Mission : Impossible 7 – Dead Reckoning : critique méta-Tom Cruise

Antoine Desrues | 5 juillet 2023 - MAJ : 21/07/2023 18:11
Antoine Desrues | 5 juillet 2023 - MAJ : 21/07/2023 18:11

Après le carton salvateur de Top Gun : Maverick, le “Tom Cruise movie” et sa méthodologie du “tout est fait pour de vrai” semblent encore plus puissants qu’auparavant. De quoi faire de Mission : Impossible 7 – Dead Reckoning l’un des mastodontes de l’été, au point où Paramount mise sur deux parties pour conclure (temporairement ?) les aventures d’Ethan Hunt sous la houlette de Christopher McQuarrie. Pari réussi ?

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LES 3 GROS PROBLEMES DE MISSION : IMPOSSIBLE 7

Tom Cruise contre les machines

On ne dira jamais assez à quel point la saga Mission : Impossible est à part dans le paysage hollywoodien. Malgré sa cannibalisation évidente par Tom Cruise, elle s'est démarquée par la diversité de cinéastes à sa tête (De Palma, Woo, Abrams, Bird), et par leur manière d’avoir dynamité les acquis de la série originelle des années 60.

Chacun y a apporté son style, ainsi que son bagage cinéphile, de sorte à faire de ce socle d’espionnage et d’action un retour boosté aux hormones aux classiques du suspense, de Fritz Lang à Hitchcock. Il y a d’ailleurs un paradoxe amusant à voir les films se reposer autant sur des gadgets et autres machines à masques, pour mieux les rendre hors-service le moment venu. La technologie est bien utile pour l’imaginaire de la franchise et certaines de ses idées situationnelles, mais le corps actant (de Cruise) prédomine toujours dans le sauvetage du monde.

 

 

Cette tension permanente entre classicisme et modernité est à la fois fascinante, et bien utile à la légende que se façonne la star. À soixante ans, Tom Cruise s’impose en dernier dinosaure d’un cinéma de divertissement exigeant et artisanal, où l’absence – survendue – d’effets visuels numériques mettrait en avant la vérité d’une performance physique sans artifices, et de cascades “à l’ancienne”. En bref, ramener l’humain (ou plutôt le surhumain) dans la machine du blockbuster, ce qui était déjà au cœur de Top Gun : Maverick, par cette résistance des pilotes de chasse à leur remplacement par des drones.

 

Mission : Impossible – Dead Reckoning (Partie 1) : photo"Je viens en paix pour sauver le cinéma. C'est Spielberg qui l'a dit"

 

Le premier attrait de Mission : Impossible 7 est d’aller encore plus loin dans cette démarche, en opposant cette fois Ethan Hunt à l’Entité, une intelligence artificielle surpuissante que les divers états du monde espèrent contrôler. L’idée peut prêter à sourire. Elle est pourtant très maline, et confirme l’importance de l’association entre Tom Cruise et Christopher McQuarrie. On pourrait regretter que le cinéaste ait brisé depuis Fallout la logique inaugurale de la saga dans sa variété de têtes pensantes, mais son rapport privilégié avec l’acteur n’est pas seulement au service de son image.

Évidemment, le réalisateur et scénariste sait penser le moindre plan pour iconiser sa star scientologue, qui est désormais entourée par une équipe loyale et solide. Pour autant, ce serait omettre les talents d’artisan de ce chef de bord, toujours à la recherche de la formule chimique parfaite pour ses diverses séquences d’action. L’œil dans le rétro, mais le pied sur l’accélérateur, McQuarrie exploite Mission : Impossible comme un terrain d’expérimentation et de réécriture, et assume de se confronter à des référents toujours plus hétéroclites et prestigieux, tout en y ajoutant l’ingrédient qui change tout.

