Le Règne animal : critique du vrai Monstres et Compagnie

Geoffrey Crété | 4 octobre 2023
Geoffrey Crété | 4 octobre 2023

Repéré par Les Combattants en 2014 (César du meilleur premier film, César de la meilleure actrice et César du meilleur espoir masculin), et passé par la série Ad Vitam, le réalisateur et scénariste Thomas Cailley est de retour au cinéma quasiment dix ans après avec Le Règne animal, co-écrit avec Pauline Munier. C'est toujours une histoire d'humains, de nature et de fin du monde, mais cette fois avec un angle résolument apocalyptique et fantastique. Une belle curiosité, menée par Romain Duris, Paul KircherTom Mercier et Adèle Exarchopoulos.

animal kingdom

Imaginez le Covid, mais qui fait littéralement pousser des ailes au lieu de donner de la fièvre. Ou la loterie génétique des X-Men, mais spécialisée dans les Toad et autres Angel. Ou une épidémie à la Spider-Man, mais même pas besoin de morsure pour se transformer en animal. Si Le Règne animal rappelle autant de choses, c'est qu'il part d'une idée très forte et évocatrice, et d'une fantastique piste de décollage pour l'imaginaire. Et si d'un coup, certaines personnes commençaient à muter pour devenir mi-humains mi-animaux ?

Cette idée, à la croisée des genres entre le film d'horreur (option body horror) et le film catastrophe, vient au départ de Pauline Munier. Thomas Cailley l'a repérée à l'école de la Fémis où il était juré, et ensemble ils ont co-écrit le scénario. C'est un peu l'équivalent du conte de fées pour scénariste, et Le Règne animal a justement un petit quelque chose de la fable avec sa forêt peuplée de créatures étranges, son petit village isolé, et cet adolescent en pleine métamorphose.

Conte écolo, conte fantastique, conte politique, conte adolescent, conte intimiste : Le Règne animal est un peu tout ça, et c'est surtout un de ces films bien trop beaux et fous pour ne pas forcer le respect.

 

 

les nuits fauves

Dans la scène d'intro, typique du film catastrophe, Thomas Cailley aurait pu jouer la carte du mystère et du hors-champ. Il choisit au contraire de vite dévoiler la première créature, qui restera la plus importante de son film : Fix, mi-homme mi-oiseau, incarné par Tom Mercier. Les "monstres" sont déjà là. Il ne s'agit plus de les découvrir, mais de les accepter et partager leur monde. En évacuant aussitôt les doutes pour montrer les détails, le réalisateur ouvre sans perdre une seconde les portes de ce nouveau monde.

La force du Règne animal vient principalement de cette audace et cette envie. Même si le récit se déroule avant tout à l'orée de ce royaume d'un autre genre, les créatures sont un peu partout et chacune de leurs apparitions provoque l'étonnement, les frissons, la fascination, voire un peu tout ça à la fois. Que ce soit au rayon surgelé d'un supermarché, dans l'arrière d'un restaurant ou au milieu des arbres, le film raconte comment le fantastique (le surnaturel qui arrive dans la réalité) devient le merveilleux (il est déjà là, et accepté), avec un sens de la poésie qui fait mouche même dans les recoins les plus grisâtres du quotidien.

 

Le Règne animal : photoLe remake de Birdman

 

De l'envol de Fix au-dessus d'un lac à l'assaut d'un havre de paix embrumé dans les bois, le film multiplie les visions fascinantes et exaltantes, servies par un très beau travail de maquillages, prothèses et effets visuels. Mais le plus beau, c'est que Thomas Cailley n'a pas besoin de ses créatures pour créer du cinéma. Il n'y a qu'à voir la scène où des hommes perchés sur des échasses se lancent à la poursuite du héros dans les champs, en pleine nuit : un moment presque halluciné.

Il faut dire que Le Règne animal est doté d'un sacré budget : 16 millions d'euros, soit plus que le film catastrophe Dans la brume (11 millions) avec Romain Duris aussi, ou Acide (environ 12 millions) avec Guillaume Canet. Oui, c'est très ambitieux... et risqué.

