Warcraft : une suite impossible après le flop au box-office ?

Geoffrey Crété | 2 juillet 2021 - MAJ : 14/02/2023 15:00
Geoffrey Crété | 2 juillet 2021 - MAJ : 14/02/2023 15:00

L'arrivée (ou plutôt le retour) du film Warcraft, de Duncan Jones, sur Netflix relance la question : une suite est-elle possible ?

Pour beaucoup, c'est l'une des injustices de ces dernières années : l'accueil très compliqué de Warcraft, le commencement de Duncan Jones, (notre critique mitigée par ici), étrillé par la presse et boudé par une grande partie du public. Sauvé du flop absolu par la Chine, le film adapté des jeux vidéo Blizzard a donc plus ou moins enterré les espoirs de franchise.

Alors que le film avec Travis FimmelPaula PattonDominic CooperBen Foster ou encore Toby Kebbell est de retour sur Netflix en France, et touche un public plus large, retour sur ce blockbuster au destin peu ordinaire, qui a eu une carrière étrange au box-office. Succès ou flop, responsabilité de Blizzard ou des producteurs, suite impossible ou simplement difficile à imaginer ? Bilan, avec quelques années de recul.

 

photoFan confronté aux critiques de Warcraft

  

BUDGET, BOX-OFFICE : LE BILAN

Pour parler succès ou flop, il faut parler budget et box-office. Warcraft, le commencement a officiellement coûté 160 millions de dollars. À ce budget s'ajoute celui du marketing et de la distribution : une note qui grimpe vite sur un blockbuster, et aurait atteint les 110 millions selon Deadline. Le film adapté des jeux Blizzard aurait donc coûté au minimum dans les 250 millions.

Le film a été financé par Legendary Pictures (45% du budget) et Universal (25%) côté américain, et plusieurs sociétés chinoises (Tencent, China Film Group et Huayi) pour les 30% restants.

Sorti il y a trois ans, en juin 2016, Warcraft a encaissé environ 433,6 millions au box-office. Il a surtout intéressé le public russe (22 millions), allemand (15 millions), et français (14 millions).

Pourquoi parler d'échec alors ? Car le film n'a récolté que 47,3 millions au box-office domestique (États-Unis et Canada), territoire le plus précieux puisqu'un studio y récupère environ la moitié des recettes. À l'étranger, où le film a récolté 386,3 millions (soit près de 90% de ses recettes : le déséquilibre est extrême), c'est environ 1/3 qui revient dans les poches hollywoodiennes. Et c'est encore moins pour la Chine (environ 1/4). C'est là le deuxième problème du film.

 

photoQuand tu quittes ton village pour le pays qui t'aime

 

WARCHINA

Warcraft a encaissé 213,5 millions en Chine, soit quasiment la moitié de ses recettes. C'est un beau chiffre, qui a permis de rééquilibrer le bilan notamment grâce à une coproduction chinoise, puisque sans ça la réglementation très stricte ne rapporte que 1/4 des recettes à un studio hollywoodien.

Trois sociétés chinoises (Tencent, China Film Group et Huayi) ont mis la main à la poche, et participé à hauteur de 30% au budget. Legendary lui-même a été racheté (pour 3,5 milliards de dollars) juste avant la sortie de Warcraft par Wanda, conglomérat chinois qui possède une grosse partie du parc de salles de cinéma. 

De quoi limiter les coûts pour Legendary Pictures (45% du budget) et Universal (25%), et permettre au film d'avoir une présence plus forte et simple en Chine, où les réglementations limitent grandement la carrière des films américains à bien des niveaux. Warcraft, le commencement a donc eu droit à une campagne promo massive sur place, un peu comme Venom récemment (qui a lui aussi cartonné en Chine). Là encore, la puissance de Wanda en Chine a aidé.

 

photoQuand tu signes un deal avec l'ennemi d'hier

 

Dans tous les cas, le film de Duncan Jones reste un cas à part sur la question chinoise. Rares sont les films à avoir affiché un tel fossé entre les box-offices domestique et chinois. Même s'il a eu droit à une suite grâce à la Chine, Pacific Rim a récolté plus de 100 millions côté américain, et dans les 111 en Chine. Ready Player One : 137 côté domestique, 218 en Chine. Seul Resident Evil : Chapitre Final est comparable (28 côté domestique, 159 côté Chine), mais à un niveau différent puisque la franchise était installée et le budget bien inférieur.

