Mission : Impossible - Protocole Fantôme, le meilleur de la saga de Tom Cruise ?

Geoffrey Crété | 26 mai 2022 - MAJ : 29/06/2023 18:22
Geoffrey Crété | 26 mai 2022 - MAJ : 29/06/2023 18:22

Le quatrième Mission : Impossible a été majeur pour la saga avec Tom Cruise.

Du premier Mission : Impossible réalisé par Brian De Palma en 1996 au carton phénoménal de Mission : Impossible - Fallout en 2018, la saga menée par Tom Cruise est devenue incontournable, et s'est imposée comme un modèle dans le genre.

Mais la franchise a bien failli s'écrouler sous le poids de son acteur-producteur-superstar, et Mission : Impossible - Protocole Fantôme de Brad Bird a été un moment charnière.

 

 

C'ÉTAIT QUAND 

Mission : Impossible 3 a changé bien des choses. La promo a été quasiment piratée par Tom Cruise, qui a étalé sa vie personnelle et son mariage avec Katie Holmes. Conséquence directe ou coïncidence : le troisième opus a moins marché que les précédents, récoltant environ 398 millions dans le monde contre 457 pour le Brian De Palma et 546 pour le John Woo - qui ont en plus coûté moins cher.

Quelques mois après la sortie, le studio Paramount met fin à sa collaboration privilégiée avec Cruise/Wagner Productions, la société co-fondée par l'acteur et qu'il avait lancée avec le premier film de la franchise. L'affaire reste discrète, mais le comportement de Tom Cruise, son rapport trop médiatisé avec la scientologie et ses problèmes personnels, seraient la principale cause de cette séparation. Mission : Impossible - Protocole Fantôme, à bien des égards, est le bébé de ce divorce, et le début d'une nouvelle ère pour Cruise et la franchise qui l'a maintenu sur le devant de la scène hollywoodienne.

 

Photo Tom Cruise Tom Cruise perdu dans le brouillard, dans l'attente de la suite

 

Le quatrième épisode marque le début d'une nouvelle phrase avec la présence de Bad Robot au générique. La société de prodution créée par J.J. Abrams était arrivée sur Mission : Impossible 3, mais malgré la décision du réalisateur de ne pas rempiler et s'occuper de Super 8, il reste producteur, et le restera sur les films suivants jusqu'à Mission Impossible : Fallout.

Mission : Impossible - Protocole Fantôme corrige aussi, après le troisième, la teneur du Cruise show. De Palma l'avait dit pour le premier : le film a beau être adapté de la série culte centrée sur une équipe, l'acteur reste la star. Mission : Impossible 2 en a été la démonstration la plus extrême, tandis que Mission : Impossible 3, sous forte influence Alias, a remis l'équipe au centre de l'équation. Protocole fantôme continue sur la lancée, récupère Simon Pegg, amène Paula Patton et Jeremy Renner. L'affiche ne ment pas : pour la première fois, ce n'est plus le visage de Tom Cruise en grand. Il est replacé parmi un groupe.

Pas encore apparu dans Avengers, Jeremy Renner est alors présenté comme l'éventuel successeur de Tom Cruise, considéré alors comme poussé vers la sortie. Lors de la promo, la chose est un coup évoquée, un coup démentie. Que l'acteur de The Town et Démineurs assure à la place de Cruise le clin d'œil à la cascade de la CIA du tout premier film, dans un plan où il tombe jusqu'à s'arrêter à quelques centimères d'un ventilateur, ne fera que nourrir le doute.

 

Photo Simon Pegg, Paula Patton, Jeremy RennerL'équipe remise au premier plan 

 

Peut-être que cette ambiguité a un rapport avec la manière dont le film est géré. Christopher McQuarrie, qui deviendra le premier réalisateur à signer deux films de la saga juste après, a ainsi rafistolé le film en cours de tournage, comme il l'a expliqué à StarTribune en décembre 2012, pendant la promo de Jack Reacher :

"Je suis arrivé au milieu du tournage pour faire une réécriture du scénario, même s'ils avaient commencé le film. J'ai dû communiquer avec toute l'équipe pour déterminer ce que je pouvais et ne pouvais pas changer, quels décors avaient été construits, quelles scènes pouvaient ou ne pouvaient pas être retournées. (...) Le scénario avait ces fantastiques séquences mais il y avait un mystère qui était très compliqué. Ce que j'ai fait était une question de clarté. Le mystère devait être plus simple." 

