Rocky : et si c’était la meilleure BO du monde (de Stallone) ?

Arnold Petit | 27 février 2023 - MAJ : 28/02/2023 13:31
Arnold Petit | 27 février 2023 - MAJ : 28/02/2023 13:31

La sortie de Creed III est la parfaite occasion de reparler de Rocky et de la magnifique musique composée par le grand Bill Conti.

Rocky, c'est d'abord Sylvester Stallone. Cette bouche de travers, ces yeux tombants et ce rôle de boxeur fausse patte et un peu gauche qui l'a immédiatement élevé au rang de star. Rocky, c'est ensuite un film réalisé avec un petit budget par John G. Avildsen qui est devenu un immense succès critique et commercial, qui a été récompensé par trois Oscars en 1974 (dont celui du meilleur film) et qui a lancé une saga qui perdure encore aujourd'hui à travers le personnage d'Adonis Creed incarné par Michael B. Jordan dans les films Creed.

Mais Rocky, c'est une aussi une musique, des trompettes qui retentissent et l'image du boxeur les bras levés. Si cette scène est restée gravée dans les mémoires et que le film est devenu un chef-d'oeuvre mythique, il le doit à Sylvester Stallone et à John G. Avildsen, mais aussi à celui qui a composé la magnifique bande originale du premier film et de la majeure partie de la saga : Bill Conti.

 

Rocky : photoUne musique à l'image de son héros

 

BILL CON... QUI ?

Avant de devenir un prolifique compositeur pour le cinéma et la télévision, Bill Conti baignait déjà dans la musique. Très jeune, il a appris le piano avec son père et s'est ensuite mis au basson. Tout en étudiant la composition à l'université d'État de Californie, il s'est produit avec l'orchestre de l'école et a passé ses soirées à jouer du jazz dans les boîtes de nuit locales pour payer ses études (une influence qui se ressentira plus tard dans ses compositions). Après avoir obtenu une maîtrise à la prestigieuse Juilliard School, il est parti s'installer en Italie en 1967.

C'est là-bas qu'il a fait ses premiers pas dans la musique de film, en composant et en arrangeant la bande originale de plusieurs longs-métrages (Juliette de Sade, Candidate Per Un Assassino, Les Choses de l'Amour), mais sans être crédité. En 1971, la musique qu'il a composée pour Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio de Sica, récompensé d'un Oscar, lui a apporté un peu de notoriété à l'international.

 

Rocky : Photo Sylvester Stallone, Carl WeathersLe début de la gloire

 

De retour aux États-Unis en 1974, il s'est installé en Californie et a commencé à se faire une réputation avec l'aide de Lionel Newman. Il a composé pour Paul Mazursky (Harry et Tonto, Next Stop, Greenwich Village) et John G. Avildsen a fait appel à lui en 1975 pour la bande originale de W.W. and the Dixie Dancekings, mais la 20th Century Fox n'était pas satisfaite par son travail. Alors quand, l'année suivante, le réalisateur cherche un compositeur pour la musique Rocky, il a rappelé Bill Conti.

Lors de sa première rencontre avec lui, Sylvester Stallone n'était pas convaincu par celui qu'il a décrit comme "un homme jeune, mince, profondément intense et déconnecté, avec des yeux noirs et quelque chose de serpentin dans ses manières", mais il a changé d'avis trois semaines plus tard en écoutant les premiers extraits que Conti avait composé.

 

Rocky : Photo Sylvester Stallone"J'fais comme Rocky dans la réserve : je m'en bats les steaks"

 

Comme pour le reste de la production (le film a coûté un million de dollars, hors inflation), le budget pour la musique, est dérisoire : seulement 25 000 dollars pour le compositeur, la location du studio, le salaire des 39 musiciens, jusqu'à l'acquisition du matériel et l'achat de la bande sur laquelle la musique est enregistrée. Bill Conti a empoché 16 000 dollars au final, mais Rocky lui a apporté une renommée inespérée et une nomination aux Oscars pour le morceau Gonna Fly Now, devenu une des musiques de film les plus mémorables et reconnaissables de l'histoire du cinéma.

Par la suite, Bill Conti collaborera régulièrement avec Sylvester Stallone (pour le méconnu F.I.S.T, ou le premier film réalisé par l'acteur, La Taverne de l'Enfer) et deviendra le compositeur attitré de John G. Avilden (sauf pour La Puissance de l'ange, où il a laissé sa place à Hans Zimmer). Sa carrière comptera d'autres grands films (L'Étoffe des Héros, Rien que pour vos yeux) et des séries et feuilletons populaires (Dynasty, Falcon Crest), mais encore aujourd'hui, son nom reste connu et célébré pour la magnifique bande originale de Rocky et son travail sur la saga.

