Cannes 2023 : les 10 meilleurs films (ou presque) à voir absolument

La Rédaction | 27 mai 2023 - MAJ : 20/09/2023 17:46
La Rédaction | 27 mai 2023 - MAJ : 20/09/2023 17:46

Le Festival de Cannes 2023 a eu son bon et son moins bon. Ecran Large vous en dit plus sur les 10 meilleurs films (ou presque) qu'il ne fallait pas manquer.

Si les habituels navets et autres déceptions sont toujours de mise, la sélection cannoise de 2023 a été plutôt enthousiasmante. Cependant, avec plus de 100 films présentés dans toutes les sections confondues (entre la Sélection officielle, la Quinzaine des cinéastes, la Semaine de la critique et l'ACID), un bon paquet de films se sont démarqués – et encore, l'équipe d'Ecran Large présente sur place est loin d'avoir tout vu. C'est pourquoi on a décidé de revenir sur les 10 meilleurs films de ce Festival de Cannes (ou presque).

Pour éviter la redondance, on a évincé de cette liste les films qui ont déjà été traités par Ecran Large pendant le festival. Vous pouvez donc retrouver nos textes sur les films suivants :

Cette liste (évidemment subjective) permet ainsi de mettre en avant 10 autres films qu'il fallait voir sur la Croisette, afin de vous conseiller de les rattraper en salles lorsqu'ils sortiront. C'est parti, sans ordre précis !

 

 

club zero

Durée : 1h50 - Sélection : Compétition officielle

 

Club Zero : photoLa tête des festivaliers devant le film

 

Bon, Club Zero a largement divisé la rédaction présente à Cannes puisque le film a reçu à la fois la meilleure et la pire note sur notre tableau des étoiles. Et c'est sûrement une bonne raison pour le mettre dans cette liste des films à ne pas manquer. Car s'il est loin d'être l'un des films les plus importants de la Croisette cette année pour toute l'équipe, le fait qu'il clive autant est bien la preuve qu'il ne faut pas le manquer. Avec son histoire de secte nutritionnelle menée par une jeune prof bien sous tout rapport (Mia Wasikowska) dans un lycée, le film de Jessica Hausner est en effet assez provocateur.

S'ouvrant carrément sur un carton d'avertissement sur les TCA (entre autres), Club Zero annonce la couleur. Et s'il a pu tomber dans une moquerie facile des pratiques alimentaires contemporaines (végétarisme, veganisme...), le film a heureusement une ambition tout autre (même si tout le monde n'est pas d'accord sur ce point), car le véritable sujet n'est pas ce que mangent les gens.

Jessica Hausner s'intéresse en effet plutôt à la manière dont les plus vulnérables se font endoctriner dans des sectes-idéologies et la dangerosité grandissante des influenceurs de pacotilles, faux-prophètes, voire institutions religieuses. À une époque où les anti-vax et complotistes ont fait la une pendant la pandémie, c'est une satire terrifiante sur le rejet édifiant de la science, le tout opéré au coeur d'une mise en scène minimaliste à la précision maladive.

 

jeunesse (le printemps)

Durée : 3h32 - Sélection : Compétition officielle

 

青春 : photoQue jeunesse se fasse

 

Un documentaire de plus de trois heures sur des ateliers de confection textile en Chine, forcément, ça fait peur. Pourtant, le cinéaste Wang Bing, désormais rompu à l'exercice, pétrit une pâte cinématographique absolument somptueuse. Oui, Jeunesse (Le Printemps) est long, voire trop long, mais le film cherche justement à provoquer le spectateur, à le faire passer par tout un stade d'émotions (la fascination, l'agacement, la lassitude) pour mieux nous plonger dans le quotidien aliénant de ces travailleurs. La plupart sont jeunes et issus de zones rurales, dans lesquelles ils espèrent retourner avec suffisamment d'argent.

Mais tout n'est que pauvreté extrême, négociations au yuan près, et gestes répétés avec la précision de machines. Le long-métrage n'en devient que plus fascinant, attaché à cette cinégénie industrielle, dont l'immuabilité est prolongée par les plans du cinéaste. Qu'il filme les couloirs de dortoirs ou des ateliers identiques, Wang Bing joue avec la profondeur de ses cadres, qui semblent renforcer l'absence de finalité de ce système carnassier. Et ce n'est que le premier volet d'une trilogie !

