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House of Cards saison 6 : la conclusion ratée d’une série Netflix jadis resplendissante

Par Geoffrey Crété
5 novembre 2018
MAJ : 21 mai 2024
14 commentaires

Robin Wright mène la sixième et ultime saison de House of Cards, sans Kevin Spacey. Bilan d’une conclusion très attendue.

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Bilan de la saison 6 de House of Cards.

Première grande série prestige de Netflix, devenue incontournable depuis son lancement en 2013 avec les noms de Kevin Spacey, Robin Wright et David Fincher, House of Cards se termine après six saisons en dents de scie.

Le départ forcé de Kevin Spacey, viré après le scandale des accusations d’agressions sexuelles, plane sur cette conclusion menée par Claire Underwood. Et après quatre premiers épisodes un peu mous, place à la dernière ligne droite. Avec une question : la fin de House of Cards est-elle à la hauteur ?

ATTENTION SPOILERS !

 

 

SPEEDY GONZESSES

Tout s’accélère dans l’épisode 5. L’Amérique s’inquiète face à une présidente subitement retranchée dans ses quartiers, écrasée sous le poids des rumeurs à propos de son état émotionnel et psychologique. Tout Washington voit là l’occasion parfaite pour abattre Claire Underwood, cette pauvre femme fragile. Mais Claire a tout prévu, bien sûr. « Ne vous inquiétez pas : j’ai un plan », dit-elle au spectateur, une fois encore dans la confidence d’une manigance parfaitement rocambolesque, à base de faux complot et vrai enlèvement.

Tout ça est réglé en un épisode et repose sur quelques scènes expéditives – faire pression sur cette pauvre porte-parole, sonder comme par magie la fausse loyauté de Jane. Au fil des saisons, House of Cards a de plus en plus privilégié ces grosses ficelles, préférant resserrer des moments charnières sur quelques scènes, plutôt que les exploiter de manière plus subtile et solide sur plusieurs épisodes. La saison 6 ne faillit pas à cette tendance.

 

photo, Robin WrightClaire et son gouvernement féminin, très en phase avec l’époque

 

Claire reprend donc d’un coup le contrôle, se débarrasse de tous ces gens sournois qui cachaient mal leur jeu, redécore la Maison-Blanche pour signifier des lendemains chantants, et recompose un gouvernement 100% féminin comme ultime bouclier. L’idée est plus qu’amusante, surtout à l’heure de MeToo, alors que la question de la place des femmes dans la sphère publique et notamment politique est omniprésente.

La série a ainsi l’intelligence de ne pas céder à la figure d’une présidente héroïque, comme Homeland avec Elizabeth Keane (incarnée par Elizabeth Marvel alias Heather Dunbar, l’ennemie des Underwood dans les saisons 3 et 4). House of Cards s’amuse à adresser des clins d’œil plus ou moins significatifs à son époque, d’une analyse politico-people d’une photo de président qui rappelle pas mal de sujets sur Donald Trump, à cette férocité contre une culture sexiste.

Que Claire utilise cette arme de manière cynique et parfaitement odieuse, était un angle excitant dans la saison 6. Qu’elle répète dans la dernière ligne droite qu’elle refuse désormais que quiconque lui dise quoi faire, et particulièrement les hommes, indique que c’était même une volonté très assumée, dont cette ultime saison ne sait malheureusement pas trop quoi faire.

Et ces quatre derniers épisodes, malgré un rouleau compresseur de péripéties et un vague souci de boucler les enjeux, laissent la même impression.

 

photo, Robin WrightJusqu’au bout, Claire veut rester debout

 

ENTERRER LES MORTS

Si les noms de Zoe, Rachel, Russo et LeAnn reviennent de plus en plus à mesure que la conclusion appoche, c’est qu’il y a la volonté (nécessité même) de clore un minimum les affaires des Underwood. Frank a beau être mort et enterré, son fantôme plane sur toute la saison, entre une Claire menacée par les crimes de son mari auxquels elle a plus ou moins activement participés, et un Doug qui s’accroche désespérément à cette figure mi-paternelle mi-sensuelle qu’il refuse de salir. Frank est d’ailleurs le ciment de toutes les intrigues, jusqu’à l’ultime scène.

Il y a une accélération claire dans les derniers épisodes, avec un grand et soudain ménage orchestré par Claire, qui parvient miraculeusement à se débarrasser de ce vice-président Mark Usher, de cette Jane trop intelligente pour son bien, de ce journaliste borné Tom Hammerschmidt ou encore de ce fiston Sheperd, dont la sous-intrigue évacuée en deux temps trois mouvements ressemble à une mauvaise telenovela (le-fils-de-la-femme-de-ménage). Au détour d’un petit montage, la mort de Cathy Durant est « expliquée ». Tout ça manque de maîtrise, et semble sorti du chapeau des scénaristes sans vraie logique interne dans le récit.

