Tom Cruise : pourquoi c'est le plus fascinant des égomaniaques à Hollywood

Geoffrey Crété | 16 juillet 2023 - MAJ : 21/07/2023 18:12
Geoffrey Crété | 16 juillet 2023 - MAJ : 21/07/2023 18:12

Top Gun et Top Gun 2, la saga Mission : Impossible, Eyes Wide Shut, Edge of Tomorrow, Magnolia, Vanilla Sky... Regarder la carrière de Tom Cruise, c'est décrypter Tom Cruise lui-même.

A 61 ans et avec une cinquantaine de films à son actif, Tom Cruise est plus que jamais le roi de Hollywood. Lui qui était donné perdant au début des années 2000, après plusieurs problèmes très médiatisés, est revenu plus fort encore avec la renaissance de la saga Mission : Impossible, puis  le succès monumental de Top Gun 2.

Peu importe ce qu'on pense de l'homme, de l'artiste ou du scientologue, Tom Cruise est un monument du cinéma hollywoodien, qui a créé son propre mythe film après film. Sonder la filmographie de Tom Cruise, c'est y voir une sorte de thérapie par le cinéma, et un autoportrait parfois très évident.

Relecture non exhaustive d'un CV riche, autour de quelques morceaux significatifs.

 

  

TOP GUN

Sortie : 1986 : Durée 1h50

 

Top Gun : Photo Tom CruiseTop Cruise

 

Il y avait eu Taps, Outsiders, Risky Business et Legend, mais Top Gun marque le coup d'envoi définitif de Tom Cruise. Il a 24 ans, et même pas de bataille à mener pour devenir Maverick. Le producteur Jerry Bruckheimer racontait à Deadline en 2022 : "Tom était notre premier et unique choix. C'est lui que Tony Scott voulait, et Don et moi on a vraiment été le chercher. Je ne pense qu'il était déjà un pilote à l'époque, mais il avait ce charisme, et on aimait ce qu'il avait fait. On pouvait déjà voir qu'il était un super acteur".

Déjà, Tom Cruise prend tout très au sérieux. Le rôle, la préparation... le contrôle est absolu. À tel point que c'est le seul acteur à ne pas vomir ses tripes au moins une fois pendant les vols - et donc, le seul à pouvoir être filmé dans ces conditions. De quoi parle justement Top Gun ? D'un surdoué. D'un génie. D'un miracle. Peter Mitchell alias Maverick est une tête brûlée, un demi-dieu dont le seul ennemi est lui-même. "Your ego's writing check your body can't cash", lui balance son chef au début du film. Ce sera le challenge : apprendre à se connaître, se maîtriser, pour embrasser son destin de héros.

Dans la plus pure tradition hollywoodienne, le jeune loup devra donc apprendre à apprendre. Comment être un ami, un amant, un leader, un individu, un héros : c'est le mode d'emploi entier de l'être humain hollywoodien. Ainsi, Tom Cruise sort de l'adolescence (du moins au cinéma).

 

Top Gun : Photo, Rick Rossovich, Val Kilmer, Tom Cruise, Anthony Edwards"Tu sais où j'aimerais mettre ce poing ?"

 

Top Gun contient déjà quelques grands motifs majeurs dans la future carrière de Tom Cruise, à commencer par l'importance du père. Celui de Maverick est une figure d'ambiguité : il est mort au combat en héros, mais dans des circonstances mystérieuses ; c'est un modèle, mais également une limite, voire un adversaire pour l'ego du héros. Pour l'acteur, marqué au fer rouge par l'autorité excessive et douloureuse de son père, ce n'est pas anodin. Et ça l'est encore moins avec ses futurs choix de carrière.

Autre valeur : celle de désobéissance, qui occupe encore le premier plan de chaque Mission : Impossible. Maverick est une tornade, qui prend un malin plaisir à s'opposer à l'autorité. Son plus grand défi est celui de l'humilité, puisqu'il doit prendre conscience de son impact sur le monde (avec la mort de Goose en point d'orgue). Un grand pouvoir exige de grandes responsabilités. Maverick l'apprend, et Tom Cruise aussi, peut-être, puisque la première ligne de sa légende s'écrit avec ce film.

Top Gun est un carton phénoménal, avec plus de 357 millions au box-office, pour un budget d'environ 15. C'est une aubaine pour l'armée américaine, qui installe des bureaux de recrutement à la sortie de certaines salles, pour mettre le grapin sur ceux qui se rêvaient en Tom Cruise. C'est la naissance d'un symbole du masculin et du viril à l'américaine.

LA COULEUR DE L'ARGENT

Sortie : 1986 - Durée : 1h59

 

Photo Paul Newman, Tom CruiseApprendre auprès des plus grands

 

En 1986, Tom Cruise s'envole avec Top Gun, devenant la nouvelle coqueluche officielle du cinéma américain, le nouveau fantasme hollywoodien, le nouveau demi-dieu de l'industrie du spectacle. La même année, il est le héros de La Couleur de l'argent de Martin Scorsese. Il n'a même pas 25 ans, mais sa filmographie atteste déjà d'un désir de jouer sur les deux tableaux, entre art et business, public et critique.

Il rêve grand, et mène avec brio le début de cette bataille d'une vie avec ce film. A l'écran, il donne la réplique à Paul Newman, qui lui enseigne les secrets pour devenir un as de l'arnaque. Ou comment un acteur oscarisé de premier plan, alors âgé d'une soixantaine d'années, forme un jeune Tom Cruise à l'art du mensonge et des apparences. Difficile de ne pas y voir un passage de relai générationnel.

En coulisses, Cruise entame toujours sa quête de prestige auprès des plus grands. Après Coppola (Outsiders) et Ridley Scott (Legend), avant Oliver Stone (Né un 4 juillet) et bien d'autres, Scorsese est central dans son tableau d'honneur. Celui-ci a déjà été propulsé par Taxi Driver et Raging Bull quelques années avant, et être choisi par un tel cinéaste est comme un sceau.

DES HOMMES D'HONNEUR & LA FIRME  

Sorties : 1992 & 1993 - Durées : 2h18 & 2h34

 

Photo Tom CruiseUn homme d'honneur (et de box-office)

 

Est-ce vraiment un hasard si dans ces deux films sortis à un peu moins d’un an d’intervalle un fringant Tom Cruise affronte deux monstres sacrés du 7e Art ? Peut-être pas, tant les passerelles entre les personnages qui l’incarnent et les thématiques qui nourrissent ces récits sont évidentes. Jeune avocat découvrant que l’entreprise qui l'emploie et notamment Gene Hackman se livrent à de sombres activités, ou avocat militaire levant le voile sur les pratiques indignes d’un hauts-gradé joué par Jack Nicholson, Cruise incarne très littéralement un renouveau cinématographique désireux d’en finir avec un héritage trouble. 

