La saga L'Exorciste : les meilleurs, les pires et les plus bêtes suites du chef-d'œuvre de William Friedkin

La Rédaction | 15 octobre 2023
La Rédaction | 15 octobre 2023

Le très mauvais L'Exorciste : Dévotion possède nos salles de cinéma. La dernière itération d'une franchise absolument fascinante, née du chef-d'oeuvre de William Friedkin.

Le long-métrage de David Gordon Green, connu pour sa trilogie Halloween, déjà produite par Blumhouse, prétend marcher dans les pas du grand classique de 1973. À vrai dire, et c'est la particularité de cette étrange franchise, toutes les suites ont cette ambition. Imparfaits et parfois injustement conspués, les films L'Exorciste sont tous fascinants à leur manière. Ecran Large les retrace dans l'ordre, s'attardant sur leurs réelles singularités et leurs qualités tant débattues.

 

 

L'Exorciste

Sortie : 1973 - Durée : 2h13

 

L'Exorciste : photoPlan culte parmi les plans cultes

 

Pourquoi c’est un film légendaire : L'Exorciste est avant tout une production où les astres se sont alignés. Que ce soit la rencontre entre William Peter Blatty (l’auteur du roman) et William Friedkin, le casting, ou l’instinct créatif de son réalisateur, tout s’est coordonné dans une vision d’une cohérence folle. Encore aujourd'hui, cette gradation sans plafond de verre vers la déliquescence d'une âme innocente et enfantine reste le 9e plus gros succès de l'histoire du box-office américain, et on comprend pourquoi.

Au-delà d'être le film ultime qui joue avec l'inquiétante étrangeté freudienne (avec ce Mal intangible qui se répand entre les espaces et entre les plans), L'Exorciste exploite avec brio le langage majeur de la culture américaine (la symbolique chrétienne) pour mieux le détourner, voire le désacraliser. Le nihilisme de ses personnages et leur perte de foi se confrontent à un contexte, celui d'une Amérique en pleine remise en cause, notamment depuis la guerre du Vietnam. Une quête de sens face à un Mal qui n'en a pas, et qui fait du chef-d'oeuvre de Friedkin un sommet d'horreur existentielle.

 

L'Exorciste : photo"Ne te ronge pas les ongles !"

 

Qu’est-ce qu’on peut reprocher à un tel classique ? Pas grand-chose, si ce n’est qu’on peut attaquer la démarche de la director’s cut de 2000, avant tout pensée pour surfer sur la popularité du film et d'un format DVD en pleine éclosion. Le problème, c’est que cette version amenuise par ses rajouts les mystères et les ambiguïtés du film. Au-delà d’ajouter un paquet d’apparitions “subliminales” pas très subtiles, William Friedkin a remis des scènes qu’il avait intelligemment dégagées de son premier montage.

Dans le lot, il faut noter ce dialogue entre le père Karras et le père Merrin sur le but supposé de cette possession, qui servirait au diable à faire désespérer l’humanité sur sa nature. Cette thèse, qui était pour William Peter Blatty le cœur de son roman, n’avait pourtant pas besoin d’être aussi martelée par un film hautement plus fin sur ces problématiques. Mais pour lui faire plaisir, Friedkin a cédé, et a accepté de remettre cette séquence, quitte à expliciter un propos qui n’en avait pas besoin.

 

L'Exorciste 2 : L'Hérétique

Sortie : 1977 - Durée : 1h57

 

L'Exorciste 2 : L'Hérétique : photo, Linda BlairLe pire architecte

 

Pourquoi c'est bien mieux que ce qu'on en dit : c'est très clairement l'une des suites de film d'horreur les plus polémiques de l'histoire du genre et c'est justement pour ça qu'elle est fascinante. Fruit d'un processus créatif trouble et réalisé dans des conditions plus que difficiles (incluant tout de même un délai pour opération à coeur ouvert !), L'Exorciste 2 : L'Hérétique reste une anomalie hollywoodienne. Contre toute logique commerciale, l'audace du scénariste William Goodhart et l'obstination du réalisateur britannique John Boorman accouchent d'un film qui n'essaie même pas de s'inscrire dans un quelconque mouvement du cinéma d'épouvante.

