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Sky Dome 2123 : critique de l’autre pépite de SF (après Dune 2)

Par Déborah Lechner
25 avril 2024
MAJ : 5 juillet 2024

Après le surprenant Mars Express de Jérémie Périn en 2023, un autre film d’animation et de science-fiction est arrivé en salles. Il s’agit de l’ambitieux Sky Dome 2123, un premier long-métrage hongro-slovaque réalisé par Sarolta Szabó et Tibor Bánóczki, qui proposent une magnifique réflexion sur l’amour, le temps et la vie.

Sky Dome 2123 : critique de l'autre pépite de SF (après Dune 2)

« N’oubliez pas que la vie ne dure que 18 000 jours »

Comme le laisse deviner le titre, le postulat de Sky Dome 2123 n’a rien de très original. Un siècle après notre ère, la Terre est devenue stérile et l’Humanité s’est réfugiée sous d’immenses dômes. Pour maintenir un écosystème artificiel et garantir les ressources nécessaires à notre survie, toutes les personnes de plus de 50 ans sont obligatoirement transformées en arbre, ce qui laisse à chaque individu un maximum de 18 000 jours de vie.

Dans cette existence chronométrée, tout est calculé et rationalisé, la productivité et la procréation primant sur tout le reste. Ainsi, lorsque Stephan découvre que sa femme Nora, plus âgée que lui, a décidé d’abréger ses jours après la perte de leur fils, il tente tout ce qui est en son pouvoir pour la sauver et changer leur destin. Mais est-ce qu’on peut réellement « sauver » quelqu’un dans un contexte post-apocalyptique ?

Si le pitch laisse croire à une course contre la montre effrénée et une fuite en avant éreintante, la narration choisit au contraire ce que cette société sous cloche a renoncé à faire : ne pas se presser, prendre le temps, sans chercher à rentabiliser à tout prix les heures et les minutes. Ainsi, Sky Dome 2123 déroule un récit mélancolique et contemplatif. L’intrigue est lente, parfois même léthargique, sans tension palpable ni suspense insoutenable, sans grande révolte sociale ni réelle incidence sur ce système impitoyable.

Sky Dome 2123 : photoRien que la beauté de ce plan

Stephan et Nora sont des personnages ordinaires, globalement impuissants, qui n’ont pas vocation à bousculer quoi que ce soit à grande échelle. Ils n’ont d’emprise sur rien, si ce n’est leur relation, et éventuellement leur mort. Sky Dome 2123 est donc autant une histoire d’anticipation qu’une histoire d’amour qui se réveille après un long coma.

Alors que le temps leur manque cruellement, ils prennent justement « le temps », celui de jouer sur un piano désaccordé, de ranger une pièce saccagée dans laquelle ils ne reviendront jamais, de s’asseoir dans un théâtre vide, de ressasser les vieux souvenirs et de faire l’amour comme si c’était la première et la dernière fois. C’est simple, beau, triste et tellement fort.

Sky Dome 2123 : photo Les performances toute en retenue de Tamás Keresztes et Zsófia Szamosi

IL était une fois la vie

Dans Sky Dome 2123, la Terre est infertile, mais que ce soit à cause de la pluie ou de l’air respirable, elle ne donne jamais l’impression d’être morte. Avec les bâtiments en ruines et les navires abandonnés qui jonchent le paysage, c’est comme si l’Humanité avait tout détruit puis décrété que la vie n’était plus possible, alors qu’elle n’aspire qu’à regermer.

On a l’impression qu’un bourgeon pourrait sortir de terre à tout instant, qu’un oiseau pourrait passer dans le ciel ou qu’un poisson pourrait remonter un ruisseau. C’est comme si la planète hurlait de tout recommencer, mais que les humains restaient sourds et aveugles.

Sky Dome 2123 : photo À la veille d’une nouvelle vie

C’est là l’autre particularité du film : son humilité. Sky Dome 2123 porte une réflexion inconfortable mais juste sur notre condition et notre appartenance à quelque chose de plus grand et plus important que nous. Notre fin n’est pas une fin en soi (de même pour les personnages), car nous ne conditionnons pas la vie. Nous l’étouffons et l’assujettissons.

Le film n’a donc pas besoin de viser les étoiles et l’immensité de l’univers pour nous ramener dans un mécanisme dont nous ne sommes qu’un rouage, une forme de vie parmi tellement d’autres, un grain de sable dans un désert.

