Batman : Year One - le film ultra-violent qui avait tout prévu (avant d'être annulé)

Arnold Petit | 6 mars 2022 - MAJ : 07/03/2022 13:23
Arnold Petit | 6 mars 2022 - MAJ : 07/03/2022 13:23

Avant The Batman et Batman Begins, un autre film par Darren Aronofsky devait présenter un nouveau Batman tellement sombre et violent que Warner l'a refusé.

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Des années avant le Bruce Wayne torturé de Robert Pattinson dans The Batman et avant que Christopher Nolan ne s'empare du personnage pour entamer sa trilogie avec Christian Bale dans Batman Begins, un autre long-métrage devait introduire un nouveau Chevalier Noir après le catastrophique Batman & Robin : Batman : Year One.

Un film qui aurait dû être réalisé par Darren Aronofsky et inspiré d'un des plus grands récits consacrés au justicier de Gotham, avec un scénario écrit en collaboration l'un de ses auteurs, Frank Miller. Les deux hommes avaient réimaginé Batman comme un héros psychotique et ultra-violent, et s'il a peut-être été abandonné par Warner, il a visiblement influencé ceux qui ont suivi.

 

Batman : Année Un : photoFlashback-Batman

 

THE DARK KNIGHT RETURNS

En 1996, satisfait par les premières images du tournage de Batman & Robin, Warner Bros. pense déjà à la suite et demande à Joel Schumacher s'il veut retourner derrière la caméra pour les prochaines aventures des deux héros. Espérant enfin réaliser le Batman plus sérieux que le studio lui a refusé par deux fois, le réalisateur accepte et commence à travailler avec le scénariste Mark Protosevich sur le scénario de ce cinquième volet, intitulé Batman : Unchained (aussi connu plus tard comme Batman : Triumphant).

Seulement, en juin 1997, Batman & Robin sort en salles, et après un premier weekend d'ouverture plus que correct, le film est finalement un échec critique et financier retentissant. Loin des 411 millions de Batman ou des 311 millions de Batman Forever, les aventures excentriques du Chevalier Noir et son acolyte contre Mister Freezer et Poison Ivy sont considérées comme un des pires films de super-héros jamais produits. Il ne récolte que des critiques négatives et 238 millions de dollars au box-office (hors inflation et frais marketing).

 

Batman & Robin : photo, Chris O'Donnell, George ClooneyRangez les Bat-patins, la fête est terminée

 

Quelques semaines plus tard, Lee Shapiro et Stephen Wise proposent un scénario intitulé Batman : DarKnight (véridique), dans lequel Batman et Robin sont confrontés à l'Épouvantail, Harley Quinn, Man-Bat, Killer Croc ou encore Gueule d'Argile, mais Warner préfère le laisser de côté. Après le désastre de Batman & Robin et l'annulation de la sympathique série Loïs & Clark, les nouvelles aventures de Superman, le studio décide d'arrêter les frais et annule le Superman Lives de Tim Burton avec Nicolas Cage au dernier moment.

Ayant compris que la saga initiée par Tim Burton et reprise par Joel Schumacher était arrivée à son terme (et ne sachant plus quoi faire avec Batman), Warner décide alors de repartir sur de nouvelles bases. Le studio développe alors deux projets différents, en attendant de valider le plus prometteur.

D'abord une adaptation en prise de vues réelle de leur nouvelle série d'animation qui cartonne, Batman, la relève, écrite par les créateurs du dessin animé, Paul Dini et Alan Burnett, l'auteur Neal Stephenson (Cryptonomicon) et le réalisateur du Plus Beau des combats, Boaz Yakin ; puis une adaptation de Batman : Année Un de Frank Miller et David Mazzucchelli, que devait réaliser Joel Schumacher avant que Lorenzo di Bonaventura et les exécutifs du studio ne se débarrassent de lui pour trouver celui ou celle qui reprendra Batman pour l'amener dans une nouvelle direction.

 

Batman & Robin : photo, George ClooneyC'est fini, George, il faut rentrer

 

Tout un tas de scénaristes et cinéastes se succède dans les bureaux des producteurs : Akiva Goldsman (Le Client, Batman Forever, Batman & Robin), Andrew Kevin Walker (Seven), Joss Whedon, Bryan Singer (qui fera finalement X-Men pour la Fox et reviendra plus tard chez Warner pour Superman Returns) ou encore les Wachowski, qui venaient tout juste de retourner le cinéma d'action hollywoodien avec Matrix, produit par le même studio.