Notons enfin que même si le marché vidéo s'est écroulé, tout blockbuster en profite un peu. Rien qu'aux États-Unis, Warcraft a donc encaissé près de 17 millions en DVD et Blu-ray, sans parler de l'international, des locations, diffusions TV autres sources de revenus habituelles.

 

photoPrêts à partir en guerre

 

LE PRIX DE LA NON-VICTOIRE

Legendary Pictures, Universal et leurs partenaires chinois (qui étaient intéressés sur les recettes dans le monde, et pas seulement en Chine) ont-ils perdu de l'argent sur Warcraft, le commencement ? Oui. Beaucoup d'argent ? Non.

The Hollywood Reporter estimait la perte entre 15 et 40 millions grand maximum, précisant que grâce à un accord avec la Chine sur les droits relatif au digital notamment, la note se situait probablement plus vers les 15 millions pour les Américains. C'est très loin de gros méchants flops comme John Carter (perte estimée à 200 millions pour Disney), A la poursuite de demain (dans les 140 millions, pour Disney encore), Le Roi Arthur : La légende d'Excalibur (dans les 150 millions pour la Warner), ou le récent Mortal Engines (environ 100 millions).

Néanmoins, c'est un raté pour un blockbuster censé lancer une franchise (le sous-titre français Le Commencement en devient encore plus dur). Limiter la casse et les pertes est une chose, qui nuance l'étiquette de flop. Mais Warcraft n'est en rien un succès, que ce soit comme opération financière isolée, ou d'un point de vue stratégique pour le développement d'une saga.

 

photo, Ben FosterUn gros coup de baguette magique

 

LA FAUTE À BLIZZARD 

Warcraft, le commencement est le fruit de longues années de développement et ralentissements. Annoncé en 2006, il a été repoussé de 2009 à 2011 lorsque Blizzard a décidé de changer de direction pour ne plus adapter Orcs and Humans.

Les producteurs offrent à l'origine le projet à Sam Raimi, qui s'y intéresse sérieusement. Il aime l'univers des jeux vidéo, mais pas le premier scénario présenté. Il propose donc sa propre version avec Robert Rodat, scénariste de Il faut sauver le soldat Ryan et The Patriot, le chemin de la liberté. Legendary valide, Blizzard a des réserves. Le réalisateur d'Evil Dead et Spider-Man expliquera avoir compris après neuf mois d'écriture que les réserves du studio étaient énormes, et cachaient en réalité un refus simple et clair. Et lorsque le duo commence à repartir en réécriture, Blizzard (qui a un droit de veto) perd patience - sous-entendu : les vire.

À Vulture en 2013, Raimi disait que la gestion lui avait semblé au minimum non professionnelle. Réaction de Blizzard : Rob Pardo, ponte du studio, se contente de réagir en disant que ce n'est qu'une version de l'histoire, sans détailler.

Côté Legendary, ce n'est pas mieux : en 2013, la société passe de la Warner à Universal dans le cadre d'un nouveau deal de collaboration. À peine trois ans après, c'est Wanda, compagnie chinoise, qui rachète Legendary. Un contexte qui n'a pu que compliquer la production et le développement du film Warcraft.

 

photo, Paula PattonDans la jungle du business

 

Mais la charge contre Blizzard ne s'arrête pas là. En février 2018, Duncan Jones lui-même tacle discrètement le studio chez Coming Soon. Il parle d'une situation compliquée d'un point de vue politique. 

"Warcraft a été fait dans des circonstances uniques, impossibles à contourner. Trop de gens qui avaient un avis, simplement parce que c'est la nature de Warcraft. Blizzard est une entreprise qui fait un milliard chaque année juste avec ses jeux. Le film ne représentait rien pour eux. Ce n'était vraiment pas leur priorité. Ils payent leurs employés avec les jeux, pas avec le film. Donc pour eux, le film devait servir le jeu, en opposition à des jeux et un film qui seraient deux choses séparées."

