B.R.I : critique qui casse pas des B.R.I.ques sur Canal+

Lino Cassinat | 24 avril 2023
Lino Cassinat | 24 avril 2023

Dernière création originale Canal+ dans le monde de la police, B.R.I de Jérémie Guez et Erwan Augoyard a tout du produit typique des polars de la chaîne : une volonté d'aller vers de l'action nerveuse, et des personnages de durs cabossés, mais héroïques. De la bagarre, des dialogues percutants, un casting absolument impeccable composé de Sofian KhammesOphélie BauThéo ChristineRabah Naït Oufella et Waël Sersoub. Des gros flingues qui font pan pan et des grosses voitures qui font vroum vroum. Manquait plus qu'une histoire.

gucci gang

Il paraît selon l'expression anglaise qu'il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Pourtant, après huit heures de B.R.I., le moins qu'on puisse dire c'est que toute la substance de la série est résumée dans son titre. L'illusion tient momentanément pendant un épisode et peut s'appuyer sur d'excellents personnages, mais, comme son nom l'indique, B.R.I. ne raconte rien de plus que la B.R.I., soit une enquête de l'antigang au long cours, avec un soupçon de romanesque, de rebondissements, de trahisons et de drames personnels. Non pas que le concept soit critiquable en soi, mais il manque clairement ici d'implication artistique. D'un point de vue d'auteur en somme.

 

B.R.I : photo"Les anti-terroristes remportent la victoire"

 

Alors oui, on nous parle bien d'une guerre de gang qui menace d'embraser la capitale, de trafiquants de drogue, de douaniers pourris, de magistrats manipulateurs. Il y a bien un univers de fiction en place, et il a même le mérite d'être structuré, et solidement en plus. Mais B.R.I. ne va pour ainsi dire nulle part, faute de s'être posé la question de ce que son histoire veut dire. On pourrait croire que l'on pinaille sur de la théorie narrative comme de grosses têtes, mais l'effet le plus délétère est en premier lieu formel.

À cause de la neutralité de sa substance, B.R.I. se regarde comme un gros procédural bien foutu, assez friqué et complètement oubliable. Un peu comme si on avait adapté NCIS : Enquêtes spéciales ou Les Experts en mini-série et qu'on avait rempli le vide avec de la grosse action bourrine. D'où une sensation de lassitude et de répétition au cours des 8 x 52 min qui composent B.R.I.. Certes, on se raccroche aux branchages comme on peut dans les détours plus intimes du récit, la vie privée de nos flics torturés recelant finalement plus de puissance dramatique que la guéguerre entre les porte-flingues en survet' et les porte-flingues en uniforme.

 

B.R.I : photoPas toujours facile de faire la différence entre policiers et gangsters

 

enquête en immersion

Ce n'est pourtant pas faute d'essayer de nous attraper par les sentiments. Que ce soit le Bataclan massacré ou Kim Kardashian volée, B.R.I. ne se prive d'aucun renvoi au réel, presque comme si cela suffirait à créer de l'affect. Malheureusement, à peine intégré au reste de l'intrigue, ce pan-là du réalisme de la série donne plus une impression de lourdeur qu'autre chose, comme des clins d'œil appuyés, au mieux de nature humoristique et au pire, de nature traumatique.

 

B.R.I : photo, Théo ChristineSe laver les yeux

 

En revanche, c'est du côté de la reconstitution que B.R.I. s'avère bluffante à tous les niveaux, tant par son travail technique qu'artistique. Soulignons-le plutôt deux fois qu'une : les personnages de cette série ont été très bien conçus avec ce qu'il faut de complexité psychologique pour chacun d'entre eux et ce qu'il faut de temps nécessaire à leurs développements pour s'épanouir pleinement. Mieux encore, à l'intérieur de cette bulle, le talent d'écriture des dialogues, et surtout le talent d'interprétation des acteurs, principaux comme secondaires, est époustouflant, saisissant de naturel.

Rarement aura-t-on vu des acteurs français jouer aussi bien, aussi à l'aise dans des rôles "à l'américaine" (comprendre, exigeant une énorme implication dans l'imitation du réel et dans l'implication physique). Les répliques, les fusillades, les insultes, les courses-poursuites... bref, on y croirait tant le dispositif technique est de bonne tenue. De ce point de vue là, B.R.I. n'a pas à rougir face à un artisan reconnu comme Cédric Jimenez (quoiqu'on pense du fond de ses œuvres) ou face aux bonnes pages de Olivier Marchal, quand il était encore capable de sortir Braquo ou 36 quai des Orfèvres. L'immersion est grisante.

 

B.R.I : photo Si aucun de ces cinq-là ne fait carrière, on hurlera à l'injustice

 

CALL OF THE B.R.I.