Les deux soeurs ont d'ailleurs présenté une première ébauche de scénario (trouvable sur Internet) plutôt fidèle au comics original : Bruce Wayne y revient à Gotham pour faire cesser la corruption et arrêter Carmine Falcone avec l'aide d'un Jim Gordon encore inspecteur pendant que Selina Kyle entame sa carrière de voleuse et sauve des chats qui subissent des expériences génétiques dans des laboratoires.

 

Photo Anne-Marie Carriere, Carrie-Anne Moss, Randall Duk KimUne combinaison noire, des cheveux courts, une moto et la police à ses trousses ? Il ne manque que le fouet

 

En 1999, pas encore convaincu, Warner Bros. approche un autre réalisateur, Darren Aronofsky, qui s'était fait un nom avec son premier long-métrage à petit budget l'année précédente, Pi, et qui terminait la production de son deuxième film, Requiem For A Dream. Fan de Batman et des comics de Frank Miller, le jeune cinéaste est intéressé, mais parce qu'il a un autre projet en tête, un gros film de science-fiction qu'il aimerait réaliser depuis longtemps, comme il le racontera plus tard au scénariste Bruce Scivally dans son livre Billion Dollar Batman :

« C'était une stratégie pour les appâter et tenter de procéder à un échange. Je travaillais sur Requiem For A Fream et j'ai reçu un coup de fil disant que Warner voulait parler de Batman. À l'époque, j'avais eu l'idée d'un film intitulé The Fountain, et je savais déjà qu'il serait un grand film, alors je me suis dit : "Est-ce que la Warner va vraiment me donner 80 millions de dollars pour faire un film sur l'amour et la mort après un film sur l'héroïne ?" Donc ma théorie était la suivante : si je peux écrire ce film sur Batman et qu'ils voient ce dont je suis capable, alors peut-être qu'ils me laisseront continuer avec mon autre projet, ce qui a très bien fonctionné, jusqu'à ce que Brad Pitt démissionne. »

 

Requiem for a dream : Photo Marlon WayansCoïncidence rigolote qui n'en est peut-être pas une : Marlan Wayans devait incarner Robin dans le Batman de Burton

 

Quand il rencontre les producteurs de Warner, Aronofsky leur raconte en plaisantant à moitié qu'il aimerait adapter The Dark Knight Returns de Frank Miller avec Clint Eastwood pour incarner le vieux Bruce Wayne brutal et alcoolique et un tournage à Tokyo pour pouvoir filmer Gotham comme il l'imagine.

Le studio refuse, évidemment, et lui soumet plutôt son idée d'adapter Batman : Année Un, ce qui plaît aussi au réalisateur, d'autant qu'il connaît bien Frank Miller puisque son travail sur Sin City l'a directement influencé sur Pi et qu'il avait déjà collaboré avec lui en 1998 sur l'adaptation d'un autre de ses comics (culte lui aussi), Ronin, pour New Line Cinema (récemment acquis par Warner), avant que le projet soit abandonné et qu'il aille réaliser Requiem for A Dream. Alors Aronofsky recontacte Miller et les deux hommes se mettent à réfléchir sur ce qu'ils veulent faire.

 

Batman : The Dark Knight Returns - Partie 1 : photoUn Batman qui fait régner la loi en cassant des gueules sans aucun remords ? Clint Eastwood aurait été parfait

 

Voulant trancher avec ce qu'incarnait Batman & Robin, Aronosfsky imagine alors quelque chose de dur, brutal, radicalement différent, comme il l'a raconté au journaliste David Hughes dans son livre Tales From Development Hell: The Greatest Movies Never Made? :

« J'ai proposé tout le contraire, un film sauvage, urbain, énervé, en essayant de le situer dans une sorte de vraie réalité - pas de plateaux, pas de décors, un tournage à Detroit, dans les quartiers pauvres de l'Amérique, pour créer une véritable sensation de réalisme. Je me suis dit qu'il s'agissait d'une rencontre entre Un justicier dans la ville ou French Connection et Batman. Dans le film, Gordon était un peu comme Serpico, et Batman était un peu comme Travis Bickle [personnage principal de Taxi Driver, ndlr]. »

Intéressé par les choix du réalisateur, Warner Bros. lance le projet et en 2000, Darren Aronofsky et Frank Miller signent pour écrire le scénario du prochain film consacré au Chevalier Noir, Batman : Year One, pour le plus grand plaisir des fans.

