Venom : Let There Be Carnage ou la grande régalade de Sony au box-office de 2021

Mathieu Lapon | 7 janvier 2022 - MAJ : 07/01/2022 17:40
Mathieu Lapon | 7 janvier 2022 - MAJ : 07/01/2022 17:40

Venom : Let There Be Carnage, le cousin Sony de Marvel, a été l'une des opérations cinématographiques les plus lucratives de l'année 2021.

En 2018 sortait Venom, le deuxième coup d'essai de Sony Pictures pour établir un univers cinématographique étendu autour de la marque Spider-Man. D'abord attendu comme un possible mélange de cinéma horrifique et super-héroïque, le film s'est révélé être un machin bien générique à souhait, avec son lot de tares comme on en voit trop souvent dans l'industrie hollywoodienne. La critique presse était acerbe, mais le public a répondu à l'appel. En a résulté un box-office mondial de 856 millions de dollars.

 

 

Avec une telle somme, la volonté d'enclencher la machine de la franchise est montée en flèche. Trois ans plus tard, en 2021, Venom : Let There Be Carnage laissait planer le doute sur sa capacité à attirer les foules, tant à cause de la qualité douteuse de son prédécesseur que des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Le deuxième volet du klyntar en noir est arrivé tout au long du mois d'octobre dans les salles du monde entier, et a tout simplement ravagé le box-office, pour s'ériger sur les hauteurs du classement. Retour sur ce triste succès commercial des symbiotes.

 

Venom : Let There Be Carnage : photoDans la gueule du klyntar

 

Un symbiote qui avait (presque) tout pour lui

Comme dit, le premier Venom a été un franc succès, avec son budget de 100 millions de dollars et les 856 millions mondialement récoltés. À cette époque dorénavant mythologique de la pré-pandémie, c'est ce que faisait en moyenne une saga moyenne du MCU (Thor : Ragnarok à 853 millions, Ant-Man and the Wasp à 622 millions). Associé dans l'imaginaire collectif à un film Marvel comme tant d'autres, il a su rameuter du monde en salles, et devenir le succès qu'il espérait être.

La lucrativité de cette suite semblait déjà donc toute tracée. Avec cette fois Carnage comme antagoniste, soit un autre symbiote bien apprécié des fans de comics (notamment pour la violence graphique qu'il apporte aux pages de comics), et un budget de seulement 10 millions de dollars supplémentaires par rapport à son prédécesseur, le deuxième volet abattait de plus grosses cartes sans jouer celle du risque financier.

 

Venom : Let There Be Carnage : photoDu tout cuit

 

Ces "précautions" de Sony, on les doit évidemment au désir du studio de créer son univers cinématographique étendu, majoritairement composé d'antagonistes de Spider-Man (tels que Morbius ou Kraven). Après s'être pris les pieds dans le filet avec Amazing Spider-Man : Le Destin d'un héros, à trop annoncer son univers étendu sans se concentrer sur l'instant présent, il s'agissait ici de ne pas réitérer l'erreur, et d'y aller étape par étape, effet de hype par effet de hype.

Qui plus est, les sphères cinéphiles pouvaient se languir de la présence de Woody Harrelson et Naomie Harris au casting, deux têtes talentueuses qui pouvaient peut-être aider Tom Hardy à sortir du traquenard dans lequel il est tombé, avec cette saga. En plus, Andy Serkis, maître de la motion capture (pour avoir joué Gollum, Snoke, le singe César et d'autres), est aux commandes du film. À défaut d'espérer une révolution scénaristique, on pouvait au moins souhaiter un spectacle plus inspiré, et non pas juste deux blobs noirs et gris s'affrontant en pleine nuit.

