Mission : Impossible - Rogue Nation : l'épisode du raffinement absolu, et un nouveau sommet de style

Simon Riaux | 31 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 31 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après Mission : Impossible - Fallout, retour sur la saga avec Tom Cruise.

Pour beaucoup, c'est le vrai gros film à grand spectacle de l'été : Mission Impossible : Fallout de Christopher McQuarrie, où Tom Cruise, accompagné pour le coup de Henry CavillSimon Pegg et Rebecca Ferguson, sauve encore le monde. Et le film, très réussi, a toutes les chances de combler le public.

Plus de 20 ans après le premier film, alors que la saga adaptée de la série culte est devenue l'une des plus appréciées au fil des épisodes, Ecran Large revient sur chaque film.

Retrouvez nos dossiers sur tous les épisodes :

Mission : Impossible

Mission : Impossible 2

Mission : Impossible 3

Mission : Impossible - Protocole fantôme

 

 

C’ETAIT QUAND ?

C’était quand Tom Cruise avait besoin de retour en grâce total. Protocole fantôme  était venu interrompre une spirale infernale entamée avec La Guerre des mondes qui fit de l’enfant chéri d’Hollywood un semi-taré, membre éminent d’une secte en vue et véritable boulet de communication.

Malgré la réussite du film de Brad Bird, Rock Forever, Oblivion et Edge of Tomorrow seront des échecs plus ou moins évidents. Il ne s'agit pas de flops, loin s'en faut : à titre d'exemple, l'adaptation de la saga littéraire Reacher a cumulé 218 millions de dollars de recettes pour une mise de 60 millions. Un score respectable, mais très en dessous de ce qu'un studio attend de la part d'une star internationale (au goût prononcé pour le contrôle).

Et si les chiffres ne sont pas négatifs à proprement parler, ils sont très préoccupants sur le territoire américain. Avec 178 millions investis hors promotion, Edge of Tomorrow en ramasse à peine 100 sur son marché domestique. Les 270 autres venus d'Europe et d'Asie pourraient rassurer Warner, mais les territoires étrangers sont toujours synonymes de recettes plus longues à incorporer, de partage des revenus au désavantage du studio, soumis à des législations sur lesquelles ils n'ont pas ou peu de prise.

L'image de Tom Cruise a beau être quasiment intacte à l'international, le fait est que le héros ne fédère plus autant aux USA, sur son seul nom, que par le passé. Une situation qui certes, ne l'empêche pas de travailler, mais est incompatible avec l'ambition toujours renouvelée de super-spectacle mondial qu'il entretient. La saga Mission : Impossible, SA franchise, demeure donc sa seule chance de revenir au sommet et d’enrayer le déclin qui semble alors inexorable.

 

Photo Jeremy Renner, Tom Cruise"Bon bah on va tourner à panam puisque c'est comme ça"

 

Malheureusement, Brad Bird, dont le travail et la créativité sur Mission : Impossible - Protocole Fantôme ont été grandement appréciés, ne veut pas continuer l’aventure. Il ne raffole pas des suites et veut se consacrer à A la poursuite de demain , possible grâce au succès d'Ethan Hunt (et dont l’échec injuste le forcera à se lancer dans… Les Indestructibles 2).

Tom Cruise va alors faire un choix plutôt osé sur le papier. Comme nombre de stars, il aime s’entourer de collaborateurs réguliers, qui servent son image comme sa carrière. Et Christopher McQuarrie l’intéresse au plus haut point. Le monsieur a écrit Walkyrie, ainsi qu’Edge of Tomorrow, et mis en scène Jack Reacher. Et surtout le scénariste oscarisé de Usual Suspects était venu rafistoler Protocole fantôme en plein tournage, réécrivant la structure et les enjeux malgré d'énormes contraintes. C’est un artisan solide, défenseur d’un travail de l’image et du mouvement à l’ancienne, qui met au centre de son dispositif ses personnages et un sens très terre à terre du spectacle, issu de la physicalité des séries B des années 70.

