Remakes de Disney : la parfaite recette de l'échec (La Petite Sirène, Le Roi Lion, Aladdin...)

La Rédaction | 13 juin 2023
La Rédaction | 13 juin 2023

La Petite Sirène a rejoint la longue liste de remakes de Disney, mais aussi celle des échecs de la compagnie après AladdinLe Roi Lion ou encore Mulan qui, au-delà de leur nullité, ont plus d'un point commun. 

Notre critique de La Petite Sirène

Le remake de La Petite Sirène est sorti en salles et sans grande surprise, c'est un autre échec. Depuis Cendrillon, Disney a accéléré la refonte de ses chefs-d'œuvre d'animation avec une déferlante de remakes en prises de vues réelles que personne n'a jamais réclamée. Les moins mauvais (Le Livre de la jungle, Les 101 Dalmatiens) ne sont que des produits oubliables, et les pires (Le Roi Lion, La Belle et La Bête) des films méprisables qui vampirisent toute la magie des films qu'ils copient négligemment.

Plus les critiques s'enchaînent, plus elles se ressemblent, si bien qu'on pourrait écrire un texte à trous adaptables à tous les films. Et si, après avoir trouvé la recette gagnante avec ses classiques, Disney avait finalement concocté la formule parfaite pour foirer tous ses remakes ?

 

 

LES ANIMAUX photoréalistes

 

Le roi lionLe royaume merveilleux de l'uncanny valley

 

Les animaux amusants, c'est une des marques de fabrique de Disney. C'est même dans son ADN, puisque sa souris mascotte a été la vedette de la  première partie de son existence, sous la houlette de son créateur. Ours paresseux, rongeurs facétieux, singes paternels, suricates déjantés, poissons rigolos... Tous ont insufflé rythme et humour aux productions du studio et tous ont perdu leur personnalité en passant à la moulinette du remake en prises de vue réelles.

La sympathie qu'on éprouve à leur égard dépend d'un savant mélange entre anthropomorphisme et inventivité du design, ainsi que du talent des animateurs de la firme, qui se servaient de ces personnages pour souligner l'aspect merveilleux de leurs films. Sous couvert d'obsession pour le photoréalisme, on les dépossède de leur identité, de leur originalité. Il ne s'agit plus que d'une brochette de bestioles inexpressives. Et quand Ariel attrape Polochon par les nageoires, elle exprime moins une amitié sincère que l'apologie de la maltraitance animale.

 

La Petite Sirène : photoNon Ariel, NE DÉMEMBRE PAS LE POISSON

 

Le comble étant atteint évidemment dans Le Roi Lion, qui étend le principe à deux heures de film, puisqu'absolument chaque personnage sans exception est un animal décalqué des reportages National Geographic. Bon courage pour s'émouvoir du sort de Simba et sa clique sans la précieuse émotion qui se lisait sur leurs visages, décuplée par la mise en scène. Et bon courage pour rire avec Timon et Pumba, bouffons hauts en couleur devenus... Ben, un suricate et un phacochère, quoi. Comment prétendre reconvoquer la magie de votre enfance, quand on la dépouille de tout ce qui la rendait attachante ?

Le seul remake à avoir essayé de contourner ce problème ne contenait pas d'animaux rigolos, mais un dragon. Les scénaristes de Mulan ont en effet décidé de supprimer purement et simplement Mushu de l'intrigue. C'est triste à dire, mais c'est encore la meilleure solution pour le moment. Et peut-être même le signe qu'il faut supprimer le reste aussi...

 

CTRL C, CTRL V

La Petite Sirène : photo, Halle BaileyUne scène iconique qui devient risible

 

Même si le phénomène s'est depuis largement amplifié, Disney versait dès les années 30 dans l'autocitation et la capitalisation de précédents succès, que ce soit avec des suites ou ce qui s'apparente à des remakes. Pour ce dernier cas, on peut notamment citer la réadaptation en 1939 du conte d'Hans Christian Andersen Le Vilain Petit Canard, qui avait déjà été adapté par la compagnie quelques années plus tôt. Mais le but était alors d'étaler les progrès du studio, en particulier ses améliorations techniques, tout en proposant une nouvelle interprétation et charte graphique, bien différentes de ce qui avait été fait auparavant.

Le problème dans la plupart des derniers remakes de Disney n'est donc pas de réinvestir les mêmes récits, ni même de faire des clins d'oeil au public, mais bien de décalquer paresseusement les classiques dont ils sont tirés. La Belle et la Bête de 2017, Le Roi Lion et le Aladdin de 2019 ou La Petite Sirène de 2023 copient les films d'animation originaux, parfois au plan ou à la ligne de dialogue près, sans chercher à les transcender, à raconter différemment ou à penser le scénario, les chorégraphies, la mise en scène ou le tempo comique du matériau d'origine. 

 

 

Ces films recyclent ainsi la même direction artistique, les mêmes gags visuels et rejouent les mêmes séquences musicales. Mais difficile, voire impossible de faire faire du jazz à des poissons, du french cancan à un service d'argenterie, de faire une pyramide avec des animaux de la savane ou d'empiler des éléphants sur des chameaux de façon crédible ou réaliste.