 

Rocky : photoToujours debout


AMOUR, MÉLANCOLIE ET VICTOIRE

Comme tous films de la saga (sauf Rocky IV, où Bill Conti avait été remplacé Vince DiCola parce qu'il était trop occupé par Karaté Kid), Rocky démarre sur un ensemble de cuivres qui ressemble aux premières notes de Gonna Fly Now. Cependant, l'orchestre effectue une légère variation plus aiguë par rapport au célèbre morceau avant d'être rejoint par le roulement de tambour et le reste des percussions dans un titre appelé Rocky's Fanfare.

Les notes de trompettes et de cors d'inspiration wagnérienne évoquent celles d'un péplum et apportent un souffle épique, avec le ring de boxe comme allégorie d'une arène de gladiateurs des temps modernes. Mais au fur et à mesure, le reste du film et de la bande originale dévoilent un autre ton, plus urbain, plus sensible et plus intime.

 

 


Une fois sorti de la salle, en chemin pour rentrer chez lui, Rocky croise un groupe de rue qui chante un air funk a capella (Take You Back sur l'album) et la radio de son appartement joue Summer Madness de Kool and the Gang, dont Bill Conti réutilise le célèbre saut d'octave au synthétiseur dans Reflections, un morceau avec un rythme entre soul, jazz-funk et disco. Puis, après s'être fait engueuler par son usurier de patron, Tony Gazzo, parce qu'il a refusé de casser le pouce d'un type qui lui devait de l'argent, Rocky s'en va avec sa démarche dansante, la mine basse, en jouant avec sa balle, sur un air de piano triste et lancinant.

Ces notes de piano se font plus tendres dans First Date lorsqu'il est avec Adrian. Après qu'elle a accepté de sortir avec lui, des accords délicats de violons et de cordes rejoignent timidement l'instrument et viennent le bercer avant que la mélodie s'envole dans un élan romantique qui exprime le début de la romance entre Rocky et Adrian, mais aussi le caractère plus sensible, plus doux et plus humain du boxeur.

 

 

 

Ce piano qui accompagne le pathétique du personnage tout au long du film réapparaît chaque fois que Rocky doute, souffre ou regrette. C'est d'abord le cas dans Philadelphia Morning, quand Rocky se lève à 4h00 pour débuter son entraînement. Une lamentation de cor résonne à l'aube avant d'être suivie par des cuivres et des cordes plaintifs, puis le piano apparaît sur des images de la ville qui s'anime au petit matin et reprend un ton mélancolique quand Rocky grimpe les fameuses marches du Philadelphia Museum of Art dans la douleur, avant de redescendre avec l'air abattu.

Cette mélodie calme et désespérée est encore plus bouleversant dans Alone in the Ring, quand Rocky se rend sur le ring de boxe la veille du match pour réfléchir et qu'il rentre auprès d'Adrian, persuadé qu'il va perdre.

 

 


Finalement, la musique de Bill Conti ne retrouve son atmosphère héroïque et des sonorités symphoniques que pendant les entraînements, dans Gonna Fly Now et Butkus, et lors du combat contre Apollo Creed. À la fin du deuxième round, Going the Distance débute en même temps qu'un montage du match. Rocky encaisse les coups pendant plusieurs rounds et le morceau démarre comme une boucle grave avec des cuivres et des cordes qui renforcent la tension, puis la musique s'élève progressivement.

Apollo décroche un uppercut qui envoie Rocky à terre, mais à ce moment, la musique entame une mélodie victorieuse, soutenue par des choeurs, tandis que Mickey lui demande de ne pas se relever. Avec les dernières forces qu'il lui reste, Rocky se relève et frappe violemment Apollo au son des cuivres avant que la cloche vienne conclure le morceau et le round.

 

 

 

Après un dernier round où les deux boxeurs ont tout donné, la cloche retentit en même temps que The Final Bell, et alors que le public envahit le ring et que Rocky hurle le nom d'Adrian, l'orchestre reprend une magnifique interprétation du thème qui se conclut dans une explosion symphonique triomphante.

Bill Conti réutilisera la plupart des mélodies et des morceaux qu'il a composés pour Rocky tout au long de la saga, en apportant quelques variations pour chaque film, en mélangeant Going the Distance et The Final Bell pour le montage d'entraînement de Rocky II ou en proposant une version plus disco de Gonna Fly Now pendant l'entraînement de Rocky III. La bande-originale, comme le premier film, conservera cependant une émotion unique parmi les autres et restera une des plus belles compositions de la carrière de Bill Conti.

