Top Gun 2, The Batman, Severance... les meilleures BO de 2022

La Rédaction | 29 décembre 2022
La Rédaction | 29 décembre 2022

Top Gun : Maverick, The Batman, OVNI(s), À plein tempsInu-Oh, Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir... Quelles sont les meilleures musiques de films et séries en 2022 ?

C'est avec un casque sur les oreilles que l'on est déjà en train de rédiger cette introduction. Tout au fil de l'année, l'équipe d'Ecran Large aime se réfugier dans l'ambiance des films, séries et jeux vidéo du moment au travers de leurs bandes-originales.

Orchestration classique, électro, rock, voire grand mélange fourre-tout, il y en a pour tous les goûts, surtout au vu de la variété de la production cinématographique annuelle. Dès lors, plutôt que de faire un bête top 15 (ce qui était trop difficile), on a décidé de séparer les 15 entrées de ce classement : d'abord avec les compositeurs qui ont tout déchiré cette année, puis avec nos albums chouchous, sans ordre de préférence.

PS : une pensée pour les musiques d'Everything Everywhere All at Once (Son Lux), Athena (Gener8ion), Blonde (Nick Cave et Warren Ellis), Euphoria saison 2 (Labrinth), Falcon Lake (Shida Shahabi), Kimi (Cliff Martinez), House of the Dragon (Ramin Djawadi), Horizon Forbidden West (Joris de Man) et bien d'autres, laissées sur le bas côté de la sélection.

 

KIMI : photo, Zoë KravitzRadio Ecran Large

 

Les grands gagnants de l'année :

Michael Giacchino (The Batman, Buzz l'Eclair, Thor 4...)

 

 

 

On Antoine le dit chaque année : Michael Giacchino est l'un des meilleurs compositeurs en activité. Son sens de la mélodie et de l'expérimentation, de plus en plus rare dans l'industrie, l'amène à sublimer par des thèmes riches et une orchestration virtuose n'importe quel projet. Pour autant, 2022 lui a permis de franchir un cap, ne serait-ce qu'au vu de la quantité astronomique de productions auxquelles il s'est retrouvé affilié. La confiance acquise avec Marvel lui a même donné l'opportunité de passer à la réalisation avec le sympathique Werewolf by Night, dont la composition aux accents horrifiques gothiques s'avère réjouissante.

Cependant, la véritable prouesse de Michael Giacchino, c'est qu'il travaille sur le long terme ses collaborations avec les cinéastes, au point de s'imposer bien plus vite dans le processus créatif d'un film, à l'heure où la musique tend à devenir de plus en plus la cinquième roue du carosse de la post-production. Dans le domaine, comment ne pas s'attarder sur The Batman et la relation parfaite de la BO avec le Gotham poisseux de Matt Reeves ?

 

 

 

Son thème martial et entêtant, qui confirme la nature de boogeyman de ce Chevalier Noir torturé, donne à ce Batman une nouvelle palette, contrastée par le lyricisme mélancolique des violons et de la harpe. La musique devient ici une véritable donnée supplémentaire pour interpréter cet univers et ses inspirations, comme celles du Film Noir ressenties dans le thème jazzy de Catwoman. De loin l'une des partitions les plus passionnantes et abouties de l'année.

Mais Giacchino ne s'est pas arrêté là, et a même sauvé les meubles sur quelques catastrophes industrielles, qu'il s'agisse de Jurassic World 3 (où seule la musique amène un tant soi peu de dimension épique) ou de Thor : Love and Thunder, bien amélioré par ses leitmotivs pétaradants et son rock décalé. Et même si Buzz l'Éclair n'a pas été un grand succès en salles, le compositeur a su donner une ampleur particulière à ce spin-off de Toy Story. Son thème sous forme de marche permet aux cuivres et aux choeurs de pleinement se déchaîner, tout en rendant un hommage vibrant aux classiques du space opera, soit exactement la démarche recherchée par le long-métrage. La grande classe !