 

 

Vieil Hollywood

Si Rogue Nation citait explicitement L’Homme qui en savait trop, Dead Reckoning va piocher tour à tour du côté de Lawrence d’Arabie ou du Mécano de la Générale, et fait de son antagoniste numérique le grain de sable de cette machine bien huilée. Pour sûr, à l’heure des blockbusters algorithmiques qui pensent aux études de marché avant de penser à leur histoire, la présence d’une IA dans Mission : Impossible a tout de la note d’intention thématique de la franchise, qui déifie au passage Tom Cruise comme ultime rempart face à la désincarnation hollywoodienne.

La démarche est loin d’être finaude, et confine par instants au ridicule, mais qu’importe. La mégalomanie de Cruise fait aussi partie du plaisir de la saga, et Dead Reckoning a la bonne idée de se servir de cette base ingrate pour construire son intrigue. Là où les autres épisodes nous ont habitués à des transitions abruptes et à des scènes d’exposition obligatoires entre chaque scène d’action, ce septième volet réussit quelque chose de nouveau : être un objet filmique plus harmonieux, et une proposition théorique plus fascinante que jamais.

 

Mission : Impossible – Dead Reckoning (Partie 1) : photoUn film d'équipe (mais pas trop)

 

McQuarrie amène la franchise dans une voie métatextuelle, sans pour autant se complaire dans l’introspection que supposerait ce grand final en deux parties. Face à la menace inattaquable et globalisée de l’Entité, le réalisateur constate à quel point le genre du film d’espionnage a été profondément changé (voire gâché) par l’ultra-surveillance. Comment mettre en scène le risque, le suspense ou la satisfaction de la réussite quand les bases de données du monde entier peuvent vous retrouver en quelques secondes ?

Malgré sa dimension globe-trotter qui navigue entre Abou Dhabi, l’Italie et l’Autriche, le long-métrage ne laisse aucun répit à ses personnages, constamment supplantés par cette IA qui anticipe le scénario et ses possibles embranchements. Mission : Impossible en devient plus stratégique et désespéré, si bien que ses morceaux de bravoure sont approchés avec ce parasitage en tête.

 

Mission : Impossible – Dead Reckoning (Partie 1) : photo, Tom Cruise"Il est où le sol ? Il est pas palpable"

 

Mission à moitié acceptée

Depuis ses débuts, les films se démarquent par leurs enjeux temporels, comptes à rebours et autres catastrophes imminentes qui sculptent les enjeux d’une scène dans une direction claire. Ajoutez à cela le mouvement instigué par les décors (ici le chaos resserré d’un aéroport bondé, le labyrinthe des rues étroites de Venise ou la linéarité d’un train), et il est passionnant de voir Ethan Hunt se débattre et improviser face à ces règles édictées par la mise en scène.

Sauf que Dead Reckoning ne peut plus se permettre de faire gagner son héros à la dernière seconde pour nous donner les mains moites. Si McQuarrie se montre toujours aussi virtuose pour composer avec Cruise de beaux moments de frisson (la course-poursuite à Rome), le cœur émotionnel de ses séquences passe par la nécessité de l’échec, qui en dit finalement bien plus sur l’identité trouble d’Ethan Hunt que ses succès.

Même lorsqu’il arrive trop tard, l’abandon est devenu inenvisageable pour ce héros jusqu’au-boutiste, prêt à sacrifier sa vie pour celle de ses amis, et par extension du monde entier. Hunt impose au récit sa folie, celle d’un homme tellement prêt à tout qu’il défie la fatalité de l’algorithme dans un élan presque psychopathe. L'idée en dit long sur Tom Cruise lui-même, et se traduit à merveille dans des set-pieces qui rebattent leurs cartes, au point où cette surenchère teste son propre stade de saturation.

 

Mission : Impossible – Dead Reckoning (Partie 1) : photoOh, le beau gâchis de personnage

 

Ce trop-plein représente néanmoins la limite principale du film, qui cherche à transcender ses acquis jusqu’à en oublier une sobriété parfois plus spectaculaire. La fameuse chute libre en moto (mise en valeur par la promotion) fait son petit effet, mais semble précipitée et forcée au chausse-pied dans l’énergie du climax. Sans doute à cause de sa nature de “première moitié”, ce Mission : Impossible retient certains de ses coups, et n’évite pas la surabondance de personnages secondaires inutiles ou mal introduits, en prévision de son final.

