Cannes 2023 : on a vu Le Règne animal, un film de monstres (français) qui fait du bien

Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 16:00
Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 16:00

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2023 du Festival de Cannes. Entre cinéastes confirmés et jeunes talents prometteurs, la centaine de films sélectionnés a de quoi donner le tournis. Après l’ouverture de Maïwenn, Jeanne du Barry, c’est l’heure de revenir sur Le Règne animal. Ouverture de la sélection Un certain regard, le long-métrage de Thomas Cailley (Les Combattants) est un bien beau film de genre, porté par Romain Duris.

 

 

De quoi ça parle ? Certains humains sont sujets à des mutations qui les transforment en animaux, à l’instar de la femme de François. Quand cette dernière est placée dans un centre spécialisé dans le sud de la France, le mari embarque son fils de 16 ans, Emile, dans une aventure qui va chambouler leur vie.

C’était comment ? Avec Les Combattants, Thomas Cailley avait déjà réussi un subtil mélange des genres, au travers d’une base de comédie loufoque qui vrillait petit à petit à la romance et au film survivaliste, avant de toucher du doigt le fantastique. Après l’inégale série de science-fiction Ad Vitam, le cinéaste a l’opportunité de pousser encore plus loin cette logique avec Le Règne animal.

Dès la scène d’introduction, où l’image d’un embouteillage sur le périphérique se voit parasitée par l’arrivée impromptue d’un homme-oiseau comme décharge horrifique assumée, la note d’intention rassure. Là où on aurait pu s’attendre à voir ce concept fantastique ne servir que de métaphore grossière, le film ne grille pas les étapes. Au contraire, avant de permettre à son sous-texte de se développer, Thomas Cailley déploie avec un premier degré revigorant son univers, les conséquences de ces mutations et les bouleversements sociaux qu’ils ont engendré.

 

Le règne animal : photoUn film qui travaille ses décors

 

Parce qu’il croit dur comme fer à ce qu’il raconte, il nous embarque sans peine dans les mésaventures de François (Romain Duris, parfait en père de famille dépassé) et d’Emile (Paul Kircher, admirable dans la physicalité de son jeu), tandis qu’ils croisent une galerie de personnages joyeusement fantasques.

A partir de là, Le Règne animal trouve un équilibre rare, en poussant dans ses retranchements une symbolique traitée à la manière d’un blockbuster américain, tout en y apportant des touches qui l’éloignent des carcans du genre. A vrai dire, l’accumulation plutôt habile de sous-intrigues et d’arcs narratifs pour brouiller les pistes cause un évident problème de rythme, mais on se laisse entraîner par ce coming-of-age détourné, ponctué par de la comédie romantique, du drame social, de l’action et de vrais moments comiques.

 

Le règne animal : photoY'a aussi Adèle Exarchopoulos en flic

 

A l’instar de ses créatures hybrides qui se cherchent, on ne sait jamais sur quel pied danser, et c’est dans ces moments que le long-métrage nous fait baisser notre garde. A force de tirer sur l’élastique, Le Règne animal se distingue autant par ses maladresses que par son envie presque scientifique de tester les limites de son idée. Chaque développement de personnage, chaque situation flirte avec le casse-gueule, mais s’en sort (presque) toujours grâce à l’inventivité et la foi évidente du réalisateur dans l’émotion au cœur de son récit.

Non seulement le sud de la France et ses paysages sont exploités à leur plein potentiel (et offrent un dépaysement plaisant pour une production de cet acabit), mais la mise en scène de Thomas Cailley profite grandement de ses audaces. Loin de l’habituelle suggestion du genre à la française, le cinéaste assume la monstration de ses créatures, jubile face à la qualité de ses effets visuels, et en profite pour épouser ces métamorphoses par de sacrés morceaux de bravoure (notamment avec des drones).

 

Le règne animal : photo"Je vais te faire courir moi !"

 

Résultat, tout ce travail en amont permet au film d’être bien plus qu’une simple fable sur la tolérance, la maltraitance animale et plus généralement l’écologie. Le réalisateur fuit le pamphlet facile pour se dédier à ses personnages, à leurs fêlures, à leurs doutes, à leurs contradictions dans ce monde qui ne sait pas comment aborder le changement, si ce n’est avec un élan de peur. Face à cette humanité mise à rude épreuve sur sa condition, Le Règne animal choisit une approche ambiguë, qui préfère s’attarder sur les questionnements philosophiques de son sujet plutôt que ses connexions plus directes avec le réel. Mais ça, il peut se le permettre, parce qu’il fait confiance à la beauté de son histoire, et à son spectateur.

Et ça sort quand ? Le 4 octobre 2023 dans les salles françaises.

Tout savoir sur Le Règne animal

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commentaires
Dario 2 Palma
20/09/2023 à 15:16

J'en ressors un peu mitigé. D'un côté on a une proposition plutôt singulière et relativement ambitieuse dans le cinéma français, un "pitch" intrigant, un casting décent (Duris et Kircher sont convaincants, Adèle est sous-utilisée), un visuel plutôt soigné (effets spéciaux et lumière), un joli et touchant dénouement mais de l'autre côté comme d'autres tentatives "de genre" à la française il faut avouer qu'on s'assoupit un peu par moments parce que la durée est un brin excessive, que la réalisation manque un peu de nerf et que le scénario ne sait pas toujours où nous embarquer, survolant les thèmes et les personnages. Un film qui a du potentiel donc mais qui aurait gagné à quelques ajustements.

Auguste Mars
20/05/2023 à 19:31

Intéressant !

Mx
20/05/2023 à 11:48

ils en parlent aussi sur d'autres sites, les retours sont positifs, dans l'ensemble.

Pathéoignons
19/05/2023 à 18:07

A force on se contente de peu.

Roxy
19/05/2023 à 13:53

@ Mx
Peut être parce qu'il l'a vu à Cannes, au même titre qu'EL...

Mx
19/05/2023 à 11:21

Sentez à, comment t’as pu voir le film 5 mois avant sa sortie?,

444
19/05/2023 à 10:59

Et Indiana Jones alors ?!?

Teemo1977
19/05/2023 à 10:33

Un peu le concept de Sweet Thooth? Quel comparaison pourriez vous en faire?

Sentenza
19/05/2023 à 10:25

Pas du tout convaincu par ce film avec un rythme trop inégal, des personnages caricaturaux et parfois trop peu approfondis (Exarchopoulos en tête), une morale tiédasse sur l'acceptation des différences et un humour trop présent achèvent ce film de monstres bien bancal.

Bilbo
19/05/2023 à 10:20

En voilà une critique qui donne envie ! L'année ciné 2023 est folle !

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