 

La Firme : photo, Gene HackmanAvec un autre géant, Gene Hackman

 

Hackman et Nicholson sont deux mastodontes du Nouvel Hollywood, parenthèse enchantée du cinéma américain, qui n’hésita à mettre à mal les mythes, tant cinématographiques que collectifs, sur lesquels s’étaient bâtis les USA. En substance, le comédien semble nous dire qu’il arrive pour faire table rase du passé et remplacer un nuancier ténébreux par une lumière éclatante, mais les choses sont peut-être un peu plus compliquées. 

En effet, Tom Cruise ne cherche pas tant à supplanter ses aînés qu’à se mesurer frontalement à eux, entamant un dialogue ambigu, nourri d’ambition, d’admiration et de volonté de dépassement. Une démarche qui trouvera un écho tardif en 2006, quand il s’associe avec la productrice Paula Wagner pour racheter la société United Artists, qui fut un des fers de lance... du Nouvel Hollywood.

ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE

Sortie : 1994 - Durée : 2h

 

Photo Tom CruiseEt si c'était Lestat qui ressemblait le plus à Cruise ?

 

On ne trouve probablement pas de film plus prophétique dans la carrière de Tom Cruise. Revoir aujourd’hui cet énorme succès de 1994, c’est constater combien l’acteur et sa carrière ont subi de métamorphoses successives au cours des 25 années écoulées. Et pourtant, plusieurs d’entre elles étaient annoncées dès ce récit baroque signé Neil Jordan. On y a souvent vu un grand trip égotique de Tom Cruise, qui y incarne une colonne d’ego et de séduction s’élevant jusqu’à Jupiter, mais les choses sont un peu plus complexes et intéressantes. 

En effet, Lestat ne symbolise pas seulement le charme irrésistible d’une super star à laquelle rien ne résiste, il annonce également sa chute puis sa résurrection. Des années avant le chaos personnel et professionnel qui manquera de lui coûter sa carrière au détour du canapé de Oprah Winfrey, Cruise prédit qu’il se brûlera les ailes, tout comme il prévient également qu’on n’aura pas raison de lui si facilement. 

À ce titre, la conclusion du récit est éloquente. Brad Pitt, héros évident mais trop sensible pour cet impitoyable Hollywood, n’aura d’autres choix que de disparaître, tandis que Christian Slater sert plus prosaïquement de nourriture à Tom Cruise. Personne n’arrête ni n’enterre l’artiste, il ingère jusqu’à la substance des êtres qui l'entourent pour revenir toujours plus fort, toujours plus jeune.

MISSION : IMPOSSIBLE

Sortie : 1996 - Durée : 1h50

 

photo, Tom CruiseLe contrôle total, en une scène magistrale

 

C'est le début d'une grande entreprise de contrôle total sur sa propre personne-marque-carrière. C'est là qu'il fonde sa société Cruise/Wagner Productions, pour entièrement assumer et prendre en main sa destinée. Et c'est un pari sur l'avenir qui a payé puisque 25 ans après, Mission : Impossible joue un rôle central dans la carrière de Tom Cruise.

Sa vision est énorme à l'époque. Le projet d'adapter la série des années 60 traîne depuis des années chez Paramount (avec qui Cruise/Wagner a un contrat d'exclusivité à l'époque), mais c'est Cruise qui lance réellement la machine, après avoir convaincu le studio de lâcher un budget de superproduction. Pour sa première production, il sera évidemment très impliqué à tous les niveaux, et mise sur un cocktail entre un grand film de divertissement et une équipe de prestige.

Sydney Pollack, avec qui il a tourné La Firme, est d'abord sur le coup, mais il se paye finalement Brian De Palma qui malgré des échecs récents, reste un cinéaste de renom. Avec lui sont engagés les scénaristes Steven Zaillian (La Liste de Schindler), David Koepp (Jurassic Park), et finalement le célèbre Robert Towne (Chinatown, Bonnie & Clyde). Et même si tout le monde sait que l'écriture a été un bordel monstre, avec un scénario réécrit pendant le tournage, la somme de talent est là.

 

photo, Tom Cruise, Jon Voight, Emmanuelle BéartDébarrassez-moi de ce groupe svp

 

En parallèle, Tom Cruise veut absolument satisfaire le plus large public, avec une intrigue pleine de surprises, et du grand spectacle. Il imagine la scène du restaurant avec l'aquarium qui explose, veut ce climax sur le toit d'un train, et tient à assurer lui-même le plus de cascades, ce qui deviendra sa marque de fabrique-storytelling.

Dans l'histoire, il joue le justicier ultime, celui qui se bat contre le système coûte que coûte - ce qui sera le grand motif de la saga. Il est surtout le héros unique, le seul qui en ressorte vivant ou propre. Ou comment transformer une série de groupe en véhicule à sa propre gloire, quitte à trahir l'héritage. La violence d'une équipe tuée dès le début et d'un Jim Phelps, héros d'hier et ennemi d'aujourd'hui, est parlante.

Le film est un immense succès, avec près de 460 millions au box-office. C'est le début d'une grande aventure, et la preuve que Cruise a vu son propre futur. 

JERRY MAGUIRE

Sortie : 1997 - Durée : 2h18

 

photo,  Tom CruiseUn winner, un killer, mais un homme de coeur

 

Annoncer une chute, pour mieux décrire un retour en grâce est une constante dans la carrière de Tom Cruise, mais le film de Cameron Crowe va beaucoup plus loin et offre en creux un commentaire sur l’évolution de l’industrie hollywoodienne et le rôle qu’entend y tenir la superstar. Ce n’est pas par excès d’ambition que Jerry est recraché par le système, c’est précisément à cause de son humilité. Agent sportif désireux de rompre avec une organisation déshumanisée et systémique, il est viré, justement pour avoir voulu injecter de l’artisanat et de l’humanité dans une superstructure obnubilée par le profit. 

Plus d’une décennie avant l’avènement de la franchisation, Tom Cruise se dépeint en maître du jeu désireux de changer les règles, et ostracisé par son milieu, qui redeviendra un gagnant en imposant son propre tempo et en refusant de céder aux sirènes de l’époque. La métaphore est d’autant plus frappante que le personnage l’applique également à sa vie personnelle. La déclaration d’amour de Jerry à son assistante Dorothy (Renée Zellweger) est en réalité adressée au public. 