 

Photo Christopher McQuarrieChristopher McQuarrie

 

Problème : le réalisateur, qui a démarré sa carrière avec le flop Way of the Gun, n’a jamais dirigé un film aussi maousse que Mission : Impossible - Rogue Nation. Son Jack Reacher a été un petit succès à son échelle (plus de 218 millions en salles pour un budget de 60), mais a été bien discret aux Etats-Unis, et avait tout d'un film "alternatif" pour une superstar comme Cruise, associé au cinéma d'action pur et dur. Sans compter que la plupart des spectateurs n’ont aucune idée de qui il s’agit. Or, une grande partie de l’excitation et de la promotion des Mission : Impossible auprès de la communauté cinéphile a toujours reposé sur la réputation des cinéastes invités.

Brian De Palma était le maître du cinéma névrotique se frottant à Cruise, John Woo l’ambassadeur de la pyrotechnie chorégraphiée venue de Hong Kong, J.J. Abrams un champion de jeunesse disruptive, et Brad Bird a été vendu comme l'homme derrière les phénomènes Le Géant de ferRatatouille et Les Indestructibles. McQuarrie n’est alors qu’un pas grand-chose mâtiné de rien du tout. Contre toute attente, il va peut-être se révéler un des auteurs les plus adroits, équilibrés et volontaire de la franchise.

 

Photo Tom CruiseCommençons par nous envoyer en l'air

 

POURQUOI C’ÉTAIT COOL

Avengers : l'Ère d'Ultron, Ant-Man, Les 4 Fantastiques, Fast & Furious 7, Jurassic World, Terminator : Genisys, San Andreas… L’année 2015 était saturée de super-héros ou de production s’inspirant directement de leurs modes de production et canons esthétiques. C’est sans doute la raison pour laquelle Rogue Nation a pu si facilement avoir des airs de vent de fraîcheur. Car à bien y regarder, le film de Christopher McQuarrie prend à revers tous les codes en vigueur actuellement.

Tout d’abord, le réalisateur veut littéralement, ramener son héros, et le genre du film d’espionnage à grand spectacle, sur le plancher des vaches. Ce n’est évidemment pas un hasard si l’aventure débute par la cascade la plus insensée du film, la plus médiatisée et la plus « traditionnellement » spectaculaire, à savoir l’envol de Tom Cruise, accroché à la carlingue d’un Airbus A400M du décollage jusqu’à l’altitude de 5 000 pieds.

McQuarrie va ensuite s’évertuer à ramener ses séquences d’action à des dispositifs de plus en plus simples, mais de plus en plus impactants. La séquence de l’Opéra rappelle qu’il peut suffire de deux coups de feu, une poignée de baffes, pour emballer un sommet de jeu de perspective spectaculaire, intense, et merveilleusement hitchcockien. Même constat pour l’infiltration en apnée, dont le concept même ainsi que la mise en scène (un plan-séquence au son étouffé) font du spectacle une affaire d’intériorité et d’intensité intime.

 

photo, Rebecca FergusonIlsa, louve des motards

 

Suivra une séquence de poursuite, en voiture et à moto, qui là encore, plutôt que d’emballer d’impossibles galipettes et explosions, favorise le retour à des cascades crédibles, toutes exécutées par Cruise (y compris le démentiel 180° dans une ruelle étroite, où deux motards se trouvent balayés par la voiture que pilote l’acteur).

Tout cela emmène Mission : Impossible - Rogue Nation jusqu’à un climax en forme de retour aux sources brillant. Le véritable effet spécial de la conclusion n’est autre que le cerveau, la mémoire d’Ethan Hunt, ainsi que sa collaboration renouvelée avec une équipe qui aura rarement été aussi indispensable au héros. Et le film de s’achever avec un piège qui n’aurait pas dépareillé dans Chapeau melon et bottes de cuir, avant de propulser dans la légende sa star féminine, la révélation Rebecca Ferguson.

 

landscape-1427131489-screen-shot-2015-03-23-at-11736-pmUne chorégraphie plus réaliste et plus exigeante

 

POURQUOI ÇA L’EST ENCORE

Deux ans après sa sortie, aucun blockbuster ne s’est frotté à ce Mission : Impossible - Rogue Nation. Pas le temps, pas les moyens humains… personne n’a même essayé de dupliquer le mélange de classicisme et de délirante maîtrise qui président à ce spectacle d’une ampleur saisissante. Alors que son successeur se prépare à rugir sur les écrans, on mesure mieux l’ampleur du dévouement que Tom Cruise aura dédié à SA franchise.