Leur version est une élucubration excentrique, articulée autour de scènes de psychanalyse expérimentale de la pauvre Regan. Une étrange idée qui sied toutefois très bien à l'exubérance du cinéaste. Celui-ci multiplie les visions de douce folie, aux antipodes de la noirceur latente de son prédécesseur et sublimées par une partition mémorable signée Ennio Morricone.

 

L'Exorciste 2 : L'Hérétique : photoAh oui d'accord

 

Autrefois calfeutré dans une chambre d'enfant, le Mal avec un grand "M" déferle sur le monde sous la forme d'une nuée d'insectes tout en subsistant dans un coin de la tête de ses victimes. Un paradoxe fascinant qui déteint sur l'ambiguïté profonde du long-métrage, traitant d'une subtile affliction démoniaque avec toute l'expressivité délirante du metteur en scène. Pazuzu est partout et nulle part. Et s'il ne mise pas sur la peur pour se manifester, il apparait plus puissant que jamais. On peut reprocher bien des choses à cette suite bizarroïde, mais pas de recopier le premier volet.

Pourquoi c'est une suite un peu scandaleuse quand même : S'il y en a bien un qui ne partage pas cette opinion, c'est William Friedkin lui-même, qui aurait tenu à peu près 40 minutes de projection avant de claquer la porte de la salle Technicolor. Qualifiant son successeur de "crétin" chez Yahoo, il considère son film comme "la pire merde qu'[il] ait jamais vu, un putain de scandale" au micro de The Movies That Made Me. Il faut dire que s'il est aussi impopulaire, c'est parce qu'il jette à la poubelle tous les préceptes de William Peter Blatty pour se perdre en séquences mégalos confinant au nanar, allant jusqu'à exploser la chambre de Regan comme dans un film catastrophe. On est très loin de la subtilité de L'Exorciste...

 

L'Exorciste : La suite

Sortie : 1990 - Durée : 1h50

 

L'Exorciste : La suite : photoLa personne qui écrit ces lignes avait la même peluche que celle sur le rebord de la fenêtre, dans son enfance

 

Pourquoi c’est la meilleure suite à l’original : lorsque William Blatty, l’auteur du roman adapté par Friedkin, cherche un réalisateur pour mettre en images une autre de ses histoires de démon, il doit essuyer plusieurs refus. Il voudrait que son roman alors appelé Legion connaisse le même sort que L’Exorciste, mais William Friedkin n’est cette fois-ci pas intéressé, et John Carpenter refuse également. Il n’en faut pas davantage pour que Blatty décide de prendre le problème à bras-le-corps et réalise lui-même le film, qui sera le second et le dernier de sa carrière.

Malgré le peu d’expérience de son metteur en scène, L'Exorciste : La suite est une excellente surprise. En faisant de cette histoire de possession une enquête policière, il évite les poncifs trop pénibles des succédanés de L’Exorciste. Tout comme dans le film de Friedkin, la narration prend le temps de construire un personnage torturé (le détective Kinderman incarné par George C. Scott), et la mise en scène fait naître l’angoisse dans les lieux les plus communs. Les performances accolées de Brad Dourif et Jason Miller montent en intensité jusqu’au terrible final, achevant de faire de L’Exorciste 3 un film de possession particulièrement original dans son genre. 

 

L'Exorciste : La suite : photoLa Nonne

 

Pourquoi c’est quand même pas aussi bien que le premier : tout comme les autres films de la franchise, L’Exorciste 3 a connu une production difficile dont les cicatrices sont encore visibles. Lorsque Blatty montre aux studios sa version du film, on lui répond “et vous comptez mettre un exorcisme dans votre film d’exorcisme ?”. Car effectivement, la version originale du film évitait carrément de se frotter à la question centrale de la saga, et le personnage principal finissait par se débarrasser de la menace de façon plus radicale (et rapide).

Mais le risque de décevoir un public à la recherche de crucifix brandis et de fioles d’eau bénite était trop grand, si bien qu’une scène d’exorcisme assez mal justifiée fut tournée et rentrée au chausse-pied dans l’histoire. Ajoutons à ça quelques images ayant mal vieilli et la quasi-résurrection (même si c’est pas si simple) du père Karras qui méritait de reposer en paix après le premier film, et on a de quoi mettre de l’eau dans son vin : L’Exorciste 3 n’est pas vraiment à la hauteur du film original, même s’il se défend bien.