“You complete me” lance-t-il les yeux embués de larmes, comme pour mieux nous asséner qu’il sera toujours là pour nous, quels que que soient les vicissitudes d’Hollywood, et que jamais la star ne renoncera à enchanter le grand écran. Une note d’intention visionnaire, l’acteur étant souvent considéré comme le dernier grand divertisseur à l’ancienne, chef d’orchestre d’un spectacle total et sans équivalent à l’heure actuelle.

EYES WIDE SHUT

Sortie : 1999 - 2h39

 

photo, Nicole Kidman, Tom CruiseLe paroxysme de l'art qui imite la vie qui imite l'art

 

Tout est étrange et presque tristement magique dans cet ultime film de Kubrick, image ultime du rapport destructeur et fantastique entre fiction et réalité. Le cinéaste choisit ce couple de stars avec l'intention évidente de jouer sur cette ambiguité, et les enferme symboliquement et exclusivement dans cette prison mentale pour un tournage sans durée déterminée - chose rarissime. Entre novembre 1996 et juin 1998, Cruise et Kidman ne tournent rien d'autre, voient défiler des acteurs qui sont parfois remplacés pour diverses raisons, et vivent dans une bulle.

A l'extérieur, de folles rumeurs naissent sur la production : Kubrick serait exigeant au point de retourner le film en songeant à l'abandonner, le tournage des scènes de sexe serait compliqué à cause de la jalousie du couple, un expert en sexe aurait été engagé pour leur apprendre l'hétérosexualité (à l'époque, les rumeurs d'homosexualité et faux mariage sont très présentes). La machine à fantasme est en marche, dans un curieux effet miroir savamment orchestré par le cinéaste, sans nul doute. Rêver les yeux grands fermés, comme dit le titre.

 

Photo Tom CruiseLe masque de la fiction (à moins que...)

 

Au terme d'une longue post-production, Kubrick projette le film aux acteurs, et meurt en mars 1999. Eyes Wide Shut sortira dans la foulée. En 2001, le divorce du couple est officialisé, après de grosses rumeurs, autour notamment de l'Eglise de scientologie qui aurait agi pour forcer cette séparation. Toujours, ce nuage de fumée entre réalité et fiction, avec une dose de fantasme qui semble sortir d'un film.

L'histoire de Cruise et Kidman est née dans le cinéma (il l'a castée pour Jours de tonnerre et l'a épousée un an après), et s'éteindra dans le cinéma. Avec Eyes Wide Shut, l'acteur a mis son corps, son couple, son âme au service du film, quitte à s'y brûler les ailes. Dans la tempête, l'homme aura glissé derrière l'acteur, dont la vie s'est déplacée vers l'écran de cinéma.

Voir aussi : Tom Cruise qui pète un plomb sur le canapé d'Oprah Winfrey pendant la promo de La Guerre des mondes, pour hurler son amour pour Katie Holmes.

MAGNOLIA

Sortie : 2000 - Durée : 3h04

 

Photo Tom CruiseLe rôle d'une vie, ou presque

 

Tom Cruise avait contacté Paul Thomas Anderson pour manifester son désir de travailler avec lui, et quand il reçoit le scénario de Magnolia, il hésitera, vu la nature du rôle. Il y a là un double mouvement fascinant : non seulement l'acteur passe sagement au second plan dans un film choral où il n'est qu'un rouage (et une pétale parmi d'autres sur l'affiche), mais il incarne en plus un odieux personnage, loin de son image de marque... mais incroyablement proche de lui, au fond.

Dans le chef d'œuvre de Paul Thomas Anderson, il est Frank T. J. Mackey, gourou masculiniste auto-proclamé, qui vante les mérites naturels du mâle dominateur. Il est suivi par des hordes de fans, et assure un show dans de grands numéros sur scène. Il remplit avec un plaisir manifeste son rôle, nourrit son propre mythe, quitte à porter le pire des masques pour se maintenir sous les projecteurs.

 

Photo Tom Cruise"Respect The Cock Tame The Cunt"

 

Derrière, il y a une blessure immense : celle du personnage abandonné par son père, et celle de Tom Cruise lui-même, traumatisé dans son enfance. Dans l'une des rares occasions où il s'est à ce point livré sur sa vie au-delà du show amoureux, il avait décrit son père comme une personne difficile, cruelle et violente avec sa famille. Lorsque sa mère a le courage de divorcer, il n'a que 11 ans. Il la suit et ne verra pas son paternel pendant une décennie. Il le retrouvera sur son lit de mort, à l'hôpital où il est rongé par un cancer, et accepte de revoir son fils uniquement s'il ne parle pas du passé.

Plus que jamais, Magnolia apparaît comme une vertigineuse thérapie en deux temps, où Tom Cruise incarne à la fois son père (le gourou qui écrase les autres, et notamment les femmes), et lui-même, pour l'impossible mais inévitable pardon de son géniteur ("I'm not gonna cry for you..."). Et cette lecture est certainement bien plus belle et forte que le simple "rôle à Oscar" souvent sorti pour ce film - qui lui permettra d'être nommé à l'Oscar du meilleur second rôle oui ok.

VANILLA SKY 

Sortie : 2002 - Durée : 2h15

 

photo, Tom CruiseUn masque, une mue, une renaissance

 

En 2002, Tom Cruise est un homme neuf, célibataire. Il ressort d'un divorce très médiatisé avec Nicole Kidman, qui a remis beaucoup de sa personne privée sur la place publique, et fissuré son image de perfection. Et Vanilla Sky ne peut que résonner avec cette situation puisque c'est l'histoire d'un homme à qui tout réussit, et qui voit tout lui échapper brutalement à cause d'une femme, laquelle brise son monde.

Le film s'articule autour du choc entre deux existences : d'un côté, celle d'un playboy enivré par le succès et sa confiance en lui, pris par une illusion d'immortalité symbolique ; de l'autre, celle d'un homme qui n'est plus que l'ombre de lui-même, a perdu ses attributs et refuse de voir la réalité en face. Tout se joue sur cette confrontation entre le fantasme et le réel, le passé et le futur. Il faut abandonner et enterrer une part de soi, trop belle pour être vraie, afin de pouvoir avancer.

 

photo, Tom CruiseDétachement intime

 

Que ce bel homme porte un étrange masque durant la majeure partie du film, pour cacher ses blessures physiques mais également psychologiques, en dit long sur le sens de cette renaissance symbolique. Se joue ici une quête d'identité, associée à l'image pure - le visage, celui qui a été collé sur les affiches des films, les couvertures de magazine, et autour duquel tout tourne. David Aames, comme Tom Cruise, est à un moment charnière de sa vie, et va devoir choisir. Le masque est comme une mue, qui malgré la peur et l'incertitude, doit être arraché pour permettre une renaissance. Et le saut de la foi final, c'est celui de Tom Cruise, qui accepte d'ouvrir les yeux, pour à nouveau envisager son existence nouvelle.