Sky Dome 2123 : photo Laisser l’évolution se faire sans nous, notre plus grand défi

Certaines scènes sont cruelles et poétiques à la fois, comme la fin (qu’on ne gâchera pas) ou la découverte des arbres-humains avec leurs feuilles à empreintes digitales, et le discours déshumanisant du scientifique qui s’en émerveille. Et tant qu’à parler de la beauté étrange du film, le parti-pris visuel de la rotoscopie complète la démarche.

Le fait de recréer les personnages à la main et non par ordinateur leur donne des traits vibrants, presque instables, si bien qu’ils paraissent continuellement en mouvements. Tout l’inverse des décors en 3D figés et des objets photoréalistes qui parcourent ce récit bien plus grand et sage qu’il n’y parait. Et quand on sait qu’il ne s’agit que du premier long-métrage du duo Sarolta Szabó et Tibor Bánóczki, on demande déjà à voir le prochain.

Sky Dome 2123 est au cinéma depuis le 24 avril 2024

Sky Dome 2123 : affiche

Rédacteurs :
Résumé

Oubliez Dune 2 (ou laissez-le juste de côté un instant), car Sky Dome 2123 est LA pépite de science-fiction insoupçonnée de ce début d’année. 

Tout savoir sur Sky Dome 2123
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Geoffrey Crété

@sandor82

Erreur corrigée, merci !

Pierre_Oh

Partagé sur ce film, ce qui est certain c’est qu’il mérite le visionnage. Il propose plein d’idées très cools pour traiter de ses thématiques, qui ne sont pas révolutionnaires mais fort intéressantes. Il est également parfois superbe.
Cependant, il a aussi d’autres défauts, comme je trouve une dernière partie qui manque d’un petit je ne sais quoi pour tout emporter, de passages que j’ai trouvés mal écrits (le dialogue dans le train sur l’enfant, si peu inspiré, par exemple), et d’une patte visuelle, certes parfois superbe, mais que j’ai trouvé également parfois laide.
Film inégal, mais dont le côté très mélancolique et évocateur est appréciable, et dont les qualités prennent à mon sens malgré tout le dessus sur certains défauts gênants.

sandor82

Étant d’origine hongroise, je me dois de préciser que le film est hongro-slovaque et non austro-slovaque. Les réalisateurs sont hongrois, les doubleurs également et Budapest est citée dans la bande annonce, qui est je vous le donne en mille : en hongrois !!
Pour une fois qu’on peut parler de la Hongrie sans parler de leur « dirigeant », merci de corriger svp 🙂 (et peut-être d’ailleurs un angle d’analyse intéressant ?)

Ghost Leopard

Vu à Annecy.

Très bon pitch.
Assez proche de films comme Soleil Vert et Le Règne Animal dans son approche des événements et dans la manière dont les personnages agissent et réagissent.
Le film souffre à plusieurs reprises d’un rythme mal maitrisé, à mon goût du moins.
Je trouve la première moitié du film beaucoup plus brillante que la fin dont j’ai par ailleurs du mal à me rappeler dans le détail.
À un moment, j’ai eu l’impression qu’au scénario et à la réalisation, ils ne savaient plus trop quoi dire avant de conclure.
J’ai trouvé l’animation correcte. Il faudrait que je creuse pour voir à quel point c’est de la rotoscopie.
Très bonne direction artistique pour tout ce qui est décors, véhicules, etc, environnement graphique d’une manière générale.

Film intéressant mais, au regard des défauts précités, peut être clivant suivant qu’on rentre dans le trip ou pas.

Foutu pour foutu

Y’a un côté  » A scanner Darkly » dans la direction artistique. un peu vioque à première vue. Je dirai pourquoi pas.

Mais s’il vous plait ,arrêtez vos parallèles excessifs et comparaisons avec Dune 2, j’ai vu ce dernier et il est excellent lorsqu’on a des problèmes d’insomnie.

L'autre

J’aime vraiment pas la rotoscopie…c’est moche pour moi, aucun plaisir…dommage vous en dites vraiment du bien de ce film mais je reste pas emballé…

Ah d'accord

Si Dune 2 est une pépite on va peut-être pas aller cet anime hein…

Cidjay

Dommage que la direction artistique soit vraiment moche…
si seulement on avait eu de l’animation traditionnelle façon « Mars Express », là, oui, on aurait eu une vraie pépite.