Code Lyoko sur Netflix : retour sur le dessin animé de SF culte des années 2000

Déborah Lechner | 1 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Déborah Lechner | 1 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L'intégrale de Code Lyoko est disponible sur Netflix depuis le 1er octobre, l'occasion de reparler de cette série marquante des années 2000.

Qu'on ait adoré, détesté ou pas regardé du tout Code Lyoko, la série animée est connue de presque tous les moins de 30 ans. Beaucoup de ceux qui ont suivi les aventures de Jérémie, Ulrich, Odd, Yumi et Aelita étant gamins agitent encore frénétiquement les bras dès les premières notes du générique chanté par Julien Lamassonne, et ce serait difficile de leur en vouloir. 

Sortie en 2003 en France, la série de 97 épisodes raconte comment une bande d'amis combat secrètement Xana, un virus informatique qui veut dominer le monde. Pour ce faire, ils se virtualisent entre deux cours sur Lyoko, un monde numérique où les collégiens se transforment en guerriers dont les facultés physiques sont décuplées.

Avec son arrivée événement sur Netflix, il est grand temps de se remémorer cette petite pépite du début du siècle. 

 

photoMot de passe oublié

 

TOUT REPROGRAMMER

Code Lyoko a beau avoir rassemblé une impressionnante communauté de fans pour une série animée française (avec des fandom et fanzines qui étaient plus courants du côté de l'animation japonaise ou américaine), la série reste un produit purement générationnel malgré plusieurs rediffusions. Ceux qui n'avaient plus l'âge de guetter quotidiennement France 3 ou Canal J pour être à jour à la récré ont donc parfois du mal à comprendre l'excitation autour de cette série, souvent jugée laide et redondante, et justifient volontiers cet engouement par la pauvreté du catalogue français de l'époque, ce qui n'est pas faux, mais pas totalement vrai non plus. 

Si dans les années 80 et 90, des coproductions françaises et européennes ont réussi à se graver dans les mémoires, comme Il était une fois… l'Homme et ses nombreux dérivés ou Les Aventures de Tintin, ces deux décennies ont surtout marqué l'avènement de la japanisation en France, qui a occupé une place importante dans les émissions jeunesse telles que le mythique Club Dorothée ou Récré A2.

 

photoPour leur défense, le chien est quand même plus moche qu'eux

 

L'arrivée de Ken le survivant, Les Chevaliers du Zodiaque ou encore Dragon Ball n'ont pas manqué de faire suer les pète-sec de la scène politique, menés torche à la main par Ségolène Royal, qui voyaient là une dépravation et un avilissement de la jeunesse tricolore, dangereusement exposée  à  de la vilaine violence étrangère.

Dès la fin des années 90, ces dessins animés conspués ont en grande partie été remplacés par des productions américaines (Bob l'éponge, Jackie ChanLa Famille Delajungle, X-Men: Evolution, Hé Arnold ! ou encore Dora L'exploratrice), qui s'adressaient aux tout petits comme aux pré-adolescents et monopolisaient une grande partie des programmes tout au long des années 2000. Ce qui n'a évidemment pas empêché l'importation de plusieurs poids lourds venus du Japon comme Pokémon, Naruto, One PieceBeybladeYu-Gi-Oh ou Digimon et l'ancrage irréversible de la culture nipponne dans nos écrans. 

 

photoSans rancune, Ségolène

 

Au milieu de toutes ces oeuvres étrangères très populaires, on a aujourd'hui tendance à clamer que l'animation française était à la ramasse et n'avait rien de bien folichon à proposer, mais ce serait oublier Les Zinzins de L'Espace, Corneil et Bernie, Titeuf, Cédric ou encore Mon ami Marsupilami, en plus des coproductions comme Martin Mystère, Marcelino Martin MatinTotally Spies ! ou Famille Pirate.