Tout ça a d'autant plus de sens que Cruise a eu envie d'un remake dès qu'il a vu Ouvre les yeux d'Amenabar, et qu'il a produit Vanilla Sky via sa société de production. Autant dire que tout, de A à Z, a été forgé par lui. Notamment le choix de sa partenaire Penelope Cruz, récupérée du film original... et qui deviendra sa petite amie à la ville pendant le tournage, comme largement diffusé dans les médias. De quoi vite reprendre en main son image de marque, et boucler la boucle en rappelant le succès (avant la chute) de David Aames au début du film.

MINORITY REPORT

Sortie : 2002 - Durée : 2h25

 

PhotoUne quête aux airs de mutilation

 

Longtemps développé par d'autres (notamment comme une suite de Total Recall), le projet d'adaptation de Philip K. Dick est finalement tombé entre les mains de l'acteur et Spielberg. Et c'était parfait puisque le héros Roy Anderson est un condensé de motifs et d’obsessions Cruisiennes.

C'est un homme brisé, dont la famille a volé en éclat après l’enlèvement jamais résolu de son fils, dont il se tient pour responsable. Ce trauma a gangréné toute son existence. Si elle a motivé sa réussite professionnelle, cette tragédie l’a plongé dans une addiction aux drogues, à la douleur et aux souvenirs, dans laquelle il sombre un peu plus chaque jour.

Il est d’ailleurs particulièrement frappant que cette addiction prenne la forme du cinéma lui-même, puisqu’il revit inlassablement ses souvenirs grâce à une projection-hologramme, digne du septième art du futur. Réalisateur, producteur et monteur de ces séquences qu’il repasse en boucle, l’addict est un écho de la toute puissante figure du producteur, agençant lui-même toutes les pièces de son récit-puzzle.

Une logique qui l’amènera à vouloir modifier la matière première de sa réalité : la technologie faisant tourner Pré-Crime, dont il comprend qu’elle est au centre d’un complot le visant. A nouveau, Anderson se fait grand chef d’orchestre cinématographique, seul capable de trouver la vérité derrière des images mensongères qu'il pensait maîtriser et comprendre. Cette odyssée intime et policière se conclura par un happy end trop total pour être honnête, et qui contient une grande amertume - comme La Guerre des Mondes, autre notable collaboration de Cruise et Spielberg.

 

Minority Report : photo, Tom CruiseLe cinéma, révélateur ou dissimulateur ?

 

Anderson recréé une famille symbolique – un papa, une maman, une précog – mais il doit pour ça piétiner l’intégralité de sa vie professionnelle, et assumer que l’entièreté de sa vie comme de ses engagements reposaient sur un mensonge grossier. Obtenir un bonheur aux airs de fiction, au prix de la destruction terminale d’une carrière.

Comment ne pas faire le parallèle avec la star à la vie privée compliquée, émaillée de divorces et de rumeurs folles, à l’engagement absolu au cœur d’Hollywood, mais qui faillit être définitivement brisé en 2006 quand Paramount coupa les ponts avec sa société ? Les motifs invoqués dans les colonnes du respecté Wall Street Journal par le dirigeant du studio, Sumner Redstone, étaient l’addiction de l’artiste aux anti-dépresseurs, un comportement erratique et un prosélytisme excessif de l’Eglise de Scientologie. Quatre ans avant ce désaveu brutal, le grand Tom annonçait-il dans Minority Report combien sa carrière était sur le point de dérailler ?

LE DERNIER SAMOURAI

Sortie : 2004 - Durée : 2h24

 

Le Dernier Samouraï : photo, Tom CruiseLa Guerre au bout du monde

 

Le Dernier Samourai est autant révélateur du mythe qui entoure les interprétations de l'acteur que de la façon dont Hollywood traite des cultures différentes. Cruise y joue l'occidental pouvant introduire à un public américain et européen l'imagerie japonaise, imagerie que le film se charge d'exploiter et de caler dans le carcan de blockbuster. Indéniablement épique, l'histoire de la rédemption de Nathan Algren a fait couler beaucoup d'encre, et a achevé de transformer le comédien en symbole de l'industrie américaine, héros patriote capable de faire preuve d'altruisme, jusqu'à remettre en cause ses propres principes.

C'est également un long-métrage qui reflète parfaitement, avec la saga Mission : Impossible, la volonté de Cruise de vaincre par courage. S'il est aussi apprécié par les spectacteurs de grands spectacles, c'est parce qu'il met un point d'honneur à démontrer qu'il effectue ses cascades lui-même, au péril de sa vie. Les producteurs adorent : le divertissement se loge dès le début d'une promotion assurée par ses anecdotes. Les petits détails célèbres servant la gloire de l'acteur s'accumulent : il se serait préparé pendant deux ans, en apprenant l'épée et la langue japonaise, et bien sûr, il aurait échappé de peu à la mort, à cause d'une machine ne fonctionnant pas correctement.

 

photo, Koyuki, Tom CruiseTom Cruise le petit matin

 

Probablement véridique, l'histoire deviendra une sorte de légende, très significative par rapport à la façon dont Cruise parvient à maitriser son image et constituer toujours un atout pour un blockbuster aussi efficace que celui d'Edward Zwick. En 2003, il démontre une fois pour toutes sa capacité à se constituer lui-même comme une superstar, un ambassadeur même, et ce malgré une vie privée très médiatisée et parfois tournée en dérision. Héros américain, devant et derrière la caméra, il brillera toujours.

COLLATERAL

Sortie : 2004 - Durée : 2h

 

Photo Tom CruiseLa solitude du tueur de fond

 

Il est tentant de voir dans Collateral un rôle qui aurait échappé à son interprète, un personnage qu’aurait tout à fait dirigé Michael Mann, empêchant l’artiste de livrer un énième commentaire sur sa personne ou son aura. Il faut dire que de nombreux éléments font du personnage de Vincent, tueur à gage charismatique glaçant de professionnalisme, une exception dans la filmographie de Tom Cruise.  

Quasiment inhumain, fonctionnant comme une machine à tuer dénuée de compassion, cet anti-héros meurt précisément par ce qui a fait la toute-puissance de Tom Cruise : un contrôle total, qui ne prévoit ni ne peut maîtriser ce que va déclencher dans sa mécanique rôdée à l’extrême l’arrivée d’un grain de sable humain. Le comédien ne triche pas sur son âge, va jusqu’à en porter visiblement les stigmates. Collateral décrit-il alors l’essoufflement de la machine Cruise, son obsolescence inévitable ? 