 

photo, House of Cards, Robin Wright, Diane LaneEt hop, encore des antagonistes balayés et oubliés fissa

 

Et plus que jamais, House of Cards ressemble à une grosse machine clinquante, avec de bons acteurs bien habillés et coiffés, qui tourne à vide. La mise en scène s’est contentée au fil des saisons de vaguement recopier le cahier des charges posé par David Fincher dans le pilote, mais en perdant peu à peu ce qui en faisait le cachet en terme de photographie, rythme, et utilisation de la musique. Robin Wright a beau signer l’ultime épisode (elle en aura au total signé dix dans la série), rien à signaler de ce côté tant cette saison 6, comme au moins les deux précédentes, manque cruellement de personnalité et d’inventivité.

Mais ce qui étonne le plus, c’est l’incapacité de ces huit derniers épisodes à composer un vrai drame et suspense autour de cette ascension fragile de Claire Underwood. Devenue Claire Hale en un claquement de doigt, elle traverse cette dernière saison comme une reine dans un couloir peuplé de gnomes abrutis, tous plus incapables les uns que les autres de se dresser face à elle. C’est le problème de House of Cards depuis bien des saisons : pour donner vie aux Underwood, et justifier leur existence très prolongée, il était vital de leur imposer des adversaires de taille, susceptibles de les renverser.

De Zoe Barnes à Cathy Durant en passant par Heather Dunbar et Will Conway, la série aura eu tout le mal du monde à gérer ses antagonistes, et surtout soigner leurs sorties et chutes. Les Sheperd trouvent sans problème leur place dans ce musée des perdants puisqu’après avoir débarqué de nulle part pour bloquer Claire, ils sont gentiment délaissés, et terminent dans une zone grise en fin de saison-série.

 

photo, Constance ZimmerConstance Zimmer, qui squatte la série depuis la saison 1 quand même

 

MORT ET MÈRE AMÈRE

La fin de House of Cards a des problèmes de tous les côtés. Déjà parce que cette dernière saison abuse de quelques ficelles bien vilaines, et a un arrière-goût de grotesque à maintes occasions. Que Claire annonce sa grossesse après avoir évidemment vomi (pour la première fois), qu’un conseil de méchants se réunisse dans une belle salle de réunion pour tout simplement planifier l’assassinat de la présidente des Etats-Unis, et la série bascule vers le ridicule.

Ce n’est pas la première fois, et les moments où Frank Underwood mettait la main à la patte pour tuer lui-même (ou pousser la pauvre Cathy dans les escaliers), donnaient la même impression. Mais cette saison 6 va droit dans le mur sans même hésiter.

L’ellipse qui propulse les deux derniers épisodes n’a finalement qu’une utilité très artificielle, pour vaguement accélérer les enjeux, donner une grosse barbe à Doug et afficher le ventre rond de Claire. Le même Doug qui finira par briser à son tour le quatrième mur pour s’adresser au spectateur, tandis que la grande révélation d’un journal intime audio tenu par Frank, avec une tonne de preuves accablantes bien sûr, laisse penser qu’il était finalement bien abruti pour quelqu’un de si machiévalique et coriace.

 

photo, Robin Wright, Campbell ScottMieux vaut revoir À la Maison-Blanche tiens

 

La conclusion laisse carrément la sensation qu’il manque un chapitre ou deux à cette histoire, tant les intrigues laissées en suspens sont nombreuses. Janine en train d’écrire ce foutu article qui a coûté la vie à plusieurs collègues et devrait enterrer les Underwood, la menace nucléaire et le bras de fer avec la Russie, le Bill Sheperd censé être une menace mais qu’on prend le temps de filmer dans sa maison de campagne, la Annette Sheperd qui est très énervée et veut abattre Claire et retrouver son fils…

Sans oublier Claire, qui a simplement poignardé Doug dans le bureau ovale, et devra donc ajouter une ligne à son CV déjà bien suspect – mais bien heureusement, le spectateur pourra imaginer que grâce à cette coupure au cou, cette femme insoupçonnable aura la carte légitime défense pour l’Amérique.

La volonté de resserrer les enjeux autour des deux personnes que Frank aimait réellement est logique, et même bien sentie, mais le résultat laisse plus que dubitatif. Encore une fois, les scénaristes ont laissé mijoter beaucoup de choses pour finalement servir une bien pauvre ration, à l’image de ce dernier dialogue sous forme d’aveu. Fini la souffrance, la série est terminée.

