Locke & Key saison 3 : critique qui met la clé sous la porte sur Netflix

FALLIN'

D'année en année, Locke & Key a sombré jusqu'à toucher le fondn et ce qui représentait au départ une jolie promesse s'est finalement avéré une autre déception du catalogue de Netflix.

L'adaptation de Meredith Averill, Aron Eli Coleite et Carlton Cuse, à défaut d'avoir la noirceur, la violence et l'esthétique gothique des comics Locke & Key dont elle est tirée, proposait une première saison relativement correcte entre fantaisie, drame familial et comédie adolescente et avait profité du fait que le monde soit confiné peu de temps après sa sortie.

La deuxième saison de Locke & Key, tournée et annoncée dans la foulée, se rapprochait de son matériau d'origine à travers quelques accents horrifiques et des scènes plutôt touchantes avec la famille Locke. Néanmoins, les sous-intrigues soporifiques et le rythme effréné du récit ont fini par oblitérer la magie et le charme de la série.

Pas si magique que ça

À la faveur d'un énième cliffhanger, le dernier épisode introduisait une nouvelle menace et redéfinissait encore une fois les enjeux et les personnages, en prenant toujours plus de liberté : Dodge (Laysla De Oliveira) était vaincue, Nina (Darby Stanchfield) et Duncan (Aaron Ashmore) récupéraient leurs souvenirs magiques grâce à une clé. De son côté, Tyler (Connor Jessup) choisissait d'oublier les siens après la mort de sa petite-amie Jackie (Genevieve Kang) et Eden (Hallea Jones) disparaissait en libérant Frederick Gideon (Kevin Durand), un capitaine britannique de la Guerre d'Indépendance possédé par un démon.

Après la fin du chapitre consacré à Dodge et la Porte Noire, Locke & Key aurait pu se renouveler, peaufiner sa conclusion et consacrer du temps aux membres de la famille Locke et aux autres personnages avant de clore leur histoire. Au lieu de ça, la série se contente de reprendre les mêmes éléments que les deux saisons précédentes afin d'organiser un nouvel affrontement entre Tyler, Kinsey (Emilia Jones) et Bode (Jackson Robert Scott) face à un autre méchant qui veut utiliser les clés pour ouvrir un portail vers le monde démoniaque.

Des clés pour les gouverner tous, et dans les ténèbres, les lier

Au-delà du manque d'imagination, cette troisième saison ne compte que huit épisodes (contrairement aux dix habituels) et certains d'entre eux durent à peine plus d'une demi-heure, générique inclus. De fait, le rythme déjà délirant des précédentes saisons est encore plus expéditif et la série ne fait donc que survoler ses concepts, son histoire ou les thèmes qu'elle tente d'aborder entre deux intrigues inutiles.

Ayant déjà largement pioché dans les derniers volumes de la bande dessinée et la mythologie de la famille Locke dans la saison 2, le scénario récupère donc ce qu'il reste de la bande dessinée pour le modifier et l'intégrer à son récit, mais sans essayer de faire preuve d'originalité, de respect ou de cohérence, que ce soit pour l'oeuvre originale ou son univers fantastique.

Une boule à neige moins anodine qu'il n'y paraît 

MASTER OF PUPPETS

Sans perdre une seconde, Locke & Key enchaîne aussitôt en dévoilant de nouvelles clés, de nouveaux ennemis et de nouvelles possibilités narratives et visuelles, qui ne sont finalement jamais exploitées. Tant bien que mal, la série comble ses lacunes en s'appuyant sur son esthétique plaisante et son trio de personnages toujours aussi attachant, mais ne fait décidément plus aucun effort pour tenter de raconter une histoire captivante ou seulement convaincante. Comme si la créativité s'était évanouie en même temps que les souvenirs de Tyler à la fin de la dernière saison.

Quelques rares bonnes idées d'écriture et de mise en scène traversent malgré tout la médiocrité de cette troisième saison : le huis clos de l'épisode 5, qui rappelle étrangement l'épisode 3 de la deuxième saison avec la Clé miniature, ou la pièce de théâtre à laquelle assistent Tyler, Kinsey et Bode dans la tête d'un des personnages en utilisant la Clé de Tête. Mais, faute de budget, d'ambition et de temps, la série ne peut jamais explorer la moindre piste et déroule mécaniquement son récit en usant de toutes les facilités.

Derrière le rideau

Ainsi, les personnages, leurs traumatismes, leur développement et tout ce qui représentait le coeur émotionnel de la série et des comics se retrouvent sacrifiés pour laisser place à une banale confrontation entre la famille Locke et Gideon, antagoniste ridicule qui n'a apparemment pas d'autre motivation que d'être méchant et sanguinaire.

