Selon Matt Damon, la disparition des DVD est en train de tuer le cinéma

Axelle Vacher | 24 août 2022
Axelle Vacher | 24 août 2022

Matt Damon a avoué déplorer la disparition des DVD, qu'il considère comme un tournant dans l'industrie cinématographique.  

Bien peu de choses sont sûres en ces temps incertains, et l'avenir du cinéma en fait définitivement partie. Que l'on s'entende, l'industrie audiovisuelle a toujours été délicate à appréhender. Néanmoins l'évolution sémillante des technologies et des modes de consommation pérennise un peu plus chaque jour un bouleversement de plus en plus difficile à ignorer.

D'une part, les cinémas sont toujours confrontés à une crise économique historique. De l'autre, les diverses plateformes de streaming en ligne continuent de se livrer une guerre sans merci, quitte à se cannibaliser les unes les autres. Ainsi, Netflix, qui a déjà confirmé que les publicités allaient investir la plateforme (une idée récemment reprise par Disney+), a également annoncé un futur changement de stratégie pour ses films. De son côté, HBO Max a tout simplement préféré retarder indéfiniment son déploiement en Europe, tandis qu'Amazon Prime a prévu d'augmenter les prix de ses abonnements.

 

Hot Fuzz : photo"Regarde bien gamin, c'est comme les ours blancs, ça va disparaître très vite"

 

"le changement, c'est maintenant"

La crise se joue donc sur différents tableaux, même là où on ne l'aurait pas soupçonnée. De fait, la chute du marché du support physique sous-tend elle aussi les retors d'une mutation bien plus ancrée qu'il n'y paraît. Invité à participer à l'émission Hot Ones de la chaîne First We Feast, l'acteur et producteur Matt Damon est ainsi revenu sur l'impact inattendu des plateformes de SVoD :

"Les DVD représentaient une part non négligeable de notre business, de nos revenus. Aujourd'hui, les technologies modernes ont rendu ce support obsolète. Avant, nous pouvions nous permettre de ne pas récupérer l'ensemble des recettes d'un film sur ses performances en salles, parce que nous savions que le DVD allait sortir dans six mois, et que nous allions continuer à faire de l'argent avec ce support. C'était vraiment comme une sorte de deuxième sortie au cinéma."

 

Stillwater : photo, Matt DamonLe DVD se fait sortir par les plateformes

 

"Maintenant que les DVD ont en quelque sorte disparu, on ne peut plus vraiment faire les mêmes films. Par exemple, j'ai fait un film qui s'appelle Ma vie avec Liberace. Quand je suis allé discuter avec les exécutifs des studios, ces derniers m'ont expliqué que le budget serait d'environ 25 millions de dollars, et qu'ils devraient sortir 25 millions supplémentaires pour les frais publicitaires. Ça nous amène à 50 millions de dollars. Or, il faut reverser la moitié de ce qui est récolté aux exploitants.

Donc, concrètement, il faut que ce film rapporte 100 millions de dollars pour qu'on commence à faire des bénéfices. Alors l'idée même de récolter 100 millions de dollars avec cette histoire d'amour entre deux hommes est vite devenue un pari très difficile. Mais ça ne l'aurait pas été dans les années 90. À l'époque, on pouvait faire ce genre de films."

 

Ma vie avec Liberace : photo, Michael Douglas, Matt Damon"Tiens chéri, je t'ai acheté cette babiole avec l'argent des DVD"

 

la svod, nouvelle dictatrice culturelle ?

De fait, en plus de changer les habitudes des consommateurs en sa faveur, l'essor de la SVoD a également impulsé un mode de production différent. Comme le soulève l'acteur, les films sont désormais pensés afin de générer l'ensemble de leurs recettes au gré de leur exploitation en salle. Fatalement, cela entraine une frilosité soudaine des studios à prendre des risques en finançant des films plus ambitieux que le blockbuster franchisé moyen.