 

Batman : Year One : photoPlus noir que noir

 

SOMBRE REFLET

Darren Aronofsky annonce clairement ses intentions dès le départ. Dans une interview pour Entertainment Weekly en septembre 2000, il déclare qu'il souhaite "amener une ambiance de guerilla à Batman" et précise sa vision sur les origines de Batman dans un autre entretien pour Salon le mois suivant :

« Je pense que c'est une excellente histoire qui n'a été racontée que de deux manières différentes au cours des dix dernières années, mais pas de la manière dont je la raconterais. D'après moi, c'est une incroyable histoire qui résonne profondément dans la conscience américaine. Il y a quelque chose autour de la vengeance et de la justice qui sont des questions très profondes pour les Américains. Et le vigilantisme. »

 

Batman : Year One : photoBatman en mode guerilla urbaine

 

Au bout de quelques semaines de réflexion, Aronofsky s'approprie progressivement le scénario et choisit de tout réinventer. Batman et le personnage de Bruce Wayne, ses origines, son histoire et les personnages qui composent son univers, tout y passe. En décembre 2000, il raconte à Empire :

« Batman 5 ne sera pas Batman 5, ce sera Batman : Year One. Le film est plus ou moins basé sur l'histoire de Frank Miller et Frank écrit le scénario avec moi, mais ce sera très différent de ce qu'il y a dans le comics Batman : Année Un et de tout ce que vous avez vu avant. Oubliez tout ce que vous savez concernant Batman, tout ! On repart totalement de zéro. »

 

Gotham : photoLe jeune Bruce Wayne de la série Gotham

 

Alors que le réalisateur et le scénariste commencent à réfléchir ensemble sur le scénario, Frank Miller, pourtant connu pour son Batman impitoyable dans The Dark Knight Returns et ses récits très violents dans Sin City, est étonné par le degré de noirceur que Darren Aronofsky veut apporter au personnage. C'est en tout cas ce qu'il l'explique en mai 2001 à AV Club : "Les idées jaillissent de sa tête et on s'amuse beaucoup tous les deux. C'est drôle, car à bien des égards, je pense être le plus calme de nous deux, et je n'y suis pas habitué".

Une impression qu'il confirmera des années plus tard au Hollywood Reporter :

« Il avait des idées très précises sur le personnage et sur la façon de l'aborder. J'ai été surpris à l'époque, car j'ai tendance à être le plus radical de l'équipe, mais c'est Darren qui était beaucoup plus radical que moi. Je lui disais : "Darren, est-ce que tu peux rester fidèle aux comics ?" et il avait envie de s'arracher les yeux.

C'était la première fois que je travaillais sur un projet autour de Batman avec quelqu'un dont la vision du personnage était encore plus sombre que la mienne. Mon Batman était trop gentil pour lui. On s'engueulait à ce sujet, je disais : "Batman ne ferait pas ça, il ne torture pas les gens", et ça continuait comme ça encore et encore. »

 

The Dark Knight : photo, Heath LedgerAllégorie des échanges entre Frank Miller et Darren Aronofsky

 

Dans le même temps, Paul Dini, Alan Burnett, Neal Stephenson et Boaz Yakin terminent une première version du scénario de l'adaptation de Batman, la relève, mais Warner Bros abandonne le projet pour se concentrer pleinement sur Batman : Year One.

Dans leur scénario, Miller et Aronofsky conservent plusieurs éléments du comics original et de l'histoire de Batman, mais livrent un personnage et une mythologie qui n'ont effectivement plus rien à voir avec ce que tout le monde connaît. Ainsi, après la mort de Thomas et Martha Wayne, au lieu d'être élevé par le majordome de la famille, d'hériter de la fortune de ses parents et de parcourir le monde pour développer ses capacités physiques et intellectuelles auprès des plus grands experts du monde, Bruce reste à Crime Alley, dans la rue, où il est recueilli par Big Al, une réinvention afro-américaine d'Alfred qui tient un atelier de réparation de voitures avec son fils, Little Al, devenu l'ami de l'orphelin.