 

Collatéral : photo, Tom CruiseLe grain de Tom Cruise

Pas tout à fait. En creux, ce monstre de Vincent est bien le vecteur chaotique qui va permettre au personnage de Jamie Foxx de prendre sa vie en main. Et s’il ne peut déjouer le destin, il peut encore agir tel un révélateur, éveillant l’univers à la manière d’un véritable défibrillateur. Enfin, la superbe conclusion du film semble accorder à Tom l’avantage de la poésie, comme si, même aux prises avec un rôle qui livre un décalque monstrueux de l’artiste, la grâce demeurait de son côté. 

LA GUERRE DES MONDES

Sortie : 2005 - Durée : 1h52

 

Photo Tom CruiseL'apocalypse selon Saint-Steven

 

Une idée se dessine distinctivement au fil des films de Tom Cruise : celle d'un homme seul et sans attache, comme le dernier de son espèce, voire une pure figure tragique. Centrale dans l'équation héroïque hollywoodienne, la famille est un fantôme qui plane sur ses personnages, pour les hanter, les détruire, et en révéler les failles profondes. La Guerre des mondes est majeur à ce niveau, puisqu'il y incarne un père divorcé et incapable d'assurer sa mission auprès de ses deux enfants, un adolescent en colère et une petite fille quasiment devenue une étrangère. L'apocalypse alien sera un ultime test pour lui, entre sauvetage de l'extrême et lutte pour la prise de contrôle de leurs existences.

Jusque là, il pourrait y avoir une histoire de rédemption et reconquête classique, qui se termine sur le loup solitaire réadopté par son clan, et reconnecté aux siens. Mais le film de Spielberg s'achève sur une scène plus troublante, où le héros retrouve bien sûr son fiston miraculeusement en vie, mais reste lointain dans la rue, hors du périmètre familial. La musique, posée dans ce cadre d'horreur encore bien frais, vient ajouter une touche de profonde tristesse à ce héros abîmé, condamné à ne pas rejoindre la meute. Condamné à vivre avec lui-même, et avec l'idée qu'il aura fallu attendre la quasi fin du monde pour qu'il prenne enfin, un peu, la mesure de ses responsabilités de père.

Entre l'histoire personnelle de Tom Cruise avec son père et celle de Spielberg (le divorce de ses parents l'a marqué, a forgé son rapport compliqué à son père, et l'idée est omniprésente dans ses films), La Guerre des mondes porte les maux familiaux des deux hommes.

TONNERRE SOUS LES TROPIQUES

Sortie : 2008 - Durée : 1h48

 

Photo Tom CruiseQuoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?

 

La superstar est alors au cœur de la super-tourmente. Décrit comme à moitié fou, probablement fini, Cruise est devenu un facteur de risques, plus qu’un synonyme de rentabilité assurée, soit l’équivalent hollywoodien d’une condamnation à mort. La voie royale (récemment empruntée par Mel Gibson) dans ce genre de situation consiste à passer sous les radars quelque temps, avant de jouer la carte de la rédemption. 

Mais le grand Tom ne peut décemment pas faire comme tout le monde, descendre de l’Olympe parmi les mortels pour admettre ses faiblesses. On l’accuse d’être un nabab monstrueux ? Et bien il jouera les nababs monstrueux. Le rôle de Les Grossman est un caméo, mais il demeure à ce jour un des aspects les plus connus et appréciés de Tonnerre sous les Tropiques. Ben Stiller, ami de Tom, lui avait offert une hilarante parodie de M:I 2 où il jouait son cascadeur attitré, et renvoie ici l’ascenseur. 

L’acteur a la possibilité de démultiplier tous les travers atroces qu’on lui a prêtés, de s’en habiller pour mieux moquer le star-system, Hollywood et lui-même. L’effet est instantané et s’il ne replace pas instantanément le producteur et comédien au sommet de la chaîne alimentaire, il prouve à tous ses contempteurs qu’il est loin d’être fini, tout en démontrant que l’artiste est toujours capable de s’attirer les faveurs du public avec une facilité déconcertante.

Voir aussi : Tom Cruise dans Rock Forever

NIGHT AND DAY

Sortie : 2010 - Durée : 1h40

 

photo, Tom Cruise, Cameron DiazMoi mâle, toi femelle

 

A l'époque, Tom Cruise est dans l'embarras après un Mission : Impossible 3 très mal géré de son côté, qui a finalement mis un terme à la collaboration entre Paramount et Cruise/Wagner. Le studio rompt tout lien avec lui, et parle ouvertement de son comportement problématique dans les médias - une référence à son craquage amoureux-hystérique chez Oprah Winfrey avec Katie Holmes, et ses propos sur la psychiatrie qui rappellent son engagement scientologue. L'aspect financier du deal, très avantageux pour l'acteur qui touche même une part des ventes DVD, a probablement pesé dans la balance.

Dans la foulée, les échecs au box-office de Lions et agneaux et Walkyrie n'ont pas aidé. Il recherche donc activement un film d'espionnage, formule facile pour récolter l'amour, et hésite entre Salt (qui sera finalement réécrit pour une femme, Angelina Jolie), The Tourist (encore avec Angelina Jolie oui), et Knight and Day, trois projets passés entre les mains de plusieurs acteurs, réalisateurs et scénaristes. La recette d'un bon ratage en somme (plus de dix scénaristes sont apparemment passés sur Knight and Day).

Quand Cruise se décide, Cameron Diaz est déjà là, et ils ont tourné ensemble dans Vanilla Sky. Il demande des changements dans le scénario, notamment pour l'aspect comédie qui permettra de se démarquer des Mission : Impossible. Mais la superstar a perdu quelques points business et malgré ce pouvoir, il accepte un salaire bien inférieur à ses habitudes (11 millions apparemment, contre 20, avec une part sur les bénéfices en cas de vrai succès).

 

photo, Tom CruiseUn couple parfait sur le papier, mais bizarroïde à l'écran

 

D'un point de vue extérieur, Night and Day est un coup prémédité : il s'agit de renouer avec un succès a priori facile, de reprendre le contrôle de son image publique, qui a oscillé entre le trop sérieux (Lions et Agneaux, Walkyrie) et le trop dingo (sa vie privée). Tom Cruise est donc remis en avant comme un héros, mais aussi un fantasme accessible, qui transforme la vie d'une femme "ordinaire". Dans le détail, toujours le même refrain : c'est un espion solitaire (rogue), qui avance contre le système pourri de l'intérieur, et trace sa route avec un haut sens moral. Cameron Diaz ne cesse de lui demander qui il est, et il ne répondra jamais vraiment. Ce n'est pas une personne, mais quasiment une idée.