 

Mission : Impossible - Protocole Fantôme : Photo Tom CruiseEthan dans le flou

Ailleurs, on apprendra que le film devait à l'origine s'ouvrir sur une scène où le personnage du bad guy, Kurt Hendricks, préparait un discours sur les armes nucléaires. Disponible parmi les scènes coupées, elle aura été éliminée et remplacée par une intro plus orientée action (et Ethan), malgré un gros travail numérique vu l'utilisation d'un miroir.

La machine a été lancée de manière si précipitée que Brad Bird retournera la scène où l'équipe récupère Ethan après son évasion. Une version où l'équipe ne sait à peu près rien de la situation et des enjeux communs a été tournée, puis retournée une fois que l'intrigue était plus claire. Ethan se demandait même, "Mais qu'est-ce qu'on fait tous dans ce van alors ?", ce à quoi Jane répondait, "J'espère que tu vas le découvrir".

 

Photo Tom Cruise, Paula Patton Un côté old school remis en avant 

 

POURQUOI C'ÉTAIT COOL

Le choix de Brad Bird pour filmer le quatrième film a un sens. Choisir le réalisateur de Ratatouille et surtout Les Indestructibles, hommage mordant au film d'espionnage à la James Bond, témoigne d'une volonté de (re)venir vers quelque chose de plus léger, irrévérencieux, à la fois old school et moderne. Que ce soit les premiers pas du cinéaste dans un film live, a également pu être un gage de bonne conduite, logique après Mission : Impossible 3 qui avait marqué le premier essai au cinéma de J.J. Abrams.

Après Brian De Palma et John Woo, des metteurs en scène solides et installés, qui ont certainement lutté pour imposer et défendre leur vision du cinéma, la saga opère un virage pour trouver une harmonie loin des extrêmes. Ce qui se confirmera avec Christopher McQuarrie, choisi par Tom Cruise après leur collaboration sur Jack Reacher, deuxième film du célèbre scénariste (Usual Suspects) qui s'était cassé les dents avec son premier essai, Way of the Gun.

Aussi talentueux soient-ils, Abrams, Bird et McQuarrie ont probablement été plus flexibles que Woo et surtout De Palma, dont les carrières étaient bien plus flamboyantes. Signe d'une évolution similaire : Michael Giacchino, collaborateur de J.J. Abrams, est le premier compositeur à revenir dans la saga.

 

photo, Brad BirdBrad Bird et Paula Patton sur le tournage

 

Après la gravitas du troisième film, Protocole Fantôme s'amuse clairement avec le genre et la formule. D'Ethan qui frappe le téléphone car l'autodestruction ne se lance pas, à la moquerie de Luther sur le "Mission accomplie !" du héros, en passant par la technologie qui déraille (le masque, le gant), le film prend régulièrement une petite distance. Simon Pegg est plus clairement affirmé comme emblème de la légèreté au cours du film, mettant une dynamique typique de blockbuster qui alterne entre sérieux et humour.

Protocole fantôme s'amuse même avec un discret clin d'œil au premier film, puisque l'homme qui met une cagoule sur la tête d'Ethan après Dubaï est le même que celui qui l'amène vers Max dans Mission : Impossible de Brian De Palma. Les plus attentifs retrouveront d'ailleurs un gros hommage au personnage de Vanessa Redgrave dans Mission Impossible : Fallout.

Le film impose aussi ce qui deviendra la marque de fabrique ultime de la série par la suite (voire de la carrière de Cruise, cf La Momie et l'avion qui se crashe) : la grande cascade de fou furieux, centrale dans le film et la promo. Ici, c'est l'ascension de la tour Burj Khalifa à Dubaï. Tom Cruise est de la vieille école, et pour contrer le Hollywood des fonds verts, il met largement en avant ses capacités physiques. Pas de doublure donc, c'est bien lui qui gravit la tour la plus haute du monde. Avec des cables certes, effacés en post-prod, mais tout de même : l'acteur quinquagénaire n'a pas peur de défendre sa place dans l'arène hollywoodienne, quitte à en faire des tonnes lors de la promo.

 

photo, Paula PattonPaula Patton, aux abonnées absentes depuis

 

Même la sortie est gérée de manière spéciale. Loin du mois de mai qui a servi aux trois premiers opus, Protocole fantôme sort mi-décembre. Loin des 3000 ou 4000 écrans sur lesquels les trois premiers films étaient sortis d'un coup, le quatrième passe par le limited release : d'abord sur environ 400 écrans, puis sur plus de 3400 après quelques jours.

L'enthousiasme du public est réel : avec près de 695 millions au box-office, et plusieurs semaines au top du BO domestique, c'est à ce jour le plus gros succès de toute la franchise. Et le film reste encore l'un des épisodes les plus appréciés, voire le meilleur selon beaucoup de spectateurs. Et difficile de ne pas au moins lui accorder sa place pour les meilleures scènes à sensations de la série.