 

Venom: Let There Be Carnage : photo, Woody HarrelsonSauf qu'évidemment, il y a l'annonce et le résultat final

 

Mais le carnage était à redouter

Et la pandémie de Covid-19 vint. Let There Be Carnage n'en a subi les contraintes que le temps de quelques reshoots, mais sa distribution allait être un petit enfer. Passé d’octobre 2020 à l'été 2021, puis repoussé une seconde fois à octobre 2021, le film allait devoir se confronter à Mourir peut attendre, le vingt-cinquième James Bond ; Halloween Kills ; et la sortie américaine de Dune, l'adaptation du monument de science-fiction.

Contre tous ses concurrents, Venom ne semblait clairement pas faire le poids. Le premier film avait beau être un succès commercial, sa critique mitigée en Amérique (et incendiaire en Europe) pouvait faire craindre un effet "une fois, pas deux" des spectateurs, qui ne voudraient peut-être plus autant aller en salles pour cette franchise en devenir. Un syndrome d'autant plus plausible que durant cette période de pandémie et de restrictions sanitaires, le grand public limite plus que jamais ses sorties ciné.

 

Venom : Let There Be Carnage : photoLa crotte rouge mérite-t-elle le visionnage ?

 

Des reports, de féroces concurrents et la crainte d'un absentéisme partiel du public. On pourrait croire que les maux du film s'arrêteraient là, mais non. Le film n'aura pas d'exploitation chinoise, et ce à cause d'une vieille déclaration de Tom Hardy sur le "péril jaune" (la prédominance asiatique sur le reste du monde). Le film y sera donc boudé. C'est un peu la cata, dans la mesure où le premier Venom a récolté 269 millions de son box-office sur ce territoire, soit environ un tiers du total de celui-ci.

On ajoute à cela que Sony n'a pas de plan de sortie simultanée du film sur une plateforme de SVoD comme Black Widow avec Disney+ ou Dune avec HBO Max, ne lui donnant même pas le luxe de relativiser ses chiffres au travers de l'imprécision des revenus qu'engrangent ces supports. En conséquence, dans une optique de psychologie inversée, Sony déclare un week-end d'ouverture assez bas à 40 millions de dollars (alors qu'il sera évidemment meilleur, permettant ainsi au studio de frimer sur des chiffres pourtant pas foufou).

Deadline, de manière plus réaliste, envisage une ouverture à 60-65 millions de dollars (ce qui est loin d'être mauvais au vu de la période, mais certainement pas aussi prometteur qu'un mastodonte comme Mourir peut attendre, prévu à 90 millions d'ouverture). Le diagnostic de Venom 2 paraît donc clair : il doit frapper vite et fort pour se démarquer, sans quoi ses adversaires auront vite fait de l'invisibiliser.

 

Venom : Let There Be Carnage : photo, Tom HardyEddie s'inquiète, mais Venom se délecte 

 

Let there be money

L'inquiétude était palpable, mais vaine. Pour son week-end d'ouverture, le film a empoché les 90 millions de dollars attribués à Mourir peut attendre (qui est allé pété d'autres scores bien plus hauts). En trois mois d'exploitation, Venom : Let There Be Carnage a cumulé 501 millions de dollars au box-office mondial. Au vu de l'absence chinoise, on pouvait difficilement imaginer faire mieux que ce chiffre (sans compter le box-office de la Chine, le premier volet a récolté 587 millions dans le monde), ce qui donne la sensation que la pandémie n'a presque pas amputé de revenus au film. Une réussite unanime et inattendue pour Sony.

D'ailleurs, le film suit le même pattern que le film, en termes de critique. Les médias étasuniens ont beau être conciliants, ils préviennent du risque d'overdose de mauvais goût. Pourtant, les Américains foncent en salles et représentent 212 millions de dollars au box-office domestique, soit presque la moitié de sa totalité. Les médias français sont consternés par la nullité du spectacle proposé, mais il fait quand même 1,6 million d'entrées. C'est plus que Shang-Chi (1,4 million d'entrées), et à peine moins que Les Éternels (1,7 million d'entrées). 

 

Venom : Let There Be Carnage : Photo"Tu disais quoi de mon box-office, déjà ?"

