DC Infinite Frontier : critique d'une nouvelle ère

Arnold Petit | 25 janvier 2022 - MAJ : 25/01/2022 23:28
Arnold Petit | 25 janvier 2022 - MAJ : 25/01/2022 23:28

Après les délires de Scott Snyder dans Batman : Death Metal et la parenthèse futuriste présentée dans Future State, l'univers de DC entame un nouveau chapitre. Disponible en France depuis le 21 janvier chez Urban Comics, DC Infinite Frontier marque le début d'une nouvelle ère éditoriale et d'une histoire qui ne propose peut-être rien de nouveau, mais qui le fait étonnamment bien.

VERS L'INFINI, ET AU-DELÀ

Comme le rappelle l'édito d'Urban Comics en préambule, depuis Crisis on Infinite Earths, récit fondateur publié entre 1985 et 1986 qui a résolu certains problèmes de temporalité en réunissant tous les héros sur une seule Terre, DC a régulièrement eu recours à différentes "crises" pour réinventer son univers selon ses désirs et ses choix éditoriaux.

Après Rebirth, lancée en 2016 avec DC Univers Rebirth et marquée par deux événements majeurs dans Doomsday Clock et Batman : Death Metal, puis Future State, qui montrait à quoi pourrait ressembler l'avenir de DC, vient désormais Infinite Frontier.

 

DC Infinite Frontier : photoDiana au Pays des Merveilles

 

Cependant, plutôt que relancer tous ses titres comme lors des précédentes crises, l'éditeur a choisi d'abandonner sa sacro-sainte continuité en installant ses héros au sein d'un multivers de multivers (appelé Omnivers), certains se trouvant dans le "présent" et d'autres dans le futur qu'introduisait Future State. Une décision qui, en théorie, accorderait une liberté presque totale aux auteurs et aux artistes et ouvrirait encore un peu plus le champ des possibles. Et c'est exactement ce que DC Infinite Frontier vend dans ses premières pages.

Comme dans DC Univers Rebirth, le premier chapitre (ou numéro zéro) sert de transition et pose le contexte en présentant les personnages et les prochains titres de DC les uns après les autres. Une introduction qui n'est rien d'autre qu'une vitrine promotionnelle creuse et opportuniste, dont la plupart des passages semblent carrément rédigés par l'éditeur lui-même tant ils sont pauvres, dénués d'identité et uniquement destinés à vanter les mérites de ce nouveau changement.

 

DC Infinite Frontier : photoLes dessins de Jorge Jimenez sur Batman continuent de faire leur petit effet quand même

 

Batman bénéficie d'un meilleur segment que les autres, avec des morts violentes, des scènes marquantes à l'asile d'Arkham et la révélation de l'identité de celui qui fera régner la terreur à Gotham dans le futur de Future State, mais les différents récits s'enchaînent comme dans un catalogue, sans aucun rapport avec l'intrigue développée ensuite.

Et si certains comme Wonder Girl ou Green Arrow profitent du trait de Joëlle Jones, d'Alex Maleev ou d'un autre artiste de talent pour compenser le fait qu'ils ne racontent rien d'un petit peu intéressant, ce début donne clairement l'impression que l'éditeur ne sait plus quoi faire à part répéter inlassablement la même histoire, encore et encore.

Puis, quand Darkseid apparaît sous une forme inédite sur une nouvelle planète baptisée Terre-Oméga et reprend légitimement sa place de super-vilain ultime dans les planches dessinées par John Romita Jr. et Klaus Jenson, les intentions du scénario de Joshua Williamson commencent à se dévoiler et la consternation laisse progressivement place à un espoir, celui de retrouver un univers de DC plus simple, plus clair, digne de ce nom.

 

DC Infinite Frontier : photoAllez, tout le monde se met en place pour la photo de promo

 

VOUS N'AVEZ PAS LES BASES

Cette limpidité et cette volonté d'apporter de la cohérence se ressentent dès que l'intrigue principale est lancée : Perpetua et le Batman qui Rit ont été vaincus, les précédentes crises ont été effacées et l'humanité a appris l'existence des Terres parallèles. Alors que certains personnages sont toujours portés disparus, d'autres réapparaissent inexplicablement, parfois dans des réalités auxquelles ils ne devraient pas appartenir.

Pendant qu'Alan Scott (le premier Green Lantern) part à la recherche de ses anciens alliés de la Justice Society of America avec ses enfants, Calvin Ellis (le Superman de Terre-23) enquête avec Barry Allen pour découvrir les mystères et les secrets que renferme ce tout nouvel omnivers.

 

DC Infinite Frontier : photoPrécédemment, dans l'univers de DC...

