Mission : Impossible 3 - l'épisode de la discorde, qui a failli enterrer la saga de Tom Cruise

Prescilia Correnti | 27 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Prescilia Correnti | 27 août 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant Mission : Impossible - Fallout, retour sur la saga avec Tom Cruise.

Pour beaucoup, c'est le grand film incontournable de l'été : Mission Impossible : Fallout de Christopher McQuarrie, siixème opis avec Tom Cruise, accompagné pour le coup de Henry Cavill, Simon Pegg et Rebecca Ferguson. Et le film, très réussi, a toutes les chances de combler le public.

Plus de 20 ans après le premier film, alors que la saga adaptée de la série culte est devenue l'une des plus appréciées au fil des épisodes, Ecran Large revient sur chaque film.

 

 

C'ÉTAIT QUAND

2002. Six ans après la sortie du premier opus de la saga, Tom Cruise souhaite quelque chose de nouveau pour sa franchise. Lui qui clamait bien "vouloir un cinéaste au style cinématographique fort et différent pour chaque volet." Un vent de fraîcheur, certes, mais d’où ? De qui ? Après Brian De Palma et John Woo, l’acteur se demande bien qui peut reprendre les rênes. D’autant plus qu'il sort des succès de Vanilla sky et Minority Report et a le vent en poupe. 

 

photo, Tom CruiseEn train de chercher qui peut réaliser son Mission : Impossible

 

Une mission pas impossible, mais qui va se révéler plus compliquée que prévu. En 2002, le réalisateur David Fincher est contacté par Cruise/Wagner. Avec SevenThe GameFight Club et Panic Room, il est devenu l'un des noms les plus importants. Malgré sa mauvaise expérience sur Alien 3, Fincher est finalement d’accord pour participer à une saga (et encore au troisième épisode), déclarant même qu’il avait des "idées vraiment cool et violentes " pour le film, et que même si le studio lui laissait faire la moitié de ce qu'il avait prévu, ce serait suffisant.

Alors que Paramount espérait une sortie aux alentours de 2004, David Fincher se détache du long-métrage pour porter son attention sur Les Seigneurs de Dogtown et abandonne le projet Mission : Impossible 3. Si officiellement son départ est lié à ce nouveau projet, il est clair que Fincher a quitté le navire par manque de liberté. Ce qu'il confirmera par la suite, expliquant qu'à ce stade d'une franchise, le studio sait exactement ce qu'il veut et refuse toute nouveauté. Finalement, David Fincher lâchera la production de Dogtown en faveur de Zodiac.

2003. Le temps presse et la Paramount ne veut plus perdre aucune minute. Cruise s'intéresse alors à Joe Carnahan, poussé sur le devant de la scène par le succès de Narc - sur lequel Cruise/Wagner est crédité. Le cinéaste signe en février 2003 et se lance dans l'écriture avec Dan Gilroy (L'Escorte infernale). Fortement inspirée par les thrillers des années 70 comme Marathon Man, ils imaginent une "une version punk et rock" , autour de la question de la privatisation de l'armée et l'Afrique (probablement en lien avec l'une des versions précédentes, centrée sur un trafic d'organes en Afrique, probablement lorsque Fincher était intéressé). 

 

photo, Tom Cruise, Michelle MonaghanC'est pas vraiment ce que je disais quand je parlais de style fort et personnel

 

Une vision qui ne passe pas. Alors que Joe Carnahan propose un Mission : Impossible plus terre-à-terre à 50 millions, le studio veut un blockbuster qui en vaut le triple, et sera capable de rivaliser avec les succès de l'époque (Spider-Man, Harry Potter et la Chambre des Secrets, Le Seigneur des Anneaux : Les deux tours). La Paramount rappelle Robert Towne, célèbre scénariste de Chinatown qui avait justement rafistolé le premier Mission : Impossible à la demande de Tom Cruise, avant de signer Mission : Impossible 2. Sans surprise, le nouveau scénario est dans la lignée directe des deux premiers. Et sans surprise, Carnahan s'en va, déclarant plus tard que la nouvelle version était mauvaise et peu inspirée.

Lorsqu'il quitte le film en juillet 2004, le casting a déjà été assemblé avec Carrie-Anne Moss (en premier rôle féminin), Kenneth Branagh (en antagoniste) et Scarlett Johansson. La pré-production est interrompue, et l'urgence est absolue : il faut trouver un réalisateur. Et où mieux chercher un metteur en scène capable de gérer un film d'espionnage orienté action, que du côté de la série d'espionnage et d'action du moment ?

