Scream : il faut reparler de l'incroyable "remake" version Bollywood

Clément Costa | 12 février 2023
Clément Costa | 12 février 2023

Tout le monde connaît Ghostface, le célèbre tueur masqué créé par Wes Craven. Mais saviez-vous que Bollywood a sorti une adaptation très libre et pas totalement officielle de la saga Scream ?

Alors que tous les amateurs de slasher attendent la sortie de Scream VI, les débats autour du meilleur et du pire volet de la saga vont être inévitablement relancés. C’est l’occasion rêvée pour aborder Sssshhh... de Pawan Kaul. Sorti en 2003, ce film méconnu était une tentative bollywoodienne de réadapter le premier Scream. Quelque part entre l’inspiration libre et le plagiat éhonté, le film offrait une expérience aussi inégale qu’improbable.

 

Sssshhh... : photoIndian Psycho

 

DETOUR(NEMENT) MORTEL

Lorsque Sssshhh… débarque dans les salles indiennes, Bollywood est en train de vivre une petite révolution horrifique. Le genre avait traversé une période extrêmement compliquée, relégué aux productions fauchées comme celles des sulfureux frères Ramsay. Mais ces aprioris avaient été bousculés en quelques mois avec les triomphes commerciaux de Raaz puis de Bhoot. D’autant que le second avait récolté des critiques particulièrement élogieuses.

Comme le veut toujours la logique des grands studios, tout le monde était prêt à sauter sur la mode pour se remplir les poches. C’est donc dans cette logique que le réalisateur Pawan Kaul parvint à financer son projet. L’idée était de faire un film d’horreur à portée des jeunes et du grand public. Pour cela, il voulait appliquer au genre horrifique tous les codes commerciaux de l’époque. Il y aura donc une romance, des chansons et la durée du film frôlera les trois heures. Avec une petite surprise en prime : il s’inspirera très généreusement du Scream de Wes Craven… sans en avoir les droits.

 

Sssshhh... : photoRègle numéro 1 : il est interdit de parler de droits d'auteur

 

Au-delà des questions de légalité, un premier gros problème se pose. Il semble totalement absurde de vouloir adapter Scream avec les codes d’une industrie qui n’avait pas connu de culture horrifique marquée. Pire encore, Bollywood n’avait absolument jamais vécu la mode des slashers. Sssshhh… va donc complètement se débarrasser de l’humour méta qui fait toute l’identité du film de Wes Craven. Les personnages ne sont pas des amateurs de cinéma de genre, on ne joue pas avec les codes du genre.

On retiendra bien quelques tentatives maladroites de comédie dans cette relecture indienne, cependant le ton se veut bien plus sérieux. Le résultat ne pouvait être qu’un récit extrêmement prévisible, trop premier degré pour avoir la moindre once d'originalité. Et même si Ghostface est légèrement remanié avec son masque de gros poupon tout mignon, il est si peu présent à l’écran qu’on en oublierait presque l’aspect slasher. En étant généreux, on retiendra bien un ou deux meurtres inventifs, mais le niveau global reste insuffisant.

 

Sssshhh... : photoLe masque le moins flippant de l'histoire

 

BOLLYWOOD KILLS

À l’aube des années 2000, le public indien n’avait que très rarement accès aux productions hollywoodiennes. Totalement conscient de cet avantage, le réalisateur Pawal Kaul joue au petit malin et parvient presque à nous faire croire que personne n’a raconté cette histoire avant lui. On saluera tout de même la volonté de détourner certaines séquences cultes du film d’origine.

Le meurtre qui ouvre le récit constitue un exemple particulièrement intéressant de réécriture relativement surprenante. Plutôt qu’une Casey Becker enfermée chez elle, on suit une jeune femme dans un large complexe sportif vide. Pas de jeu sadique au téléphone, pas de notion d’enfermement, Sssshhh… joue plutôt sur le registre tragique. Qu’importe l’espace et la fuite, notre victime n’a aucune chance de s’en sortir.

 

Sssshhh... : photoOn repassera pour une héroïne forte

 

Dans cette volonté d’ajouter du drame, on notera d’ailleurs que cette Casey Becker indienne se révèle être la sœur de notre héroïne principale. C’est donc avec une nouvelle Sidney Prescott endeuillée que l’on fait connaissance. Une héroïne incarnée par la débutante Tanishaa Mukerji, issue d’une grande famille du cinéma national, dont la performance illustre tout le mal qu’a pu faire le népotisme à Bollywood.

Et c’est bien là que se trouve la plus grosse limite de ce film. Le plaisir régressif nous ferait encore passer sur l’absence de mise en scène et la direction artistique ringarde. Mais on ne peut qu’être frustrés face à l’absence totale d’une vraie final girl. L’héroïne n’a pas la force de caractère nécessaire. Elle se contente de fuir en criant très fort pendant près de trois heures. Pire encore, elle aura besoin d’être assistée comme une demoiselle en détresse pour venir à bout des deux tueurs.

 

Scream VI : photoQuand tu ne feras jamais pire qu'un plagiat

 

Au final, Sssshhh… reste une véritable curiosité pour les amateurs de bizarreries horrifiques. S’il partait avec l’ambition louable d’apporter une vague de slasher à Bollywood, le film n’est rien de plus qu’une série B légèrement malhonnête souvent risible à ses dépens. De quoi nous faire largement relativiser avant de découvrir Scream VI qui sortira dans les salles françaises à partir du 8 mars 2023.

Tout savoir sur Scream VI

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