 

 

 

S'IL NE FALLAIT GARDER QU'UN MORCEAU

Philadelphia Morning exprime parfaitement cette émotion mélancolique et pathétique que dégage Rocky, et Going the Distance est trop souvent éclipsé par The Final Bell. Cependant, le seul et unique morceau qui vient à l'esprit en évoquant Rocky est évidemment Gonna Fly Now, le fameux morceau du montage d'entraînement, qui se termine par la figure du boxeur, les bras levés, après avoir monté les marches du Philadelphia Museum of Art.

Le morceau cristallise merveilleusement la confiance, les aspirations et les espoirs du personnage dans cette séquence avec ses cuivres rugissants et sa mélodie inspirante aux sonorités italiennes. Le rythme à l'influence disco et l'infusion de rock typique des années 70 avec le solo de guitare électrique apportent une touche contemporaine au morceau, avant que l'orchestre reprenne la suite et accompagne les voix de DeEtta Little et Nelson Pigford (les deux artistes étaient des collègues de la femme de Conti qui travaillaient dans la même station de radio qu'elle) jusque dans une ultime montée pour accompagner le boxeur dans sa course.

 

 

 

À l'origine, John G. Avildsen n'avait demandé qu'une minute de musique à Bill Conti pour le montage d'entraînement, mais il a tellement apprécié le résultat que le compositeur a dû rajouter une première minute, puis une autre (un choix qui, sans le savoir, sera pratique pour les futurs passages à la radio). Gonna Fly Now se hissera au sommet du Hot 100 de Billboard en juillet 1977, fait assez rare pour un morceau issu de musique de film, et sera ensuite nommé aux Oscars dans la catégorie meilleure chanson (qu'il a perdu face à Une étoile est née de Barbra Streisand).

Depuis, le titre est devenu un hymne au dépassement de soi, un morceau indissociable du boxeur, qui l'a suivi tout au long de la saga, et encore après. Au piano comme en fanfare, de Rocky à Rocky Balboa, Rocky et sa musique ont toujours été les mêmes. La seule chose qui a changé, c'est la façon dont le parcours de l'Étalon italien résonne avec elle.

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commentaires
Starfox
01/03/2023 à 16:42

Ce qui force encore plus l'admiration c'est le budget ridicule et un temps forcément réduit pour composer et enregistrer !

Finies les BO avec des thèmes forts. Juste de la musique d'ambiance passe-partout sans grand intérêt.

Hocine
01/03/2023 à 00:26

Rocky de John G. Advilsen est le plus beau film de la carrière de Sylvester Stallone. Rocky Balboa est son meilleur rôle. La musique est inoubliable. Gonna Fly Now est évidemment le thème le plus emblématique du film. J’apprécie également la variation de ce thème qu’on peut écouter lors du générique de début de Rocky II.

RoroLy
28/02/2023 à 14:42

Super article pour une BO légendaire ! J'ai envie de mettre mon jogging et d'aller courir maintenant^^

Jlo
28/02/2023 à 13:20

Super la musique de rocky

slaine
28/02/2023 à 09:22

Merci pour cet article de qualité Arnold...BO exceptionnelle dont je me lasse pas..un must

pc
27/02/2023 à 20:45

La sublime musique de Bill Conti est indissociable de la saga Rocky. Elle fait partie intégrante de cette œuvre.

bipbip
27/02/2023 à 20:27

La BO de Rocky fait partie des rares à être aussi célèbres que leur film et parfois même à être connu par des gens qui n'ont pas vu le film.
Y a pas beaucoup de films comme ça, mais je vois évidemment Starwars, Il était une fois dans l'Ouest en plus de Rocky évidemment

Ethan
27/02/2023 à 20:02

En voilà un sujet la meilleure je ne sais pas en tout cas cellequi met tout le monde d'accord. Quand on entend Gonna Fly Now on a envie de se lever à 4h du mat avaler des oeufs cru et aller courir.

Les meilleures sont Gonna fly now (quand il court), Going for the distance (la musique quand il gagne), Mickey (quand il est triste), eye of the tiger, in the burning heart, Punshing (quand il fait l'entraîment bling bling), Adrian (quand il chante une chanson romantique)

Voilà pourquoi Creed ne remplacera jamais les Rocky. Et qu'il faut un Rocky 7 pour qu'on en profite encore ! Allez Sly fait nous plaisir