À trop vouloir coller aux classiques pour créer de la nostalgie, les remakes souffrent de la comparaison avec leurs aînés, tandis que les limites de l'exercice sautent aux yeux. Qu'il s'agisse de "Je voudrais déjà être roi", "C'est la fête", "Prince Ali" ou "Sous l'Océan", tout devient plat et mou, vidé des couleurs criardes, de l'énergie et de l'euphorie cartoonesque propres à l'animation. En plus d'être moins exaltants et plus ternes, certains remakes font carrément l'impasse sur certaines scènes trop compliquées à reproduire, à l'image de la scène sous-marine éjectée du terrible Pinocchio de Disney+, invalidant de fait l'hypothèse d'une quelconque ambition technique derrière l'autoplagiat fainéant et vénal. 
  

MIEUX VAUT BREF ET INTENSE que long et mou

 

Mulan : photoÇa va être long

 

La majorité des longs-métrages d'animation Disney durent environ une heure et demie, voire moins, mais sont très riches en action, avec un découpage savamment pensé. C'est le format classique des films d'animation depuis les premiers longs-métrages animés, notamment le Blanche-Neige de 1937 sur lequel se sont calibrés les titres suivants du catalogue. De leur côté, les remakes sont rarement en dessous des deux heures. Et en soi, avoir une demi-heure de plus en moyenne par film n'est pas vraiment un problème.

Il n'est pas inintéressant d'étendre la durée pour dégager quelques angles morts du scénario ou étirer les séquences qui le méritent, sauf qu'il s'agit le plus souvent d'une double peine, les nouveaux films étant plus ennuyeux (confère la partie au-dessus) pendant plus longtemps

 

La Belle et la Bête : Photo La Belle et la BêteL'histoire éternelle interminable

 

Même s'ils jouent les mimes, ces remakes sont l'occasion de s'écarter très légèrement de l'intrigue originale pour répondre aux enjeux contemporains, en particulier sur les questions de représentation et d'inclusivité. Pour corriger les maladresses de l'époque ou offrir plus de diversité à l'écran, les remakes peuvent donc créer de nouveaux personnages, à l'image de la jeune marionnettiste dans Pinocchio ou la reine et mère adoptive d'Éric dans La Petite Sirène.

En revanche, le scénario ne s'intéresse à eux qu'en surface et ne prend ironiquement jamais le temps de les développer correctement, si bien qu'ils parasitent un récit qui était parfaitement ficelé et torpillent une narration jusqu'ici très cadencée et donc efficace. Le cas le plus aberrant est certainement celui de Peter Pan & Wendy, où plusieurs séquences (comme le passage de la lagune aux sirènes et celui dans la tribu d'Amérindiens) ont été supprimées, mais pas nécessairement remplacées. Le film dure donc 30 minutes de plus que le film de 1953, mais il s'y passe deux fois moins de choses, si ce n'est des dialogues d'un ennui mortel.

 

 

AVIS DE RECHERCHE POUR DISPARITIONs INQUIétantes

 

Peter Pan & Wendy : photoY a-t-il un capitaine à bord du navire ?

 

Avec Alice au Pays des merveilles, Tim Burton a posé ses griffes sur l'univers de Lewis Caroll et l'imagerie du film de 1951 en y injectant son style fantastico-gothique. Que le résultat plaise ou non, ce remake présentait une singularité dans son approche narrative et esthétique, qu'on a malheureusement de plus en plus de mal à retrouver dans les dernières productions de Disney. 

À l'image des films Marvel de plus en plus impersonnels, filmés et montés de la même façon, les remakes de la firme sont devenus d'autres produits d'usine ultra calibrés et génériques où se diluent les personnalités, qui n'ont certainement qu'un contrôle assez restreint sur "leur" travail. 

Si certains réalisateurs engagés sont plus de bons faiseurs que des cinéastes identifiables, comme Jon Favreau (Le Livre de la JungleLe Roi Lion), Bill Condon (La Belle et la bête) ou Charlie Bean (La Belle et le Clochard), d'autres noms plus reconnus ont rejoint la fabrique. Là encore, qu'on aime ou pas leur cinéma, leur présence aurait pu offrir une vision d'auteur et des ambitions cinématographiques à ces simples films de commande tout en faisant un pas de côté par rapport aux classiques.

 

Pinocchio : photo, Tom HanksTom à la recherche de Robert

 

Mais si ce n'est au générique, on se demande où est passé Guy Ritchie dans Aladdin, Robert Zemeckis dans Pinocchio et David Lowery dans Peter Pan & Wendy (alors même qu'il avait réussi à insuffler un peu de son art dans le surprenant Peter et Eliott le Dragon). Cette homogénéisation des films est couplée au lissage des histoires, dont le moindre aspect un peu plus rugueux est poli à l'extrême.

Parmi les scènes cultes et un poil traumatisantes du catalogue, il y avait par exemple celle de la transformation en âne dans Pinocchio. Censée marquer les enfants pour les dissuader de mal tourner (comprenez faire l'école buissonnière, boire de l'alcool et fumer), la scène est totalement aseptisée dans la version de 2022 et ne suscite jamais l'effroi et le choc de la version originale, tandis que les cigares ont disparu à l'écran dans un puritanisme assez contradictoire. 