 

En France, il est donc vu comme n'importe quel Marvel de l'année. Mais même à l'échelle mondiale, le film fait mieux que ses cousins : Black Widow, même si soumis à la division de ses gains sur Disney+, a fait 379 millions ; Shang-Chi a atteint les 432 millions ; et Les Éternels est à peine arrivé au cap des 400 millions. Le seul qui le bat rien que par son week-end d'ouverture, c'est l'événementiel et phénoménal Spider-Man : No Way Home (600 millions), qui a largement dépassé le milliard peu après (1,39 milliard au 7 janvier 2022).

Mais Spider-Man est une marque appartenant aussi à Sony, qui engrange la majorité des recettes de sa collaboration avec Marvel Studios, depuis la réévaluation de leur contrat (résultante du divorce temporaire des deux studios en 2019, juste après le succès de Spider-Man : Far From Home). Le cumul des deux films fait donc de Sony Pictures le maître incontesté de l'année au box-office.

 

Venom : photo VenomRompichage du succès

 

Venom : more Incoming

Quelles conclusions en tirer ? Déjà, que les salles de cinéma sont loin d'être finies, contrairement aux bruits qui courent depuis les confinements successifs. Contre critiques défavorables et vagues pandémiques, Venom : Let There Be Carnage a prouvé la fidélité d'une clientèle friande de son faux anti-héros. À l'instar de son voisin d'octobre 2021, Mourir peut attendre (774 millions), le film est parvenu à percer au box-office, sans aucun appui du streaming légal.

Évidemment, ce succès va accélérer le projet d'univers étendu des personnages Marvel de Sony. Même si Morbius a accusé un énième report, car Sony sait que son vampire n'inspire tellement rien à personne qu'il n'a pas intérêt à se frotter à No Way Home (alors que son exploitation aurait été quasiment terminée le 26-28 janvier 2022), tous les voyants sont au vert. Venom 3 est déjà en pré-développement et un film sur Kraven le Chasseur est toujours prévu.

 

Spider-Man : No Way Home : photo"Est-ce un avion ? Est-ce un oiseau ? Non, c'est le bouffon en noir de Sony !"

 

Et avec Spider-Man comme cheval de Troie chez Marvel, Sony s'est assuré une toile de sécurité (les joies de dépasser le milliard et faire les mêmes scores qu'Avengers), qui permettra d'amortir tout potentiel et futur dérapage avec son Spider-Verse sans Spider-Man. Mais quand on voit que même le meilleur film de Marvel (hors Spider-Man) de 2021 n'a pas vaincu les 500 millions de dollars de Venom : Let There Be Carnage, le ramassage financier n'est visiblement pas pour demain (éventuellement après-demain, avec Morbius ?).

Après un Dark Universe mort-né et un MonsterVerse balbutiant, il semblerait donc que le Marvel Cinematic Universe ait trouvé (et propulsé) un véritable concurrent (et ami) : le Sony Pictures Universe of Marvel Characters (SPUMC), dont le point culminant sera sans nul doute la rencontre tant attendue par certains du Spider-Man de Tom Holland et du Venom de Tom Hardy. Que Dieu nous protège.

Tout savoir sur Venom : Let There Be Carnage

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commentaires
John Spartan
08/01/2022 à 07:48

Pas encore vu, et pas sur que j'oserais perdre mon temps avec celui là.
Déjà que le 1er était bien nul, J'ose à peine imaginer le deuxième.
Quand j'étais gamin j'adorais les comics et je rêvais d'un film bien dark, mais là j'ai peur pour les générations futures qui adorent ces films tout moisis, dommage y avait moyen de faire quelque chose de chouette.

mothra2000
07/01/2022 à 20:30

On verra sur la durée si ce sonyverse tiendra...
Sinon c'est vrai que venom 2 a battu godzilla vs Kong sur le total....par contre au niveau du box office international ce sont les titans qui l emportent....a relativiser donc...