Cannes 2023 : on a vu Indiana Jones 5, l’ultime aventure d’Harrison Ford

Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 15:59
Antoine Desrues | 19 mai 2023 - MAJ : 13/06/2023 15:59

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2023 du Festival de Cannes. Entre cinéastes confirmés et jeunes talents prometteurs, la centaine de films sélectionnés a de quoi donner le tournis. Après l’ouverture de Maïwenn, Jeanne du Barry, c’est l’heure de revenir sur Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Présenté hors-compétition, le film de James Mangold représente le dernier tour de piste d’Harrison Ford dans la peau du célèbre aventurier. Alors, réussite ou déception ?

ARTICLE SANS SPOILERS

 

 

De quoi ça parle ? Alors qu’il s’apprête à prendre sa retraite de professeur d’archéologie, Indiana Jones reçoit la visite de sa filleule, Helena Shaw, qui le relance sur la piste du Cadran d’Archimède. Pas de chance, d’anciens Nazis sont à la recherche de l’artéfact, qui pourrait repérer des failles temporelles.

C’était comment ? Passer après Steven Spielberg n’est jamais chose aisée (Jurassic World l’a prouvé), et il faut bien admettre qu’Indiana Jones 5 partait avec un sérieux handicap. Au-delà de devoir rattraper la conclusion décevante qu’a été Le Royaume du crâne de cristal, ce cinquième opus doit composer avec le poids du temps, et le fait qu’Harrison Ford a désormais 80 ans. Soit l’enfer quand il faut réaliser un blockbuster bourré d’action.

Or, le poids du temps est justement au cœur du Cadran de la destinée, et ce dès sa plus formidable idée : son introduction d’une vingtaine de minutes, où un Indy rajeuni s’infiltre dans une base nazie à la fin de la guerre. Si le fameux de-aging montre assez vite ses limites (et devrait mal vieillir rapidement), James Mangold profite de ce morceau de bravoure inaugural pour montrer ce qu’il a dans le ventre, et le fait avec une certaine élégance.

 

 

Ses effets de lumières et d’ombres, de fumée, et les forts contrastes de l’image cherchent à estomper la technologie balbutiante, mais le réalisateur de Logan et du Mans 66 n'en fait pas qu’une simple béquille. Au contraire, Indiana Jones 5 démarre avec une formidable boîte à outils, celle d’un Hollywood classique qu’on aurait dopé au numérique. Mangold convoque le style virtuose et fluide de Spielberg (logique, il en est l’un des meilleurs héritiers récents), tout en admettant que quelque chose est cassé.

Il s’agit moins d’un retour que d’un acte de nécromancie, une séquence fantasmatique de cinéma qui ne peut exister qu’en trichant avec l’horloge, quitte à réveiller des fantômes. Mangold sait qu’il joue son va-tout sur cette scène, et lâche la bride avec un jusqu’au-boutisme grisant. Explosions, mitrailleuses, poursuite sur le toit d’un train, l'artiste convoque un plaisir de cinéma d’aventure à l’ancienne, que ce soit dans l’accumulation parfaitement rythmée de ses péripéties, ou dans son tempo comique.

 

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée : photo, Harrison FordLes aventuriers de l'âge perdu

 

Si la mayonnaise prend, c’est que son réalisateur croit dans le pouvoir de suggestion de cette artificialité, et dans le pouvoir d’évocation d’Indiana Jones et de ses motifs les plus fameux. On pourrait reprocher au Cadran de la destinée de ne pas réussir à transcender son entrée en matière, mais il essaie, avec une foi inébranlable en son héros, malgré l’âge avancé d’Harrison Ford. La plupart des séquences d’action suivantes font tout pour réduire l’effort physique de l’acteur, tout en s’imposant une exigence par moments casse-gueule (lors d’une poursuite à cheval notamment).

Mais on veut y croire, grâce à la malice d’un découpage et d’un montage qui finissent par nous faire oublier les doublures et les cascadeurs. Indiana Jones 5 n’a pas peur du ridicule très pulp qui a nourri la franchise depuis ses débuts, bien que le bât blesse forcément lors d’un deuxième acte en demi-teinte, contraint de rejouer les codes du genre avec un panache quelque peu éteint.