Notre dossier sur la BO de The Batman

 

Bear McCreary (God of War : Ragnarök, Les Anneaux de pouvoir)

 

 

Cela fait quelques années que l'élève d'Elmer Bernstein s'impose comme une valeur sûre, à Hollywood comme ailleurs. Il s'était fait remarquer avec son travail sur Battlestar Galactica et bien d'autres séries télévisées, puis pour ses compositions pour quelques longs-métrages d'horreur, sans compter son travail sur plusieurs licences de jeu vidéo. Désormais, et depuis son score majestueux pour Godzilla II : Roi des Monstres, qui reprend avec passion et puissance les grands thèmes attachés aux Kaijus de la Toho, il évolue à son aise dans les trois milieux. 2021, l'année de Fondation, fut importante pour lui. Mais c'est en 2022 qu'il a définitivement pris d'assaut la planète pop culture.

Avant Forspoken, il a enrichi sa discographie de deux partitions monstres, toutes deux attachées à des univers merveilleux au lourd passif visuel et musical. Comme il le dit lui-même, prendre la suite de l'immense Howard Shore pour accompagner l'exploration de la Terre du Milieu pour Amazon avec Les Anneaux de pouvoir était un défi absolument inédit.

 

 

Et il est largement remporté avec un album de 2 heures et demie composé de 37 morceaux interprétés aux studios d'Abbey Road, (lequel a accueilli pour l'occasion un orchestre de 90 musiciens), qui tient même la dragée haute au thème sympathique, mais timide composé par Shore pour le générique. À la fois dans le prolongement de ses prédécesseurs et totalement nouvelle, blindée de surprenantes envolées saturées de choeurs (40 voix !) et d'atmosphères assez différentes les unes des autres pour définir les différentes populations de l'univers de Tolkien, la bande-originale des Anneaux de Pouvoir est galvanisante. Dommage qu'elle ne soit pas plus mise en avant dans la série.

Afin d'atteindre le sommet de son art (pour le moment), il devait cependant se surpasser lui-même. Et c'est chose faite avec la bande-originale homérique de God of War : Ragnarök, qui reprend les motifs musicaux du premier volet pour les emmener dans les stratosphères du chant épique. Enrichissant son panel d'instruments, la partition n'hésite pourtant pas à s'appuyer plus encore sur les cordes et les choeurs, quitte à céder à l'emphase franche. Mais quoi de plus logique pour la conclusion lyrique des aventures nordiques de Kratos, surtout quand cela donne des morceaux aussi dévastateurs que The Hammer of Thor ou surtout le déchirant Raeb's Lament

Notre test de God of War : Ragnarök

 

Lorne Balfe (Top Gun 2, Black Adam...)

 

 

 

Celle-là, on ne l'avait pas vue venir ! Au-delà d'être l'un des compositeurs les plus prolifiques du moment (quitte à servir de la soupe), Lorne Balfe est surtout le symptôme terminal des limites du système RCP (Remote Control Productions). Si l'artiste a depuis longtemps évolué dans le studio de Hans Zimmer, ce n'est que pour mieux en devenir l'apprenti parfait, ronronnant de vagues leitmotivs identiques et bourrins dans un océan de percussions et de cuivres samplés.

Pour autant, il serait malhonnête de ne pas y voir un certain plaisir régressif, du moins lorsque le musicien y met du coeur. Et du coeur, il y en a dans la BO surprenante de Top Gun : Maverick, dont Balfe est non seulement le producteur (un rôle important dans la conception des partitions) et l'un des concepteurs plus ou moins assumés, aux côtés de son mentor (Zimmer) et d'Harold Faltermeyer (le compositeur du premier Top Gun). Ensemble, ils s'amusent non seulement à booster les thèmes originaux, mais aussi à offrir une tonalité plus moderne à ce second opus tant attendu.

 

 

 

Avec son ostinato de violons et sa montée lyrique bien sentie, Darkstar est l'exemple parfait d'une musique en adéquation avec le suspense grandissant de la scène illustrée. On notera d'ailleurs que le compositeur a usé du même stratagème sur l'une des meilleures bandes-annonces de l'année : celle de Mission : Impossible 7 - Dead Reckoning. Balfe assume l'aspect kitsch de ses propositions, et revient à une forme de musique old-school et décomplexée, à l'instar de ce thème amoureux de Top Gun 2 qui devient plus tard la chanson de Lady Gaga.