 

les filles d'olfa

Durée : 1h47 - Sélection : Compétition officielle

 

Les Filles d’Olfa : photoQuatuor bouleversant

 

Les Filles d’Olfa repose sur un dispositif documentaire hautement casse-gueule : la femme du titre est une Tunisienne et mère de quatre enfants, mais deux d'entre elles ont disparu en Syrie, attirées par l'État islamique. Pour combler cette béance, et comprendre ce qui a mené à cette tragédie, la réalisatrice Kaouther Ben Hania a trouvé deux actrices pour incarner ces jeunes femmes, et rejouer des scènes de leur vie. En mêlant ainsi fiction, réalité et reconstitution, le long-métrage pourrait vite s'empêtrer dans l'artificialité de sa démarche. Il n'en est rien.

En plus d'être fascinant et émouvant de bout en bout, Les Filles d'Olfa est un film qui assure ses arrières, et ne laisse rien au hasard. Alors qu'Olfa semble prendre le contrôle du récit, la parole de ses filles se libère, et met en exergue la responsabilité de cette mère de famille exigeante et violente dans le départ de ses filles. Pour autant, Kaouther Ben Hania évite les réponses prémâchées, et préfère ausculter les paradoxes de la société tunisienne dans toutes leurs complexités, au travers de cette sororité cabossée.

 

la passion de dodin bouffant

Durée : 2h14 - Sélection : Compétition officielle

 

La Passion de Dodin Bouffant : photoNotre Benito au fourneau

 

Si on nous avait dit que La Passion de Dodin Bouffant réalisé par Tran Anh Hung figurerait dans cette liste avant Cannes, on ne l'aurait pas cru. Et pour cause, avec son histoire racontant comment une relation amoureuse est née entre deux cuisiniers, incarnés par Benoit Magimel et Juliette Binoche, à force d'occuper les fourneaux ensemble, il n'y avait pas de quoi être très excité. Puis, il y a eu cette introduction phénoménale dans ladite cuisine d'époque, où les deux personnages cuisinent un menu entourés de leurs deux jeunes commis, pendant près de 30 min, sans interruption.

Une ouverture qui signe la note d'intention du film où il n'est question que d'une succession de cuisson et dégustation au coeur d'une romance culinaire plutôt captivante, d'où résulte dans une sorte de magie inédite. Comment ne pas tomber sous le charme lorsque la cuisson d'un ortolan est élevée au rang d'art, une poire dénudée se mue en invitation au plaisir charnel et un ris de veau rallume la flamme d'un amour perdu ? Ajoutez-y la touche Magimel dans un rôle à la jonction de OSS 117 et son personnage de Pacifiction et vous obtenez en plus des dialogues complètement WTF.

Alors même si on ne peut pas s'empêcher d'y voir aussi beaucoup une longue pub pour la gastronomie française, il y a de quoi s'y risquer le 8 novembre prochain en salles.

 

dans la toile

Durée : 2h13 - Sélection : Cannes Première

 

 

On avait un peu perdu Kim Jee-woon ces dernières années, le cinéaste coréen ayant tristement enchainé les oeuvres franchement oubliables depuis J'ai rencontré le diable. Heureusement, avec Dans la toileil nous revient en grande forme dans une comédie jubilatoire sur le monde du cinéma.

Se déroulant dans les années 70, le film suit un cinéaste (Song Kang-ho) persuadé qu'il doit changer la fin de son film pour en faire un chef d'oeuvre. Il organise alors en urgence deux jours de tournage supplémentaires pour retourner une séquence bien précise, mais rien ne va pas se passer totalement comme prévu. Alors que Coupez ! faisait l'ouverture de Cannes en 2022, Cobweb (autre titre de Dans la toile) propose une mise en abyme assez similaire, jonglant habilement avec son double film pour déclarer son amour aux artistes et leur engagement intime, fervent, pour donner vie à leurs créations. Un délire drôle, passionné et multipliant les situations rocambolesques dans un numéro de mise en scène très inspiré.