 

Le Règne animal : photoLe remake de Signes

 

zootropia

Problème : il y a trop de monde dans la cage du Règne animal. L'histoire tourne autour d'Emile, son père François et sa mère qui a disparu, et surtout sa propre métamorphose à la Kafka. Il y a aussi Nina, une adolescente qui se rapproche du garçon, et qui amène tout un versant teen movie. Il y a aussi la flic incarnée par Adèle Exarchopoulos, qui crée rapidement un lien avec le père. Et bien sûr, il y a Fix, central dans le développement du héros.

Avec en plus une toile de fond aussi riche, qui montre en filigrane comment la société peut gérer une telle situation (spoiler : ça se passe mal parce que les gens ont peur de l'Autre), le film finit par se court-circuiter. Le Règne animal dure deux bonnes heures et dans le dernier acte, il y a un sentiment de "trop". Trop d'étapes, trop de respiration, trop de temps mort, et trop de temps tout court avant d'arriver à la conclusion.

 

Le règne animal : photoLe remake du Livre de la jungle

 

Heureusement, cette conclusion remet le film sur les bons rails. Après avoir balayé tant de choses, Le Règne animal se termine sur la plus simple : le fils, et son père. Ce dernier élan sous forme de course-poursuite remet les pendules à l'heure et clôt le récit sur une puissante émotion douce-amère.

C'est là qu'il faut parler de Romain Duris (qui n'avait pas été aussi juste depuis un moment), Paul Kircher (alias Le Lycéen de Christophe Honoré) et Tom Mercier (vu récemment dans le trip La Bête dans la jungle). Thomas Cailley n'a pas juste casté des acteurs. Il a choisi des voix et des visages pour donner vie et corps à cette histoire un peu magique, et c'est aussi ça qui fait du Règne animal un voyage aussi étrange et étonnant.

 

Le Règne animal : Affiche

Résumé

Le Règne animal déborde d'idées, d'ambitions et de poésie pour donner vie et corps à ce monde mi-magique mi-inquiétant. Le pari est énorme, le savoir-faire impressionnant, et c'est largement assez pour emporter.

Autre avis Alexandre Janowiak
Croisant les genres avec maladresse, Le Règne animal jongle entre les instants magiques (une scène de chasse viscérale) et les idées souvent boursoufflées, ne réussissant jamais à choisir son identité.
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Lecteurs

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commentaires
Dan1fr
21/02/2024 à 23:05

Scénario improbable, acteurs approximatifs, dialogues insipides, effets spéciaux dépassés… bref, on s’ennuie et on quitte le film sans regret ! Où est passé le talent du cinéma français d’antan ?

Dan1fr
21/02/2024 à 22:55

NUL !

Roxy
16/02/2024 à 01:16

@ N'est pas Shyamalan qui veut
Ton "maître" a aussi réalisé des nanars tels que La Jeune Fille de l'Eau, Phénomènes, After Earth ou encore Le Dernier Maître de l'Air... Dans ces circonstances, la comparaison est assez douteuse.

N'est pas Shyamalan qui veut
13/10/2023 à 12:28

Un sujet type shyalamanien, le surgissement du fantastique dans le réel, et sous l'angle du réel. Ce qui fait qu'on est plus dans un film social dramatique que dans x men.
Finalement un décalque peu ou prou de la trilogie Incassable /Split/Glass : des individus découvrent leur différence, sont enfermés, puis libèrent leur pouvoir, avec toutes les interactions qui vont avec avec le monde humain..
Seulement là où le maître taille des chefs d'œuvre sur mesure surtout avec Incassable (plusieurs scènes mythiques pour ne pas dire mythologiques dès la séquence d'intro), côté français, je suis désolé de le dire, mais ça fait légèrement peine à voir. Le film raconte peu, le merveilleux est rare, on est plus dans Elephant & Freaks, donc la référence serait plus Del Toro.

Et cette scène de l'oiseau mort pourrissant dans le frigo ? Non même pas une petite poche plastique pour ne pas infester le frigo. C'est un détail mais ça a presque suffit à me sortir du film.