 

photoAlias, ou la recette de M:I 3

 

Tom Cruise se penche ainsi sur Alias, la série où Jennifer Garner interprète l'agent secret Sydney Bristow. Elle en est à sa troisième saison, et c'est un succès critique et public. L'acteur superstar dévore la série, et contacte immédiatement l'homme derrière : J.J. Abrams. Egalement derrière Felicity, il a participé aux scénarios de quelques films, comme Armageddon. Un mois après le départ de Carnahan, il est officiellement engagé. Et la situation est si compliquée pour Mission : Impossible 3 que le studio accepte finalement de repousser le tournage à l'été 2005, pour permettre à Abrams d'emballer le pilote de sa nouvelle série (Lost). Entre temps, Cruise s'occupe et tourne La Guerre des mondes de Steven Spielberg.

J.J. Abrams amène les scénaristes d’AliasRoberto Orci et Alex Kurtzman, pour une énième refonte du scénario. Qui aura tout d'un épisode d'Alias. Carrie Anne-Moss, Scarlett Johansson et Kenneth Branagh n'ont plus de raison de rester, leurs personnages étant réécrits ou abandonnés. Un voyage long et laborieux pour ce troisième opus qui sortira finalement en 2006, soit deux ans après la date initialement prévue. 

 

photo, J.J. AbramsTu vois, ça a été compliqué mais moi je vais rester promis

 

POURQUOI C'ÉTAIT LE BORDEL

Jusqu’alors, la saga Mission : Impossible est forte de son succès et surfe sur une popularité considérable. Le premier épisode a engrangé à l’époque 457 millions de dollars dans le monde, le deuxième quant à lui finissait son exploitation avec 546 millions. 

Malgré une production douloureuse, la Paramount espère continuer à susciter l’attente et l'engouement autour du troisième opus. Pour ce faire, les studios emploient tous les moyens nécessaires afin de faire monter la température auprès des spectateurs. La Paramount déploie une campagne promotionnelle considérable, qui se terminera en vrai fiasco.

Quelques jours avant sa sortie en salle, 4500 distributeurs du journal Los Angeles Times s'étaient vu offrir un dispositif électronique par la Paramount. Ce dernier se déclenchait lorsqu'un individu venait acheter le journal et diffusait la célèbre musique de Mission : Impossible. Sur le papier, c'est chouette, en pratique un peu moins. Le dispositif était mal réglé et ne marchait qu'une fois sur deux, provoquant parfois des scènes de panique dans les rues ou les hôpitaux.

 

photo, Tom Cruise, Michelle MonaghanAssez impressionant tout de même

 

De son côté, Tom Cruise espère relancer l'intérêt pour sa franchise phare et n'hésite pas à donner littéralement de sa personne pour promouvoir son nouveau film. Invité le 23 mai sur le plateau d'Oprah Winfrey, le talk-show le plus regardé de la télévision américaine, l'acteur pète les plombs. Saute sur le canapé, crie, s'extasie, lève les bras, pose un pied à terre : il est en pleine hystérie, car en couple avec Katie Holmes.

Lui qui crie à qui veut l'entendre qu'il est "amoureux" comme un fou (Scary Movie 3 en fera une parodie géniale), enchaînera avec un coup de gueule présumé après la diffusion d'un épisode de South Park intitulé "Trapped in the Closet", diffusé le 16 novembre 2005. La série parodie allègrement l'église scientologique et évoque la rumeur de l'homosexualité de Tom Cruise. Furieux, il annonce à la Paramount qu'il n'assurera pas la promotion de Mission : Impossible 3 tant que l'épisode était encore diffusé.

Avec plus de 397 millions de dollars de recettes au box-office mondial, la superproduction est le pire résultat de la franchise et se fait distancer de loin par les blockbusters de son année au box-office domestique (Pirates des Caraïbes : Le secret du Coffre Maudit, La Nuit au musée, Cars). Le public français est tout aussi sceptique : seulement un petit million d’entrées (996 860) en ouverture. Le long-métrage terminera sa troisième mission en France avec un total de 1,9 million de tickets vendus. Très, très loin des 4,1 millions du premier et 4 du deuxième.