Difficile de ne pas se dire que le film a donc souffert de bien des manières au fil de son écriture, jusqu'à sa sortie. 

 

Duncan JonesDuncan Jones 

 

LA TRILOGIE PRÉVUE 

Bien sûr, tout le monde avait pensé et rêvé d'une suite du côté de l'équipe. À commencer par le réalisateur de Moon et Mute, qui donnait quelques détails en 2017, à FlickeringMyth. Et parlait carrément d'une trilogie envisagée :

"Le premier film est là pour établir un monde et montrer Durotan aider son fils à s'échapper d'une planète mourante. Donc pour moi, l'objectif de cette trilogie serait de suivre Thrall réaliser la vision de son père et créer un Nouveau Monde pour les Orcs. Donc, dans la suite, on le retrouverait adolescent et, quiconque connait les histoires de Warcraft, sait qu'avec ce personnage nous sommes dans une histoire à la Spartacus. C'est un peu le chemin que je suivrais. Du côté des humains, la suite est un peu moins claire, mais il sera question des conséquences du premier film sur cette civilisation. Et du côté Orcs, vous suivrez principalement ce bébé Go'el, appelé Thrall et comment il en arrive à créer le monde de son peuple.

Ma fascination pour l'univers de Warcraft et l'idée d'en faire trois films, avec cette notion de famille, vient du fait que j'aime l'idée que Durotan se soit sacrifié afin que son fils et les gens qu'il aime puissent survivre. Je veux voir ce sacrifice porter ses fruits. Voilà la trilogie. C'est le coeur de l'histoire.

Le reste c'est du remplissage et des conneries (rires). Mais de bonnes conneries parce que Chris Metzen est un formidable scénariste, mais le coeur de l'histoire reste le sacrifice de quelqu'un parce qu'il pensait que cela en valait la peine et cela concernait une belle personne avec un bon fils et je veux voir ce bon fils réussir."

 

photoDurotan, personnage central

 

Néanmoins, Duncan Jones n'est pas dupe. Et à chaque interview depuis, il répète qu'une suite semble improbable, que tout repose sur d'autres que lui, et qu'il y a certainement trop de décisionnaires pour y croire.

Il l'a aussi affirmé sur Twitter, à une fan, en disant que la perspective d'une suite était maigre. "Trop de société impliquées", précise t-il pour qualifier ce sac de noeuds de business.

 

L'IMPOSSIBLE SUITE ?

Faut-il pour autant imaginer que plus personne ne considère Warcraft comme une marque au fort potentiel ? Non. Elle se porte relativement bien, avec Wracraft III : Reforged (particulièrement mal reçu) et World of Warcraft : Shadowlands pour alimenter l'excitation des fans ces dernières années. La nostalgie est solide, et la série de jeux défend sa place grâce à l'amour des joueurs - même si les ventes sont sans surprise moins brillantes ces derniers temps, et que l'actu n'est pas folle.

Le film étant finalement apprécié de beaucoup de fans, et les jeux restant des monuments très respectés, il n'y a rien de fou à imaginer que la marque retrouve une vie au cinéma. Mais la formule serait très certainement très différente.

 

photoVert de rage comme les fans ?

 

Première chose : le budget. Adapter un jeu vidéo n'est pas une mince affaire, comme l'a encore prouvé Assassin's Creed, mais un budget à hauteur de 160-200 millions revient à se tirer une balle dans les deux pieds. Warcraft, le commencement l'a bien démontré. Un nouveau film devrait donc coûter moins cher.

Deuxième chose : la Chine. Ce territoire est un réservoir à spectateurs et donc à dollars, que l'industrie hollywoodienne regarde d'un oeil à la fois intéressé et effrayé depuis des années. Resident Evil : Chapitre Final et Ready Player One ont récemment rappelé la force de ce marché face aux États-Unis, quand Venom et En eaux troubles ont démontré l'utilité d'une coproduction locale. Un nouveau Warcraft devrait donc redistribuer les forces en présence : une production majoritairement chinoise, soutenue par Hollywood, et non le contraire.

 

bande-annonce Se battre... mais pour quoi ?