 

Batman : Année Un : photoDans les bas-fonds de Gotham

 

Loin du playboy milliardaire menant une double vie, Bruce travaille dans le garage de Big Al et vit dans un studio miteux de l'East End décrit comme "la chambre confinée d'un obsessionnel compulsif". Il y observe les allées et venues des prostituées, des clients, des proxénètes et des flics corrompus dans le bordel sordide situé en face de chez lui, qui est en fait l'ancien cinéma où le jeune garçon avait été avec ses parents le soir où ils ont été tués. 

Atteint de stress post-traumatique, il ne dort pas plus de quelques heures par nuit à cause de ses cauchemars et écrit régulièrement des lettres à son défunt père, dans lesquelles il lui demande des conseils pour canaliser la rage qui bouillonne en lui et l'interroge sur l'enveloppe, "l'héritage" qu'il lui a donné juste avant de mourir. Tant qu'il n'a pas fait ses preuves, le jeune homme refuse de reprendre l'empire des Wayne laissé par ses parents et se condamne à une vie de misère.

 

Batman : Année Un : photoSurnommée "Maîtresse Selina" par ses clients

 

Pendant ce temps, Selina Kyle, décrite comme "une femme noire longue et fine", travaille comme dominatrice dans le bordel en face de l'appartement de Bruce pour un proxénète appelé Chichi et rêve de s'échapper de Gotham avec son amie, Holly. À côté, un James Gordon suicidaire et dépressif essaie d'avoir un enfant avec sa femme Ann et observe la corruption au sein de la police tout en subissant les pressions du commissaire Loeb, de son coéquipier Flass et des autres flics qui se méfient de son intégrité.

En voyant un certain inspecteur Campbell s'en prendre à Selina, Bruce intervient pour la défendre, mais après avoir mis son adversaire à terre, il est assommé par la jeune femme, qui le laisse inconscient. Il se réveille à côté du flic, mort, supposant qu'elle l'a tué, et échappe de peu à Gordon et les autres policiers qui ont été prévenus.

 

Batman : Année Un : photoAu bord du gouffre

 

Quelque temps plus tard, Gordon se rend sur une prise d'otages au bord d'un pont et sauve un bébé qu'un déséquilibré mental menaçait de tuer (en lui fourrant son pistolet dans la bouche dans le scénario). Inspiré par l'héroïsme de Gordon et le discours contre le crime et la corruption qu'il donne à la presse sous les yeux révulsés du commissaire Loeb, Bruce décide alors d'entamer sa propre croisade. Il ouvre l'enveloppe de son père, dans laquelle se trouve une chevalière avec un T et un W entrelacés, puis cache son identité avec une fausse cicatrice et part traquer les criminels dans les rues de Gotham.

 

Batman : Année Un : photoPremier déguisement

 

Il commence d'abord par briser les genoux de Chichi pour savoir s'il sait où se trouve Selina, puis tabasse violemment des voyous qui attaquaient une femme, et s'en prend ensuite sauvagement à des skinheads. De retour à son appartement, il enlève les morceaux de peau restés collés sur la chevalière de son père, panse ses plaies, écrit une nouvelle lettre et continue de déchaîner sa colère la nuit suivante en allant déclencher une bagarre dans un bar rempli d'anciens détenus et de toxicomanes, où les employés sont tous des travestis.

Après cette nouvelle sortie nocturne, dont il ressort de justesse grâce à une bombe fabriquée à partir de produits ménagers, il se met à étudier la science et les arts martiaux dans des livres empruntés à la bibliothèque et des manuels anarchistes, qu'il entasse chez lui.

 

Batman : Année Un : photoSin City

 

De son côté, Gordon essaie de sauver son mariage en invitant sa femme à dîner et voit le commissaire Loeb fricoter avec un des plus dangereux parrains de Gotham dans le même restaurant. Quand il commence à poser un peu trop de questions, son coéquipier Flass et d'autres flics, sur les ordres de Loeb, le passent à tabac à coups de batte de base-ball.

Pour son costume, Bruce achète de l'équipement de sport, un casque de hockey, des gants, un plastron ou encore des protège-tibias (dont le Batman de Christian Bale se moquera plus tard dans The Dark Knight). Mais malgré ses grenades au phosphore blanc, ses armes artisanales ou sa brutalité, ses ennemis ne sont toujours pas impressionnés.

Après avoir perdu des dents et quelques litres de sang, la solution lui vient en regardant le journal télévisé pendant qu'il est en train de se recoudre tant bien que mal : le présentateur rapporte qu'un justicier s'en est pris à plusieurs criminels, laissant une marque en forme de chauve-souris sur leur visage.