Je recommande presque de regarder la série Manimal MDPTDR

Flo
12/10/2023 à 11:35

Le film est très agréable une fois qu'on a compris (et intégré) que, comme "Les Combattants", c'est aussi grandement une comédie nonchalante, assumée... Très rigolote avec des répliques tac au tac, une Nina qui s'excuse d'être TDA (limite ils en auraient fait la blague sur les gosses HPI), le pote qui aime les reconstitutions médiévales, la flic qui dragouille ostensiblement. Même Fix est souvent drôle, comme un cousin de Raphaël Quenard - et non ce n'est pas Angel des X-Men car il n'est pas beau et lisse comme un ange (c'est le principe)... il est plus comme le mutant Le Bec, un freak désarticulé attachant.

Et malgré tout, le film garde la relation père/fils du début à la fin (lesquels début et fin se répondent l'un l'autre, en voiture). À chaque fois qu'ils s'éloignent, on revient toujours à eux, on garde un fil rouge clair qui fait qu'on ne peut jamais se perdre trop longtemps... Comme eux.
Quand le premier devra comprendre qu'il ne peut rien arranger et se retrouvera bientôt seul (ou presque), le deuxième prendra son indépendance totale (même sa mère semble le rejeter).
Dans l'intervalle, les allers-retours entre civilisation et forêt donne un rythme régulier au film.

Y compris le fait que les échanges comiques n'empêche pas le tragique, ni les sentiments conflictuels :
Fix qui perd sa voix, c'est comme s'il perdait son humanité, façon "La Mouche". Ça fait peur, c'est triste, c'est pessimiste envers les humains.
Mais comme l'oiseau prend l'avantage dans son organisme, ça nous donne juste après une scène d'envol euphorisante (pas comme "La Mouche" par contre). Ça permet de mieux accepter le fait que l'Animalité prenne le dessus.
Mettre en scène cela, c'est pas donné à tout le monde. Et ça force le respect.

Kyle Reese
10/10/2023 à 23:40

Très bonne surprise que voilà. Je n'ai vu que la BA énigmatique , lu la critique ici et un article ailleurs avant et puis go, mon premier film Français de l'année, ma BA, pour un film de genre fantastique évidement. Bah le film reste assez enigmatique et ce n'est pas plus mal. On sent bien qu'on n'est pas dans un film US ou tout est expliqué. Là on est au cœur de la vie avec ce "mal" (?) qui atteint des gens sans raison, sans distinction ... ça arrive, c'est arrivé, ça arrivera et voilà, faut gérer. C'est bien filmé, une très belle photo, la forêt la nuit superbe. Les VFX et maquillages sont réussis mais c'est surtout les acteurs qui emportent le tout, Duris et Kircher sont tous 2 excellents et touchant. On y croit fort à leur relation père fils. Et c'est le coté étrange de toutes cette faune aussi qui intrigue, avec un aspect poétique très joli. La tonalité du film étonne, sorte de mélange de drame, d'aventure, de film intimiste familial, de teen movie. Peut être un poil trop long, mais un film en tout point rafraichissant. Ca fait plaisir de voir un film Français ambitieux avec un réal qui sait à peu près ou il veut aller et le fait bien. Il faut encourager cela et ne pas hésiter à aller le voir.

Marc
10/10/2023 à 15:42

@Flo

J'ai lu ton avis , as tu appécié ce film ?
Le règne Animal aurait pu être un sacré film mais se perd en route. Oui l'homme oiseau FIX j'ai tout de suite pensé à ANGEL des X MEN.
Le point forts les créatures plutôt réussi.

Flo
10/10/2023 à 13:37

"Ton corps change. Ce n'est pas sale. Pense aux fleurs." :-)

Il faut se rendre à l'évidence, un film se passant loin des grandes villes a toujours le potentiel d'être un film d'aventure, ou un western, quel que soit le pays où ça se passe.
En tout cas pour Thomas Cailley, la ruralité ne quitte pas son cinéma depuis son court-métrage "Paris Shanghai", puis son remarqué premier film "Les Combattants", même si sa série "Ad Vitam" était plus proche de la ville... et d'un genre défini (Polar d'anticipation).
"Le Règne Animal" découle de ces opus précédents, ce cinéma évolue (et c'est peu de l'affirmer). Alors on y trouve encore un duo complémentaire et un peu opposé, un contexte de fin du (d'un) monde... et beaucoup de loufoquerie, sans que ça n'empêche l'émergence d'indicibles émotions.
"Les Combattants" finissait sur la promesse "la prochaine fois, on sera prêts", mais prononcée sur un ton badin, amusé. Cailley était-il, lui, prêt à monter sérieusement en gamme ? À être explicitement plus ambitieux ?