 

photoUne image-clé de la promo

  

POURQUOI ÇA RESTE PLUTÔT COOL

Il semble évident que le film a été construit autour de quelques gros blocs de spectacle, notamment le Kremlin et Dubaï. Ce sont d'ailleurs les meilleurs moments du film, ceux où Brad Bird semble le plus à l'aise, et où le film joue le mieux avec les codes et les règles du genre. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si le réalisateur a insisté pour tourner une grosse partie du film (environ 30 minutes) en IMAX : Protocole Fantôme a pour mission d'en mettre plein les yeux et de (re)définir la saga comme une référence du grand spectacle.

S'il respecte à la lettre le cahier des charges, le réalisateur des Indestructibles et A la poursuite de demain (qu'il a clairement pu lancer grâce à Mission : Impossible) pose ça et là sa patte. Il suffit d'un mouvement de caméra accompagné par les jets d'eau dans le palais indien pour sentir la force et la dynamique qui habitent tous les recoins de l'écran, que le cinéaste pense véritablement et entièrement. Bird est particulièrement fort pour composer les mouvements et la vitesse, comme il l'illustre dans les scènes à Dubaï. 

L'ascension tendue et urgente vers les serveurs puis la redescente encore plus rapide et urgente, la rencontre en parallèle avec un multiple jeu de masques et mensonges, la poursuite fantastique dans la tempête de sable où le décor devient totalement abstrait : il donne à Protocole fantôme une force impeccable.

 

photoL'un des moments les plus intenses du film

 

Le film est plus faible du côté de l'intrigue pure, et des personnages. A commencer par l'antagoniste, Cobalt, qui est probablement le plus mauvais de toute la saga. Parfaitement sous-développé et sous-utilisé, réduit à quelques apparitions, mené par une vague ambition, mis HS avec un suicide qui tombe à plat vu le peu d'engagement envers lui, ce Kurt Hendricks est un gros raté.

Le film a en plus la fausse bonne idée d'empiler les sous-intrigues. Ethan et son équipe sont reniés par le gouvernement, la police russe et notamment un policier recherche obstinément le héros, Jane Carter veut venger le meurtre de son chéri tué par une tueuse à gages (Léa Seydoux), Brandt cache un lourd secret sauf que non car un petit twist d'Ethan révèle la vérité sur Julia. Il y aura aussi un magnat de la télévision indienne (interprétée par le célèbre Anil Kapoor) à séduire, puisque le grand méchant utilise un de ses satellites pour lancer son missile. Beaucoup de choses, et beaucoup de choses survolées.

Notons d'ailleurs que Jane et Cobalt avaient un peu plus de matière (mais à peine) dans les scènes coupées. Le personnage de Paula Patton recevait les instructions pour aller à Moscou, et surtout résistait à l'idée d'enfiler la robe verte décolettée pour séduire : elle expliquait alors de manière touchante que c'était sa limite, à Ethan. Le méchant lui, avait au moins une longue scène vouée à présenter sa cruauté - une scène utile mais très oubliable.

 

photo, Léa SeydouxJane vs la Française

 

Ce n'est pas anodin si pour la première fois, un Mission : Impossible finit avec une image de film d'action banale, où un gros missile se crashe sur une grosse ville américaine mais est arrêté avec une grosse chance au tout dernier moment. La saga bascule vers quelque chose de plus programmatique, tout en assumant une direction plus moderne et stable (comparée aux deux premiers films, extrêmes dans leurs styles opposés). C'est cette double dynamique qui fait de Protocole fantôme une réussite souvent éclatante mais en demi-teinte, qui, par exemple, ne se remet pas vraiment du passage à Dubaï avec un climax en Inde bien mou.

Même l'excellente idée de ce parking robotisé (encore une idée de mouvement parfaite pour Bird) est à peine amusante à l'écran. La scène semble plutôt illustrer la grosse machinerie automatisée qu'est alors en train de devenir la saga. Et le twist sur la fausse mort de Julia est alors intéressante : comme elle, la franchise était quasiment enterrée après Mission : Impossible 3. Et comme elle, elle a trompé la mort pour mieux réapparaître et renaître. Avec la complicité d'un Tom Cruise qui a joué le jeu, jusqu'au bout, avant de retrouver un sourire, et reprendre du service en annonçant pour la première fois de la saga la suite (la mention du Syndicat qui sera au centre de Mission : Impossible - Rogue Nation).