Nina, qui se souvient désormais du pouvoir des clés, n'est plus mise à l'écart et occupe un rôle plus important aux côtés de ses enfants, mais doit toujours se coltiner une romance niaiseuse avec l'insignifiant Josh Bennett (Brendan Hines) et reste encore caractérisée comme une ancienne alcoolique.

Si Kinsey a gagné en maturité et prend naturellement la place de son grand frère en son absence, l'adolescente a néanmoins perdu la fragilité qu'elle camouflait derrière son caractère rebelle et s'est visiblement découvert une passion pour le chant, en plus du cinéma d'horreur (probablement pour rentabiliser l'expérience d'Emilia Jones sur CODA). Après les morts de Gabe et Eden et le départ du gentil Scot (Petrice Jones) à la fin de la saison 2, son groupe d'amis réalisateurs en herbe est encore plus inexistant qu'avant et n'apparaît que pour faire de la figuration.

Kinsey et les autres

Sans surprise, Tyler finit par rejoindre sa famille quand la situation l'exige et sa manière de faire le deuil de Jackie n'est jamais traitée. À la place, le personnage s'interroge sur ses souvenirs confus et doute de sa famille dans une intrigue frustrante qui s'étale et ruine la belle métaphore de la saison dernière avec la perte de mémoire des adultes et certaines maladies dégénératives.

En reprenant un élément des comics, la série révèle une autre facette du jeune Bode, que Jackson Robert Scott prend un malin plaisir à interpréter. Seulement, sa crise d'adolescence, son amitié avec Rufus Whedon (Coby Bird) ou sa relation avec la fille de Josh, Jamie (Liyou Abere), ne parviennent pas à trouver leur place au sein d'un récit déjà surchargé, tout comme Elie Whedon (Sherri Saum), les deux sbires de Gideon ou tous les autres personnages secondaires et oubliés.

Jeux d'enfants

THE MAGIC KEY

Locke & Key a toujours été imparfaite et cette troisième saison l'illustre encore un peu plus. Au final, la tension que le scénario essaie d'installer au long des huit épisodes n'aboutit qu'à un combat nul et bref entre les gentils et les méchants. Et même si les créateurs ont déclaré qu'ils avaient toujours prévu de ne faire que trois saisons, le résultat donne l'impression d'un immense gâchis improvisé pour combler les fans du mieux possible.

Cependant, une fois que la poussière retombe et qu'elle prépare son adieu annoncé dans le titre du dernier épisode, la série trouve enfin le temps de se poser avec ses personnages et se rappelle soudainement que son histoire de clés magiques et de démons sert d'abord à parler de la famille, du deuil, de la fin de l'enfance, du passage à l'âge adulte et du poids des responsabilités. Contre toute attente, l'émotion qui faisait cruellement défaut durant le reste de la saison explose alors dans les vingt dernières minutes, aussi simples que bouleversantes.

Une histoire comme Dominic Toretto les aime : en famille

Alors que les membres de la famille Locke se réunissent pour un dernier tour de magie, un pincement au coeur se fait ressentir à l'idée de ne plus voir ces personnages et de ne plus suivre leurs aventures, aussi rébarbatives et génériques soient-elles. Certes, la conclusion est aussi bâclée que le reste et ne peut qu'espérer se rapprocher de la beauté et la perfection de celle des comics, mais elle dégage toutefois une touchante et trop rare sincérité.

Lorsque Tyler déclare qu'il est temps pour eux de "rendre les clés" et qu'elles ne leur ont "jamais appartenu" originellement, ces mots prennent quasiment une dimension méta. Comme s'ils n'étaient pas prononcés par le personnage, mais par l'acteur, et que le casting et les créateurs étaient conscients qu'ils seraient obligés de les redonner à Joe Hill et Gabriel Rodriguez à un moment ou un autre.

Quand tu veux te protéger des critiques

Dans un élan nostalgique de fan-service, certains visages refont une apparition et chaque personnage a le droit à sa scène de conclusion poignante, y compris ceux qui ont été négligés ou abandonnés dans les autres épisodes. Une fin étonnante et pleine de bons sentiments, qui laissera peut-être un joli souvenir à celles et ceux qui repenseront à Locke & Key, mais qui n'excuse pas pour autant les maladresses de narration, les erreurs d'adaptation ou l'échec que représente cette troisième saison dans son ensemble.

Les trois saisons de Locke & Key sont disponibles en intégralité sur Netflix depuis le 10 août 2022