Il est là encore déraciné, et a accepté de se couper de sa famille pour embrasser sa mission, son destin même. Qu'il envoie de l'argent à ses parents n'est pas anodin. Par ailleurs, Cruise est le grand metteur en scène de l'histoire, celui qui crée les ellipses (en endormant l'héroïne, mais aussi le spectateur, ou du moins ses neurones), transporte l'action et dirige le récit (il la choisit elle, et le titre le désigne pour plusieurs raisons). Tout ça dans un parfum old school assumé, puisqu'il semble même arrêter les balles pour un bisous. Mais toujours, il y a cette sensualité mécanique, froide, du bout des lèvres, comme si même torse nu, Tom Cruise était une carcasse héroïque symbolique, sans chair, sans famille ni enfants.

Avec environ 262 millions au box-office pour un budget officiel de 117 millions, c'est un échec à ce niveau de superproduction. Et c'est un symbole qui poussera l'acteur à se retrancher dans son domaine maîtrisé : fini la comédie, et plus de Mission : Impossible.

OBLIVION

Sortie : 2013 - Durée : 2h06

 

Oblivion : photoLast Man on Earth

 

Tom Cruise réalise avec effroi qu'il n'est qu'un clone parmi d'autres, au service d'une entité toute puissante qui dicte sa conduite et a même forgé un mariage d'apparence avec une ravissante rousse. Il pensait être l'élu, le trésor, mais constate qu'il n'est qu'un produit formaté. Dès qu'il sort de sa zone, au-delà de son nombril et sa mission, il rencontre son double, et est renvoyé à sa pauvre nature. Le sous-texte est tellement évident que c'en est presque trop facile.

Tom Cruise a ouvert la voie à d'autres acteurs, qui ont fleuri au fil des générations dans la chaîne alimentaire hollywoodienne. Le système, symbolisé ici par ce triangle cosmique qui feint son humanité pour mieux cacher son cynisme, en a fait un simple outil au service d'une mission qui le dépasse. Il croyait servir le meilleur, mais alimente le pire. Il pensait être dans le camp noble, mais était en réalité manipulé par les puissants. "Ils ont pris l'un de nos meilleurs éléments, et l'ont retourné contre nous, sans âme, sans humanité", commente Morgan Freeman.

 

PhotoC'est digne du meme de Spider-Man

 

Mais le héros résiste, et lutte contre l'institution en laquelle il a jadis eu confiance. Joseph Kosinski est un jeune réalisateur, Oblivion est un scénario original tiré de sa propre BD, et Cruise résiste à l'appel des super-héros. Tom Cruise plie (Oblivion est très loin du box-office de Man of Steel, Iron Man 3 et Thor : Le Monde des ténèbres, sortis la même année), mais ne rompt pas. 

EDGE OF TOMORROW

Sortie : 2014 - Durée : 1h53

 

photo, Tom CruiseLet's try again

 

Un homme qui ne peut pas mourir. Un homme qui, littéralement, apprend de la moindre de ses erreurs, jusqu'à maîtriser chaque pas, chaque geste, chaque seconde. Un moins que rien sorti de force de la masse, et mis sur les rails d'un triomphe. Un homme lambda que son perfectionnisme poussé à l’extrême transforme en soldat, en athlète, puis en héros.

C’est ce qui ressort du film de Doug Liman, qui en plus de s’imposer comme une adaptation parfaite du concept vidéoludique du « Die and Retry », travaille là encore le concept même de Tom Cruise par le biais de la science-fiction. Dans Oblivion comme dans Edge of Tomorrow, Cruise semble jouer Cruise, ou du moins son alter-ego de cinéma, qu'il trimballe de film en film côté blockbuster.

 

Edge of Tomorrow : photo, Tom CruiseL'immortel qui meurt

Sauf qu'ici, c'est avec une ironie, une légèreté et un second degré inédits, comme si l'acteur avait pris du recul sur sa propre image, se permettait d'en rire, et d'y ajouter une once d'humanité. Après des décennies passées à sauver le monde et créer une armure héroïque en acier trempé, que quasi rien n'a réellement fissuré (la présence toujours très limitée des femmes et enfants, pour rester un loup solitaire), le voilà revenu au rang d'un homme ordinaire, transformé en extraordinaire.

Avec une idée forte, en fond : peu importe l'âge, la modernité (Emily Blunt en guerrière ultime), le visage de l'ennemi, ou le monde qui change autour de lui, Tom Cruise ne renoncera jamais et restera une icône increvable.

JACK REACHER : NEVER GO BACK

Sortie : 2016 - Durée : 2h

 

Jack Reacher  : Never Go Back : Photo Tom CruisePas touche au Cruise

Jack Reacher était une déclaration d’amour aux polars musculeux des seventies. On imaginait que ce deuxième volet suivrait la même voie, mais il semblerait que ce qui motive son producteur et comédien principal soit de tout autre nature, tant le scénario s’inquiète d’abord de commenter la vie privée de son maître d’œuvre. 

La séparation de Tom Cruise avec Katie Holmes a eu des airs de désastre médiatique, entraînant dans son sillage une myriade de rumeurs quant au comportement de la star et notamment sa gestion de la parentalité. Mariage arrangé, père absent, omniprésence de la scientologie... Hollywood et les tabloïds bruissent d’innombrables récits plus ou moins documentés, plus ou moins crédibles. Le film entend donc, dès ses premières minutes, mettre en scène le rapport de Cruise avec les femmes, mais aussi la paternité.  

 

photo, Tom CruiseUn cowboy pas si solitaire...

 

Une idée qui va phagocyter l’essentiel de l’intrigue, cette dernière se focalisant toujours sur la nature de l’engagement de Cruise envers les personnages joués par Cobie Smulders et Danika Yarosh. La narration se fait tout à fait schizophrène et méta, tentant de présenter le héros comme une figure paternelle légitime et investie... tout en établissant sans ambiguité que Jack n’est pas le véritable géniteur de la jeune Samantha. Paradoxe étonnant autant qu’impasse scénaristique, cette obsession du film en dit long sur le désir ardent de l’acteur d’écrire lui-même l’histoire.  

LA MOMIE

Sortie : 2017 - Durée : 1h51

 

La Momie : Photo  Tom CruiseImage générique 

 

A 54 ans et après une carrière extrêmement riche, Cruise n'a plus rien à prouver. Quoi de plus logique de le mettre à la tête du long-métrage conçu par Universal pour lancer un des univers partagés qui voudraient dominer Hollywood comme l'a fait le MCU ? Le résultat : un échec artistique et un score très décevant qui aura tué dans l'œuf la suite de la franchise, pourtant vendue en fanfare avec un parterre de stars. Et lorsqu'on cherche des coupables, beaucoup de doigts pointent vers la star.