Tout savoir sur Mission : Impossible - Protocole Fantôme

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commentaires
Augustemars
30/06/2023 à 10:36

@Morcar
Je trouve personnellement que le 4 a bien plus de patte et d'identité que le 3. Brad Bird a un vrai talent pour les scènes d'action, il y a une virtuosité, une mise en scène du mouvement qui est assez unique. Le 3 m'avait profondément ennuyé, justement à cause d'une mise en scène très aseptisée et peu inspirée, et d'un scénario assez mauvais.
Sinon, je suis d'accord que Christopher McQuarrie devrait laisser la place à quelqu'un d'autre. Rogue Nation m'avait beaucoup plu, mais Fallout m'avait déçu, alors même que tout le monde l'avait adoré.

Ethan
10/01/2022 à 14:00

@Morcar
Bad robot est déjà présent à partir du 3.
Le 1 et le 2 c'était la Cruise Wagner

Ethan
10/01/2022 à 13:55

@Morcar
Le 4 a également son style bien à lui. Brad Bird joue sur le côté ludique de chaque mission : dans la prison comme dans la scène d'échange des diamants et des codes par ruse dans la tour de Dubai. Sabine Moreau est également géniale dans ce style de méchante froide.

Mc Quarrie a simplement souhaité en faire des suites. Mais elles n'étaient pas nécessaire. Ce film a un début et une fin scénaristiquement. Il ne laisse pas place à une suite à la fin.

Ethan
10/01/2022 à 13:43

@Morcar
Ils choisissent la facilité, comme beaucoup d'autres blockbusters ils cherchent maintenant simplement à rentabiliser avec l'essor du marché chinois.

Ça se ressent sur le 6

Ethan
10/01/2022 à 13:35

@Morcar
Je trouve pas Celui du 4 correspond à l'ambiance du film.
Celui du 3 fou les jetons, c'est de l'angoisse. Perso j'aime moins ce style de méchant.
Je préfère Sean Ambrose ou celui du 4. Celui du 5 c'est le style fou cest de la psychologie à 2 balles

L'équipe du 3 paraît effacée à l'image de Maggie Q moins amicale que les autres
Comme le 2, Ethan est plus en solo qu'en équipe

Marvelleux
10/01/2022 à 11:31

@Ethan
J'ai revu le film hier sur 6ter, cela reste un très bon film. Tu as entièrement raison pour touts les liens faits entre les films, je n'avais même pas fait attention tellement.

Morcar
09/01/2022 à 23:30

Le meilleur ? Non ! Son méchant est trop fade pour ça. Les meilleurs sont le 3 et le 6.
Dommage que dans le 4 ils n'aient pas conservé certains membres de l'équipe du 3, comme Maggie Q par exemple. Je rêve toujours secrètement de la voir revenir dans un volet.

Si les 3 premiers volets avaient chacun une identité propre, une patte très reconnaissable de chacun de ses réalisateurs, à partie du 4 la franchise à gardé la même patte d'un volet à l'autre. Et la recette de Bad Robot n'a pas cessé de s'améliorer d'un épisode à l'autre jusqu'au 6.
Je redoute que McQuarrie n'arrive pas à faire mieux pour les prochains. Ils auraient dû passer la main à un nouveau réal qui apporterait un nouveau changement.

Ethan
09/01/2022 à 21:56

@Marvelleux
Ce qui est intéressant dans le 4 c'est cette équipe qui naît. Ethan à l'inverse du premier film devient le chef de l'équipe. Là où dans le 2 il était plus solo (ce qui est bien d'ailleurs)
Chaque film est différent et c'est difficile de préférer l'un qu'un autre. Ce qui est intéressant avec les 5 premiers c'est les parallèles entre les films : l'escalade, les cheveux longs pour le 2 et le 4, l'équipe pour le 1 et le 4 ( le 2 etant une bonne équipe mais petite en taille), la moto pour le 2 et le 5, le saut pour le 2 et le 3, ses amours Claire, Nyah et Julia pour le 1, le 2, le 3 et le 4

Le 2 c'est Tom Cruise au top de sa forme. La scène de combat à mains nues à la fin, c'est du grand cinéma

Marvelleux
09/01/2022 à 19:41

Seul le deuxième à grâce à mes yeux.

Ethan
09/01/2022 à 19:02

Le meilleur oui et non, il a son originalité comme les 3 premiers et un peu le 5. Mais il a surtout la meilleure équipe!

Il fait parti avec les trois premiers des meilleurs.

C'est vraiment dommage de ne pas avoir continué avec cette équipe. À la fin du film on s'attend vraiment à les revoir dans le film suivant mais ce ne seras pas le cas malheureusement

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