro forment le plus impressionnant trio d'acteurs que j'ai vu depuis longtemps), d'orfèvrerie des costumes et des décors. Un film à la fois épique et intime, qui refuse les codes Hollywoodiens actuels (pas de musique assourdissante, pas de twists, pas de héros ni de rédemption, personnages complexes et nuancés, pas de grandes scènes d'actions), le genre d'oeuvre majeure qu'il faudra revoir encore et encore pour l'apprécier toujours plus et qui continuera à alimenter les débats entre cinéphiles dans les années à venir. Scorsese se réinvente, continue à se transformer et à grandir malgré ses 80 ans ; délaissant certains tics stylistiques et narratifs, il va vers une certaine épure. Comme l'ont déjà dit récemment Coppola, Cuarón ou Spielberg : Scorsese est bien le plus grand metteur en scène vivant (devant Peter Watkins, Coppola, Wong Kar-Wai ou Terrence Malick). Le dernier géant du Cinéma mondial. Hâte de voir The Wager, en espérant qu'il pourra nous offrir encore 3 ou 4 films car plus personne ne réalise de tels monuments de nos jours.

2) AfterSun 5/5 : absolument bouleversant, à la fois si complexe et tellement simple. D'un côté si gracieux et doux, de l'autre si sombre et désespéré. Ça fait longtemps que je n'avais pas autant été secoué émotionnellement, qu'un film ne m'avait autant ramener à des sensations/situations vécues. Paul Mescal et Frankie Corio forment un duo inoubliable.

3) Mars Express, 4,5/5 : visuellement splendide, richesses des thématiques abordées, maîtrise technique impressionnante et récit passionnant certes ultra-référencé mais qui développe sa propre identité. Monumentale et magnifique surprise, le sommet SF de l'année.

4) "Sabotage - How to Blow Up a Pipeline" 4,5/5 : thriller écolo ultra-nerveux, encore une autre excellente surprise passée bien trop inaperçue. Un sommet de tension qui va droit au but, sans fioritures. Représente un peu la rencontre d'un film de casse moderne avec le rappel d'un certain cinéma enragé et engagé des années 70 qui n'existe plus, pas étonnant que le FBI se soit tellement opposé à la sortie du film.

5) Godzilla Minus one : énorme claque pour l'un des meilleurs films de la franchise. Audacieux, intelligent, exigeant, absolument terrifiant, doté des plans les plus spectaculaires de 2023 : un vrai grand blockbuster qui ridiculise toutes les grosses machines rouillés américaines de l'année, avec un budget ridiculement bas estimé à 10 millions (à titre de comparaison l'affreux Aquaman 2 c'est plus de 200 millions de budget et le désastreux Astérix l'empire du Milieu c'est 70 millions).

6) Désordres, 4/5 : envoûtante petite ode à l'anarchisme et à l'anticaptitalisme, d'une intelligence folle et d'une audace discrète.

7) Past Lives, 4/5 : touchante comédie romantique sur le temps qui passe, pleine de délicatesse et de sensibilité. Encore plus impressionnant quand on se rend compte que ce n'est que le premier film de sa réalisatrice.

8) Anatomie d'une Chute, 3,5/5 : pas le chef-d'œuvre espéré mais tout de même un très bon drame psychologique complexe et ambigu sous forme d'étude chirurgicale des fondations du couple, portée par d'excellents acteurs (Sandra Huller en tête).

9 ex-æquo) The Holdovers - Winter Break 3,5/5 : peut-être légèrement survendu par la presse, cette comédie dramatique douce-amère qui appartient également à une catégorie de cinéma classique qui n'existe quasiment plus n'en reste pas moins un joli moment avec quelques moments très drôles ou touchants (mais qui ne tombent jamais dans la mièvrerie facile) et un excellent Paul Giamatti.

9 ex-aequo) Flora and Son 3,5/5 : petite comédie musicale sans prétentions qui n'a absolument rien de mémorable mais suffisamment drôle et émouvante pour me rester en mémoire parmi les plus doux moments de cinéma de 2023, notamment à travers ses très jolies chansons. Découverte dans la brillante série HBO The Knick, Eve Hewson est sublime dans le rôle-titre. Et puis ça fait toujours du bien de revoir Joseph Gordon Levitt.

10) Skinamarink, 3,5/5 : le meilleur film d'horreur de l'année pour moi (avec le très gore et méchant When the Evil Lurks qui lui par contre n'a pas encore de date de sortie en France). Film expérimental qui parfois déroute et agace mais a le mérite d'exploiter a fond son concept et pour ceux qui en auront la patience, la dernière partie réserve quelques images parmi les plus traumatisantes que j'ai vu ces dernières années.

Mentions honorables : Perfect Days, Tar, Mad God, Le Règne Animal, La Main, Ballerina, Dream Scenario (pour Nicolas Cage dans une des meilleures performances de 2023), Asteroid City (j'ai globalement beaucoup plus apprécié ce nouveau Wes Anderson que ses précédents mais la partie en N&B sur les coulisses du théâtre était si laborieuse, prétentieuse et inutile que ça m'a empêché de lui donner une note supérieure).

En fait c'est surtout le cinéma hollywoodien qui a été particulièrement mauvais. Certains gros films censés être de qualité m'ont énormément déçus (les survendus Barbie, Oppenheimer, Avatar 2, Napoléon, Wonka, Maestro : que de gâchis et de ratages), des auteurs que j'aime beaucoup ont sortis des films très moyens (Fincher avec un The Killer vide et répétitif, Ari Aster et son Beau is Affraid qui passé une excellente première heure devient viscéralement insupportable, Damien Chazelle et son Babylon certes fascinant par moment mais bien trop foutraque pour convaincre totalement avec sa dernière partie extrêmement ratée, Spielberg et son Fabelmans qui m'avait beaucoup plu la première fois mais qui après analyse me paraît extrêmement bancal et attendu et un peu prétentieux, Todd Haynes et son très fade "May December" ou "Le Monde après nous" de Sam Esmail qui intrigue dans sa première partie puis se perd dans une écriture caricaturale et une fin scandaleuse) et niveau blockbusters de divertissement tout m'a paru très médiocre (les Scream, Marvel, Mario, Fast and Furious, la Nonne, John Wick, Five Night at Freddy's etc). Parmi les films importants qui me manquent j'ai le Spiderman, "La Passion de Dodin Bouffant", "The Lost King", le Miyazaki et "Je verrai toujours vos visages" mais globalement ça ne changera pas grand chose au constat final : ça restera dans tous les cas une année très décevante. Et celle à venir s'annonce encore pire...

Geoffrey Crété - Rédaction
25/12/2023 à 14:11

@Alec1

Si, l'article séries a été publié aujourd'hui :)

Alec1
25/12/2023 à 12:49

Merci pour le top ! Je l'attendais.
Vous voudriez 0as faire la même chose pour les séries ?

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