Mais derrière le coeur sensible, le bonhomme n'en oublie pas de signer de bonnes grosses bourrinades comme on les aime. Si on pourrait s'attarder sur le mélange orchestro-électro-nawak de sa partition pour Ambulance (qui a le mérite d'accoler au film des textures métalliques pertinentes), notre plaisir coupable de cette année n'est autre que son album pour Black Adam. A partir du moment où le boom boom des basses s'accorde avec des percussions de R'n'B et des choeurs pseudo-orientaux, on sait qu'on en tient là une couche. Mais rien n'y fait : l'envolée de violons du thème principal, ou le pont à coups de trompette sublimant la Justice Society l'emporte sur notre jugement critique.

Notre critique de Top Gun : Maverick

 

Nicholas Britell (She Said, Andor)

 

 

 

Dans le cercle restreint des habitués des classements Ecran Large, Nicholas Britell est en train de rattraper ce cher Michael Giacchino (lâche-nous la grappe, Antoine !). Il faut dire qu'avec son piano pénétrant et ses orchestrations d'une étonnante richesse, chaque instrument trouve sa place, et prend le temps de texturer des morceaux où tout semble parfaitement s'imbriquer. Tout en rappelant le talent d'un Philip Glass, Britell trace aussi subtilement que ses partitions sa route.

Pour le film d'enquête She Said, sa méthodologie est justement ramenée à son plus simple appareil, alors que la violocelliste Caitlin Sullivan et sa performance vibrante servent de colonne vertébrale à tout l'album. A partir de cette douleur plus ou moins enfouie que représente l'instrument, Nicholas Britell agrémente l'ensemble d'autres couches, à la manière d'un scientifique qui cherche le précipité parfait.

 

 

 

Et avec cette même exigence, l'artiste est parvenu à surprendre tout le monde avec la série Andor. Tout comme Ludwig Göransson sur The Mandalorian, Britell a su s'émanciper de l'héritage de John Williams pour donner à l'univers de Star Wars une autre sonorité. Là encore, ses leitmotivs discrets font des merveilles, tout comme les touches rock qui affleurent en même temps que l'émergence de la Rébellion.

Mais mieux encore, le compositeur a poussé dans ses retranchements l'idée même de musique au sein de la diégèse de Star Wars, puisque le dernier épisode dépeint une fanfare qui rend hommage à un personnage décédé. Cette séquence primordiale, qui annonce un mouvement insurrectionnel, est ainsi sublimé par ce moment suspendu, cette douce marche funèbre à la fois familière et alien.

Notre critique de She Said

 

Les autres BO qui défoncent en 2022 :

OVNI(s) saison 2 - Thylacine

 

 

 

La deuxième saison d'OVNI(s) est fabuleuse, encore plus que la première, et elle le doit à ses personnages, son casting, sa réalisation ou encore ses décors et ses costumes, tout droit sortis des années 70, mais aussi à sa musique, qui est encore plus riche.

À l'image de la série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire et réalisée par Antony Cordier, la bande-originale du musicien William Rezé, alias Thylacine, possède un style tout à fait singulier, où la modernité et les rythmes électros contemporains rencontrent des textures et des sonorités de vieux synthétiseurs des années 70 et 80, qui correspondent parfaitement à l'identité et à l'atmosphère de la série.

En plus des créations originales de Thylacine ou des morceaux d'époque, de la musique de vieux westerns spaghettis s'est aussi retrouvée dans la saison 2. L'actrice Alice Taglioni (qui incarne une mystérieuse conseillère en communication dont Didier Mathure tombe sous le charme) a aussi composé des morceaux au piano plus calmes et plus sentimentaux, tandis que l'acteur Jean-Charles Clichet a également poussé la chansonnette en interprétant le tube de son personnage de François Duluc, Voyage Astral.

Cet accord entre la série et sa BO est encore plus marquant dans la dernière scène : alors que toutes les pièces s'assemblent dans l'esprit de Didier Mathure, les notes du remix par Zero 7 de la reprise du Love Theme From Spartacus de Terry Callier concluent cette deuxième saison sur une magnifique envolée entre jazz et downtempo.