 

only the river flows

Durée : 1h42 - Sélection : Un Certain Regard

 

Only the river flows : photo, Zhu YilongEt au milieu coule une rivière

 

C’était sans hésitation l’un des meilleurs thrillers de cette édition cannoise, toutes catégories confondues. Only the river flows, réalisé par Shujun Wei, est un film chinois se déroulant dans les années 90. Il y est question de Ma Zhe, un inspecteur de police qui enquête sur une série de meurtres survenus dans une petite ville grisâtre. Au fur et à mesure de ses recherches, la frontière entre rêve et cauchemar se brouille dans l’esprit de Ma Zhe, et le désespoir s’empare de lui dès lors qu’il se confronte aux tréfonds de la psyché humaine.

Avec une photographie superbe (le film est tourné en pellicule), Only the River Flows berce son spectateur dans la mélancolie brumeuse de ce drame policier aussi prenant qu’envoûtant. Jouant avec les points de vue et les limites du cadre, la mise en scène flirte avec le fantastique et fait preuve d’une étonnante maîtrise. Ajoutons à ça un casting très solide, Yilong Zhu en tête dans le rôle de Ma Zhe, et voilà l’une des pépites de ce festival.

 

Simple comme Sylvain

Durée : 1h50 - Sélection : Un Certain Regard

 

Simple comme Sylvain : Photo Magalie Lépine-BlondeauSimple comme super

 

Il y a eu de vraies pépites à Un Certain regard cette année (dont How To Have Sex reparti avec le Prix UCR), mais rien n'a été aussi beau que Simple comme Sylvain. Dans le film, Sophia, professeure de philosophie, a une vie stable et tendre avec son mari Xavier... jusqu'au jour où sa rencontre avec Sylvain va tout bouleverser et remettre en cause sa vie sentimentale. Un point de départ qui va permettre à Monia Chokri de confirmer son talent de metteuse en scène et scénariste.

Doté d'une énergie communicative, d'un sens du tempo savant et de dialogues absolument savoureux, son Simple comme Sylvain est une énorme bouffée d'oxygène. Une exploration généreuse du territoire amoureux où la Canadienne s'adonne à étudier les rapports sociaux, les différends de classes, dans une passion brûlante de désir et une bande originale entraînante (Scorpions forever). Bref, une dramédie romantique euphorique, drôle, émouvante, fougueuse, poétique, sensuelle, sexuelle... qui doit aussi énormément à son actrice principale : la superbe Magalie Lépine Blondeau.

 

 

in flames

Durée : 1h38 - Sélection : Quinzaine des cinéastes

 

In Flames : PhotoFlammes & Co

 

Drame horrifique pakistano-canadien, In Flames est le premier long-métrage de Zarrar Khan. On y découvre l’histoire de Mariam, une jeune fille dont le grand-père et patriarche de la famille vient de décéder. Son père n’étant également plus de ce monde, Mariam va devoir, aux côtés de sa mère, affronter toutes les violences d’une société patriarcale qui vont s’abattre sur elles. Entre les atteintes sociales, sexuelles, psychologiques et physiques, en quelques jours, Mariam va être témoin de la manière dont l’horreur sexiste s’immisce dans les moindres recoins du quotidien des femmes.

Malgré son propos fort et entier, le film parvient néanmoins à le mettre en scène avec subtilité, sans aucun voyeurisme ni violence gratuitement tape-à-l'œil. Le fantastique horrifique s’introduit petit à petit dans l’image, tandis que Mariam et sa mère vont apprendre à s’entraider pour y faire face. Zarrar Khan a profité d’un entretien suite à la projection cannoise pour expliquer qu’il voulait absolument, avec In Flames, raconter la violence subie par les femmes de son pays d’origine et dont il n’avait pas conscience lorsqu’il était enfant. Les comédiennes Ramesha Nawal et Bakhtawar Mazhar étaient également présentes pour expliquer la manière dont leurs personnages représentent la cause de toutes les femmes pakistanaises.