Le fait est que ce film là se veut plus ample, brasse une multitude de thèmes métaphoriques qui, contrairement à beaucoup de scenarii modernes, arrivent à coexister dans une même histoire sans se parasiter les uns les autres. Juste en visant la simplicité plutôt qu'une écriture trop complexe.
Alors oui, les spectateurs pourront ensuite choisir ce qu'ils vont préférer en retenir (ou bien, accepter le Tout) :
- Le film pandémique - bien initié par un embouteillage familier - et les façons dont les gens vont y réagir (aussi bien banalement que violemment) pour mieux se protéger.
- Le film de changement corporels, charriant aussi bien la question du passage à l'âge adulte, du deuil, de la puberté et de la modification identitaire (à la manière des X-Men).
- Le film communautaire, complémentaire du précédent, racontant la peur et la haine de "l'autre".
- Le film écolo-animaliste, narrant la protection de la Nature et la vengeance possible de celle-ci envers l'Humanité (une manière de rétablir la balance en faisant émerger de nouvelles espèces ?).
- Le film de quête, Conradienne d'une certaine façon puisqu'il sera question de la recherche d'une mère en s'enfonçant dans les profondeurs de la forêt, ou au fil de l'eau - un monde sans mère (nourricière) ? sans amour ?

Et le film de monstres bien sûr.
Le signe évident qu'un auteur a compris ce que représentent les monstres, c'est en représentant à l'écran aussi bien la peur et la stupéfaction, que la curiosité et l'émerveillement.
C'est bien le cas ici, l'argument promotionnel louant également la qualité des effets spéciaux allant du maquillage aux effets numériques en passant par l'animatronique - cette hybridation étant aussi celle du scénario et de la mise en scène du film, très efficace dans ses moments d'action (beaucoup de course-poursuites, et un raid en plan séquence à la fluidité dingue).
Et tout ça pourrait apparaître comme superficiel si le film ne soignait pas autant ses personnages... certes français moyens, mais dont l'évolution amène plusieurs d'entre eux vers une forme de grandeur.

Si le rôle de Adèle Exarchopoulos donne l'impression d'être une continuation de celui de Adèle Haenel, en femme protectrice souvent insolite, Romain Duris et Paul Kircher sont un couple père/fils construit sur le contraste (sans que Thomas Cailley ne les ait eu en tête à l'écriture).
L'un, avec paradoxalement son physique d'animal à la Wolverine, est un Mr je sais tout qui n'arrivera pas à cacher longtemps ses insécurités hypocrites (faites ce que je dis, pas ce que je fais).
L'autre est un échalas lymphatique gaguesque, qui suit un parcours tortueux le menant à un accomplissement grandiose.
Au milieu, un homme-oiseau (forcément symbolique), phénomène de foire en pleine mutation à la Cronenberg, auquel on s'attache à chaque nouvelle apparition. Et à la moitié du film, on le voit de plus en plus, lui et toutes les créatures. Sans ça, on serait dans une comédie dramatique (très drôle dans ses dialogues, ses ruptures de ton), qui serait trop timorée.

En n'ayant peur ni des sentiments, ni de brusquer, ni de refuser de se limiter à une seule gamme de tons, ce film ne fait pas qu'être une illustration de l'hybridation... C'est aussi celle de la désobéissance :
Celle, dans le récit, par rapport aux institutions trop strictes.
Et au Cinéma, par rapport aux normes dites acceptables.

"Tout' le règne tombe sur moi..."

Marc
07/10/2023 à 01:04

Les points positif les créatures plutôt réussi surtout la fille caméléon . Le plan elle est accroché à un arbre . Les point négatif le film est trop long 30 minutes , si le film se serait centré sur la recherche de la femme du personnage de Romain DURIS le film aurait été plus dense. Une tentative d'un film Français dans le genre film de monstre .
Le règne Animal ☆☆

Mathilde T
05/10/2023 à 23:43

Au moins le film essaie de tenter quelque chose d'original, c'est déjà ça

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