Notre critique de la saison 2 d'OVNI(s)

 

À plein temps - Irène Drésel

 

 

Comme on l'a déjà dit dans notre top des meilleurs films de 2022, À plein temps est un long-métrage puissant qui suit le quotidien aliénant de Julie (formidable Laure Calamy). Le film dure moins d'une heure et demie, mais se révèle tellement saisissant et immersif qu'on en ressort le souffle court et le coeur lourd. Cette immersion passe par le jeu très nuancé de l'actrice, par la mise en scène qui a tendance à l'effacer du cadre, à la submerger, mais aussi par la bande-originale, composée par l'artiste électro française Irène Drésel, qui signe ici sa première partition pour le cinéma

Sa musique est omniprésente et son absence marque quelques respirations, toujours de courte durée, dans ce récit frénétique. L'artiste est restée dans son style de prédilection avec des sonorités presque entièrement électro dans des propositions particulièrement sensorielles, voire presque cliniques. Les boucles entêtantes et les notes pulsatives rappellent aussi bien les bourdonnements d'oreilles qui accompagnent la baisse de tension que l'emballement cardiaque qui précède la crise de panique. La répétitivité des morceaux renvoie également à la vie mécanique de Julie, tout comme les intitulés des partitions qui fragmentent une semaine de sa vie, du lundi matin au lundi matin suivant. C'est brillant, tout simplement.

 

Les Crimes du Futur - Howard Shore

 

 

David Cronenberg et Howard Shore, c'est une longue et belle histoire d'amour, de sang et de musique. Depuis Chromosome 3 en 1979, le musicien canadien accompagne le cinéaste sur tous ses films, exception faite de Dead Zone. A ce stade, la méthode est donc bien rodée : Shore lit et relit le scénario, en tire les idées essentielles, et compose autour.

Il expliquait à Fifteen Questions, en 2022 : "Pour Les Crimes du futur, j'ai composé neuf motifs de mon côté. Ensuite, je les incorpore dans le film, pour savoir où ils vont. Je sais qu'ils ont leur place, je ne sais juste pas encore où. Je n'aime pas m'assoir devant une scène et composer pour elle. J'aime travailler à côté."

Ayant parfaitement conscience que le cinéma de Cronenberg se situe "aux frontières du subconscient" et que la musique est "le langage expressif d'idées émotionnelles", Howard Shore a une nouvelle fois créé le parfait contre-poids musical au musée des belles horreurs du réalisateur. La musique des Crimes du futur est ainsi à la croisée de la SF et de l'horreur. Passant de la pure mélodie aux nappes dissonantes, elle rappelle autant les synthés de Total Recall que l'ambiance d'un film d'angoisse pure. Directement dans les BO les plus envoûtantes d'Howard Shore chez Cronenberg, aux côtés de quelques autres grandes pépites (oui eXistenZ).

Notre critique des Crimes du futur

 

Inu-Oh - Yoshihide Otomo

 

 

 

L'année dernière, Ride Your Wave a été cité parmi les meilleures bandes-originales de 2021. Cette année, c'est un autre film d'animation réalisé par Masaaki Yuasa qui se retrouve dans le top, le spectaculaire et galvanisant Inu-Oh. La musique a toujours joué un rôle singulier dans les travaux du cinéaste, et si cette bande-originale est signée par un autre compositeur, Yoshihide Otomo (Vers l'autre rive, Noise), le réalisateur est allé encore plus loin dans l'utilisation de la musique, celle-ci prenant progressivement une place de narratrice pour dérouler l'histoire à laquelle elle se substitue

Inu-Oh est de fait une proposition singulière, un opéra rock dans le Japon médiéval du 14e siècle, avec une volonté de transgresser le traditionalisme, notamment par le biais de nombreux anachronismes. Cette démarche se retrouve à l'écran, dans la gestuelle et le look des personnages à qui Avu-chan (du groupe Queen Bee) et Mirai Moriyama ont prêté leur voix éraillée, mais surtout dans les morceaux qui mêlent des instruments traditionnels japonais comme le Biwa aux sonorités rock de guitares électriques. Le résultat est parfois déconcertant, mais toujours parfaitement rythmé.