Connu pour être très impliqué sur les tournages, l'acteur aurait-il été trop loin ? Un article de Variety l'accable. Selon leurs sources, le studio lui aurait garanti un contrôle total, pouvoir qu'il n'aurait pas manqué d'utiliser. Cruise aurait même été le véritable réalisateur du film, bien aidé par sa relation avec Alex Kurtzman, déjà scénariste sur Mission : Impossible III. Pire, il aurait engagé lui-même deux auteurs pour corriger le script en sa faveur, Christopher McQuarrie et Dylan Kussman. Leur version qualifierait Nick Morton de "jeune homme", détail amusant.

 

Tom Cruise"Puisque je te dis que ça va bien se passer"

 

La suite du tournage et la post-production auraient également été transformées par ses proches, comme le précisent les intervenants interrogés par Variety. Il faut dire que le film est clairement un monument à la gloire de son comédien, une bataille entre le super-héros voulu à l'origine (la Momie), et l'intrépide bouffeur d'écran censé la confronter, parfois aussi balèze qu'Ethan Hunt.

L'ego de Cruise commencerait-il à détruire les films qui le mettent en scène ? Difficile à dire, mais sa main-mise artistique sur Hollywood est indéniable. En l'occurence, La Momie prouve que sa personnalité écrasante peut parfois prendre trop de place.

LA SAGA Mission : Impossible

 

photoLa saga Tom Cruise

 

Impossible de passer à côté de la franchise lancée en 1996, lorsque Tom Cruise a co-fondé sa société Cruise/Wagner pour voler de ses propres ailes. L'acteur et producteur (et scénariste officieux) a trouvé là son fond de commerce ultime, qui lui permet d'accomplir tout le nécessaire : défendre une place de choix dans l'industrie (surtout face aux super-héros), nourrir son propre mythe en continu, et mettre en scène son pouvoir année après année.

C'est pour ça qu'après Brian De Palma, John Woo, J.J. Abrams et Brad Bird, Christopher McQuarrie est désormais aux commandes de la série. C'est un collaborateur de confiance, qui suit Tom Cruise depuis une dizaine d'années : il a écrit ou co-écrit Walkyrie, Edge of Tomorrow, La Momie, Top Gun : Maverick, a réalisé Jack Reacher, et était venu sauver la mise sur Protocole fantôme en réécrivant le scénario pendant le tournage. Cruise a brisé avec lui le beau cycle des cinéastes en lui donnant la moitié de la saga au moins (il pilote Mission : Impossible 7  et Mission : Impossible 8) ; mais il a trouvé un roc, sur lequel il peut tranquillement continuer à construire sa propre statue.

 

photo, Tom CruisePas de larmes, que des lames

 

Ce n'est pas un hasard si dans chaque épisode, Tom Cruise joue un Ethan Hunt rejeté, trahi ou manipulé par sa hiérarchie, et qui fait cavalier seul (ou presque) pour sauver le monde, quitte à s'y perdre. L'acteur a beau être un rouage du système hollywoodien, il écrit finalement sa propre histoire dans la solitude et la marginalité.

Et difficile ne pas voir un parallèle entre Ethan Hunt et Tom Cruise. L'homme a été éprouvé par des problèmes étalés sur la place publique hollywoodienne, de ses divorces à sa chère scientologie. En 2006, Paramount avait ainsi mis fin à son contrat d'exclusivité avec Cruise/Wagner, en visant l'homme derrière l'acteur (ses problèmes de dépression, son prosélytisme, son comportement). En 2008, c'est Paula Wagner qui a quitté la boîte, alors que le duo avait mis les pieds chez United Artists.

Le golden boy était-il devenu mouton noir ? Peut-être. Mais comme l'increvable Ethan, Tom s'est relevé, et a continué à tracer sa route.

 

photo, Tom Cruise, Michelle MonaghanLe sexe peut attendre

 

Autre symptôme de la solitude : l'absence quasi totale de vie personnelle d'Ethan à l'écran. Hormis Mission : Impossible 3 qui rejoue Alias en mode mineur, avec Michelle Monaghan, Ethan est un loup solitaire, sans vie sentimentale ni sexuelle. Comme Tintin, ce personnage n'a ni le temps, ni l'envie, ni le besoin d'exister au-delà de ses missions et ses amis.

Il est réduit à un héros pur et dur, un corps fonctionnel, qui n'est pas là pour embrasser, enlacer ou caresser (sauf si l'opération l'exige), mais pour taper, encaisser et se relever. Ses réussites ne se comptent pas en conquêtes, mais en pirouettes, en sauts, en cascades. C'est ça le vrai décompte héroïque, pour Ethan et surtout Tom Cruise, qui met en scène ses exploits en promo.

Cette froideur du corps est un motif majeur dans la filmographie de Tom Cruise, et c'est particulièrement clair dans la saga Mission : Impossible, qui refuse d'aller sur ce terrain romantique, pourtant très ordinaire en matière de blockbuster. De là à y voir un parallèle avec Tom Cruise à la ville, qui depuis ses divorces très médiatisés entretient une image publique désormais détachée de la carte postale familiale...

 

Mission : Impossible - Rogue Nation : Photo Tom CruiseCruise Control

Le retour de Julia à la fin de Protocole Fantôme semblait rouvrir la brèche intime, comme pour rectifier le tir, mais Fallout a vite refermé ce chapitre. Elle continue sa vie humaine, mais lui reprend en paix son existence de machine de guerre, désormais sans attache terrienne. Le seul autre objet de désir à l'écran, Ilsa Faust, n'est pas une simple femme : c'est un alter ego d'Ethan, qui obéit aux mêmes règles. Les baisers font partie des missions, et les corps sont des armes avant tout. Même si Dead Reckoning revient timidement en arrière avec Grace...

Pour le reste, épisode après épisode, Ethan/Tom semble rejouer le même combat gagné d'avance. Un peu comme les intrigues d'Ethan rejeté/trahi par ses boss, la saga Tom Cruise semble destinée à tourner en boucle, comme une thérapie sans fin. L'exploit ultime d'un corps froid mais virtuellement immortel, qui continue de courir et castagner à 58 ans.

 

 

TOP GUN : MAVERICK

Sortie : 2022 - 2h11

 

Top Gun : Maverick : photo, Tom CruiseLes rides de Maverick

 

Plus de 35 ans après le premier Top Gun, Tom Cruise est de retour dans la peau du pilote. Le film porte son nom, histoire d’indiquer le chemin : c’est le film de Tom Cruise, qui s'est entouré de collaborateurs de confiance (le réalisateur Joseph Kosinski, le co-scénariste Christopher McQuarrie, le studio Paramount...). Plus que jamais, tout est une question de contrôle.

