Don't Worry Darling : critique prisonnière du désert

Geoffrey Crété | 3 mai 2023 - MAJ : 04/05/2023 12:14
Geoffrey Crété | 3 mai 2023 - MAJ : 04/05/2023 12:14

Elle était connue comme actrice du côté Tron : L'Héritage, Rush, Her ou encore la série Vinyl, mais elle devrait être très rapidement considérée comme réalisatrice avant tout. Après le très beau Booksmart sorti en France sur Netflix, Olivia Wilde revient avec Don't Worry Darling, un thriller mené par Florence Pugh et Harry Styles. Impossible d'en dire plus sans risquer d'abîmer le mystère, mais difficile de parler du film sans... parler du film. Critique avec quelques spoilers donc.

ATTENTION SPOILERS !

burning woman

Les Femmes de Stepford, The Truman Show, Matrix, Le Prisonnier, The Twilight Zone, Black Mirror, Get Out... les noms vont pleuvoir pour décrire et décrypter Don't Worry Darling, et au passage briser le sortilège du film avec d'énormes indices. Mais le jeu des comparaisons a un autre sens, plus pervers : réduire et étouffer le film, et l'empêcher d'exister, à l'image de son héroïne prisonnière de son costume de Desperate Housewives.

Il y a bien sûr de multiples influences dans le scénario de Carey et Shane Van Dyke, repris et réécrit ensuite par Katie Silberman. Personne ne s'en cache, et tout le monde en joue, du cliché solaire de l'american dream des années 50 à une citation d'Orange mécanique pleinement assumée.

 

 

Un peu comme dans une Quatrième Dimension de Mad Men, Olivia Wilde s'amuse à créer un monde digne d'un Polly Pocket cauchemardesque, qui se moque autant des conventions sacrées du bonheur en kit (la maison, la femme, la voiture, l'alcoolisme ordinaire) que des mirages de la pop culture (la nostalgie d'une époque parfaitement fantasmée, et recréée de fond en comble par la pop culture elle-même). L'apparition de Dita Von Teese en luxueuse marchandise de boys club, et le choix de Harry Styles (pour remplacer Shia LaBeouf) dans la peau du faux fantasme ultime, rajoutent des couches de malice.

Et si Don't Worry Darling est finalement victime de son appétit et s'écroule sous son propre poids, c'est au prix d'une réussite : celle d'une ambition fascinante, et d'un voyage déroutant, riche et souvent magnifique.

 

Don't Worry, Darling : photo, Harry Styles, Florence PughAmerican Midsommar

 

WILDE AT HEART

Dès les premières minutes, Don't Worry Darling hurle une chose : le talent d'Olivia Wilde. Dans le très beau Booksmart, la réalisatrice avait démontré un sens certain de la mise en scène, un soin tout particulier apporté aux corps et aux décors, en plus d'un désir de créer des bulles hors du temps (la scène de la piscine sur Slip Away de Perfume Genius). Pour son deuxième film, elle pousse les curseurs au maximum, avec une direction artistique fantastique. Dans ce monde infernal de perfection, absolument tout transpire le cinéma. Chaque visage, chaque décor, chaque horizon traduit un travail méticuleux à tous les niveaux, et une maîtrise formidable de tous les outils.

Cette Victory plantée au milieu du désert est une douce folie qui déborde d'étrangetés, et c'est un personnage à part entière de l'histoire. Avec le directeur de la photo Matthew Libatique (notamment connu pour ses collaborations avec Darren Aronofsky, de Pi à mother !), le compositeur John Powell, et une poignée de décors à l'architecture évocatrice (la Kaufmann Desert House, la Volcano House du désert de Mojave), Olivia Wilde assemble un monde entier d'hallucinations. Un salon, une rue, une salle de danse, un jardin, un bus : entre ses mains, tout devient le théâtre d'une horreur sourde et d'un malaise imperceptible.

 

Don't Worry Darling : photo, Florence Pugh, Olivia WildeThe Hours, le spin-off

 

Mais cette arme se retourne peu à peu contre le film. Si Don't Worry Darling balaye très (trop) vite l'introduction pour enclencher le cauchemar, c'est pour ensuite s'enfermer dans cette mécanique répétitive de l'angoisse, qui fissure peu à peu les murs de cette réalité. Les scènes se suivent alors pour décliner la même idée : le glissement de terrain qui emporte l'héroïne et son petit monde. L'étrange se multiplie pour le plaisir de l'étrange, quitte à réduire les personnages à des pantins – une belle ironie vu le sujet du film. 