Notre critique d'Inu-Oh

 

Nope - Michael Abels

 

 

Décidément, si Michael Abels travaillait pour d'autres cinéastes que Jordan Peele (ou en tout cas pour des films un peu plus prestigieux que See You Yesterday ou Nightbooks), il serait peut-être déjà reconnu comme l'un des plus grands compositeurs de sa génération. Le monsieur avait déjà su éléver l'horreur dépeinte à l'écran par Peele grâce à quelques notes et voix hantées dans Get Out (le prologue, le thème original) et Us (Pas de Deux), et il a encore frappé dans le sublime Nope.

Avec une partition bien plus complexe, jonglant allègrement entre les genres de l'horreur (Blood Rain), de la science-fiction (Not Good), du western (Preparing the trap) ou du blockbuster d'aventure (Jupiter's Claim), Michael Abels parvient à capturer chacun des éléments scénaristiques pour leur insuffler une identité unique. D'où une avancée progressive du thème musical en symbiose avec les événements du récit, au point où tout finit par se lier dans une même composition : la sublime A Hero FallsUne apothéose musicale aussi épique que mélancolique, venant décupler l'émotion des personnages et créer celle des spectateurs. 

Notre critique de Nope

 

jack mimoun et les secrets de val verde

 

 

Le très moyen Jack Mimoun et les secrets de Val Verde a reposé la grande question du film d'aventure à la française, légèrement perdu depuis les belles années de Philippe de Broca et Belmondo. Mais le film de et avec Malik Bentalha a également rappelé l'importance de la musique dans le genre, avec un beau succès pour le compositeur Mathieu Lamboley (jusque là plutôt habitué aux décors des Boule et Bill 2, Le Discours ou Ouistreham).

Dès le début de Jack Mimoun, c'est sa musique spectaculaire et triomphante qui crée une grande vague d'aventure (et d'espoir) pour le film. La suspension d'incrédulité (croire en cet univers, cette aventure... et ce pari de renouveau du film d'aventure en France) passe par lui. Son thème mystérieux, héroïque et lumineux se place bien naturellement dans l'ombre des immenses classiques américains, mais sans jamais singer les modèles. Et finalement, la musique est l'une des plus belles réussites de ce Jack Mimoun.

Notre critique de Jack Mimoun et les secrets de Val Verde

 

Severance saison 1 - Theodore Shapiro

 

 

Quiconque a regardé le casse-tête Severance a sans doute eu envie de complètement péter un câble en découvrant le grand final et son ultime cliffhanger. Une conclusion qui aura évidemment le droit à des réponses dans la saison 2, mais qui vient surtout clôturer une première saison magique, jonglant habilement entre la science-fiction, la comédie de bureau et le thriller. Une multitude de genres qui a obligé le compositeur Theodore Shapiro à se démener pour réussir à mettre en musique l'inventivité permanente de la série et troubler les spectateurs.

Le premier intéressé est d'ailleurs celui qui en parle le mieux : "La musique de la partition, construite autour de quatre accords répétitifs, est un gigantesque point d'interrogation. Au fur et à mesure que le mystère se dévoile, il en va de même pour les variations sur notre thème". Et c'est sans doute le thème principal qui transmet le mieux cette sensation de mystère, entre son piano, son orchestre classique et ses sons électroniques, pour venir mêler mystère et fantaisie, noirceur et euphorie. Et pour la peine, on vous a mis le générique pour vous faire une idée.

Notre critique de la saison 1 de Severance

 

RRR - M. M. Keeravani

 

 

Avouons-le d'emblée : l'écriture de ce dossier n'était qu'une excuse pour revoir en boucle la séquence de Naatu Naatu de RRR, très probablement l'une des scènes de danse les plus épiques jamais tournées. Les chanceux qui ont pu la découvrir en avant-première avec un public rompu aux productions Telugu peuvent attester de la ferveur incontrôlable qu'elle peut susciter. Pour le reste, comme souvent avec les blockbusters du genre, il est de coutume de distinguer la BO pure des différentes chansons.

La musique instrumentale, bourrine de chez bourrine, reflète parfaitement la dimension épique du récit, même si celle de La Légende de Baahubali avait placé la barre un peu trop haut. Dès que les voix s'élèvent en revanche, en solo ou en choeur, c'est tout le peuple indien qui rugit avec elles, comme une formidable chorale populaire et exaltée accompagnée par des envolées encore plus épiques quand elles laissent transparaître leurs relents électroniques. Et sans surprise, le mixage fait vibrer les murs, rendant l'expérience en salle d'autant plus indispensable.

