Trom : critique qui perd le nord sur Arte
Première série produite aux Îles Féroé, Trom : Les falaises, le vent et la mort bénéficie enfin d’une diffusion française grâce à Arte. Nouveau coup de génie pour le polar nordique ou douche froide ?
Un bidon d'essence et une allumette
Quelques mois après sa diffusion danoise, Trom : Les falaises, le vent et la mort arrive enfin chez nous. Le showrunner Torfinnur Jákupsson s’est fait remarquer avec cette création qui est devenue la toute première série jamais produite aux Îles Féroé. Voilà qui constituait déjà un premier point fort. Avec Trom, on avait la certitude d’avoir à l’écran des paysages sublimes, que les spectateurs dans leur écrasante majorité n’ont jamais vus avant.
Et dès les premières images qui apparaissent, on perçoit l’enthousiasme qu’ont eu les trois réalisateurs à filmer l’inconnu. L’ambition esthétique semble évidente. On admire des visions naturelles spectaculaires, le tout avec un jeu passionnant sur l’éclairage. Trom s’attache à retranscrire à la fois l’aura de fascination qui se dégage du lieu, mais aussi l’inquiétude insulaire sous-jacente.
Au-delà de la découverte esthétique forcément stimulante, la série peut compter sur la partition signée Ólavur Jákupsson. Guitariste prodige des Îles Féroé, il adopte ici un style plus expérimental et contemplatif. Le compositeur trouve un équilibre parfait entre douceur lancinante et là encore cette tranquillité inquiétante inhérente aux paysages. Ses pistes comptent aisément parmi les plus grandes réussites techniques de toute la série.
Du côté de l’écriture, on reconnaît rapidement les poncifs habituels du polar nordique. Mais le premier épisode nous fait tout de même beaucoup de belles promesses. On retrouve l’aspect froid, quasiment mutique, qui donne à ces séries toute leur efficacité glaciale. D’autant que l’épisode se conclut sur un petit choc bien pensé, qui redistribue d’emblée les cartes entre les personnages principaux.
Moby nordick
De fait, le polar nordique est extrêmement codifié. Ce qui fait généralement sa force, mais devient rapidement la limite principale de Trom. Plus on avance dans l’intrigue et plus la série ressemble à une application désincarnée de tous les clichés attendus dans le genre. Les personnages ne sont que des fonctions sans âme : une femme flic dont la famille se déchire en parallèle de l’enquête, un entrepreneur local menaçant avec trop de pouvoir, un journaliste tourmenté qui veut faire exploser la vérité, etc..
Pour ne rien arranger, les rebondissements cousus de fil blanc sont aussi attendus que peu enthousiasmants. Dès le deuxième épisode, on nous répète en boucle qui est le grand méchant de l’histoire. Un fait martelé encore et encore dans l’unique but de sortir comme par magie une acrobatie improbable en guise de twist final. L’art de surprendre mérite de l’intelligence et de l’application, qualités que Trom n’a pas.
La série essaiera bien une tentative d’originalité avec la sous-intrigue de la chasse à la baleine. Explorer le débat suscité chez les locaux aurait pu être passionnant. Malheureusement, on nous peint vaguement deux camps opposés, pêcheurs contre militants, sans la moindre finesse. D’autant que cette histoire n’est qu’une banale toile de fond, une impasse narrative.
Dernier point qui achève de gâcher le potentiel initial, Trom n’utilise pas suffisamment son décor. Une fois le premier épisode passé, il faudra pratiquement attendre le cinquième épisode pour que l’on sorte enfin des commissariats et des murs ternes interchangeables. D’autant que les réalisateurs ne semblent pas intéressés par les banales scènes d’interrogatoires. On ressent un écart technique considérable dès que la série explore à nouveau les paysages. C’est particulièrement frappant sur les épisodes réalisés par Davíd Óskar Ólafsson qu'on a connu plus inspiré avec Les Meurtres du Valhalla sur Netflix.
Série noire
Il n'est jamais évident pour un casting de garder le cap quand l'écriture et la technique sont inégales à ce point. Sans surprise, le résultat est mitigé. On retrouve avec plaisir l'excellent Ulrich Thomsen, connu pour son rôle dans Festen, mais que toutes les personnes de bon goût identifient comme l'inoubliable Kai Proctor dans Banshee. L'acteur tient son rôle à la perfection, mêlant sobriété et désespoir comme il sait si bien le faire.
Face à lui, Maria Rich peine à convaincre avec un rôle générique auquel il n'était pas facile de donner une identité propre. Elle ne suscite jamais l'empathie que son personnage tente d'apporter, ce qui limite forcément l'impact de ses séquences de drame. Enfin, Olaf Johannessen campe un méchant caricatural, mais assez réjouissant. On pourrait bien lui reprocher de verser dans un machiavélisme bondien en décalage avec le ton de la série, cependant l'acteur semble bien être le seul à réellement s'amuser à l'écran.
En conclusion de son dernier épisode, Trom tente de se démarquer une dernière fois avec un rebondissement forcé, censé annoncer une potentielle deuxième saison. Cet ajout artificiel de dernière minute n'est pas sans rappeler le final de la série danoise Octobre, sortie sur Netflix. Sauf que cette dernière tentait une pirouette maladroite après une excellente saison.
Après avoir fini Trom, on a simplement envie de rappeler au showrunner Torfinnur Jákupsson qu'il est toujours bénéfique de livrer un premier acte cohérent, bien écrit et qui se suffit à lui-même avant de penser à la suite des événements.
Trom : Les falaises, le vent et la mort est diffusée sur Arte à partir du 6 octobre 2022. La série est également disponible en intégralité sur Arte.tv.
Lecteurs
(2.4)29/03/2024 à 01:23
Ennuyeux et fin décevante
01/04/2023 à 01:40
pas accrochée, décevant
07/10/2022 à 10:37
Kai Proctor, ah ah ah!!
Je me suis refait récemment l'intégrale de Banshee, et j'arrive même pas à leur en vouloir pour la 4e saison bien foirée, tant tout ce qui a précédé est incroyablement jouissif.