Il est d'ailleurs très probable qu'on fera le même reproche au Blanche-Neige de Marc Webb (The Amazing Spider-Man), ou au Hercule que pourrait réaliser Guy Ritchie, à défaut d'Aladdin 2

 

La FAUSSE PROMESSE TECHNIQUE

 

Le Livre de la Jungle (2015) : Le Livre de la Jungle50 nuances de vert

 

Ultime pièce au dossier : Disney ment. Mickey prétend adapter en prises de vue réelles ses films d'animations les plus célèbres, mais certains de ces remakes sont à peu de choses près d'autres films d'animation, la créativité en moins. Le Livre de la Jungle se targuait de faire interagir le jeune acteur avec un environnement quasi entièrement artificiel. Le Roi Lion va plus loin encore, puisque les seules choses à peu près tangibles de cette savane numérique sont trois bouts de rochers et quatre brins d'herbe. Le reste – animaux, particules, eau, des pans entiers de décor – n'est que nuances de textures composées et créations 3D.

À l'exception de Mulan et de Peter et Elliott le Dragon, les autres films débordent également de CGI, parfois pour des raisons évidentes, parfois pour simuler la moindre bestiole insignifiante. Bien entendu, le travail abattu par les animateurs, surtout sur Le Roi Lion, est colossal et, contrairement à ce que certains avancent, les effets spéciaux numériques ne valent pas moins que les effets spéciaux pratiques. Tout est une question de dosage et certains artistes sont parvenus à s'en emparer pour étoffer leur direction artistique.

 

Alice au Pays des merveilles : photo"My eyes, my eyeeeeees"

 

Reste que la promesse est rarement tenue : ces productions Disney ne transposent pas dans la réalité les dessins animés. Tout juste s'amusent-elles à trouver des interprètes qui donneront plus que leur voix, quand elles ne s'en passent pas carrément. Faute d'apporter la moindre plus-value au procédé, les exécutifs de la firme aux grandes oreilles auraient pu au moins faire preuve de ludisme, organiser une gigantesque reconstitution en cosplay. Il faudra se contenter de démonstrations techniques impressionnantes... mais vides de toute humanité ou même de toute émotion.

Tout savoir sur La Petite Sirène

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commentaires
Stéphi
26/07/2023 à 22:10

Pour ma part, Aladdin a été un bon moment
1,054 milliard USD de recette je suis pas du même avis

Geoffrey Crété - Rédaction
14/07/2023 à 19:39

@Selena

On vous invite à lire l'article. On parle de la question artistique (adaptation, scénario, mise en scène), pas juste du business. Parce que sinon, ce serait absurde de parler de la plupart des films cités dans l'article.

Selena
14/07/2023 à 19:27

le Aladdin est plutôt un pari réussi 1 millard au boxe office
y a erreur là !

Hezyio
18/06/2023 à 21:29

Je pense que ce site a un problème avec Disney, car que ce soit le roi lion Mulan ou autre ils sont plus ou moins réussi, perso j'ai surkiffé le roi lion.

Ethan
14/06/2023 à 22:15

@Dentscie
Mena massoud a parlé un peu sur la petite sirène il s'est fait lynché sur twitter à tel point qu'il a fermé son compte, c'est ça le problème on peut plus rien dire today sans être taxé de raciste

Dentscie
13/06/2023 à 09:43

Aladdin c'était pas mal

Jaep
13/06/2023 à 09:40

Non , Alladin de 2019 ne reprend pas telle quell la mise en scène du 1er. Elle l'assèche !
On le voit tres bien sur la comparaison entre les 2 versions d'Alladin : si la séquence de l'entrée musicale d'Alladin fonctionne aussi bien, c'est parce que elle suit un moment de tension intense ( l'hypnotisme exercé sur le Sultan, donc la victoire probable de Jafar, qui échoue in extremis grace à la musique, toute notre attention est maintenant concentrée sur celle ci ), c'est un immense moment de spectacle et de détente décuplé par le soulagement éprouvé par les enfants / spectateurs devant le sauvetage musicale. Rien de tout ça dans la version live-action.
Je note également un surdécoupage de la version live par rapport à l'animation : la version animé ou les plans me semble plus long avec un génie qui se melle a à foule, et a de nombreuses interactions physiques avec celle ci, et la version Live , sur découpé pour montrer les détails du spectacle et alterne avec des plans de la foule alors même que le génie de 2019 reste au centre du cortège de façon bien plan -plan,

Grimson
29/05/2023 à 22:27

Très bon article qui résume très bien le problème des remakes

willremi@live.fr
29/05/2023 à 13:42

C'est juste pour vendre des goodies. J'avais offert à ma copine de l'époque en 2004 une peluche Shere Khan pour son anniversaire. Lors de la sortie du remake du Livre de la jungle, je vois dans le commerce, la même peluche de Shere Khan à part l'emballage qui est différent.

Ori
29/05/2023 à 08:33

L'industrialisation de la production artistique

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