La saga n’a jamais brillé pour cette donnée, et Dead Reckoning enfonce le clou par des arcs narratifs décevants, en particulier en ce qui concerne Ilsa (Rebecca Ferguson) et ses nouveaux méchants (pauvre Pom Klementieff, si sous-exploitée). Et en même temps, le simple fait que ces défauts soient aisément pardonnables reflète la force de frappe de Mission : Impossible. Rien n’arrête Tom Cruise et sa boulimie de grand spectacle, et ce duo s’impose toujours plus comme un cocon rassurant de multiplexe. Et l’une des rares valeurs sûres de l'été.

 

Mission : Impossible – Dead Reckoning (Partie 1) : photo

Résumé

Dead Reckoning n’a pas forcément l’épure de ses prédécesseurs ni la pétaradante gradation de leurs scènes d’action. Mais Christopher McQuarrie profite de son double blockbuster pour en faire un fascinant objet théorique, où Tom Cruise se cherche en dernier rempart d’un classicisme hollywoodien mourant.

Autre avis Geoffrey Crété
Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Mission : Impossible 7 compile toutes les pires tendances de la saga avec une intrigue digne de Fast & Furious, un traitement des personnages aussi comique que dans Mission : Impossible 2, et surtout un cruel manque de rythme. A vouloir se réinventer, Cruise et McQuarrie ont cassé le moule.
Autre avis Mathieu Jaborska
Tom Cruise et ses sous-fifres martèlent pendant presque 3 heures que leurs cascades vaincront la méchante technologie numérique... quitte à se satisfaire d'un antagoniste absurde et surtout adopter un ton grave qui plombe jusqu'aux pas si nombreuses scènes d'action. Trop de plans débullés, trop de personnages secondaires, trop de tout...
Autre avis Judith Beauvallet
Le film est toujours propre et efficace comme McQuarrie a prouvé qu'il savait les faire. Dommage qu'il s'attèle ici à méthodiquement détruire tous les éléments mis en place dans les deux derniers volets et qui donnaient enfin à la saga une entité solide, pour les remplacer par des clichés insipides.
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Lecteurs

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commentaires
denbar
29/10/2023 à 14:32

Étonné de ne pas lire, ni ds la critique, ni dans les comms, l'influence des James Bond "old school" sur cet opus. C flagrant pourtant!
- Bons baisers de Russie:recherche du Mc Guffin qui passe de mains en mains au gré des péripéties/ Train de l'Orient-Express
- L'Espion qui m'aimait: course en ski suivi d'un saut en parachute/course en moto suivi d'un saut en parachute
- Rien que pour vos yeux: course poursuite en 2 CV jaune,marche avant et marche arrière à toute vitesse, le couple s'échange le volant/ course poursuite en fiat 500 JAUNE, marche avant et marche arrière, les deux sont au volant à tour de rôle
- Moonraker: Passage à Venise avec baston sur fonds de spectacle sonore
- Au service secret de sa majesté: mort de Ilsa Faust tuée par la nemesis/mort de Tracy tuée par la nemesis
- Permis de tuer: Bond désobéi à ses supérieurs/Hunt idem...
On verra surement ds la suite le sous-marin Sebastopol,son exploration et le combat à l'intérieur de celui-ci avec les protagonistes de l'autre camp: l'espion qui m'aimait et rien que pour vos yeux (encore).
Et j'en oublie surement...

Musashi1970
29/10/2023 à 08:04

Pas super motivé pour ce suivre ce premier Tome des nouvelles aventures de l'IMF, j'y suis quand même allé parce que j'adore Tom Cruise (même pas honte) depuis Risky Business.
Si l'intérêt des Mission Impossible est variable au fil des épisodes, il faut reconnaitre qu'on ne s'y ennuie jamais. Mais voila, ce septième opus, cédant à la pathétique mode actuelle, se découpe en deux parties, ne donne pas vraiment envie par rapport au précédents.