 

Batman : Year One : photo50 nuances de Batman

 

Dès lors, il coupe son masque de hockey en deux, le peint en noir, comme le reste de son équipement, et confectionne son arsenal, qu'il cache sous un long manteau : des poings américains, sur lesquels ils soudent un Bat-logo, des gants en cuir avec des lames de rasoir incrustées et une ceinture de munitions avec grenades, couteaux de lancer, corde, glue, ruban adhésif, menottes, jumelles, différentes seringues contenant du sérum de vérité ou de l'antidouleur, un magnétophone et du fil et une aiguille, au cas où.

Afin de cacher ses dents manquantes, il se fabrique un dentier en argent et conçoit sa Batmobile à partir d'une Lincoln Continental, qu'il modifie en installant des pare-chocs blindés, des panneaux de métal et deux moteurs de bus (des concepts arts seront réalisés par l'artiste David Williams à l'époque, mais sans aucun rapport avec le scénario ou sans qu'il ait été commandé par Aronofsky ou Miller, comme l'expliquera le réalisateur dans un tweet en 2013).

 

Batman : Year One : photoDifférents dessins de la Batmobile, inspirés par une Delorean, un muscle car et ce qui ressemble à une Viper

 

Envoyé à la poursuite du justicier surnommé le Bat-Man (avec un tiret, comme dans les premiers comics) pour le garder occupé, Gordon commence à suspecter le procureur zélé de Gotham, Harvey Dent, et réunit des documents contre Loeb. Il se rend ensuite à l'asile d'Arkham, où il passe devant la cellule d'un "jeune homme à la peau pâle et aux cheveux verts" et établit le profil psychologique du justicier avec une psychiatre. Quand sa femme Ann lui apprend qu'elle est enceinte, il oublie ses pensées suicidaires et trouve encore plus de motivation dans sa guerre contre le crime.

Après s'être introduit dans le bureau de Gordon pour lire ses notes, Bruce continue de péter les poignets des criminels ou de les jeter à travers des fenêtres pour obtenir des informations sur leur chef. Alors que les exécuteurs testamentaires de ses parents essaient désespérément de retrouver sa trace, il remonte progressivement les échelons du syndicat du crime. Il découvre finalement celui qui se cache derrière tous les trafics de Gotham : le commissaire Loeb, de plus en plus inquiet depuis l'apparition du Bat-Man.

 

Batman : Year One : photoSelina Kyle et l'inspecteur Gordon

 

Décidée à se venger de ceux qui l'ont persécutée, elle et les autres filles, Selina se fabrique son costume avec des bottes noires montantes, une combinaison de cuir, une perruque et un fouet. Elle s'introduit dans une des soirées privées de Loeb pour entamer sa carrière de cambrioleuse. Elle se fait coincer par les gardes, mais Bruce la sauve (encore) en écrasant sa Batmobile dans le manoir du commissaire.

Il arrête la voleuse pour le meurtre de l'inspecteur Campbell, mais quand elle lui révèle qu'il a été tué par Chichi et qu'elle a fui parce qu'il allait aussi la faire disparaître, Bruce la libère. Avant de partir, Selina reconnaît le regard de celui qui l'a déjà sauvé auparavant sous le masque de Bruce, "le seul vrai homme qu'elle n’a jamais rencontré", et tous les deux entament leur étrange relation.

Little Al montre ensuite une station de métro désaffectée à Bruce, qu'il aménage en Batcave. Il envoie les preuves qu'il a réunies contre le commissaire Loeb à Gordon et tente de le convaincre de s'associer à lui. Sauf qu'il tombe dans un piège tendu par le GCPD et se réfugie dans un vieux bâtiment, sur lequel le commissaire ordonne de lâcher une bombe. Des officiers en uniforme et des agents du SWAT sont envoyés pour débusquer Bat-Man, qui les affronte alors les uns après les autres, cernés par les hélicoptères et les snipers.

 

Batman : Year One : photoTraqués

 

Bruce parvient à s'enfuir et revient dans un piteux état à la Batcave, s'écroulant dans les bras de Little Al, tandis que Gordon trouve le document que Bruce lui a laissé pour compléter son enquête et monte un dossier avec Harvey Dent, à qui il reconnaît s'être trompé, sur lui et sur Bat-Man.