À noter que d'autres grosses productions indiennes parvenues dans nos contrées n'ont pas démérité, comme Vikram et ses influences pour le coup clairement électro grand public, Shamshera et ses chansons initiatiques classiques, mais entraînantes, ou encore Ponniyin Selvan.

Notre critique de RRR

 

Don’t Worry Darling - John Powell

 

 

 

John Powell ne se limite qu'à son génie orchestral sur la saga Dragons. C'est aussi un talent évident dans des approches plus abstraites, conceptuelles et atmosphériques. Avec Don't Worry Darling, il propulse l'étrange film d'Olivia Wilde dans une autre dimension. Alors que les chansons des années 50 rythment l'album et le récit, le compositeur crée un contraste fascinant entre les images rassurantes d'une Americana fantasmée et sa musique mentale et distordue

Entre son usage merveilleux de voix féminines remixées, son piano entêtant et ses cordes menaçantes (le tout en jouant régulièrement sur la spatialisation des sons), le musicien façonne sa partition comme la matérialisation d'une carte mentale, celle de son héroïne perdue dans cette société trop belle pour être vraie. Certes, c'est perturbant en écoute isolée, mais cette proposition contamine avec brio l'univers pervers du long-métrage.

Notre critique de Don't Worry Darling

 

Pinocchio (del Toro) - Alexandre Desplat

 

 

Alexandre Desplat était tout trouvé pour accompagner le conte noir de Guillermo del Toro, pour qui il a déjà composé les ballades assaisonnées d'accordéon de La Forme de l'eau. Dès la première note et ce thème tout simple au piano qui part subtilement en crescendo, on comprend pourquoi. Bien sûr, difficile de ne pas penser à Danny Elfman, surtout dans les pistes les plus enjouées (Spazzatura), mais c'est lorsque le récit se dirige vers des horizons bien plus noirs que prévu que l'identité du compositeur français fait la différence.

Pinocchio étant un personnage profondément mélancolique, il parvient parfaitement à encapsuler ce sentiment dans des pistes plus discrètes, mais très jolies, comme Pinocchio ou Friendship With Candlewick, quand il ne se risque pas carrément à la complainte (The Late Lamented). Et lorsque la superbe voix de de Gregory Mann s'en mêle, ça donne des chansons très agréables à écouter, même en dehors du film, comme Everything is new to me ou bien sûr Ciao Papa.

Si vous avez vu le long-métrage, la fin de l'album et la piste Pinocchio's Choice risquent de titiller votre canal lacrymal. A noter que pour emballer cette magnifique partition, Desplat s'est amusé à ne composer qu'avec des instruments en bois (ou du moins en partie), pour pleinement s'accorder à son protagoniste.

Notre critique de Pinocchio

 

Station Eleven - Dan Romer

 

 

Il y a mille et une raisons de pleurer, trembler, frissonner et planer avec la passionnante série Station Eleven. Parmi les plus évidentes : la musique magique de Dan Romer. Le compositeur n'en est pas à sa première douce rêverie, puisqu'il avait signé la magnifique BO du Zoe de Drake Doremus, sans parler de ses collaborations avec Benh Zeitlin (Wendy, Les Bêtes du sud sauvage).

Tout a commencé par des morceaux à jouer par les personnages autour d'un feu de camp, puis pendant les représentations de Shakespeare, afin de poser les premières briques de l'univers. Sa musique est finalement comme le récit : explosée en morceaux, parfois douce et souvent étrange, passant du rire aux larmes et de la beauté à l'horreur. La BO déborde ainsi d'émotions, d'un I'm in the Death qui rappelle l'angoisse d'Under the Skin par Mica Levi, à la pure mélancolie de Bandanas.

Dans cet océan de mélodies et de sons, une musique absolument magnifique : le thème qui résonne à travers les temps et les maux, et qui se retrouve notamment dans Captain, I Need You to Do an Impossible Task. Une pure merveille.