C'est particulièrement évident avec quelques-unes des images les plus folles du film, où Alice est littéralement étouffée par la vie domestique, avec une baie vitrée et du film plastique. Les idées sont presque trop belles, trop fortes et trop parfaites pour trouver leur place dans l'histoire, et ces scènes jouent finalement contre le reste du film. Les effets de montage, qui encapsulent et isolent ces moments terrifiants, ressemblent d'ailleurs à un aveu d'échec. La perfection a un prix, annonce l'affiche du film. Ce prix, c'était peut-être le sacrifice de quelques idées-images fortes, pour servir le film (qui aurait certainement gagné à être resserré).

 

Don't Worry Darling : photoÊtre coincé entre la théorie, et la réalité

 

lost in translation

Le vrai mur que se prend Don't Worry Darling est néanmoins ailleurs. C'est celui vers lequel un tel film fonce dès le départ : la solution à l'énigme, et l'explication au mystère. Plus grande et folle est la question, plus dangereuse et risquée sera la réponse. C'est d'autant plus vrai ici que le film dépense beaucoup d'énergie à aligner les indices et éléments cryptiques, faussant les pistes avec un plaisir délicieusement pervers. Folie intime ? Expérience scientifique secrète ? Gigantesque machine sous le désert ? Secte new age ? Communauté-mensonge type Le Village ? Tout est possible... jusqu'à ce que tout soit précis.

Et quand arrive le moment de dévoiler le pot aux roses des enfers, le film n'a plus de souffle. La construction en flashbacks est lourde, et les effets encore plus. En voulant aller au plus clair et efficace, Olivia Wilde (de toute évidence peu intéressée par cette partie démonstrative) y va avec la délicatesse des plus beaux parpaings. La transformation de Harry Styles en geek de Foir'Fouille est légèrement risible, et les scènes sont si chargées de sens et justifications qu'elles semblent encore plus artificielles que les pelouses de Victory.

La faute à un scénario qui a bien du mal à se sortir de ce rendez-vous obligatoire, Don't Worry Darling est pris à son propre piège. Toute l'idée du twist est tellement théorique qu'elle ne passe pas l'épreuve de la réalité, ne serait-ce que pour quelques scènes. C'est la force et la limite d'un film-concept : le voyage est passionnant, mais la destination, probablement frustrante ou décevante.

 

Don't Worry Darling : photoLa Course à la mort dans l'âme

 

Malgré ça, Olivia Wilde maintient un cap. Par petites touches, elle entretient le cœur émotionnel que ce twist avait refroidi en quelques instants. La scène où Alice découvre la vérité et confronte son mari-bourreau est empreint d'une ambiguïté déchirante, qui traduit toute l'horreur complexe d'une relation si toxique. Dans le feu de l'action, une autre révélation amène une dimension tout aussi belle et amère à un simple second rôle. Dans les derniers moments, c'est le songe éveillé d'un bras qui enlace, comme dans un dernier geste d'amour dont il faut s'émanciper pour vaincre le dernier boss du niveau, qui rattache la folie furieuse de la conclusion à la simplicité horrifique de l'histoire.

À mesure que le film accuse des sorties de route et perd le nord, un astre reste haut dans le ciel : Florence Pugh, pour guider le film. Ce n'est pas la première fois qu'elle impressionne, et ce n'est certainement pas la dernière. Absolument fantastique de bout en bout, l'actrice incarne toute la fragilité, toute la force, toute la beauté et tout l'héroïsme de cette Alice au pays des merveilleuses horreurs, tombée malgré elle dans le puits des hommes. Harry Styles, Chris Pine et Olivia Wilde sont bons, mais Florence Pugh est plus que ça. Elle écrase tout et tout le monde sur son passage.

 

Don't Worry Darling : Affiche française

Résumé

C'est beau, c'est fou, c'est fascinant. C'est également bancal, déstabilisant, voire frustrant. Don't Worry Darling n'en demeure pas moins passionnant et riche, grâce à la mise en scène étourdissante d'Olivia Wilde et le talent faramineux de Florence Pugh.

Autre avis Alexandre Janowiak
Don't Worry Darling subit une narration jamais pleinement harmonieuse, mais jouit de belles idées de cinéma, d'une ambition assez remarquable pour un second film, d'un propos foncièrement moderne et confirme surtout deux précieux talents : Olivia Wilde metteuse en scène et Florence Pugh actrice.
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Lecteurs

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commentaires
BMF
06/05/2023 à 16:49

Extrêmement pénible et mou ! Peut être que l'histoire sera dans le 2.