Après l'avoir surpris dans une planque de drogue, Gordon règle ses comptes avec Flass, qui lui annonce que Loeb et d'autres flics corrompus sont en chemin pour enlever sa femme enceinte, Ann. Il arrive juste avant qu'ils ne l'emmènent et une fusillade sanglante éclate. Gordon tue plusieurs policiers et reçoit une balle dans l'abdomen, puis perd ses lunettes durant l'affrontement.

 

Batman : Year One : photoBarbara avant tout

 

Arrivé à son tour sur place, Batman empêche Loeb d'enlever Ann en écrasant sa moto contre sa voiture, détruisant son costume et son masque au passage, puis l'arrête de façon brutale, presque sadique. En effet, après lui avoir lancé un couteau dans l'oeil pour libérer Ann, il lui grave un Z sur la joue avec un couteau (en référence au Masque de Zorro qu'il regardait au cinéma avec ses parents le soir où ils ont été tués). 

Bruce et Gordon se font face, à quelques mètres l'un de l'autre. Au moment où Bruce s'en va, Gordon lui raconte qu'il ne voit de toute façon presque rien sans ses lunettes et le laisse partir.

 

Batman : Year One : photoPremière rencontre

 

Après toute cette affaire, Bruce rédige une dernière lettre à son père, dans laquelle il lui dit avoir besoin de trouver sa propre voie, mais qu'il honorera toujours sa mémoire, puis la brûle, comme toutes les autres écrites auparavant. Il décide d'enfin réclamer l'héritage de ses parents, puis s'installe dans le Manoir Wayne et propose à Little Al de devenir son majordome et son allié.

Le film devait se terminer sur Selina Kyle dans son costume de Catwoman en train de cambrioler un membre de la haute société gothamienne. En voyant le visage de Bruce au journal télé à l'annonce de son retour à Gotham, elle sourit, embrasse l'écran, puis se dirige vers le coffre-fort, qui renferme un collier en diamants. Alors que l'alarme retentit, elle lâche un "Oups" puis saute par la fenêtre et disparaît dans la nuit.

 

Darwyn Cooke : photoSur les toits de Gotham


KNIGHTFALL

Pendant qu'il est en train de terminer le scénario avec Frank Miller, Darren Aronofsky prépare déjà le tournage et prévoit de s'entourer de Matthew Libatique, le directeur de la photographie qui l'accompagnait déjà sur Pi et Requiem For a Dream (et qui venait de travailler avec Joel Schumacher sur Phone Game).

Après avoir pensé à Christian Bale, tout juste auréolé du succès d'American Psycho, pour incarner son Bruce Wayne, il hésite également avec Aaron Eckhart et Joaquin Phoenix, un autre acteur lui aussi en pleine ascension avec ses rôles dans The Yards et Gladiator. D'autres noms comme Ben Affleck et Brad Pitt auraient également été envisagés.

Cependant, Warner Bros souhaite qu'il prenne Freddie Prinze Jr., le jeune acteur révélé par Souviens-toi… l'été dernier et Souviens-toi... l'été dernier 2 qui avait enchaîné avec la comédie romantique à succès Elle est trop bien et le film de science-fiction Wing Commander. Une suggestion qui ne rassure pas franchement Aronofsky, de plus en plus persuadé que le studio et lui font deux films différents. Et il a bien raison.

 

Souviens-toi... l'été dernier : photo, Freddie Prinze Jr.Quand tu finis par jouer dans Scooby-Doo à la place de Batman

 

Lorsqu'il présente son scénario avec Frank Miller, Warner Bros. est atterré, comme le racontait le scénariste à The Hollywood Reporter : "Je crois avoir entendu un cri d'horreur au début. Ils étaient choqués de voir à quel point le film était osé et voulaient qu'on l'adoucisse le plus possible alors qu'on voulait qu'il soit le plus brutal possible".

Fin 2001, alors que Warner commence à développer un film autour de Catwoman avec John Rogers à l'écriture et Ashley Judd dans le rôle de Selina Kyle (qui sera remplacée par Halle Berry), Batman : Year One n'est plus qu'un vague projet. De son côté, Darren Aronofsky prépare déjà le film de science-fiction qu'il espérait réaliser grâce au Chevalier Noir, et bien avec Brad Pitt à ses côtés cette fois (jusqu'à ce qu'il démissionne à quelques semaines du début du tournage et mette en péril la production).

