Skull & Bones : oui, c'est un immense flop pour Ubisoft (qui donne envie de relancer Sea of Thieves)

Léo Martin | 10 mars 2024
Léo Martin | 10 mars 2024

Après plus de 7 ans de développement, Skull & Bones est finalement sorti en février 2024... à un prix exorbitant. Il aura d'ailleurs fallu moins de trois semaines pour qu'il soit disponible en promo chez les revendeurs et pour qu'Ubisoft tente d’attirer du monde avec des périodes d’essai gratuit. Tout cela n’augure rien de bon pour le jeu, si ce n’est un énorme bide et un triste sort pour un titre qui se vendait comme une super-production très coûteuse. D'où vient le problème ?

un auto-sabordage

Inutile de tergiverser : le problème vient du jeu. Ou pour être plus précis, de la façon dont le développement chaotique a été mené jusqu’à son aboutissement. Ici, l’état des lieux de Skull and Bones est éloquent, et ce que l’on sait de sa production aide à saisir toute l’envergure du fiasco.

Lorsque l’on teste un jeu, la première chose à laquelle on s’attache n’est pas nécessairement la somme de ses qualités ou de ses défauts. C’est plutôt la cohérence entre ce que l’on nous vend et ce que l’on a dans les mains qui importe le plus, parfois. Un petit titre indé dont émanent de nobles intentions nous donnera ainsi une impression positive, au-delà de tous les soucis qu’on peut lui trouver. À l’inverse, un blockbuster payé 70 euros, et qui sent l’opportunisme et la souffrance de développement, aura bien du mal à nous charmer. 

 

Skull & Bones : photoOn aurait presque pu y croire sur quelques images

 

Skull and Bones a été développé pendant plus de 7 ans et aurait coûté 200 millions de dollars (selon Kotaku puis Insider Gaming). C’est un investissement énorme pour Ubisoft (ce qui explique l’insistance de l’éditeur à l’appeler un AAAA), et dont l’échec serait assez tragique. Déjà, financièrement, les conséquences seraient lourdes. Mais surtout, l’ensemble des aberrations du jeu semble illustrer une gestion de projet qui a dû être calamiteuse et qui a dû peser sur la santé mentale de nombreux développeurs. 

À l'origine, le jeu avait été confié à Ubisoft Singapour, qui avait déjà contribué à Assassin’s Creed Blackflag. Le studio devait développer une modeste extension multijoueur basée sur son aspect bataille navale. Au fil du temps, des ambitions plus grosses sont venues se greffer au chantier, mais sans aucune direction claire ou fixe pour celui-ci. Le résultat : l’augmentation constante du budget investi et des ressources (temps et individus) nécessaires pour créer le jeu. "Personne ne savait ce qu’il faisait", a déclaré un développeur anonyme interrogé par Kotaku. C’est dire. 

 

Skull & Bones : photo"Par là... je crois ?"

 

le temps des tempêtes

Le plus simple aurait peut-être été d’avorter toute l’opération, du moins tant qu’il en était encore temps. Mais c’était aussi chose impossible. Et ce, à cause d’un marché signé avec le gouvernement de Singapour – qui aurait investi dans la production du jeu, eh oui. Ubisoft était contractuellement obligé d’accoucher de son œuvre, peu importe le boxon en cours dans les coulisses.

C’est donc dans la douleur que nous est arrivé Skull and Bones, un titre qui a traversé des tempêtes tourmentées avant que l’on puisse y toucher. Tout ça pour que l’on puisse écrire ces mots : le jeu est tristement barbant.

Et ce sentiment n’est pas anodin. On parle d’un jeu de pirate en monde ouvert ! Avec l’océan comme seule limite, et une mer que l’on partage avec de nombreux autres joueurs. Skull and Bones promet des aventures, des batailles de navire, de former des équipages entre flibustiers ou de les combattre, de fonder son empire économique basé sur ses larcins. Mais malgré tout son beau potentiel, on se retrouve lassé en quelques heures. 

 

Skull & Bones : photoLes personnages dans les cinématiques sont aussi vivants que des PNJ de Crusader King

 

Et tout ce qu’on a rappelé sur la production du jeu n’est évidemment pas sans rapport avec cet ennui inévitable qui nous frappe trop vite. C’est aussi l’explication du flop actuel du jeu. Au-delà de son prix trop élevé pour un GAAS (games as a service) – qui a également été un problème pour le récent Suicide Squad – c’est l’ADN de Skull and Bones qui joue contre lui. Car le titre d’Ubisoft est terriblement daté techniquement, narrativement et mécaniquement. 

Il a le fonctionnement d’un MMO des années 2010 et la boucle de gameplay d’un jeu mobile (avec les mêmes attrape-souris monétaires). Il est très difficile de ne pas lâcher l’affaire après avoir lancé le jeu une première fois tant l'expérience est rigide et sans âme, rappelant d'obscurs free-to-play de Steam. Et il est définitivement honteux de payer aussi cher pour se voir aspiré dans de multiples quêtes Fedex redondantes, dont le seul but est de prolonger artificiellement la durée de vie (et pas une seule n’a d'objectif scénaristique engageant).

 

Skull & Bones : photoLes batailles navales peuvent être sympas, mais restent hyper répétitives

 

drapeau noir

De tout ça on sauve un peu les batailles navales héritées de Black Flag (normal), même si là aussi c’est bancal. Sea of Thieves fait mieux depuis des années. Et dans ce jeu-là, au moins, on peut aller à l’abordage du navire des autres, et pas juste se contenter de tirs de canon. On sent d’ailleurs qu’Ubisoft n’avait pas spécialement prévu, au départ, de voir au-delà d’un jeu centré sur les bateaux avec Skull and Bones. Car tout ce qui est lié à notre personnage et à ses phases terrestres est totalement aux fraises.