En revanche, presque toutes les séries citées visaient principalement de très jeunes enfants et ne possédaient donc pratiquement aucune histoire de fond capable d'accrocher les plus grands, contrairement aux animés et séries américaines. C'est donc dans ce contexte qu'a débarqué Code Lyoko, en 2003, avec la volonté de développer une intrigue un peu plus mature et avant-gardiste qui manquait cruellement au catalogue français. La série a également dépassé les frontières de l'Hexagone pour cartonner en Espagne, en Belgique, en Italie, en Finlande, au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis ou encore au Japon. En 2006, le programme a même remporté le Prix Français de l'Export pour l'animation, ce dont on peut être fier. 

 

photoQuand Code Lyoko débarque dans ta télé

 

SAUVER NOTRE EXISTENCE 

Code Lyoko nous vient tout droit de l'école des Gobelins et du projet de fin d'études de Thomas Romain et Tania Palumbo, un court-métrage de quelques secondes intitulé Les enfants font leur cinéma et présenté au festival d'Annecy en 2000. L'extrait laisse clairement apparaître les personnages principaux de la série, mais n'entretient aucun rapport avec l'histoire qu'on connaît, jusqu'à ce qu'il soit repéré par Antefilms (qui a fusionné avec France Animation pour devenir MoonScoop, disparu en 2014). La société leur a ainsi permis de réaliser un court-métrage de cinq minutes, Garage Kids, pour définir les bases scénaristiques et graphiques d'une nouvelle série.

Si Garage Kids est une bonne introduction de l'univers, il est impossible de le qualifier de pilote tant le ton est beaucoup plus sombre et sérieux que ce qui a suivi. Parmi les autres différences notables, Lyoko s'appelle Xanadu et présente un environnement plus complexe, Aelita n'existe pas, Odd découvre le supercalculateur en dernier, tandis que Yumi et Ulrich sont capables d'utiliser leurs pouvoirs dans la réalité.

 

photoUn des cinq territoires de Lyoko

 

Alors que l'histoire prenait de plus en plus de libertés, la production a voulu mettre l'accent sur l'aspect vidéoludique de la série (où on parle d'avatars et de points de vie) avec un monde réel en 2D et un autre virtuel en 3D, pour marquer une distinction nette entre les deux et "faire comprendre aux enfants qu'ils sont complètement différents", comme l'a expliqué le réalisateur Jérome Mouscadet. Cette idée de mixer deux styles d'animation a évidemment participé à la reconnaissance de la série et à ses graphismes atypiques pour l'époque (qui n'ont fait que s'améliorer de saison en saison). 

Malgré tout, les scénarios permettent à Xana d'agir directement sur notre monde et laissent ainsi le numérique s'emparer de la réalité, comme dans l'épisode où l'IA crée une réplique du collège Kadic sur Lyoko et celui où Ulrich et Odd n'arrivent plus à distinguer dans quelle dimension ils se trouvent. Ces différends créatifs entre Thomas Romain et le studio l'ont finalement convaincu de quitter le projet pour se concentrer sur Ōban Star-Racers avant de partir vivre et travailler au Japon, dont la culture le passionne et l'inspire depuis longtemps.

 

photoUn bug dans la Matrice

 

Comme les deux projets précédents qui se voulaient un hommage au réalisateur Kôji Morimoto (Memories, Animatrix, Genius Party), la série revendique un style calqué sur les dessins japonais, avec des visages anguleux et des proportions démesurées, qui peuvent rebuter au premier abord, mais confèrent une véritable identité visuelle à l'ensemble. Les influences nipponnes sont nombreuses, ne serait-ce qu'avec le personnage de Yumi Ishiyama, dont le mode de vie typiquement japonais est souvent mis en avant, de même que ses parents alors que ceux des autres protagonistes n'ont droit qu'à de brèves apparitions.

Avec ses cheveux rose bonbon (une couleur naturelle héritée de sa mère), Aelita est également un élément qui détonne avec le réalisme relatif des autres élèves du collège et s'insère dans l'esthétisme surréaliste des animés, tandis qu'Odd arbore une coupe anti-gravité qui n'a rien à envier à celle de Yûgi Muto ou San Goku. Les lyoko-guerriers ont également tendance à gueuler le nom de chacune de leurs attaques avant de les lancer, un code récurrent des mangas shonen et magical girl.

  

photoORBE TOURBILLONNAAAAAAAAANT !