 

Autre possibilité : oublier le cinéma, et miser sur une série. Vu la richesse de l'univers et la popularité du format à l'heure de Netflix, ce serait presque logique. Le Seigneur des Anneaux va revenir sous forme de série sur Amazon avec un très gros budgetStar Wars est devenu une usine pour Disney+ (The Mandalorian, Obi-Wan Kenobi, The Book of Boba Fett, et beaucoup d'autres encore), tout comme Marvel avec une tonne de productions lancées. Le passage à la série n'a donc absolument plus rien de triste, et est plutôt un signe des temps.

D'autant que la guerre contre Netflix, qui voit Disney, Apple, Hulu, Warner et Amazon rivaliser de moyens et annonces, va servir les créations. Les budgets s'envolent (la série Star Wars coûterait 100 millions, celle du Le Seigneur des anneaux, un milliard pour plusieurs saisons commandées par avance), et nul doute que les décisions sont prises pour couvrir un maximum de terrain et empêcher les autres de trop décoller.

 

photoBlizzard réfléchissant au futur

 

Nouvelle preuve qu'une série Warcraft serait logique : après le flop du film, qui a enterré tout espoir de saga au cinéma pour l'instant, Ubisoft s'est associé avec Netflix pour adapter Assassin's Creed en série. Le géant de la SVOD a aussi mis la main sur Tomb Raider, Splinter Cell ou encore Beyond Good and Evil, pour en tirer des séries (animées le plus souvent), quand The Division est toujours attendu en long-métrage.

Blizzard doit donc certainement réfléchir à l'avenir de Warcraft dans le monde audiovisuel. Où ? Quand ? Comment ? Qui lâchera le plus gros chèque pour se payer une telle marque ? Avec quelle marge de manoeuvre créative laissée par Blizzard ? Le regain de popularité et curiosité autour de Warcraft depuis son échec en salles n'est pas dénué de valeur. La bataille a peut-être été perdue avec cette adaptation, mais la guerre, elle, n'est certainement pas finie.

 

Tout savoir sur Warcraft, le commencement

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Annik34
12/07/2021 à 23:50

A quand cette suite. Le film est magnifique, bien tourné et les effets spéciaux au top. Je ne comprends pas le flop !!

Eowya
04/07/2021 à 12:32

Fan des jeux, mais pas du film.
Les changements vis a vis de m'histoire originale ont tous été fait pout le pire. C'est bien beau de faire un travail d'adaptation, mais là, quand on compare ce qui est retiré a l'histoire originale et ce qui y est ajouté, force est de constaté, que le scénario a été foiré.

Dernière chose foiré : les effets spéciaux. Si la motion capture des orcs est très bien faite, le film est dégelasse, semblant ne pas trouver le juste milieu entre réel et cartoon, et nous offrant un entre-deux a vomir.

Deny
03/07/2021 à 21:29

Film génial! et la musique est démente!


03/07/2021 à 16:03

@ Lektos

Tu pourrais réécrire cela en français, stp ?
C'est illisible ton truc...

Lenery
03/07/2021 à 12:14

Joueurs du jeu depuis Warcraft 3, j'ai adoré le film malgré ce qu'on peut en dire. Il est perfectible pour sur mais pour un premier jet ça donne vraiment envie. Le lire Wow est immense est a de quoi nourrir les scénaristes. Si Blizzard veux bien se pencher sur la question, je suis sur que cette franchise attendrait le top 3 des films héroïque- fantasy.

Venger
03/07/2021 à 08:54

Le film etait sympa, mais ce qui aurait pu au public s'est la tragique histoire d'Arthas/le roi liche

zetagundam
03/07/2021 à 00:26

Film très sympa qui aurait mérité d'être un peu plus car l'on ressent de temps à autre quelques coupes dans le scénario et une suite ne serait pas pour me déplaire

l'indien zarbi
02/07/2021 à 21:12

Film sympa, j'ai hâte de revoir un projet de Duncan Jones.

RobinDesBois
02/07/2021 à 19:01

J'aimerais vraiment une suite (si elle réalisée par Duncan Jones). Je suis pas fan d'Heroic Fantasy mais j'ai trouvé ce film très efficace.

Cb
17/09/2020 à 15:28

Il faut absolument une suite ! C'est un très bon film d'action, original et attachant avec le bébé qui est sauvé !

Plus