 

photo, Kevin Spacey, Robin WrightSouvenir, saison 1

 

UNDERWOOD ET OVERDUE

La lecture facile serait de dire que sans Frank Underwood, House of Cards allait dans le mur. En réalité, la série montrait des signes de faiblesse depuis plusieurs saisons, et même dès la deuxième. Le départ du créateur Beau Willimon avant la saison 5, officieusement suite à un conflit avec Netflix qui souhaitait rallonger le succès pour de mauvaises raisons, n’a pas aidé. Et la décision de se passer de Kevin Spacey n’a probablement pas facilité la tâche des scénaristes, lors de la construction de ce final.

Mais House of Cards avait entassé bien trop de problèmes depuis des années. Comme les Underwood, la série avait laissé trop de cadavres dans les placards pour ne pas payer la facture à la fin. Au lieu d’une grande et belle tragédie, qui aurait pu finir comme Les Liaisons dangereuses avec une humiliation absolue ou dans un feu d’artifice de cynisme, la série s’est terminée dans un chuchotement sans grande valeur. Sur une foule de petits règlements de compte expédiés, de petits seconds rôles et petites références vaines. Sur un affrontement pseudo-spectaculaire avec quelque chose qui ressemble à un twist sur la mort de Frank Underwood, tué par celui en qui il avait le plus confiance.

House of Cards s’éteint donc en laissant beaucoup de questions en suspens, et sans laisser la conviction qu’il s’agit d’une intention précise, claire et assumée, chargée de sens et d’émotion. Comme Doug, qui avoue avoir tué son maître sans avoir de plan, la série finit dans un flou pas très heureux. Le château de cartes s’écroule donc pour de bon, et d’une manière bien fade et décevante. Dans un soupir de fatigue, loin de l’explosion violente et sournoise attendue.

Les six saisons de House of Cards sont disponibles sur Netflix depuis le 2 novembre 2018.

 

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gripsou

C’était H-I-é.

Comment est mort Frank ? Qui l’a tué ? Pourquoi ?
Les Sheperd n’avaient aucun charisme comme ennemis.
Le casting best of.
Les faces caméras trop présents.
Les intrigues chiantes.

HOC foire complètement sa conclusion, après il faut relativiser, et penser à toutes les séries qui n’en ont pas eu une. N’empêche, qu’on aura tous un goût amer qu’une grande série se termine ainsi.

jorgio69

Un peu pareil même après 2 épisodes.
Je vais finir mais c’est dur pour la série qui s’est fait amputer d’une jambe.
C’est assez branlant et les Sheperd me fatiguent déjà.
Diane Lane est une très bonne actrice mais son jeu de vipère est apporté sans subtilité et les discussions avec Robin Wright tiennent plus de la cour de récré qu’un véritable face à face tendu.
Je ne peux que saluer l’aspect « #Metoo » que je soutiens totalement mais encore faut-il le faire correctement.

sylvinception

« Qui l’a tué ? »
Twitter ??

Atlantis

Très décevante cette conclusion…j’ai l’impression d’avoir regardé une saison qui ne sert que remplir du temps mais ne sert strictement à rien.

Ok pour ne pas conclure certains trames narrative mais là je crois qu’elles sont toutes ouvertes
à part pour le pauvre Doug qui a mon avis a été un des rôles les plus intéressant de la série.

La série aurai du s’arrêter quand Frank deviens président.

Lyly_Underwood

Une vraie déception cette ultime saison et cette fin.
Robin Wright fait de Claire une caricature de la nana avide de pouvoir et de revanche sur son passé (flashback enfant, ado et jeune adulte pour justifier son attitude).

Frank Underwood est mort mais toute la saison tourne autour de lui (le mieux aurait été peut-être de remplacer Kévin Spacey au lieu de nous faire subir une mort non digne pour ce personnage). Et aussi on nous répète tant de fois que c’était un piètre amant (cela est-il une allusion ou bien une résonance avec la médiocre actualité de Spacey ?)

Les Sheperd nous gavent autant que les Conway et au final n’apportent rien et tout retombe comme un soufflet.
Et tellement déçu concernant Hammerschmidt, j’attendais tellement plus de son personnage prêt à faire tomber les Underwood (enfin Claire) !

Et ce pauvre Doug qui au final son personnage se résume par les paroles d’une chanson d’une célèbre comédie musicale française :  » Je t’appartiens De tout mon être Comme jamais un chien N’a aimé son maître ».

Pour finir, House of cards même si les 6 saisons ont été inégales restera une bonne série si on s’arrête à la fin de la 4ème !!