Notre critique de Station Eleven

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
29/12/2022 à 18:37

@Deny

Et ça fait un petit moment qu'on parle BO ! (C'est peut-être avec vous que j'en avais reparlé récemment). Ce bilan musique de fin d'année est installée depuis quelques années, et on a une rubrique dédiée à la musique avec des articles dédiés aux grandes BO qu'on aime ! Peu de gens les lisent, ça reste des articles discrets, mais on les écrit avec passion et ils sont là ;)

DjFab
29/12/2022 à 18:25

Merci pour ce dossier !

Je retiens surtout Giacchino pour ses différentes BO (quelle tuerie le thème de Thor 4 !!!), mais aussi Bear McCreary pour le SDA et autres.

Il manque deux films aux BO somptueuses :
- Philippe Rombi "Le temps des secrets" https://www.youtube.com/watch?v=3l-rmgAHQLQ
- Brian Tyler "Redeeming Love" (chef d'oeuvre !) https://www.youtube.com/watch?v=94YnfEbqqzo

Deny
29/12/2022 à 18:04

Depuis longtemps je ralle qu'EL parle rarement des BO. Alors quelle joie de voir ce passionnant article. Merci EL. Perso la musique du superbe anime "Belle" m'a fait pleurer...

LCR
29/12/2022 à 14:32

Personnellement, la B.O. d'Avatar 2 est non seulement une reprise maîtrisée des thèmes musicaux si cher à Horner, elle arrive même à évoluer avec un nouveau thème magnifique sur la famille (reprise en chanson par Zoe Saldana), celle avec les Metkayinas, et de nouvelles pistes d'action grandioses. Les 2 albums sont d'une facilité d'écoute exemplaire. Simon Franglen a frappé très juste, et j'espère qu'il est au moins nommé aux Oscars pour la meilleure compo.

Geoffrey Crété - Rédaction
29/12/2022 à 13:44

@L'autre

Fan ici aussi, déjà vue 2 fois en concert ! (et la dernière fois, j'ai croisé quelqu'un qui lisait Ecran Large, donc nos lecteurs et lectrices ont vraiment bon goût)

L'autre
29/12/2022 à 13:42

Ravi de vous voir mettre en valeur la travail d'irene Dresel dont je suis très fan ! Sa composition pour le film est effectivement à son image et à la hauteur de ce magnifique film.

cinefab
29/12/2022 à 12:45

cinefab 29/12/2022 à 12:31
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Un beau palmarès qui fait la part belle aux séries, qui deviennent de vrais terrains d'expression ou on laisse les compositeurs tenter des choses plus que d'ordinaire ce qui l'est de moins en moins sur le grand écran même s'il reste des exceptions, j'ajouterais la remarquable E.O de Pawel Mykietyn et l'enjouée bo d' Amsterdam de Daniel Pemberton pour les films et pour les serie The English de Federico Jusid et The Time Traveler's Wife de Blake Neely qui mon également charmé ...

ps) désolé pour le post précédent hâtif, un bug qui publie avant que j'ai terminé de rédigé ..

cinefab
29/12/2022 à 12:31

Un plamares qui fait la belle part au série, qui devient un vrai terrain d'expression ou on laisse les compositeurs tenter des choses ce qui l'ai de moins en moins sur le grand ecran meme si il restent eds exeception

Geoffrey Crété - Rédaction
29/12/2022 à 12:07

@Eusebio

On en reparle en janvier dans un article dédié, mais la BO d'Avatar 2 est vraiment très, très loin de ce top pour nous...
Bonnes fêtes également !

Eusebio
29/12/2022 à 12:04

Génial !! Merci, c'est toujours la sélection que j'attends avec impatience !
J'ai aussi eu un crush inattendu sur le violoncelle de She Said, au-delà bien sûr du surkiff absolu des Anneaux de Pouvoir et de The Batman (je parle bien des musiques...). Giacchino est carrément en très grande forme, il nous a vraiment gâtés cette année !
Bonne surprise aussi de retrouver Ludovic Bource pour le Petit Nicolas, avec son côté parigo-rétro qui va tout de suite dans le tiroir "guilty pleasure" de l'année.
Déception en revanche pour le cru 2022 de Danny Elfman (Mercredi en demi-teinte malgré quelques fulgurances, Dr Strange complètement à côté de la plaque).
Très surpris en tout cas de lire une sélection 2022 qui ne parle pas d'Avatar ! :D
Bonnes fêtes la rédac !

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