Top Gun : Maverickraconte et démontre le caractère éternel de Tom Cruise. Sa capacité à survivre et rester le roi dans un monde qui a changé, qui ne veut plus de lui, et qui le pense désuet et dépassé. C'est un loup solitaire, sans femme, ni enfant, ni maison. C'est l'homme, l'aventurier, le pionner, qui a tout sacrifié pour un rêve de noble grandeur - celui de l'exploit pur et dur, vers les cieux, les records, les territoires inexplorés. Il aurait pu être tout ce qu'il voulait, mais il n'avait envie de rien d'autre.

Maverick a également abandonné son rôle d'instructeur. Enseigner, c'est intégrer le système, et passer le relais. Mais le héros n'a plus le choix. Le film raconte que le monde a plus besoin de Tom Cruise, que lui n'a besoin du monde.

 

 

Top Gun : Maverick prend alors des airs de best of du Tom Cruise Movie. Tout y est : la désobéissance, la fougue, la famille, la filiation, la pudeur qui frôle l'asexualité. Avec une chose nouvelle : le rapport à la mort.

Au début de Top Gun 2, il y a une très belle scène où Tom Cruise est à deux doigts de mourir. Il semble même courir après, comme pour définitivement lâcher prise, s’envoler et quitter la Terre. Une presque pulsion de mort qui n'est n’est plus héroïque, mais dépressive. Le héros est seul face au néant, face à une limite, qui est celle de la vie - ou plutôt de la survie. 

Le film aurait pu avancer vers la mort de Maverick. Si James Bond et Iron Man peuvent y passer, pourquoi pas Tom Cruise ? Mais Maverick survit. Il ne passera pas l’arme à gauche, et ne passera pas le relais. Vous avez besoin de lui. Le monde a besoin de lui. Sa mission n’est pas terminée. 

 

Top Gun : Maverick : photoVers l'infini et l'au-delà

 

Top Gun 2 devient alors plus qu’un bon Tom Cruise Movie : c'est le rêve ultime du Tom Cruise Movie. Un fantasme d’éternel recommencement et d’héroïsme hors du temps, à cheval entre la pure nostalgie d’hier, et l’incroyable survie de demain. C’est le pont impossible entre le Tom Cruise des années 80, et celui d’aujourd’hui. Trois décennies après, il est le corps et le héros ultime. Et compte bien le rester encore un moment.

Tout savoir sur Tom Cruise

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commentaires
Kamomille
25/07/2023 à 04:39

J’adore vos articles et vidéos sur Tom Cruise. Il y a beaucoup d’humour. Continuez…

Vomito
17/07/2023 à 09:13

Un cas très intéressant.
Ya un bon docu sur Arte qui retrace sa carrière, à voir en replay. D'ailleurs yen a pas mal à voir sur ses collègue également. Meme celui sur Hans Zimmer est cool.

C'est quand même un super acteur, mais j'ai du mal avec la personne.

...
11/04/2023 à 01:49

Vous savez, peu importe ce que nous pouvons savoir dans un article, grâce à d'autres sources ou sur les médias, tout cela reste et sera à jamais que la partie immergée de l'iceberg. Nous ne savons vraiment rien de lui si ce n'est des rumeurs, des opinions ou des articles... donc, ne pas juger!!!

Brad et george
03/04/2023 à 17:26

@ ethan

C'est pas ces films que je n'aime pas c'est le mec qui me dégoute avec son air suffisant et sa tête de faux parrain ridicule, don corleone le defoncerai si il voyait ce troudeneu

Arrêtons de defendre ce vile rat

andarioch1
03/04/2023 à 14:12

Salut,

mon seul problème avec Cruise c'est qu'à mon sens c'est plus une star qu'un acteur. D'ailleurs son jeu reste assez limité en ce sens qu'il ne sait pas faire certaines choses. La preuve par Jerry Mc Guire, que j'ai essayé de re-regarder récemment. Nul en comédie, caricatural, outrancier, aucun début de subtilité. Je ne suis même pas allé au bout du film à cause de ça. Alors que d'un autre côté, quand il est plus sobre, il peut facilement avoir un jeu mythique. Bref, il ne sais pas tout jouer. Remarquez, il tente. C'est courageux.
Reste Lestat, son meilleur rôle, du grand art.
A se demander si il n'a pas juste besoin d'un bon directeur d'acteur. Et que, impressionnante star égotique qu'il est, les réal n'osent pas le contrarier.
A creuser...

Gijii
03/04/2023 à 12:44

En lisant les commentaires je constate que peu de gens arrivent à faire la dissociation entre l'artiste et l'homme (enfin plutôt ce que la presse à scandale envoie de l'homme). Je pense aussi qu'il paye pour sa belle gueule de jeune premier et j'avoue avoir du mal à l'apprécier à ses débuts pour cette raison.
Alors que pourtant j'ai commencé sa filmographie par Rainman et Magnilia donc...
L'article est bien écris mais en faisant plus court avec uniquement du name shopping on pourrait dresser le CV de Cruise en énumérant seulement :
- les réalisateurs qui l'ont dirigé
- les genres de film
- les acteurs à qui il a donné la réplique.

Cette liste est juste IMPRESSIONANTE et force le respect

Ethan
03/04/2023 à 11:55

@brad et george
chacun son ressenti tu peux ne pas aimer ses films mais là je trouve que tu es très insultant

Brad et george
03/04/2023 à 11:05

Je vomis tom cruise, avec sa tête de type arrogant alors qu'il est nul, brad pitt est supérieur a cette crotte ! Clooney aussi, et je parle meme pas de johnny depp qui defonce cette crotte ! Comment peut on parler d'un acteur aussi minable que cruise et son top gun 2 de m****

alulu
03/04/2023 à 00:57

Je me demande si Tom Cruise ne s'est pas inspiré de Patrick Swayze. C'est en visionnant un docu sur ce dernier que j'ai eu comme une révélation. Le type était presque un Tom Cruise avant l'heure. Il ne rechignait pas pour recevoir des coups, s’entraînait comme un malade malgré une grave blessure, pratiquait la danse, quelques cascades. Bon, Tom Cruise c'est plus scientologie et eau du robinet alors que Patrick Swayze c'était plutôt philosophie orientale et galettes de vomi, pour finir, ils ont tout de même un film en commun. Quasi de la matière pour faire un versus avec c'est deux acteurs.

Ethan
02/04/2023 à 23:29

pas egomaniaque juste acteur et de l'ambition

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