Ethan
05/05/2023 à 13:15

film déjà sorti il y a un an apparemment

Marc
05/05/2023 à 12:43

Pour ce premier film Olivia Wild surprend ce film il faut plonger dans cette fausse réalité suivre Alice au pays des merveilles . Don't worry Darling est une expérience sensorielle sensuelle jusqu'au dénouement.

nepotelefilm
04/05/2023 à 15:44

il ne se passe rien olivia peu remercier son pere

Dentscie
04/05/2023 à 09:12

Je pense qu'Olivia Wilde est surtout connue du grand public pour son rôle dans Dr. House et pas pour les 2-3 autres films où elle est apparue !

Le film est sympa, très beau à regarder mais il manque un ptit truc à la fin ! On dirait qu'elle s'est retenue d'aller jusqu'au bout de son idée.

Vladimir Vladivostok
21/11/2022 à 00:40

Alors oui c'est beau bien réalisé les acteur sont tous bon mais au final c'est un sous ''ouvre les yeux/vanilla sky'' qui eux au moins avaient le courage d'aller jusqu'au bout du concept de rêve/cauchemar éveillé. La tout est trop lisse ça manque de choque , d'originalité et finalement très peu de surprise dans ce film tout est très téléphoné et c'est dommage malgré les fausses pistes . Après ça n'en reste pas moins un film correct avec un vrai soucis de l'esthétique et une bonne b.o et très bien réalisé malgré un twist qui fais pschitt et cest dommage

Kyle Reese
02/11/2022 à 22:20

J'arrive après la fête. Globalement bien aimé le film pour ... bah ses nombreuses qualités quoi ! Commençons d'abords par les défauts. La longueur. La première partie est trop longue un peu trop répétitive, ça manque un chouia de densité ... mais rétrospectivement en connaissance de la suite je comprend ce ressentis. Car comme dans une cage à hamster, les personnages, et l'héroine principale tournent en rond, voir en boucle. Peut être que le film dure 10-15 mns de trop pas plus. Et c'est en fait ... le principal défaut que je lui ai trouvé. Une fois le twist révélé, et même si on se doute de sa nature, quand on comprend vraiment ce qu'il en est et surtout dans quelles conditions, bordel ça fait son effet et c'est très dérangeant. On remet tout ce beau petit monde en perspective. Ça m'a tout de suite fait penser à ces hommes que l'on ou qu'ils se qualifient eux même d'Incel. Et c'est très malaisant. Je suis un gros fan de ce genre d'histoire depuis mon adolescence grâce à K.Dick et franchement je trouve que ce film apporte sa pierre à l’édifice et le fait que ce soit une femme qui l'ai réalisé est d'autant plus intéressant par rapport au propos. C'est même très puissant et laisse un sale gout dans la bouche. Ça renvoie à plein de chose, ça renvoie à l'histoire de l'humanité et la place de la femme et question ce fichu pouvoir que les hommes se sont octroyés depuis des millénaires sur le sexe "faible" (pour moi c'est tout l'inverse). Bref, sinon techniquement Wilde s'en sort formidablement, rien à redire, comme si elle avait déjà une grande carrière de cinéaste derrière elle, j'ai beaucoup aimé sa mise en scène et sa direction d'acteur. Florence Pugh est formidable comme d'hab, elle respire le naturel. Pas étonnant qu'elle ai été choisi car elle a un rôle un peu similaire dans le malaisant et pourtant formidable Midsomar, le film d'horreur en plein jour. Tout le reste du cast est très bon. Nan vraiment un bon film, ah oui le dernier défaut ... j'aurai aimé voir la suite, mais c'est pas grave. Un film qui fait son petit effet mine de rien. Bon film qui a fait 85 millions au total pour 35 millions de budget c'est pas si mal. Ah oui tient Alice ... au pays ... des merveilles bien sur ! (ah mais déjà dit plus bas)

Mange moi ... bois moi ... aime moi ? ^^
Attention au maris lapin trop étouffant.

Marc
23/09/2022 à 00:20

Je viens de voir ce film quel expérience Miroir Miroir on suit Alice qui vit dans un village victoria au milieu d'un desert un collectif qui a été conçu par Brian tout semble à sa place les maris vont au travail les femmes aux foyers . j'ai pensé effectivement à Alice aux pays des merveilles un monde illusion, Alice au fil du film ce sent à l'étroit des visions étrange . Don't worry Darling de Olivia Wild est fascinant je le conseil.

Prometheus
22/09/2022 à 23:36

Un bon film, un peu long c'est vrai. Florence Pugh impeccable. Olivia wilde très inspirée. A voir.

SebSeb
22/09/2022 à 14:09

Beaucoup trop long ! 2h pour en arriver à cette conclusion, elle aurait dû tailler au moins 20 minutes pour mieux resserrer son récit, le film aurait eu bien plus d'impact et aurait été 100 fois plus efficace.

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