 

L'Exorciste : Au commencement

Sortie : 2004 - Durée : 1h56

 

L'Exorciste : Au commencement : photoPafoufou

 

Pourquoi il y a des choses à sauver : Suite au succès de la director's cut de L'Exorciste, il était évident que Morgan Creek allait continuer de traire la franchise, quitte à s'embourber dans une galère sans nom. Résultat, après une production des plus complexes, le prequel de la saga a tout bonnement été réalisé deux fois, récupéré de justesse par un Renny Harlin (Die Hard 2, Cliffhanger) chargé de dynamiser un film en manque d'horreur pure.

Et il faut bien admettre que sur le papier, retourner en Afrique auprès du père Merrin (alors en congé sabbatique suite à la guerre) n'était pas une mauvaise idée, d'autant que l'interprétation de Stellan Skarsgård supporte cette démarche. Si le rythme de l'ensemble est totalement bicéphale, certains des rajouts de Harlin, notamment dans les scènes les plus graphiques, comportent quelques images efficaces.

 

L'Exorciste : Au commencement : photoSomehow, Palpatine returned

 

Pourquoi c'est quand même (très) raté : À l'instar des multiples cicatrices qui parsèment le visage des possédés, L'Exorciste : Au commencement est un film dont on perçoit les coupes et les rafistolages de dernière minute. Au-delà de mettre en images un contexte historique qui méritait de rester en hors-champ, le film sombre dans une vulgarité crasse. Plutôt que de chercher le mystère, il montre tout, et le fait à l'aide d'effets visuels numériques d'une rare laideur (ces hyènes en CGI, nom de Dieu !).

Certes, l'échelle du film en semble plus massive, mais elle rend surtout le long-métrage encore plus ridicule, jusqu'à son plan final sur fond vert dégueulasse, censé rendre hommage à l'arrivée de Merrin chez Friedkin. Et tout ça malgré la présence à la photographie du grand Vittorio Storaro (Apocalypse Now). Sacrilège.

 

Dominion : prequel to the exorcist

Sortie : 2005 - Durée : 1h57

 

Dominion : Prequel to the Exorcist : photoDéjà-vu

 

Pourquoi c'est un film sacrifié fascinant : Sorti après L'Exorciste : Au commencementDominion : Prequel to the Exorcist est pourtant le premier projet de prequel sur le père Merrin, servi plus ou moins par le même casting et la même histoire. Alors que Paul Schrader avait le vent en poupe suite à ses scénarios orientés vers des personnages torturés et/ou en lien avec le christianisme (Taxi Driver, La Dernière tentation du Christ), Morgan Creek y a vu le réalisateur idéal pour raconter les déboires du père Merrin au sortir de la guerre.

Pas de bol, le studio voit cet Exorciste comme un film trop cérébral, et surtout pas assez gore. Après des tentatives de remontages et de réécritures, Schrader est finalement viré, pour que le film soit retourné par Renny Harlin. Néanmoins, Dominion a tout de même pu sortir en vidéo en 2005, et s'affirmer aisément comme une version plus élégante de ce scénario foutraque. Le flash-back où Merrin est confronté à des nazis, central dans les deux versions, n'est pas éparpillé au fil du récit pour créer un suspense puant, et les questions sur le colonialisme anglais en territoire africain ressortent pleinement.

 

Dominion : Prequel to the Exorcist : photoThe Mask

 

Pourquoi ça n'en fait pas un bon film : Par sa nature de film abandonné, Dominion appelle à être défendu, surtout quand on le considère face à la stratégie absurde du studio à sa tête. Cependant, on peut comprendre cette réticence initiale au vu du rythme en dents de scie du projet, bardé de trop nombreux personnages. Toutes les thématiques du film (à commencer par les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale) se perdent dans l'énergie globale de la narration, contrainte de se raccrocher maladroitement à la matrice de Friedkin.

C'est d'autant plus dommage que Schrader se permet quelques images surréalistes parfois intéressantes et une imagerie biblique bien sentie, avant que cet aspect baroque ne soit troqué par un final d'une trop grande sobriété. Et même si les effets numériques sont moins présents par rapport à la version d'Harlin, ils restent tout de même sacrément immondes. Une déception, à la hauteur d'un projet meurtri.