Autre conséquence et pas des moindres, la disparition progressive des supports physiques au profit des plateformes menace dangereusement la visibilité de certains films et séries. En témoigne la suppression récente de quelque 37 programmes du catalogue d'HBO Max, dont au moins 20 exclusivités. Parmi ceux-ci, la dernière création d'Owen Dennis, Infinity Train, laquelle est désormais introuvable sur Internet. Et le phénomène est loin d'être isolé : en amont de la ressortie d'Avatar en salles le 23 septembre prochain (aux États-Unis), le film a tout simplement disparu du catalogue Disney+

 

Avatar : photoPas content de l'affaire, le Schtroumpf

 

Bien entendu, on se doute qu'il est moins difficile de se procurer un DVD du chef-d'oeuvre de James Cameron que de la série d'Owen Dennis. Néanmoins, les modifications auxquelles Avatar va être soumis (le film ressortira en version remastérisée) sous-tendent un souci d'envergure : les plateformes ne seront-elles pas, à terme, tentées de modifier à leur convenance les programmes dont elles détiennent les droits d'exploitation ? On se souvient par exemple qu'en mars dernier, Disney+ avait discrètement censuré des scènes de sa série Falcon et le Soldat de l'Hiver.

Ainsi, au-delà de permettre l'impulsion et le financement de projets à la garantie plus faible qu'un film Marvel, le support physique garantit l'inaltérabilité des oeuvres, et permet aux plus modestes de perdurer dans le temps. Morale du jour : il faut acheter des DVD.

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commentaires
Oliv 44
26/08/2022 à 18:43

Oui j y croit encore .pourquoi les gens se détourné du ciné
Plus de vrai professionnels une salle sans âme. Pas de vendeuse des automate .dur d acheté une place de cinéma dur dur

Fox Mulder
26/08/2022 à 09:20

Né dans les années 80, j'ai vécu l'âge d'or du support physique. J'ai une collection énorme de films, dont je ne reverrai surement pas la plupart, mais qu'importe ils sont "là". Je ne suis jamais passé au 4k, n'ayant qu'un petit écran, les dvd et bluray simples me suffisent. Par contre j'achète moins qu'avant. Comme certains l'ont dit : l'offre se raréfie et devient de plus en plus chère. Qui se souvient du temps où l'on pouvait repartir avec une palette de DVD pour quasiment rien dans les formules cash et compagnie ? Donc je me concentre sur les blockbusters, les films d'horreur et quelques belles éditions pour mes anciens films préférés. En parallèle, j'avoue que Netfllix me sert beaucoup. Evidemment c'est du vu et oublié pour la plupart des films même si certains sont très bons. C'est dommage mais je dirais qu'à cause de la profusion de productions, certains films passent à la trappe alors qu'ils seraient devenus cultes si sortis 20 ans plus tôt. Il se pose aussi une question essentielle concernant les productions exclusives des plateformes. Le jour où celles-ci fermeront, que deviendront ces œuvres sans support physique ? Ceci dit, comme à l'image du CD qu'on disait mort et qui reprend des couleurs, rien ne dit que les DVD/BR ne reviendront pas en force à l'avenir.

aldagodu35@gmail.com
26/08/2022 à 05:43

Je voudrais revenir sur un commentaire négatif sur les blu-ray 4k!Vrai et faux !!
En réalité les vieux films de patrimoine tournés sur pellicule sont souvent magnifiques(en HDR)!Mais les derniers Marvel ne sont pas aussi spectaculaires que souhaité ,car en 2k d'origine !
Le HDR boostent les couleurs quand même !
Pour "Solo",le 4k est excellent,mais dépend de toute la chaîne ! Lecteur BD4k, Câble,TV, réglages,etc...
PS:Le BD2k paraît assez fade en comparaison !

Danysparta
26/08/2022 à 03:35

Je ne crois pas un instant à la mort du support physique, une baisse de l'offre oui, dû aux plate forme qui refusent d'exploiter leurs œuvres en physique (ce qui est clairement stupide avec le temps, je comprend le fait de stimuler les abonnements avec de grosses nouveautés mais après 6 mois ou 1 an il pourrait aisément sortir en physique) et si je défend le physique c'est surtout pour sa qualité, malgré les belles images des plate-forme il ne faut pas oublié que le streaming compresse la qualité d'image et de son. Les écrans étant de plus en plus grand ça va commencé à ce voir. Alors vive le physique et les beaux objets de collection à mettre fièrement sur nos étagères.