Dommage qu'elle ne soit au service de rien... ou plutôt, qu'elle ait l'air de n'être au service de rien. Car si B.R.I. ne s'encombre pas d'essayer d'avoir ne serait-ce qu'un début de concept, c'est parce que son objectif semble moins de raconter un récit que de perpétuer du mythe grâce à ses accents presque documentaires.

Celui d'une police exemplaire, même dans ses excès et ses interprétations tortueuses de la légalité des moyens. B.R.I. n'est évidemment pas l'excellente Antidisturbios, mais n'essaye même pas non plus de tendre vers la complexité morale de The Wire. On nous le répète à l'envi : la B.R.I., ce sont des gentils. La brigade est irréprochable. Pas comme les stups "qui font des trucs bizarres" par exemple.

 

B.R.I : photoLe "justicier" masqué, dans la vraie vie

 

Disons-le sans détour : in fine, il n'y a que des héros dans B.R.I.. Et même lorsqu'ils fautent ou dérapent, c'est par pur sens du devoir. Plutôt que de décortiquer, interroger, B.R.I. donne l'absolution et le Bon Dieu sans confession. Il appartiendra à tout un chacun d'apprécier ou pas ce parti pris en fonction de ses convictions personnelles, mais admettons qu'a minima, cela ne peut que renforcer la sensation globale que B.R.I. fait du surplace pendant huit heures. On ne peut tout de même également que légitimement se poser la question d'un profond déphasage de la série avec son époque, travaillée par la remise en cause de l'institution de la police et de ses fondements essentiellement violents.

Là encore, tout le monde ne sera pas nécessairement dérangé par cela, et le public à la recherche de divertissement pur n'en tiendra très certainement pas rigueur à B.R.I.. Mais, on ne peut s'empêcher d'être hanté par le sentiment qu'il se trame quelque chose de pas net dans ce que la série relate, ou tait. Et soudain, les images du générique de B.R.I. reviennent en mémoire. Dans un moment de confusion entre réel et fiction, on y voit les visages du casting principal (acteurs ? personnages ?) s'entraîner sur fond de musique badass. Comme tout générique réussi, on se dit qu'il raconte parfaitement l'essence de B.R.I., et on se demande si on ne vient pas de se faire avoir par le meilleur spot de recrutement du monde.

La saison 1 de B.R.I. est diffusée à partir du 24 avril 2023 sur MyCanal et Canal+ en France

 

B.R.I : Affiche française

Résumé

Techniquement impeccable, portée par un casting à la pointe de son art, B.R.I. n'en est pas moins une série bien plus sournoise qu'elle ne voudrait le faire croire. À voir seulement si vous voulez apprendre à aimer la police.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.0)

Votre note ?

commentaires
Power Trip
12/06/2023 à 02:41

J'ai vu il y a quelques semaines de cela cette série et je pensais ne pas venir contribuer ici mais je me suis ravisé en me disant : "tiens et si je me refaisais l'intégrale de Braquo et voir si la série était aussi bien que dans mes souvenirs ?"
La réponse est oui.
Après ce petit préambule, je ne peux que constater que BRI est 10, 100, 1000 fois moins qualitative que son aînée, Braquo. Rien que le 1er épisode a bien plus d'action que dans toute cette première (et j'espère la seule et unique) saison de BRI. Alors oui, la richesse et l'ingéniosité de Braquo résidait dans le fait qu'elle a été écrite par un ancien flic de haut rang (il travailla au sein de la PJ et des RG) permet que Braquo est convaincante et jubilatoire, ce que BRI n'arrive pas à la cheville. Ce qui m'a beaucoup interpelé dans BRI c'est le manque clairement de moyen mis à disposition dans l'unité sensée être d'élite : comment peut on accorder la moindre crédibilité quand on voit lors des filoches qu'ils prennent des photos avec un vieil iPhone 2 (on peut observer le verso métallisé avec la bande noire) et ensuite impriment la photo de leur cible, avec une qualité ultra pixelisée ? Le ministère de l'intérieur n'a pas d'argent pour leur mettre à disposition un petit EOS performant ? Je pinaille certes mais ce sont les détails qui renforcent la crédibilité... Ou encore les filoches en voiture ou ils sont quasiment au train de leurs cibles et ils (les criminels) ne s'en rendent pas compte (sauf dans le climax final) ? Et quand ils sont en train d'épier leurs cibles près d'un pont, qu'ils sont à même pas 100 mètres de leurs cibles, donc à découvert donc qui ne prennent même pas la peine de se planquer... Les criminels ne les voient pas ? Encore une fois, les détails..
Je ne parle même pas des insinuations puantes d'homosexualité latente d'un des flics (interprété par Waël Sersoub), on est dans les années 90 ?
Mais ce que je retiendrai de cette série c'est surtout l'islamophobie du récit, qui inconsciemment renforce la haine des spectateurs qui ne sauraient pas faire la différence entre la réalité et la fiction. Cela me fait penser quand les États-Unis pendant plus de 20 ans se servaient des Russes pour faire passer leurs messages de propagande anti-communiste : Les Russes sont tous des vilains terroristes près à tout pour mettre le pays à feu et à sang. Et on se retrouve encore dans ce cliché et stéréotype.
Pourquoi n'a-t-on pas juste des criminels à la Mesrine sans pour autant devoir résumer un criminel à sa religion ? Et puis c'est quoi ce soit-disant djihadiste tchétchène, qui a prêté allégeance, qui a fait la guerre, et devient un indic sans raison ? Je m'explique : suis-je le seul à trouver ça aberrant quand dans le récit, il est clairement mentionné que le tchétchène reconnaît que Said a été le pire tortionnaire en Syrie et qu'il le reconnaît ? Et après on veut nous faire croire que c'est normal dans le récit ? Non, ce n'est pas un "hasard", c'est une grosse faute d'écriture et ça ne tient pas debout.
Pour finir, je tiens à noter que la prestation de Vincent Elbaz est pitoyable, la façon dont il a été dirigé est catastrophique :
Accent lamentable, il parle entre ses dents, et il n'est absolument pas convaincant. Quand on le voit dans le film "Le jeu" ou encore "La vérité si je mens", on ne peut pas croire qu'il soit naturellement mauvais.
Je pense vraiment que BRI aurait pu être bien si les auteurs avaient mieux travaillé leur sujet sans devoir tomber dans des travers qui stigmatisent et dans la facilité des "musulmans sont le péril de la nation ils sont forcément mauvais, tous des terroristes, et il faut s'en débarrasser".
Série mauvaise, fond puant et manques d'ambitions scénaristiques et filmiques, voilà comment je résumerai la série.

