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The Handmaid’s Tale : la saison 2 a t-elle été à la hauteur du phénomène ?

Par Geoffrey Crété
17 juillet 2018
MAJ : 21 mai 2024
18 commentaires

La série avec Elisabeth Moss, adaptée du livre La Servante écarlate de Margaret Atwood, était très attendue.

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Bilan de la saison 2 de The Handmaid’s Tale.

Comment donner suite à une première saison qui a profondément surpris, marqué et retourné les esprits ? C’est le grand défi de The Handmaid’s Tale, adaptation du roman de Margaret Atwood chapeautée par Bruce Miller et portée par Elisabeth Moss.

Après le succès de la saison 1, aussi bien critique que public, la série Hulu a donc continué à avancer, quitte à abîmer la valeur des débuts. Notre avis sur la saison 2.

ATTENTIONS SPOILERS !

 

 

ROUGE ET NOIR

La première saison de The Handmaid’s Tale avait épuisé, à l’issue des 10 épisodes, presque toute la matière du roman de Margaret Atwood. June alias Offred quittait la maison des Waterford, aidée par Nick et Mayday, sans la certitude de survivre à un éventuel piège. Les deux premiers épisodes de la saison 2 avaient vite confirmé que la série de Bruce Miller continuerait à la fois sur la même lancée, autour de l’héroïne et une poignée de flashbacks, mais également en parallèle en ouvrant l’univers. Le deuxième épisode était ainsi centré sur Emily (Alexis Bledel), envoyée dans une des fameuses colonies.

C’était un faux signal tant cette deuxième saison reste clairement concentrée sur Gilead et June. Est-ce un problème ? Non. Sauf quand une scène, de temps à autre, montre la Colonie ou le Canada, où Moira et Luke continuent de vivre. C’est un petit déséquilibre qui parcourt la saison, sans réellement faire sens au-delà d’une nécessité de ne pas perdre de vue des protagonistes importants pour la suite. C’est une faiblesse dans la directe lignée de la première saison, qui avait brisé l’harmonie avec un épisode 7 articulé autour de Luke par exemple.

Le personnage d’Emily est parmi les points problématiques de la saison : son arc a beau être cohérent entre l’épisode 2 et le dernier épisode, il est bien trop mince sur la durée, trop souvent mis à l’écart et presque en pause. Une poignée de seconds rôles, parfois passionnants dans leurs enjeux, restent relégués en arrière-plan, ni vraiment oubliés ni réellement intégrés.

 

photo, Elisabeth Moss, The Handmaid’s Tale Elisabeth Moss, toujours aussi puissante

 

SERENADE

La saison 2 de The Handmaid’s Tale trouve un nouveau souffle dans la maison des Waterford, et non dans les paysages apocalyptiques de la Colonie. Personnage passionnant de la saison 1, Serena Joy, interprétée par Yvonne Strahovski, brille encore plus, et devient l’un des cœurs de la série.

Tour à tour glaciale, meurtrie, effrayante, pitoyable, touchante et insondable, la femme du commandant Waterford prend une ampleur fantastique dans cette deuxième saison. Pétrie de contradictions, cette femme hier puissante a construit son propre cercueil et permis à un mari faible de grandir et l’écraser, protégé par le mur d’une civilisation qu’elle a elle-même aidé à ériger. 

Les flashbacks sur les prémices de Gilead, son passage au Canada et son éveil en fin de saison, sont parmi les moments les plus forts. La voir se dresser face aux hommes, brandir l’interdit de la lecture et être punie, ou encore exprimer sa colère dans une scène de dispute sous très haute tension, donne à la série une force évidente. Elle est obscure, opaque, et donc passionnante.

 

photo, Yvonne Strahovski, The Handmaid’s Tale Yvonne Strahovski, grande gagnante de la saison

 

C’est aussi sa relation trouble avec June qui est le ciment de cette saison 2. Unies par un bébé et séparées par leurs places sociales, unies par leur férocité mais séparées par leurs priorités, les deux femmes continuent plus violemment leur danse contrariée. L’écriture, brillante, évite le manichéisme primaire, refuse de distribuer les rôles, et pousse Serena vers la lumière, aux côtés de June. The Handmaid’s Tale devient souvent leur série à elles deux.

La scène où elle est battue sous les yeux de June, puis la manière dont elle se referme, ravale ses larmes et repousse Offred, sont parmi les temps les plus forts de la saison. Serena est l’un des meilleurs éléments de cette deuxième saison, et Yvonne Strahovski démontre encore plus clairement son talent avec une interprétation fine, qui repose sur les silences et les regards.

 

photo, Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski Serena vs June

 

LA FÊTE ÉCARLATE 

Cette saison 2 est également l’occasion de voir que The Handmaid’s Tale prend en confiance, laquelle s’est traduite par un budget plus confortable après le triomphe de la première année. L’univers de Gilead s’étend donc, notamment du côté des Colonies qui donnent un aperçu terrifiant de ce qu’est devenue l’Amérique dans ce monde aride et déshumanisé.

Plus de décors, plus de monde, plus d’action, plus de spectacle (voir la scène de l’explosion) : la série assure le service. Qu’elle soit passée de 10 à 13 épisodes, et continue à soigner sa mise en scène ultra-léchée, le confirme.