Hocine
26/08/2022 à 01:05

C’est un débat complexe et sans fin.
D’un côté, il y a des personnes qui se moquent complètement du support physique, qui consomment les films et les oublient aussitôt vus. De l’autre, des personnes ne peuvent pas envisager de vivre leur cinéphilie sans ces mêmes supports physiques.
J’ai personnellement découvert beaucoup de films, à travers les diffusions télévisées et la cassette vidéo, depuis le début des années 90, avant d’avoir l’âge d’aller régulièrement au cinéma.
La décennie suivante, la cassette vidéo est remplacée par le dvd, qui a amélioré la qualité technique (image et son) des films et la qualité de leur conservation. Pour autant, à mes yeux, la cassette vidéo me semblait plus révolutionnaire que le dvd, à tort ou à raison. Au fond, il n’y a pas qu’une seule façon de vivre sa cinéphilie: on peut tout aussi bien aller au cinéma, regarder des dvd, regarder des films sur des plateformes de streaming en ligne, lire des revues spécialisées et des livres sur le cinéma. L’idéal est que chacun y trouve son compte. Maintenant, la rentabilité commerciale des différents supports va nécessairement déterminer leur pérennité. Je ne pense pas qu’il faille nécessairement diaboliser les plateformes de streaming. Encore une fois, elles peuvent être un complément à la fréquentation des salles de cinéma, comme peuvent l’être les diffusions télévisées des films ou le support physique. Ce qui est plus problématique, c’est la manière dont les films sont proposés dans les plateformes de streaming: à moins de faire sa propre recherche, par réalisateurs, par acteurs ou par titres de films, les films et les séries seront proposés en fonction de leur popularité sur la plateforme. Dans ces conditions, comment développer sa cinéphilie ou appréhender l’histoire du cinéma ?
Indéniablement, aujourd’hui, le public consomme les films différemment. De ce fait, les films sont produits différemment, tandis que certains types de films ne peuvent carrément plus être produits par les grands studios.
Comme une personne l’a dit ici, la France est mieux lotie que beaucoup d’autres pays: la cinéphilie y est quasiment née, il existe plusieurs cinémathèques et autres instituts qui sont les garants d’une mémoire du cinéma. Il y a cette conscience, peut-être parfois trop idéaliste, que le cinéma est plus qu’une industrie.
Quant au dvd, je ne sais pas combien de temps va-t-il encore durer mais il reste assez présent sur le marché de l’audiovisuel.

Cidjay
25/08/2022 à 23:40

Cest le même problème que le stream en jeux vidéo, sauf que dans le jeu vidéo, ca bide a mort, ya qu'à voir Google Stadia. Après il reste le demat, mais le problème de l'accessibilité des titres reste le même que sur les plates-formes de svod... cest au bon vouloir du distributeur. Il peut chsoir d'ajouter ou retirer des titres quand il veut.

Emeth
25/08/2022 à 23:27

sans vouloir jouer au "c'était mieux avant" (je n'était pas forcément née) ni à l'anti-plateforme et indépendamment de l'aspect financier, je trouve que le support physique apporte une impression de durabilité. De rigidité, solidité (au sens concret) du support On n'a moins l'impression que le film disparaîtra dans les limbes numériques ou définitivement au moindre bug mais qu'il est en quelque sorte conservé dans un objet en dur.
Après je comprends qu'il impose un budget plus élevé qu'une plate-forme vod mais il existe des endroits style médiathèques dans lesquelles on peut les emprunter gratuitement, y compris des films récents (vieux de un ans ou deux , par exemple). Mais bon c'est aussi au consommateur de réfléchir à ce qu'il veut . Sans leurs abonnés en masse pas de plateformes aussi cannibales pour les autres médias .

Lemillion
25/08/2022 à 14:17

Vive le format physique!! A mort netflix,disney+ ect et toutes c'est conneries de svod et streaming cancer de l'industrie cinématographique.

Omniman
25/08/2022 à 12:02

Qu'entendez-vous par "évolution sémillante" ? Je sais ce que veux dire ce terme mais je ne vois pas le rapport avec les plateformes ? Elles sont gaies, vives et bien habillées ?

Nathan.Angelus
25/08/2022 à 02:03

Les 3000 galettes confortablement installées sur la dvdthèque sur mesure que je leur ai fabriquée boivent du petit lait... Elles savent l'amour qu'il y a pour le cinéma derrière cette attention, bien au chaud et à l'abri de la glaçante vague de digitalisation qui tue les œuvres... Soit dit en passant, dire qu'on nous disait qu'emule et les gros serveurs de p2p allaient tuer le cinéma et la musique... Peut-être qu'un jour, les gens réaliseront que ces serveurs, comme des étagères physiques de DVD, étaient une véritable bibliothèque d'Alexandrie de la culture et que Netflix et Disney+, plateformes dites légales, sont bien les fossoyeurs de l'audiovisuel...

En attendant, achetez des galettes autant que vous pouvez, tant qu'il est encore temps... Vous ne pourrez jamais dire que vous n'avez pas été prévenus...

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