Le film est d’ailleurs le moins engageant lorsqu’il recycle les images d’Epinal instaurées par la saga, des grottes aux lourds secrets aux ponts de bois fragiles. Et malheureusement, les trouvailles de James Mangold se prennent parfois le mur de leur ambition, comme lors d’une séquence d’exploration sous-marine aussi brouillonne que laide en termes d’effets visuels.

 

Indiana Jones 5 : photo, Phoebe Waller-Bridge, Harrison FordCoeur sur Phoebe Waller-Bridge

 

Néanmoins, ces imperfections évidentes seraient presque touchantes à l’aune de ce chant du cygne hautement improbable. Parce qu’au final, cet ultime Indiana Jones est bien un bonheur de divertissement, fabriqué avec soin par l’un des derniers artisans d’Hollywood qui comprend la sève de cette grammaire. L’ensemble profite grandement de l’ajout d’Helena (géniale Phoebe Waller-Bridge), relecture féminine d’Indy et de sa fougue de jeunesse, y compris dans ses pires travers. Alors qu’ils sont les deux faces d'une même pièce, le récit joue habilement avec leurs différences, de sorte à créer une dimension de buddy movie efficace.

Ainsi, le film n’a pas tant besoin de tirer sur la corde nostalgique, et lui préfère un hommage à une certaine idée du blockbuster hollywoodien, sublimé par les scherzos de John Williams. Mangold prône d’ailleurs une douce mélancolie, qu’Harrison Ford embrasse par sa performance toute en nuances. Alors que le contexte du récit s’attarde sur l’alunissage d’Apollo 11, les Américains se tournent vers l’avenir pour mieux oublier le passé, tandis que d’autres rêvent de le changer et de le réécrire.

 

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée : photo, Harrison FordC'est pas toujours beau de vieillir

 

Indiana Jones se retrouve donc confronté à la perte, et au manque d’une vie qui n’a fait que se reposer sur un hors-champ : l’Histoire. C’est pourquoi le final courageux du long-métrage s’impose comme un bien beau point final, cohérent avec l’héritage d’un personnage qui a construit un pan d’imaginaire du septième art à lui seul. James Mangold aurait pu se retrouver paralysé par un tel défi, mais il l’a pris à bras le corps, quitte à aller au bout de ses maladresses. Et dans le domaine du blockbuster américain contemporain, c’est déjà beaucoup.

Et ça sort quand ? Le 28 juin dans les salles françaises.

Tout savoir sur Indiana Jones et le Cadran de la Destinée

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commentaires
Morcar
22/05/2023 à 10:11

J'était de toute façon tout à fait confiant pour ce film, cette critique ne fait que confirmer que je risque peu d'être déçu, surtout que je fais partie de ceux qui n'ont déjà pas été déçu par "Les Royaume des crânes de cristal".

Dwigt
21/05/2023 à 20:58

@Solo seul

Il n'est pas sûr du tout qu'Anthony Ingruber soit au générique. Il n'est par exemple pas à l'heure actuelle crédité sur IMDb, et en fait n'importe qui peut modifier une entrée sur IMDb. Pour les films pas encore sortis, c'est par exemple tout sauf fiable, et les gens modifient ça sur la base des rumeurs qu'ils ont pu lire.
Ingruber est avant tout un imitateur, qui peut reproduire pas mal de voix, dont celle d'Harrison Ford et qui lui ressemble en plus un peu. Mais il n'a jamais trop fait ses preuves comme acteur à part entière. Un vrai acteur doit être aussi capable de construire un personnage (même un personnage qui existe depuis plusieurs films), de lui donner de la vie et de l'épaisseur, d'improviser dans ses réactions par rapport aux autres acteurs, etc. Sur Adaline, Ingruber avait un rôle assez bref, et surtout il avait Harrison Ford à quelques mètres de lui qui lui a dicté quoi faire. Mais s'il suffisait de prendre un imitateur pour faire une suite, ça ferait belle lurette qu'on aurait eu Le Gendarme et la Revanche des extra-terrestres avec Didier Gustin ou Gérald Dahan en Cruchot.