 

photo, Tom CruisePrêt à dézinguer tout ceux qui critiquent la Scientologie

 

POURQUOI ÇA RESTE COOL

Mission : Impossible 3 fait partie intégrante d'une oeuvre, d'une saga, où il fait office de fin et commencement. Premièrement parce que pour beaucoup, il y a le préjugé selon lequel le troisième opus sera toujours moins bon que le deuxième, qui sera à son tour moins bon que le premier. Il suffit de regarder la popularité d'Alien, le huitième passager, et de sa suite, Les Dents de la mer ou encore de Superman.

Mais de ce côté, Mission : Impossible 3 défend plutôt bien sa place. On y retrouve bien des références à l'épisode de De Palma (la suspension de Tom Cruise dans le vide) et à celui John Woo (la scène d'attaque sur un pont), mais le film à son propre style et ne cherche pas à singer les deux précédents. Au contraire.

S'il ressemble à quelque chose, c'est à J.J. Abrams et notamment Alias, avec la rencontre entre le personnel et le professionnel, la romance classique, l'importance du groupe, et le mystère comme moteur de l'intrigue (la patte de lapin, sembable à l'énigme Rambaldi : une ficelle qu'Abrams aime, lui-même ayant une boîte qu'il n'a jamais ouverte dans son bureau, et qui représente le mystère absolu dont il est si friand). Sans compter que la construction avec une intro en flashforward est un classique dans la série Alias.

 

photo, Tom Cruise, Ving Rhames, Simon PeggToute ressemble entre Benji et Marshall d'Alias est...

 

Mission : Impossible 3 est une machine parfaitement huilée, avec des retournements de situations et des rebondissements, dont les pics acérés en perpétuels mouvements offrent un scénario ultra-efficace. A l'écran, de par la composition des plans et l'allure générale, le film a un ton totalement différent des deux premiers films. Si on observait chez Brian De Palma des lignes directrices claires, un travail sur la profondeur et une mise en scène ample, et si on sentait bien sûr l'influence du cinéma hong-kongais chez John Woo, J.J. Abrams condense son espace. Il articule principalement sa mise en scène nerveuse sur les visages, le pli des émotions, la goutte de sueur qui perle sur le coin de la tempe, floutant les arrières plans.

J.J. Abrams, qui avait toujours rêvé de créer sa propre vision du héros déchu et en proie aux doutes, et de "connaître l'homme de tous les jours , celui derrrière l'espion, savoir qui il est quand il claque la porte de chez lui"  comme il l'affirmait, construit un Ethan plus humain, mais également plus torturé et psychologiquement tourmenté. Ce même héros qui a passé deux films à faire tomber les masques, dénouer les mensonges dans une quête désespérée de la vérité, se retrouve finalement à mentir et user de la langue de bois. Même si toutefois, J.J. Abrams ne nous offre peut-être pas une version aussi tumultueuse et dévastée que son personnage de Sydney Bristow dans Alias, l'influence est évidente. Nul doute que Tom Cruise a vu le potentiel de la série et en a voulu sa version.

 

photo, Jonathan Rhys Meyers, Maggie Q, Ving Rhames La première vraie team de la saga

 

Chez le futur réalisateur de Star Trek et Star Wars : Le Réveil de la Force, les bombes les plus redoutables ne sont pas celles qui explosent dans un capharnaüm de bruits, de feu, et d'explosifs. Les plus dangereuses sont celles que l'on glisse maladroitement dans la cloison nasale et qui viennent se nicher dans les membranes du cerveau, berceau des émotions et des doutes. Chez J.J. Abrams, on meurt d'une hémorragie interne, le cerveau implose, un peu comme les composants d'un vieux téléviseur cathodique en bout de vie et dépasser par les nouvelles technologies.

Hommage aux recettes hitchcockiennes, Mission : Impossible 3 est régi par le principe du MacGuffin, ce fameux élément de suspense qui est la base de toute l'intrigue. La valise dans Pulp Fiction, les formules secrètes dans 39 marches, l'uranium dans les bouteilles de vin dans Les Enchaînéset la patte de lapin chez J.J. Abrams. On ne saura d'ailleurs jamais à quoi correspond réellement la patte de lapin ou l'anti-Dieu, tout comme la dernière mission de Tom Cruise, déporté à Shanghaï qui à la suite d'une prodigieuse cascade part récupérer ledit précieux objet derrière l'objectif de la caméra.