 

L'Exorciste : Dévotion

Sortie : 2023 - Durée : 1h52

 

L'Exorciste : Dévotion : L'Exorciste : Dévotion : news BO démarrageDouble peine

 

Pourquoi ça démarrait pas si mal : Après avoir voulu s'accaparer les codes déjà bien éculés du slasher avec sa trilogie Halloween, David Gordon Green s'est dit qu'il pourrait dévitaliser de la même manière L'Exorciste. Comme les autres films, L'Exorciste : Dévotion fait table rase du passé, et ne se réfère qu'au chef-d'oeuvre de Friedkin. Et même s'il recopie ses classiques, entre son introduction à Haïti et son lent build-up, il faut bien reconnaître que la disparition des deux enfants possédées convainc (un peu). Leur retour mystérieux et l'incompréhension des parents permettent au long-métrage de se démarquer, surtout lorsque le cinéaste peut pousser dans ses retranchements une séquence à base de tests médicaux dérangeants.

 

L'Exorciste : Dévotion : Photo Ellen Burstyn"Oh non, pas encore les témoins de Jéhovah..."

 

Pourquoi c'est une hérésie : Coincé à reproduire son modèle (ou du moins ce qu'il en comprend d'un point de vue esthétique), Dévotion est un film dénué de toute ambiguïté. Les personnages et leurs dilemmes sont grillés dès les premières minutes, et le christianisme devient cette grande force rassembleuse tendance Avengers avec des signes de croix.

Un contresens total, plombé par un conservatisme gênant et par une structure narrative aberrante. À la fois affilié au film originel, mais aussi à son héritage, David Gordon Green abandonne en cours de route sa menace pour aller faire un legacyquel ronflant, où débarque sans raison Chris MacNeil (Ellen Burstyn) pour nous rappeler à quel point L'Exorciste, c'était vachement mieux. Pour autant, le long-métrage l'abandonne comme une vieille chaussette, afin de recréer une tension artificielle qui ne prend jamais, malgré sa double-possession. Quel gâchis !

 

Bonus : la série

Sortie : De 2016 à 2018 - Durée : 2 saisons de 10 épisodes

 

L'Exorciste saison 2 : Photo Episode 6Et une belle démonstration de charisme de Ben Daniels

 

Pourquoi c'est une excellente surprise : Pour être honnête, personne n'attendait grand-chose d'une série estampillée L'Exorciste, concept assez improbable en soi. D'autant plus avec l'auteur de The Lazarus Effect et Pet, mais aussi de Fantastic Four (la pire version) et Death Note (la pire version) aux manettes. Contre toute attente, L'Exorciste, malgré ses grosses concessions aux codes de la télévision américaines, accroche très vite l'attention et reste parmi les plus divertissantes des séries tirées de films d'horreur.

L'appréciation de la série est progressive. D'abord, on est surpris des visions horrifiques assez radicales qui ponctuent les premiers épisodes (le mille-pattes, beurk), puis on s'amuse de l'audace du méga-twist de mi-saison et enfin on se délecte du délire catho-comploto-horrifique de la deuxième partie. Subtilement, Jeremy Slater nous a convaincu du bien-fondé de sa vision très pulp de la mythologie de William Peter Blatty, approche qu'on aurait tendance à rejeter instinctivement. Et force est de constater qu'il est le seul à l'avoir osée. Et juste quand ça se termine, on se rend compte qu'on en veut plus. Ça tombe bien, il y a une saison 2.

Pourquoi c'est quand même n'importe quoi : À vrai dire, tout dépend de la valeur mystique qu'on attribue aux film et roman originaux. Car lors de son annonce, la série a quand même été décrite par la Fox comme "un thriller psychologique". Passé l'épisode 5 de la saison 1, elle ressemble plus à une fan-fiction pop, voire même carrément grandiloquente. Il est évident que certains puristes ont rejeté totalement la chose et on les comprend.

Tout savoir sur L'Exorciste

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commentaires
Joe l'aveugle
17/10/2023 à 15:46

Il y a des films qui malgré leur suites, ne peuvent être considérés comme le début d'une saga ou d'une franchise, tant ils sont uniques. C 'est le cas de L'exorciste et de Jaws.

Pat Rick
16/10/2023 à 22:24

Perso j'aime bien celui de Boorman.