Si on retient parfois plus facilement le Burj Khalifa dans Mission : Impossible - Protocole Fantôme ou les exploits physiques de Mission : Impossible 2, le degré d’implication de Tom Cruise impressionne constamment. Six minutes d’apnée tenues pour une infiltration aqueuse, pilotage sans doublure des poursuites motorisées, séquence de mano à mano extrêmement brutale pour ouvrir les hostilités… Rogue Nation témoigne du niveau d’exigence et de générosité atteint par l’acteur, qui approche dangereusement de la cinquantaine et se permet encore de mettre tout le monde à l’amende.

 

Photo Tom Cruise,  Rebecca FergusonMission Cruise : Resurrection

 

Mais ce qui achève de faire de Rogue Nation un blockbuster parfait, en plus de son cœur palpitant et de son goût pour l’analogique, c’est la manière dont il use d’un nouveau personnage féminin pour renouveler la saga. Ilsa Faust n’est pas une ennemie, pas plus qu’elle n’est un sous-fifre ou une source de romance. Elle est un électron libre, personnage suffisamment puissant, autonome et électrique pour sauver par deux fois Ethan Hunt, qui remet très littéralement sa vie entre ses mains.

Rebecca Ferguson est à ce point au centre du système cardiaque du métrage, qu’on a parfois l’impression que la splendide photographie de Robert Elswit, au-delà de son référentiel ultra-classique et léché, a été pensée pour faire de ce personnage, ses yeux, sa peau, son aura, le moteur venimeux d’une intrigue parfaitement retorse. Qu'elle soit le premier personnage féminin de la saga à revenir à être au premier plan de deux films, en dit long sur son impact.

 

Photo Rebecca FergusonRebecca Ferguson

 

Enfin, preuve de l’emprise de la franchise prise sur le concurrent 007 : Ethan Hunt s’est payé le luxe de s’inventer un grand Némésis, Solomon Lane (Sean Harris), jumeau de Ernst Stavro Blofeld, l’ennemi éternel de James Bond, la même année où ce dernier le ressuscitait dans Spectre.

Comme son aîné, c’est un intellectuel, qui a créé une organisation secrète pour renverser les grandes puissances et s’enrichir. Comme Blofeld, sa confrontation avec l’Agent Secret ne sera jamais physique, mais symbolique et philosophique. Ultime détail, il est habillé précisément par le même tailleur qui signa le design de Blofeld. En l’état, c’est un méchant d’autant plus passionnant qu’il compose un véritable anti-Hunt, que la saga va pouvoir réutiliser à volonté.

Deux ans après sa sortie, le blockbuster demeure unique, synthèse du genre auquel il appartient, de la saga où il évolue et porte ouverte sur l’avenir d’un cinéma d’action ambitieux et exigeant.

 

photo, Mission : Impossible - Rogue Nation

 

LA SCÈNE CULTE

 

Tout savoir sur Mission : Impossible - Rogue Nation

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commentaires
sylvinception
05/02/2021 à 14:43

@Ethan : tu nous gaves, Mr le troll en chef.

Kyle Reese
31/01/2021 à 22:30

Pas d'accord avec les @ethan et @Gregdevil sur l'état de la saga avec Mcquaries.
Je trouve au contraire que MI prend de la hauteur avec lui avec notamment ce grand méchant très charismatique avec un sens particulier de l'équilibre des forces et de la justice du monde assez intéressant. Un méchant bien plus intéressant que la plupart des précédent.
L'arrivée d'une antagoniste féminine fascinante, aussi doué qu'Ethan, une sacré touche féminine et féministe. Dans l'ensemble oui le style de Mcquaries peut sembler assez transparent sans tic visuel particulier, mais il est loin d'être terne, car il a un sens du cadrage et du montage d'une précision et d'une efficacité redoutable qui confère à ces films un dynamisme assez incroyable avec une belle ampleur et pour le coup j'ai l'impression que ces 2 derniers opus vieillirons bcq mieux que les précédents. Persos je me suis régalé devant les 2 derniers MI. J'ai eu du mal avec le Woo, déjà à l'époque, bcq trop sur-stylisé à en devenir ridicule et le JJ Abrahams beaucoup trop "sériesque" avec l'abus plans cadré moyen et une photo beaucoup trop filtré, on se croirait devant un épisode d'Alias de 2h. Par contre j'aime beaucoup le Brad Bird même s'il a un coté un peu trop ludique. Chez Mcquaries c'est plus sec et réaliste, on n'est pas là pour jouer. Le Depalma reste l'un des meilleurs car son style de cinéma était parfait pour une histoire qui mélangeait de l'espionnage moderne avec un petit coté à l'ancienne façon Hitchcock évidement. Hâte de voir la suite des aventures Ethan Hunt dans les prochains Mcquaries.