Une énigme qui offre aussi à la saga l'un de ses meilleurs antagonistes, voire le meilleur : le glacial Owen Davian, interprété par l'excellent Philip Seymour Hoffman, capable d'amener une brutalité et une noirceur en quelques regards directs. Il a beau avoir droit à ce qui reste un peu la pire mort d'un bad guy dans la franchise, il offre à Ethan un vrai cauchemar.

Finalement, Mission : Impossible 3 marque un tournant majeur dans la saga. Tant par l'approche adoptée par son réalisateur, qui a enfin donné une vraie dimension intime à l'espion, mais aussi grâce à l'implantation d'un vrai groupe derrière Ethan Hunt. Eliminée et maigrement recomposée dans le premier film, quasi mise de côté dans le deuxième pour laisser la scène à la star, l'équipe prend ici une vraie place, renouant avec l'esprit de la série des années 60. Hormis Ving Rhames, fidèle au poste, et les nouveaux venus Maggie Q et Jonathan Rhys Meyers, il y a désormais Simon Pegg, qui s'est rajouté à la team, pour ne plus jamais la quitter.

 

photo, Philip Seymour HoffmanLe meilleur bad guy de la saga ?

 

UNE SCÉNE CULTE

 

Affiche

Tout savoir sur Mission : Impossible 3

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
amds films
24/01/2020 à 12:31

c'est marrant je pense que c'est l'épisode qui a donné le ton qu'il y a aujourd'hui , celui qui a vraiment lancé la série pour moi.

Andarioch
28/08/2018 à 09:40

@Sylvinception: PSH est largement meilleur que Sean Harris qui, s'il est efficace, joue énormément sur son physique pour impressionner quand Hoffman ne compte que sur son jeu, réellement terrifiant.
Revu cette semaine: un vrai bon film sans temps mort avec un méchant qui glace le sang et une équipe certes en retrait par rapport à la star mais tout de même impliquée et fort sympathique. Reste une fin un rien ridicule avec la nikitatisation express de Monagan mais bof, après tout, JJ a bien le droit de fantasmer sur les femmes à gros flingues ;)

Ethan Hunt
27/08/2018 à 22:31

Nette préférence pour le 1 , le 4 , le 5 et le 6 quand au méchant moi Ç est Solomon Lane et le perso de John Voight dans le 1 le Bad Guy par excellence

Melon
27/08/2018 à 20:39

Rien sur Marvel et Disney ?

pepe
27/08/2018 à 19:47

PSH excellent,;le meilleur méchant de la saga pour l'instant, même si pas encore vu le 6e.
Et la scène anthologique du pont, et celle du Vatican :)

Keaton
23/07/2018 à 15:18

sauf erreur de ma part, Cruise était marié avec Holmes à la sortie de Mission Impossible, il venait même d'être père. Il a respecté ses fans et est venu assurer la promo du film à la défense.
L'épisode Ophra c'est lors de la promo de La Guerre des Mondes.

Mission Impossible 3 est un des meilleurs épisodes avec le meilleur bad guy.

George Abitbol
23/07/2018 à 11:46

M:I 3 reste un excellent épisode, certes diminué par quelques éléments non-négligeables (la romance avec Michelle Monaghan) mais il demeure un film très nerveux, émaillés comme les suivants de scènes cultes (le Vatican, l’attaque du pont, l’intro en flashforward et la descente du building) et qui évite tous les soucis de rythme du précédent.

ericdv14
23/07/2018 à 11:20

Peut -être le meilleur épisode après le 5, c'est le premier épisode de la saga qui reprend les codes de la série TV.

Manu
23/07/2018 à 10:41

Pour moi le plus mauvais épisode après le 2. Le background de Ethan Hunt est tellement cliché et mal exposé que l'on s'en tamponne complétement de son histoire de couple, mention spécial à la fin où la femme d'Ethan se transforme en 2secs en super killeuse. Il y a un qui ose dire que c'est l'épisode où les scènes d'actions sont les mieux filmées, en plus en prenant le pire exemple avec la scène du pont, c'est cadré n'importe comment avec des zooms / dézooms d'une laideur pas possible. Et que dire de ce happy-end le plus naze de toute la saga... heureusement que le niveau s'est réhaussé à partir du 4 sinon la franchise était morte.

Psh
23/07/2018 à 10:17

L'interprétation de Seymour Hoffman est très bonne mais son personnage est l'image du macguffin, creux et sans conséquence (son plus haut fait d'arme est de buter sa secrétaire...).

Par contre je me délecte toujours de regarder PSH jouer Tom Cruise qui joue PSH.

Plus