MAR EN RAGE
20/05/2023 à 20:36

@le Rédac

pourquoi vous supprimez un message pour KYLE Reese !? c'est juste une l'info que je veux partager.

Kyle Reese
20/05/2023 à 16:03

@ fafa2023

Creed n’est pour moi pas la même
Franchise que Rocky. @invité J’aurai dû préciser l’une des franchises les plus anciennes. Alors oui y a bien Godzilla mais je parlais blockbusters US.

cinema en carton pâte
20/05/2023 à 15:29

je prefere le J mangold de Copland que j'ai revu avec joie sur la tv il ya quelques jours, film que j'avais loué vers 1997/1998,
Stallone joue vraiment bien comme acteur dramatique, il avait un vrai talent d'acteur mais a preferé la gonflette et les films bourrins

Eddie Felson
20/05/2023 à 14:24

@Altaïr
Je comprends et partage ton ressenti

steve
20/05/2023 à 13:53

Pour Rovov94m, à nuancer sur le twist d'"Identity", ce n'est pas de son fait puisque c'est une adaptation des "10 petits nègres" d'Agatha Christie (ah on me dit qu'on ne dit plus ça comme ça) contrairement aux 2 autres films que tu cites qui sont des scénarios originaux. Mais c'est la façon dont il emballe ce récit qui est jouissif. Et sinon, vu la pluralité des genres et de ton avec lequel le bonhomme a composé sa filmo, alors oui il a les épaules pour s'atteler à Indy.

Bubble Ghost
20/05/2023 à 13:12

" Il s’agit moins d’un retour que d’un acte de nécromancie " ^^

Terryzir
20/05/2023 à 12:57

Si Phoebe Waller-Bridge en est, j'en serai.
Probablement une des plus grandes actrices & scénaristes actuelles.
Faut voir Fleabag pour le comprendre.
Mangold ne s'est pas planté sur le casting, et je suis sûr que Phoebe y est allée aussi de sa plume.
Vous verrez !

Altaïr Demantia
20/05/2023 à 12:28

@The insider38
Je ne fais que donner mon ressenti. À ce stade, je ne sais pas si je n'irais pas voir le film. Indiana Jones est un des piliers de ma cinéphilie et j'aime Harrison Ford. Je le verrais certainement parce que même si je sais qu'il y a de fortes chances que je trouve ça quelconque et qu'on n'y retrouvera pas la magie des trois premiers, j'ai une âme d'archiviste ^^

C'est juste que c'est Disney derrière, au travers de Lucasfilms. Disney qui fait des films comme d'autres vendent des SUV. Je veux dire que je ne crois pas au Père Noël, et qu'on sait, au travers des Marvel, Pixar et Starwars que mettre un nom de réal-gage-de-qualité au générique ne veut rien dire en soi. C'est juste du marketing à destination des cinéphiles.

Sur les blockbusters, les réalisateurs crédités au générique ne sont qu'une partie des multiples équipes qui "réalisent" un film. Sans compter les "reshoots de dernière minute" qui sont fait par des techniciens génériques la plupart du temps.

Bref, je pense que cet Indiana Jones n'a pas plus d'intérêt que celui d'avant. Simplement parce qu'il n'y a plus rien à raconter sur ce personnage et que le mieux aurait encore été de le "rebooter" au lieu de le faire courir à coup d'effets spéciaux, à 80 balais dans une recette de blockbuster à la sauce Disney.

Spielberg a clos la série avec "La dernière croisade", c'était pourtant évident, Indy allant vers le soleil couchant sur la musique de John Williams... C'était beau, c'était émouvant. C'est comme le générique de fin du "Retour du Jedi". Les fans acceptaient cette fin. La fin de quelque chose est importante.

Depuis le début du siècle, plus rien ne fini. Tout est rebooté, spinoffé, décliné, rerebooté ad nauseam.

Qu'est-ce qui a pris à Spielberg de faire revenir Indy dans un 4ème opus bancal, laid et fleurtant avec la SF la plus moisie ?

Bon bref, si tu me trouves prétentieux, c'est pas grave. M'en fous en fait ^^

Allez, bon film.

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