Cannes 2023 : on a vu Black Flies, le coup de poing ultraviolent avec Sean Penn

Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 16:00
Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 16:00

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2023 du Festival de Cannes. Entre cinéastes confirmés et jeunes talents prometteurs, la centaine de films sélectionnés a de quoi donner le tournis. Après l’ouverture de Maïwenn, Jeanne du Barry, c’est l’heure de revenir sur Black Flies. Pour son arrivée en compétition, Jean-Stéphane Sauvaire (Une prière avant l’aube) signe un uppercut d’une violence folle, avec Sean Penn et Tye Sheridan.

 

 

De quoi ça parle ? Ollie Cross est un jeune ambulancier, qui se retrouve à faire équipe avec Rutkovsky, un urgentiste expérimenté. Ensemble, ils arpentent chaque jour les rues de New-York, et font face à l’extrême violence de la ville... jusqu’à perdre pied.

C’était comment ? Un bon gros coup de poing en pleine face, soit exactement ce qu’on attend de Jean-Stéphane Sauvaire. Black Flies s’inscrit dans la continuité de ses précédentes propositions, Johnny Mad Dog et Une prière avant l’aube, qui s’étaient distinguées pour leur portrait sans concessions de personnages plongés dans les affres de systèmes ultra-violents (la guerre du Liberia, les prisons thaïlandaises).

En adaptant le roman quasi autobiographique de Shannon Burke sur les premières armes d’un jeune ambulancier, le réalisateur nous plonge au cœur de New-York et de ses quartiers populaires grouillant de vie... et de mort. Dès la première séquence, et sa soif d’un cinéma-vérité chaotique, la caméra et le montage s’emballent et cherchent sur quoi se concentrer, pour coller au point de vue de son protagoniste déboussolé par la cacophonie ambiante.

 

Black Flies : photoLe calme avant la tempête

 

C’est bien simple : Black Flies est un film qui chope par le col, et secoue son spectateur sans ménagement. Ponctué par des moments d’humanité entre Ollie et Rutkovsky, le long-métrage accumule surtout les saynètes et les situations pour renforcer un quotidien d’une violence inouïe. Blessures par balles, cadavre laissé des jours dans une baignoire, accouchement sanglant de femme droguée, tout y passe, de sorte que chaque appel d’urgence finit par engendrer une terrible appréhension. En pénétrant l’intimité des autres, ces héros de tous les jours sont contraints de poser leurs yeux sur un monde à nu, dans toute son horreur.

Alors que la mise en scène de Sauvaire se concentre sur les reflets et les lumières réfléchissantes d’une ville encapsulée dans ses lignes de métal, son film est tourné vers une porosité, une déliquescence de la matière qui abat les barrières, et fait de cet environnement une Sodome et Gomorrhe exhibitionniste. On pourrait d’ailleurs reprocher à cette idée, magnifique sur le papier, de souffrir d’une exécution un peu trop appuyée et systématique, à l’instar de ces sirènes d’ambulance qui envahissent de nombreux plans.

Le serment d’Hippocrate perd tout son sens au cœur de cette violence permanente, et cet emblème lumineux déborde du cadre, pour attaquer tel de l’acide ses personnages. De ce point de vue, on ne saurait enlever à Black Flies la cohérence de sa mise en scène. Le film suinte par tous les pores, et fait sortir le pire de l’être humain, de son enveloppe corporelle comme de sa psyché.

 

Une prière avant l'aube : photo, Joe ColeUne prière avant l'aube

 

L’expérience en devient presque trop éreintante (et n’évite pas quelques baisses de rythme), mais elle s’accorde parfaitement au désespoir que capte Jean-Stéphane Sauvaire. Au cœur de cette mégapole cosmopolite, les urgentistes ne représentent plus l’humanité dans toute son universalité. Ils traversent une cité segmentée, qui divise plus qu’elle ne rassemble. Tout le monde est à la même enseigne : abandonné par un système qui s’auto-dévore, à commencer par celui d’une santé qui ne cherche jamais à épauler ceux qui assistent tous les jours au pire.

Dès lors, Black Flies se perd parfois dans son rapport très élégiaque à son sujet (surtout vers la fin), mais la descente aux enfers qu’il met en scène est des plus troublantes et fascinantes. Il faut dire que le cinéaste, qui a lui-même suivi des ambulanciers pendant de longs mois, peut compter sur les performances impliquées de Sean Penn et de Tye Sheridan (le héros de Ready Player One).

Au-delà de la précision de leurs gestes, sur lesquels le réalisateur s’attarde dans le chaos global des situations, c’est bien leur visage qui s’impose au centre du dispositif. Tout est dans la retenue, dans la douleur enfouie qui ne demande qu’à s’extirper, à déborder à son tour. Qui soigne nos soigneurs ? Voilà la question, plus actuelle que jamais, que pose Sauvaire par la force de son cinéma désespéré.

Et ça sort quand ? Aucune date de sortie n’a été confirmée pour le moment, mais Black Flies devrait sortir en salles en 2023.

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commentaires
gege le vrai
19/05/2023 à 17:27

content de voir thauvin réussir une reconversion dans le ciné

Birdy l'inquisiteur
19/05/2023 à 12:19

Cet excellent acteur aurait du avoir des rôles majeurs bien plus souvent. Gâchis.

sylvinception
19/05/2023 à 11:16

@Hank Hulé tu suis les avis de Libé ?? (lol)

Penn leftist terminated
19/05/2023 à 10:11

son moment de gloire eternelle a mettre sur sa pierre tombale de cinema
a Cannes pour Flag Day son metrage projete autour du 10 juillet 2021
"En refusant de se faire vacciner, ces gens nous entraînent vraiment vers la fin du monde"

RIP
"

Hank Hulé
19/05/2023 à 09:55

Le film se fait démonter dans Libération...

Altaïr Demantia
19/05/2023 à 09:41

D'après ce que je lis dans la critique, ce n'est pas du tout la même approche que dans À tombeau ouvert.

Dans Black flies on est, visiblement, dans quelque chose qui ressemble à du cinéma vérité, qui montre par le biais de la fiction les ravages du capitalisme sauvage américain. C'est "Urgence" pour le côté précis du métier et des gestes, avec en plus la dimension sociale désespérée et la violence inhérente à un tel système.

Trop éprouvant pour moi.

saiyuk
19/05/2023 à 09:20

Je suis un peu comme Kyle Reese, le sujet me fait penser de suite au film de Scorsese, mais cela ne me choque pas, des films aux sujets similaire il y en a plein. Critique qui donne envie en tout cas

Kyle Reese
19/05/2023 à 09:05

Votre critique donne sacrément envie. Mais c’est la que je me rappel ne toujours pas avoir vu en entier le film de Scorsese A tombeau ouvert car je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression d’y être réfractaire. Je l’avais lancé mais ai arrêté le film assez rapidement, j’avais du mal à m’y accrocher. Bref. Content de voir que l’acteur de ROP trouve de bon projet. Il était très bien dans The card counter.