 

Photo Elisabeth MossDu sang et des armes

 

A ce propos, ceux qui avaient été plus excédés que séduits par la mise en scène ne seront pas calmés avec cette saison 2. Ralentis sur les personnages, musique pour habiller une scène, raie de lumière mis en avant par les cadrages, gros plans sur les visages étirés, travail sur la profondeur de champ : la série pourra encore donner l’impression de trop se regarder filmer, de se complaire dans son style.

C’est pourtant une part de son identité, qui a permis à The Handmaid’s Tale de créer un monde si étrange, à la fois si proche et si lointain, qui renvoie autant au passé qu’au futur. Hormis quelques déraillements et deux ou trois utilisations affreuses de musiques, qui vont de pair avec de curieuses références lourdes à la pop-culture, la série maintient un superbe cap en terme de direction artistique. La saison 2 regorge de plans magnifiques, de visions folles (notamment les Colonies et ce qu’elles évoquent), et de scènes fabuleuses.

 

photo Une scène-choc de la saison 2

 

Reste que derrière la façade, The Handmaid’s Tale a du mal à véritablement renverser le statu quo des protagonistes. L’attentat blessera simplement Waterford. June sera simplement ramenée à Gilead, excusée par un mensonge. Lorsqu’un nouveau commissaire s’intéresse à son cas, et que l’intrigue semble enfin adresser ce léger souci qui laisse l’héroïne sereine dans cette société si hostile, il sera vite évacué par une pirouette. Même chose pour Emily et Janine, trop protégées.

La série ménage trop ses personnages principaux pour son propre bien. C’est peut-être pour cette raison qu’Eden, nouveau personnage de la saison incarné par Sydney Sweeney (vue dans Sharp Objects et bientôt dans Under the Silver Lake), est punie si vite et violemment : vu la trop grande protection accordée aux héroïnes, il était nécessaire de rappeler que Gilead est censé être un monde impitoyable.

 

photo, Elisabeth Moss, The Handmaid’s Tale Le deuil à Gilead

 

HANDMAID’S REBEL

La saison 2 trouve un souffle dans sa dernière ligne droite, avec une annonce claire pour la suite : le temps de la révolte est arrivé. Il aura fallu que June voit une nouvelle porte de sortie, après sa tentative avortée en début de saison, pour qu’elle décide en son âme et conscience de se battre. Il lui aura fallu voir la lumière au bout du tunnel pour décider de le faire exploser.

Et c’est moins cette sortie que le chemin qui l’y a menée, qui a un sens. Aidée par Serena, par des Martha organisées en réseau, par des inconnus, June comprend que quelque chose la dépasse, et que le soulèvement est en marche. Ce souffle presque épique dans le dernier épisode, en plus d’être très beau, annonce une troisième saison très différente.

Ne reste plus qu’à espérer que The Handmaid’s Tale saura éviter son plus grand ennemi désormais : la raçon de la gloire, qui pourrait pousser Hulu à rallonger à outrance l’histoire.

 

photo, Elisabeth Moss, The Handmaid’s Tale Les vannes sont ouvertes : la guerre se rapproche

 

Pour quiconque a apprécié la saison 1, la saison 2 de The Handmaid’s Tale sera une réussite à peu près équivalente. L’effet de surprise et le choc de la découverte passés, la série continue à imposer son univers, à creuser certains personnages passionnants, et à adresser des sujets majeurs (« We believe the women » dit le Canada à Gilead).

Et si la série n’a pas surmonté certains de ses défauts, principalement du côté de la narration et la gestion des sous-intrigues, elle reste l’une des choses les plus intéressantes et intelligentes au rayon série en 2018. Prions donc pour que Hulu lui permette de ne pas partir à la dérive et l’empêche de s’user, cette deuxième saison extrapolant déjà bien au-delà du livre de Margaret Atwood, et la troisième saison s’annonçant comme un éventuel point final.

The Handmaid’s Tale a été diffusée en France sur OCS Max. La saison 2 est disponible en replay jusqu’au 25  avril 2019.

 

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Rédacteurs :
Tout savoir sur The Handmaid’s Tale - saison 2
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ocani

Oh bah dis, je suis d’accord avec votre point de vue !
Oui, la série est passionnant, traumatisante.
Elle est extrêmement léchée et ça participe à notre immersion dans ce monde. Ces musiques pop, certes surprenantes, nous ramène aussi à ce monde qui est contemporain, comme un écho du canada.
Pour moi, et « j’en bouffe » de la série !, c’est une des toutes meilleures que j’ai vu.
Pour provoquer des réactions outrées, et parce que je le pense, elle est rentrée dans mon top 5 au même titre que The Wire, Soprano, The Knick (et merci à EF pour le conseil), Carnivale (oui j’ai adoré aussi). Vivement le suite…

stivostine

intéressant mais trop de longueurs

Mskin

Rien que l’incroyable puissance de la premiere scene de cette saison …

Cinéphile

entièrement d’accord avec votre très bonne analyse de cette excellente série !

Geoffrey Crété

@ocani

Ravi de lire qu’on se comprend !
Et que The Knick vous a conquis ! 😉

@Mskin

Oh oui… Je l’avais plus mis en avant dans la critique des deux premiers épisodes, mais entièrement d’accord.

@Cinéphile

Merci !