Marvel vs effets spéciaux : la révolution se prépare à Hollywood pour stopper ce cauchemar

Nouveau coup de tonnerre à Hollywood : les artistes en effets visuels de Marvel ont signé une pétition pour obtenir une représentation syndicale.

C'est en coulisses que le plus gros feuilleton de l'été cinéma s'est déroulé. Cela fait ainsi plusieurs années que beaucoup d'artistes d'une industrie hollywoodienne en profonde mutation se plaignent de leurs conditions de travail, aggravées par la pandémie et l'émergence des plateformes de streaming et de l'I.A. C'est pour cela qu'en mai 2023, les scénaristes se sont mis en grève, provoquant un immense remous chez Disney, Warner... qui ont tout simplement menacé de les "briser" en refusant des négociations. C'est dans ces conditions explosives que les acteurs ont alors décidé d'aussi se mettre en grève, forçant par exemple l'arrêt de films Marvel et autres Mission : Impossible.

Malgré l'immense chaos du moment, un autre problème bouillonne dans les coulisses d'Hollywood : les conditions de travail des artistes en effets spéciaux. En effet, cela fait plusieurs années maintenant que de nombreuses plaintes ont émergé sur les méthodes douteuses des gros studios, et notamment chez Disney. On sait par exemple qu'Avengers : Endgame a été un calvaire pour les artistes. En janvier 2023, Vulture a déjà réalisé un dossier pour expliquer que Marvel était vraiment le pire studio pour les artistes des effets spéciaux, et l'enfer d'Ant-Man 3 et le départ de la boss Victoria Alonso sont rapidement venus confirmer cet état de fait désastreux. Il n'est donc pas étonnant d'apprendre que les équipes de VFX de Marvel ont décidé de réclamer une représentation syndicale.

des artistes spéciaux

Pour rappel, contrairement aux scénaristes représentés par le puissant syndicat de la WGA (Writers Guild of America) et les acteurs (la SAG-AFTRA), les artistes dans le domaine des effets spéciaux et visuels ne bénéficient pas du soutien et de la force de frappe d'une organisation syndicale. C'est donc pour cela que cinquante (sur cinquante-deux) membres des équipes de productions Marvel présentes sur les plateaux ont signé une pétition pour réclamer une représentation du syndicat IATSE (International Alliance of Theatrical Stage Employees) ou l'Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma. Cette appellation désigne le regroupement des gens de l'industrie du spectacle, quelle que soit la nature de leur travail et donc des techniciens sur les plateaux de tournage, entre autres exemples.

C'est la première fois que les spécialistes des effets spéciaux se sont ainsi réunis pour exiger une reconsidération de leurs conditions de travail, pouvant leur garantir le même genre de protections dont peut jouir n'importe quel autre secteur de l'industrie. L'IATSE (ou AIEST en français) représente quelques 170 000 artisans, techniciens, machinistes... à travers les États-Unis et le Canada. La puissante organisation a d'ailleurs déjà fait don de 4 millions de dollars en soutien aux gens touchés par les grèves. C'est donc logiquement au tour des artistes en VFX de s'organiser pour faire valoir leurs droits dans une industrie où ils sont malmenés par des conditions de travail parfois catastrophiques, tout en étant pourtant essentiels au processus de création d'un film à l'ère numérique.

Beaucoup, beaucoup de travail

un secteur essentiel à bout de souffle

En effet, à une époque où les effets visuels sont présents dans la vaste majorité de la production cinématographique, allant de la "simple" comédie romantique aux énormes blockbusters comme Avatar ou Avengers, il est devenu aussi surprenant que navrant que ces artistes essentiels ne bénéficient d'aucune représentation ou protection. Contrairement à leurs collègues, les spécialistes des effets spéciaux n'ont ainsi aucune garantie de rémunération en cas d'heures supplémentaires (qui arrivent pour ainsi dire tout le temps) ou d'accès aux soins de santé. Bella Huffman, coordinatrice d'effets spéciaux, a ainsi confié :

« Nous n'avons aucune garantie de contrôle de nos heures de travail. Les effets spéciaux doivent devenir un secteur sûr et durable pour toutes les personnes qui souffrent depuis trop longtemps et pour tous les nouveaux venus qui doivent avoir la garantie de ne pas se faire exploiter. »

Le chaos des coulisses des productions Marvel a fini par rattraper le studio. Les scandales se sont multipliés en 2022 et ont par exemple mené au renvoi en mars 2023 de Victoria Alonso, à la tête des effets visuels conspués d'une phase 4 du MCU sous le feu des critiques. 

Un budget de 250 millions de dollars

À noter que ce sont les artistes présents sur les plateaux, au travail notamment sur Loki et la future série Daredevil, qui ont décidé de signer cette pétition. La domination du studio sur le marché, au cinéma comme en série, a longtemps empêché les artistes et les sociétés d'effets visuels de refuser de travailler pour Marvel, ne voulant pas se mettre à dos l'un de leurs principaux employeurs. Mais la production à la chaine semble commencer à avoir raison de la patience des artistes, au sein d'une industrie qui ne reconnait pas la valeur de leurs exploits, et ne leur offre aucune condition de travail décente.

Cela a pu mener à des situations surréalistes où certains spécialistes ont reconnu finir certains plans en moins d'une semaine, dans des productions budgétées à plusieurs centaines de millions de dollars. Des heures de travail ahurissantes pour des salaires misérables, un environnement toxique de surproduction et de domination du marché poussant à la menace, des résultats risibles sur nos écrans... La phase 4 de Marvel semble avoir prouvé les limites des méthodes d'un studio qui a peut-être trop gagné (notamment en 2019 grâce à Aladdin, Le Roi Lion ou Avengers : Endgame) pour vouloir se remettre en question, sans la menace du chaos d'une grève.

Presque 300 millions ici...

Cette nouvelle étape dans la reconsidération des conditions de travail des spécialistes d'effets spéciaux, en pleine grève des scénaristes et des acteurs, risque bien d'enfin apporter des changements pour ce secteur essentiel, et pourtant à bout de souffle. Les cinquante employés derrière la pétition ont ainsi réclamé qu'un vote soit rapidement mis en place le 21 aout 2023, et on devrait rapidement voir les effets d'un tel chamboulement. Après les tournages, l'arrêt des post-productions entrainerait un chaos sans précédent dans l'industrie, qui n'avait déjà pas vécu de tels mouvements de grèves depuis les années 60.

Il ne reste plus qu'à savoir quelle sera l'implication des grandes boites d'effets spéciaux, ILM, et Weta en tête. Si les acteurs majeurs du secteur décident d'apporter leur soutien au mouvement, cela pourrait provoquer un changement notable dans le rapport de force avec la "brute" Marvel, et pousser enfin le studio à reconsidérer ses méthodes, néfastes pour ses équipes comme pour le public. Cela pourrait donc bien être un tournant historique pour Marvel et Hollywood, qui risquent de ne plus avoir d'autres choix que d'enfin écouter les plaintes des artistes qui ont contribué en première ligne aux immenses succès qui les ont propulsés tout en haut de l'échiquier hollywoodien.