C'est donc à reculons que je suis allé le voir, et c'est sans doute parce que je n'en attendais pas grand chose que j'ai été bluffé.

Malgré une longueur qui pourrait rebuter: 2h46, on ne s'ennuie jamais, le film enchaine les morceaux de bravoures et les scènes d'actions spectaculaire et la nouvelle recrue enchaine les moments d'humour et les scènes d'action avec une belle énergie. Comme certains, le traitement de Rebecca Fergusson est très frustrant. Peut-être dû à son emploi du temps bien chargé actuellement (Dune 2, Silo, ...)

En plus, Mission Impossible exploite l'une des crainte actuelle, le développement de l'IA qui devient hors de contrôle et file froid dans le dos.

Ca fait du bien de retrouver l'équipe qui depuis le protocole fantôme (hélas sans la délicieuse Paula Patton qui manque cruellement) nous fait vivre de telles aventures si spectaculaires.

Esai Morales, dans le rôle du mystérieux Gabriel est vraiment excellent et promet de belles séquences dans la suite.

Ici, on se rend compte que personne n'est de confiance et que tout le monde veut s'approprier cette fameuse IA pour dominer le monde, difficile de savoir qui sont les amis, des ennemis.

Bref, contre toute attente, j'ai passé un excellent moment en compagnie de l'équipe à Tom Cruise et j'en redemande......

@Flo: ta critique est très intéressante mais vraiment trop longue, j'ai failli abandonner dés le premier paragraphe qui finalement ne donne pas le ressenti de la suite de ton exposé.

@Sanchez: Confondre Georges Clooney et Esai Morales, ..... J'ai bien ri.

Rick Hunter
22/10/2023 à 15:29

Je viens de visionner ce film, et quelle déception, c'est tellement mal écrit, le script est pourri, c'est mal joué, mal monté, c'est bien simple je n'ai rien trouvé d'intéressant à retenir dans ce film, que je classe parmi les navets absolus !!! Ma note 1/10.
Tom Cruise devrait prendre sa retraite ou changer de registre, il joue bien mais n'est plus crédible dans ce genre de rôle de jeune premier.
Une perte de temps pour moi !

@tlantis
11/10/2023 à 23:08

Très long trop long et pourquoi le couper en deux …
Le score est extra ! Par contre

Pat Rick
17/08/2023 à 19:32

Pas mauvais mais trop long et trop bavard.

Ethan
06/08/2023 à 15:11

@Geoffrey
Oui c'est vrai vous l'avez quand même apprécié en bien après c'est une question de préférence et là oui on sent que vous l'aimez moins celui là.
Moi en ce qui me concerne je trouve étrange que l'entité soit au courant des activités mission impossible. A part ça le film est bien. Après je peux comprendre votre déception sur des éléments du film comme la clée objet original auquel MI nous a pas habitué. Elle a un coté relique bizarre. La disquette du premier film faisait plus sens à côté. Mais le manque cruel de rythme que vous dites je le vois pas. Au contraire il y en a pendant tout le film. Après c'est une question de ressenti par la mise en scène proposée qui n'est pas de votre goût.
Ensuite par rapport au traitement des personnages comiques aussi longtemps que je me souvienne l'humour a toujours été présent dans chaque film

Eddie Felson
23/07/2023 à 23:32

@Flo
Merci d’avoir pris le temps de coucher votre prose sur ce dernier épisode! Un délice que de vous lire! Merci pour ce plaisir:)

Eddie Felson
23/07/2023 à 23:24

Et bien j’y ai pris grand plaisir et attends impatiemment la suite. Excellent.

clckwrkrange
23/07/2023 à 12:39

@Sanchez

On a pas dû voir le même film, ou alors dans une réalité alternative, pas de Geroge Clooney dans M.I.7

OMG
23/07/2023 à 09:28

Vu hier, l'impression d'avoir perdu 3h00 de ma vie.

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