leonard
27/05/2023 à 15:51

FUSILLADE IMPOSSIBLE AU PEAGE D AUTOROUTE TROP DANGEREUX

Chris11
18/05/2023 à 18:23

Globalement d'accord avec la critique : la série est très bien faite, les acteurs sont excellents, mais ça ne raconte pas grand chose et au final, je n'ai pas vraiment réussi à suivre qui fait quoi et qui va où. Du bon fond sonore/visuel sans grand intérêt.
Sinon, que EL soit très typé à gauche n'est pas une surprise, et ça ne me dérange pas, tant que c'est assumé.

Nicmo62
08/05/2023 à 21:49

Pour info Orléans ne se trouve pas dans le 77. (Épisode 5)

Fafane11
28/04/2023 à 23:28

Braquo, Engrenages etc... Des bonnes séries avec des flics cabossé par la vie , et , au choix, ripoux, alcooliques, dépressifs, sociopathes...
Et voilà une série qui tend à proposer l'inverse.
Insupportable pour certains visiblement.

Blop69
27/04/2023 à 13:03

Triste de lire beaucoup de commentaires de bas du front (national)...

John j
25/04/2023 à 16:37

Si voulez à apprendre à aimer la police.... Le Che Guevara de la critique derrière cette petite phrase de bobo gauche caviar fera appel à la police et pleurnichera si on " Kevin" ( le prénom a été changé) lui vole son dernier iphone

Miami81
25/04/2023 à 13:52

Je pense que c'est la dernière ligne de la critique qui blesse "si vous voulez apprendre à aimer la police". Elle se voulait probablement drôle, au final, elle est plus blessante qu'autre chose.

Miami81
25/04/2023 à 13:49

Oui bah en gros, c'est la série SWAT à la française. Je comprends la frustration de l'auteur de la critique, mais bon, ça fait aussi de bien de sortir du style déprimant d'Olivier Marshal. Toutes les oeuvres n'ont pas pour obligation de montrer à mon sens que rien ne vas dans la police, même si probablement c'est la réalité. On reste aussi sur une oeuvre de fiction.
Le côté édulcoré de la série Swat est évident, mais son but n'est pas de montrer la réalité de la situation, mais divertir le spectateur. A moins qu'une série ne soit officiellement dans les textes et définitivement plus un divertissement mais une télé réalité.
Je ne critique pas l'auteur de ces lignes, qui je pense est objectif, d'ailleurs, il donne beaucoup de points positifs à la série, ce serait pas contre cool de parfois considérer qu'une série, notamment celles portant sur la police ou l'armée peut aussi être un simple divertissement et pas nécessairement montrer les bas fonds de la société. A bon entendeur

Guéguette
25/04/2023 à 13:41

Critique étrange.
On voit clairement que le fameux Patrick trempait dans des combines un peu louches...
Je n'ai pas aimé mais oui c'est de meilleur standing que ce que je pensais, surtout au niveau du jeu.

Plus
votre commentaire