Dans un jeu à 200 millions sorti en 2024, on joue donc un pirate qui ne peut pas sauter, qui se heurte à des murs invisibles, et dont le gameplay va se réduire à courir sur le sable fin pour aller de PNJ en PNJ et leur livrer des trucs. De temps en temps, il pourra utiliser des lances sur les crocodiles, et voilà. Pas de pistolets, pas de combats de sabre, pas de pugilats dans les tavernes... aucune des centaines d’activités imaginables que le vaste monde des pirates pourrait pourtant offrir. 

 

Sea of thieves : photoBref, pour une vraie aventure de pirates, jouez à Sea of Thieves

 

Une fois encore, il suffit de voir ce que fait Sea of Thieves, avec une direction artistique plus singulière, mille fois plus d’idées et sans aucun abus côté contenu payant. Prenez note que ces mots sont rédigés par quelqu’un qui n’est pas spécialement fan de Sea of Thieves. C’est dire à quel point la comparaison est défavorable au jeu d’Ubisoft.

Le fait est qu’avec plus de temps et d’argent, l’éditeur n’a pas su donner à ses équipes le bon cap pour créer un jeu inspirant. Probablement car ils n’étaient inspirés que par les microtransactions à fourrer dans leur boutique en ligne. 

En somme, Skull and Bones ne suscite aucun intérêt, car il est (en l’état) dénué de passion. On ne blâmera néanmoins pas les développeurs d’en avoir manqué, vu l’enfer de production que tout ça a sans doute été.

Test réalisé sur PC. Skull and Bones est disponible sur PC, PlayStation 5, Xbox Series.

 

Skull & Bones : photo

Résumé

À moins d'une refonte majeure, Skull and Bones est condamné à sombrer dans l'oubli, laissant derrière lui un souvenir amer pour tous ceux qui ont été impliqués dans son développement. La faute à une gestion de projet désastreuse, indécise et potentiellement irresponsable. 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.6)

Votre note ?

commentaires
Jaime PasSeaOfThiefs
20/04/2024 à 12:45

Excellente analyse qui reprend bien tout les ressentis par lesquels je suis passé en jouant à ce jeu. Heureusement que je n'ai pas mis d'argent dedans ! Je comprends totalement la pitié que nous devrions tous avoir pour ceux qui ont travaillé sur ce jeu. Mais... quelle honte, quelle honte de proposer un jeu pareil de nos jours.

Broack dincht
16/03/2024 à 00:13

Il me fait toujours un peu envie. J'avais beaucoup aimé AC4 notamment pour son gameplay naval. Mais je ne sais pas si j'arriverais à adhérer au jeu ayant uniquement le gameplay naval

Darkshy
13/03/2024 à 18:49

Même si le jeux a beaucoup de lacunes, je pense quand même que le comparé a sea oh thieves est completement ridicule car ces 2 jeux non rien a voir a part l univers pirate, et je pense qu il serait bon de rappeler que sea of thieves a ses debut etais un flop également tellement il etait vide et incomplet.

grohu
13/03/2024 à 15:27

Bah pour une fois sur un article de JV je suis assez en accord avec l'analyse. Et pourtant 90% des autres me semble souvent discutable. Comme quoi, y'a de l'espoir ! Bon article !

Geoffrey Crété - Rédaction
13/03/2024 à 14:15

@PITBULL

Nous tremblons face à une énième personne anonyme qui compte signaler qu'elle... n'est pas d'accord avec nous, et que toute opinion différente est forcément une connerie qui mérite d'être invalidée. Bon courage

PITBULL
13/03/2024 à 12:21

Quelle amassi de connerie que vous pouvez debiter dans cette article , je signal votre site pourri

lex reese
12/03/2024 à 08:18

analyse juste! jeu avec du potentiel mais absolument rien n ai abouti. suffit de prendre le systeme de tchat qui etait toujour indisponible apres la sorti du jeu. les boss, personne ne les farm car aucunes recompenses valable, pire les loot en general sont catastrophique y a pas le truc qui te donne envie de passé des heures dessus pour choper le meilleur matos, par contre un season pass et une boutique en ligne.....serieusement faut encore passer a la caisse apres avoir laché 80 balles?!? non merci j ai torché le jeu en 2 semaines j ai juste ma voulu passer du temps pour la coque que l on obtient avec les monstres marin ( juste un truc inutile) comme pa mal de choses dans se jeu.

Mimsism
11/03/2024 à 21:11

Ce résumé fait mal, mais un mal nécessaire. Je pense qu'il est grand temps que Yves Guillermot passe la main et que Ubi subisse une refonte de fond en comble. Entre jeux recyclés, systèmes monétaires predatoires et manque d'inspiration il n'y a plus que le nom qui fait vendre, et encore... Avec les annonce en cours de assassin's creed et La hype que je trouve artificielle, je suis presque pour un cassage de gueule dans les règles. Des ruines amères peut être ubisoft renaîtra...?

CyB
11/03/2024 à 00:30

*combien doit il engranger de $ pour être rentable je veux dire

CyB
11/03/2024 à 00:28

Dommage! Combien doit rapporter en vente un jeu de 200 millions?
Au cinéma il faudrait pas loin de 500!

votre commentaire