Et je recommande son Way of the gun à tous ceux qui ne l'on pas encore vu qui est culte pour moi avec un Benicio Del Toro incroyable, échec totalement injustifié. Content que Mcquaries n'ai pas lâché l'affaire, Cruise a eu le nez creux en lui faisant confiance.

Ethan
31/01/2021 à 17:43

@Gregdevil
On est d'accord les 4 premiers étaient meilleurs. Ils sont en train de niquer la saga

Gregdevil
31/01/2021 à 17:18

Au contraire, je dirais que depuis que Mcquaries a repris la série elle n'a plus de style du tt.
Alors oui c'est propre, bien filmé, rythmé, mais je trouve ça sans âme.
Les 4 premiers avaient la pâtes de leur real, ici on est dans un banal film d'action à 150M$.
Il pourrait y avoir le logo Marvel en introduction ca ne me choquerait pas tellement c'est convenue.

Ethan
31/01/2021 à 16:46

Les 2/3 du film sont bien. Mais après c'est nul. Ils sont en train de niquer la saga

Lecteur depuis l’origine
30/07/2018 à 00:52

@ Baneath88 ici nous divergeons.

Salomon Lane permet de déplacer l’antagonisme avec Hunt sur un terrain plus psychologique.
« Vous tuez des gens pour que le système reste ce qu’il et et je tue des gens pour qu’il change, nous ne sommes pas si différent ».
Lane pousse Hunt dans ses retranchements car le film montre vite que ce ne sera pas physiquement qu’il gagnera la partie.
Lane le met face à son pire cauchemar, celui de l’impuissance face à une situation difficile.

Ce film contient, avec celui de De Palma, le plus de moments plastiques. Des morceaux de vrai cinéma qui débordent du film industriel.
Sur les incohérences et irréalisme, je vous rejoint.

Baneath88
29/07/2018 à 21:48

Encore une fois, je vous trouve très généreux avec Rogue Nation alors que certains défauts crèvent les yeux.
En premier lieu son méchant qui en plus d'avoir un but vu et revu n'inspire à aucun moment la menace. Sean Harris n'est pas en cause, il est très bon. Mais le script loupe l'occasion de présenter ENFIN un bad guy avec des motivations clairement justifiées. Au lieu de nous présenter un sempiternelle agent renégat qui trouve que ses ex-employeurs ne font pas comme il pense. Il y avait matière à en faire un miroir d'Ethan Hunt, un agent qui a choisi de s'émanciper d'une machinerie plus que dysfonctionnelle (pas comme si la réalité avait déjà remis en question les méthodes des services de renseignements quoi). Mais non, on aura un méchant bien classique. Très décevant.
Alors oui, le film est divertissant, parfois décoiffant (la séquence de l'opéra), mais il souffre -à l'instar de Spectre sorti aussi cette année-là- d'une forte dose d'invraisemblances qui les rendent aussi efficaces que passablement désuets.

Bibi
29/07/2018 à 21:10

D'où sort ce "Samuel" pour Blofeld ? c'est la première que j'en entends parler en 30 ans !

serval
29/07/2018 à 20:42

"Solomon Lane (Sean Harris), jumeau de Samuel Blofeld, l’ennemi éternel de James Bond"

Samuel Blofeld... le fameux Samuel Blofeld...

Sinon, je connais un Ernst Stavro Blofeld, qui est lui la tête du SPECTRE.

nico
29/07/2018 à 17:09

Je trouve que c'est le meilleur de la série

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