 

Fight Club : Photo Brad PittC'est pas moi, promis

 

En 2002, Batman : Year One est définitivement enterré. Warner Bros. rappelle le scénariste Andrew Kevin Walker, qui leur avait proposé un projet intitulé Batman vs Superman à l'époque avec Wolfgang Petersen comme réalisateur, mais le studio vient aussi de demander à un jeune talent, J.J. Abrams, d'écrire un nouveau film sur les origines du Kryptonien, baptisé Superman : Flyby, qui doit aussi être réalisé par Wolfgang Petersen.

Préférant faire d'une pierre deux coups, Warner Bros. met Superman : Flyby en pause (et le projet deviendra Superman Returns des années plus tard) pour se concentrer sur Batman vs Superman. Le tournage est fixé, une date de sortie est calée, le scénario est réécrit par Akiva Goldsman, mais quand J.J. Abrams propose une nouvelle version de Superman : Flyby, le studio décide finalement d'abandonner Batman vs Superman à son tour pour revenir à des films distincts pour le Kryptonien et le Chevalier Noir.

Sans Batman ou Superman au cinéma, Warner Bros. se presse alors pour produire son film autour de Catwoman (et le regrettera) et engage au même moment un nouveau cinéaste pour reprendre le personnage du justicier. Un cinéaste qui s'est également fait remarquer avec son deuxième long-métrage, Memento, Christopher Nolan. La suite donnera une trilogie qui marquera durablement l'histoire de Batman au cinéma et définira le genre super-héroïque pour les décennies à venir.

 

Batman Begins : Photo Christian BaleBat is back

 

Batman : Year One n'est plus qu'un scénario sur Internet et un joli rêve dont reparlent Darren Aronofsky et Frank Miller lors de certaines interviews (et aussi le titre d'un film d'animation animé bien plus gentillet et fidèle au comics original sorti en 2011). En revanche, force est de constater que de nombreux éléments du récit se sont retrouvés plus tard dans les futurs longs-métrages sur le héros de Gotham et que le film que devait réaliser Darren Aronofsky a même anticipé, voire influencé, les futures adaptations consacrées à Batman (et pas seulement).

Lui aussi largement inspiré par Batman : Année Un, Christopher Nolan a présenté un héros moins brutal et excessif que celui de Batman : Year One dans Batman Begins, mais plus sombre et plus réaliste que les précédents, incarné par le même Christian Bale que Darren Aronofsky voulait prendre à l'origine comme Bruce Wayne.

Après la fin de la trilogie de Nolan, lorsqu'il a fallu introduire un nouveau Batman à la suite de Man of Steel, le studio a ensuite ressorti son Batman v Superman pour le donner à Zack Snyder, qui a imaginé un Batman plus vieux, plus violent et encore plus sombre, dépressif et à moitié alcoolique, qui marque ses ennemis, comme le Bruce Wayne imaginé par Darren Aronofsky et Frank Miller.

 

Batman v Superman : L’Aube de la justice : photoEt pas en les frappant au visage avec une chevalière, mais carrément au fer rouge

 

Des années plus tard, quand Todd Philipps a réalisé un long-métrage R Rated sur le Joker, avec le même Joaquin Phoenix que Darren Aronofsky avait choisi pour interpréter son Bruce Wayne, il s'est lui aussi inspiré de Taxi Driver, de Un justicier dans la ville et du cinéma des années 70. Et le long-métrage est devenu un phénomène critique et commercial, récompensé d'un Lion d'Or et de plusieurs Oscars.

Et aujourd'hui, The Batman introduit une nouvelle version sous les traits de Robert Pattinson, qui est probablement celle qui évoque le plus au Bruce Wayne qui devait être dans Batman : Year One : un Bruce Wayne encore plus névrotique et réaliste, solitaire, renfermé, qui tient un journal, se fiche de dilapider la fortune de ses parents dans sa guerre contre le crime et déchaîne sa colère sur les criminels de Gotham.

Comme dans le scénario de Darren Aronofsky et Frank Miller, la Batcave est installée dans ce qui ressemble à un ancien réseau de chemins de fer, la Batmobile est une voiture modifiée (avec un réacteur à la place de moteurs de bus), Catwoman est afro-américaine et Batman veut faire tomber celui qui incarne la corruption à Gotham avec l'aide de la voleuse et de Jim Gordon, qui n'est encore qu'un inspecteur.