 

riddle of fire

Durée : 1h54 - Sélection : Quinzaine des cinéastes

 

Riddle of Fire : photoPortrait de jeunes enfants en feu

 

Véritable coup de coeur de la Quinzaine des cinéastes, Riddle of Fire semble au départ ne pas payer de mine. Avec ses airs de Stand By Me arty et son 16mm aux teintes pastels, le premier film de Weston Razooli a tout du coup d'essai de petit malin. En réalité, la vadrouille improbable de ses trois garnements principaux est un incroyable vent de fraîcheur, qui se transforme rapidement en partie délirante de jeu de rôle à hauteur d'enfant.

La mise en scène s'accorde à leur point de vue, à la magie de leur monde qui entremêle le réel et l’épique d’un conte médiéval, alors qu'ils partent en quête d'une... tarte aux myrtilles. Ils se perçoivent comme de véritables chevaliers, plongés dans la nature d'une Amérique du Nord fantasmatique. À accumuler les péripéties et les retournements de situation, Riddle of Fire pourrait vite souffrir de sa boulimie créative. Pourtant, le long-métrage trouve un équilibre rare, qui doit beaucoup à l'alchimie de son trio de jeunes acteurs (Phoebe Ferro, Charlie Stover et Skyler Peters), aussi drôles que vifs et complices. Une magnifique proposition, qui mixe à loisir une pop-culture poreuse, entre heroic fantasy, western et road movie.

 

The sweet east

Durée : 1h44 - Sélection : Quinzaine des cinéastes

 

The Sweet East : photoCoeur sur Talia Ryder

 

Alors qu'elle échappe à une fusillade en pleine sortie scolaire, Julian (fascinante Talia Ryder) se retrouve à déambuler dans l'est des États-Unis. À l'opposé d'un road movie, The Sweet East est un film qui fuit toute forme de linéarité, et lie sa multitude d'événements et de rencontres à la manière d'une rêverie à la Alice au pays des merveilles. Qu'elle rencontre des punks, un suprémaciste blanc qui s'avère être aussi universitaire ou l'équipe d'un film, la jeune héroïne se retrouve à s'émanciper dans cette Amérique délirante, alors même qu'elle semble rejouer les codes de contes pour mieux les pervertir (la demoiselle en détresse notamment).

Sean Price Williams (chef opérateur de Good Time) fait de ce voyage fantasque dans le passé de l'Amérique une réflexion passionnante sur la culture foutraque de tout un pays, ou plutôt sur sa déliquescence, faite de communautés isolées et irréconciliables, ainsi que de complotisme. Avec une énergie lynchienne soutenue par sa belle photographie (elle aussi en 16mm), The Sweet East est l'une des plus belles surprises de ce Festival de Cannes, sublimée par une drôlerie qui fait du bien, au sein d'une sélection parfois trop fière de son sérieux papal.

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commentaires
Brasch-Eazy-E
27/05/2023 à 22:11

A ce qu'il paraît, il y avait à Cannes le 1er film de Victor Erice, le génie derrière "L'esprit de la ruche", après 34 ans d'absence. Vous avez fait un article dessus ?

Grodeg
27/05/2023 à 21:46

Viens de regarder la cérémonie,

La vraie palme a eu le prix du jury.

La fausse est dans une mode du moment.

Bon film, mais jeune et pas fou car il demande confirmation car il pêche en terme de réflexion mais il va dans le sens du progrès.

Je suis dégoûté, verdict prévisible et convenu.

Si j’etais mauvaise langue je dirais qu’il est a l’image du narcissisme de son president du jury qui refuse un egal.

En réalité je mets une piece sur le nouveau binôme de la direction du festival.

Fonda arrive pour annoncer la palme, elle fait tout un discours sur les manques de reconnaissance et de participation de réalisatrices féminines dans le cinema (sans parler de sa pub piur l’oreal qui l’a sponsorise). C’est trop gros pour moi.

Ce milieu a toujours été malsain sauf qu’aujourd’hui il ne s’en cache plus, malheureusement il adment ouvertement être passé a autre chose.

Le caniveau a bon dos.

Sanchez
27/05/2023 à 17:09

Et votre palme c’est quoi ?