 

VIRTUALISATION

Si on parle d'influences, difficile de ne pas citer Matrix (également influencé par le cinéma asiatique et les longs-métrages d'arts martiaux). En plus de la lutte commune entre l'Homme et la machine, le monde numérique de Lyoko, dans lequel les protagonistes possèdent des facultés physiques hors normes, est un parallèle évident à la Matrice.

Entre l'usine abandonnée qui reprend la teinte verdâtre des films, le personnage d'Aelita semblable à Néo, le vaisseau au nom compliqué pour voyager dans le réseau, le programme Xana comparable à l'agent Smith ou encore la Méduse, les Krabes, Frelions et autres Megatanks servant de sentinelles, la série cultive de nombreuses références à la trilogie de science-fiction culte des soeurs Wachowski.

 

photoL'opérateur de bord

  

D'une façon générale, Code Lyoko puise son inspiration dans les classiques de la SF, des films catastrophes, voire de l'horreur. On a ainsi droit au fil des épisodes à des versions édulcorées d'AlienTRONTerminator, Godzilla, La Nuit des morts vivants, Les OiseauxLe Jour d'après ou encore La Mouche (mais avec un chien). La série penche également du côté du fantastique et se déconnecte du plausible pour que Xana devienne une entité malfaisante et surnaturelle capable d'à peu près tout (si ce n'est d'arriver à ses fins), notamment de posséder les humains, de contrôler les animaux, les objets, les satellites, les astéroïdes, la météo, la gravité ou encore de fabriquer des clones. Si l'innovation n'est pas forcément au programme, la série reste une bonne initiation à la science-fiction, sauce numérique. 

Ces capacités quasi illimitées de l'antagoniste sont souvent moquées ou critiquées pour leur absurdité, mais elles permettent à la série de prendre un tournant plus épique et dramatique qu'avec un simple virus internet. Avec ses combats, ses situations périlleuses, ses adolescents qui mènent une double vie, portent des costumes, possèdent des super-pouvoirs et sauvent le monde en séchant les cours, Code Lyoko lorgne aussi du côté des équipes de super-héros, bien que le terme lyoko-guerrier soit préféré

 

photoLes 4 Fantastiques

 

Beaucoup reprochent également à la série d'enchaîner de nombreux épisodes sans réels liens entre eux, tout en conservant le même schéma narratif, ce qui est particulièrement vrai pour la première saison, assommante par sa répétitivité. Mais dès la saison 2, la série tombe dans le thriller d'enquête, lorsque la bande se lance sur les traces du mystérieux Franz Hopper, le créateur de Lyoko et Xana, mais cherche également à découvrir qui est réellement Aelita, loin d'être une simple IA. La toile de fond se tend alors, développe un peu plus ses personnages et dévoile une intrigue complexe, dramatique et plutôt mature qui a bénéficié d'une réelle conclusion emplie de nostalgie, contribuant à graver Code Lyoko dans les mémoires.  

Code Lyoko, malgré ses défauts évidents, est une série qui résonne toujours en 2020 en dépit de son année de sortie, avec des thématiques intergénérationnelles sur l'adolescence et surtout un message plus subtil pour le jeune public, sur les dangers du virtuel lorsqu'il prend le pas sur le monde réel. 

 

photo

Tout savoir sur Code Lyoko

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commentaires
Marvelleux
01/10/2020 à 15:04

Très bon article. Es-ce que le site pourrait editer un article sur la fabrication et les couts de productions d'une série animée. Se serait intérssant. Merci. Le club dorothée, du lourd.

Hildegarnic
01/10/2020 à 14:35

Vraiment passionnant, l'article. Et pourtant, j'en avais tellement rien à carrer... Par contre, on cite Récré A2 et Dorothée mais aucune mention de "Youpi, l'école est finie" sur la Cinq, ça me tue

Poulet
01/10/2020 à 12:08

Merci pour ce dossier ! Cette série n’est pas parfaite, mais elle fut quand même ambitieuse.

J’aimerais beaucoup une suite avec nos héros adultes et qui s’adresserait aux fans comme moi qui ont grandi !