 

The Batman : photo, Robert PattinsonSombre chevalier

 

En 2017, Darren Aronofsky remarquait lui aussi ses similitudes entre son projet et Joker et déclarait justement à First Showing que son film était trop avant-gardiste :

« Je pense que nous avions 15 ans d'avance. Parce que j'entends la façon dont ils parlent du film Joker et c'était exactement mon pitch. Je me suis toujours demandé pourquoi on ne pouvait pas faire un film plus violent et à plus petit budget, c'est comme dans les comics, il y a différents titres, mais maintenant c'est finalement ce qu'ils font. Ils font des spin-offs, et c'est génial. C'est une époque passionnante, parce qu'ils vont pouvoir prendre plus de risques et nous ne verrons pas toujours le même super-héros. Vous aurez des choses comme Deadpool, ce qui est un soulagement par rapport au fait de voir le même film encore et encore. »

Il n'est en revanche pas précisé si, comme sa proposition faite à Warner d'adapter de The Dark Knight Returns avec Clint Eastwood à Tokyo, il l'a dit en plaisantant à moitié ou pas.

Tout savoir sur Darren Aronofsky

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commentaires
Olivier637
08/03/2023 à 20:00

Mais je l’avais déjà lu il y a des années cet article non?

jimbo
09/03/2022 à 16:23

C'est le film que j'attendais en allant vois Batman Begins, l'un des navets les plus idiots que j'ai vu de ma vie.

Le Masque
09/03/2022 à 13:28

Ce film aurait été génial, trop décu qu'il n'ai jamais vu le jour. Il faudrait l'adapter en BD.
Excellente référence à Crossed, au passage.

viande a vision
07/03/2022 à 17:16

Batman c'est le mec sombre et spiderman le type qui invite d'autres spiderman...Un fan débile ne tolère que ça ...Dur de réaliser un film quand on doit satisfaire des neuneus ...

La Classe Américaine
07/03/2022 à 08:45

Excellent article d'EL comme on les aime. Franchement bravo la rédaction! Et qui montre qu'a Hollywood plus qu'ailleurs rien ne se crée, rien ne se perd, tout se recycle.

Kyle Reese
06/03/2022 à 21:32

@Kleio

"tout le mal que Frank Miller a fait au personnage de Batman ne sera jamais réparable"

AHhh ahh aaaahhhh Hii Hi Hiiii Ohh Ohhhh Ohhh.

The Dark Knight Returns étant reconnu comme une œuvre phare, historique, un tournant dans le monde et l'écriture des comics par de très nombreux lecteurs et spécialistes du genre ... je me marre !

Le comics que j'ai sans doute le plus lu et relus de ma vie. Je ne m'en lasserai jamais de sa puissance !

bidule
06/03/2022 à 19:33

Rien ne se perd, tout se recycle. Le scénario a incontestablement du potentiel.

Il existe heureusement un autre vengeur masqué dont la timidité le pousse à s'habiller en noir, des pieds à la tête, une cape flottant au vent : Zorro. Et le sergent Garcia peut tout autant en remontrer à l'inspecteur Gordon.

Avec quelques adaptations mineures, ce scénario pourrait retrouver une nouvelle jeunesse. On peut envisager de le décliner en série ou en franchise lucrative. Sans parler des profits en termes de produits dérivés : un bandeau en tissu, avec deux trous pour les yeux, est bien moins coûteux à faire fabriquer en Chine qu'un casque de hockey à oreilles pointues (et il est éco-responsable).

Disney à la production évidemment. À la réalisation, à mon sens, Steven Spielberg s'impose. Il est en plein dans sa période années 50. Et avec une petite touche comédie musicale... les Oscars sont à la pointe de l'épée.

RobinDesBois
06/03/2022 à 19:10

J'adore les Batman sombre mais là il voulait aller très loin Aronofsky ! Ca aurait été très intéressant mais je suis pas sûr qu'on aurait été nombreux à adhérer à une vision aussi noir.

Numberz
06/03/2022 à 16:23

Mr Petit, toujours un grand pour nous parler du microcosme super héroïque avec passion. Merci a vous.

Moixavier58
06/03/2022 à 15:59

Malgrer tout, il n'y a rien a regretté, vu qu'il eu le film d'animation (vu cette semaine, sans avoir lu le comics) Est ce qu'il proche?, vu les planches que vous proposer

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