 

Contrairement à ce qu'il laissait présager, DC Infinite Frontier n'est pas comme les autres crises de grande envergure que propose DC depuis plusieurs années et se veut plus modeste. Loin des métalleries de Scott Snyder, Joshua Williamson revient à un récit classique, linéaire, qui pourrait presque être considéré comme la suite spirituelle de Multiversity.

De la même façon que Grant Morrisson avait élaboré la carte des 52 univers existants à l'époque, le scénariste fait la synthèse de toutes les précédentes crises en les reliant entre elles dans un scénario qui exploite intelligemment ses personnages, leurs différentes versions et la mythologie de DC, en s'appuyant sur tout un tas de connaissances issues d'autres comics.

En quelques pages seulement, Crisis on Infinite Earths, Flashpoint, Brightest Day, Kingdom ComeBatman : Death Metal et la plupart des moments majeurs de l'histoire de DC sont invoqués ; des concepts comme le Shazadam ou le Multivers Noir sont présentés comme des faits établis et une rafraîchissante familiarité se dégage au fil de la lecture.

 

DC Infinite Frontier : photoLe retour des héros

 

À l'inverse des autres crises et crossovers, les personnages principaux ne sont pas Batman, Superman, Wonder Woman, mais des personnages perdus ou oubliés comme Roy Harper, l'ancien acolyte de Green Arrow revenu d'entre les morts, Cameron Chase et le directeur Bones du D.E.U.S. (Département des Événements Ultra-Spéciaux) ou encore Jade et Obsidian, les enfants d'Alan Scott.

Des héros de différentes époques, victimes directes ou collatérales des précédentes crises, qui ont tous vu une partie de leur vie être volée ou purement et simplement effacée et qui doivent tenter de trouver leur place dans un omnivers que tout le monde découvre à peine.

 DC Infinite Frontier : photoVoir un univers dans un grain de sable

 

En apprenant que d'autres versions d'eux puissent exister, les citoyens ont différentes réactions, qui vont de l'excitation à la panique. Le fait que la population connaisse l'existence du multivers n'a finalement que peu d'intérêt et n'est traité qu'à travers la reprise des codes des réseaux sociaux dans certaines pages ou au détour d'une analogie avec les théories complotistes, mais permet tout de même d'adopter un point de vue à hauteur d'homme et d'avoir une approche encore plus globale de ce nouvel univers.

 

DC Infinite Frontier : photoRéunion de famille

 

la saga de l'infini

Afin de rendre DC Infinite Frontier plus accessible, une série d'histoires courtes appelées Secret Files viennent rappeler le passé de plusieurs personnages principaux. Un résumé sans doute utile pour les nouveaux lecteurs et ceux qui n'auraient pas suivi tous les événements de la chronologie de l'univers de DC, mais insuffisant pour avoir toutes les clés de compréhension.

La générosité de Williamson et ses ambitions font que le récit devient rapidement dense et le rythme reste soutenu jusqu'au bout, avec de la tension, de l'humour et des rebondissements efficaces, mais l'histoire reste constamment focalisée sur ses personnages, leurs quêtes et les conséquences des crises sur leur existence.

Certains d'entre eux comme Obsidian, Roy Harper ou une version bien connue de Batman se montrent alors sous un nouveau jour, plus humain, en dévoilant leur fragilité, leur inquiétude ou leur noirceur.

 

DC Infinite Frontier : photoQuand le Psycho-Pirate brise le quatrième mur

 

Le trait détaillé de Xermanico correspond parfaitement à l'écriture rétro de Williamson et s'inscrit lui aussi dans un certain classicisme auquel il donne quelques touches de modernité. Avec son découpage inventif, lisible, qui ne sacrifie jamais l'action ou l'émotion, le dessinateur fait preuve d'équilibre entre les différents personnages issus de plusieurs périodes et reprend brillamment des cases et des styles propres à chaque décennie de l'histoire des comics pour compléter l'hommage.

Même si les planches de Paul Pelletier, Jesús Merino, Tom Derenick et d'autres artistes sont de qualité et ne jurent pas avec le reste, aucun ne se montre à la hauteur du travail de Xermanico sur les premiers et derniers chapitres et il est dommage que le dessinateur espagnol n'accompagne Joshua Williamson sur toute la longueur.

 

DC Infinite Frontier : photoVoyage à travers le temps

 

À l'approche du dénouement, le scénariste cède quand même à la facilité et à la niaiserie pour réunir ses intrigues et boucler son histoire en respectant le cahier des charges qu'on lui a imposé. Un ou deux chapitres n'auraient pas été de trop pour pouvoir mieux aborder la fin et développer encore un peu plus les relations entre les héros.

Néanmoins, les dernières pages confirment bien que DC Infinite Frontier n'est que le premier acte d'une trilogie déjà annoncée, qui se poursuivra avec un nouveau titre dont la publication vient juste de démarrer aux États-Unis, Justice League Incarnate, toujours écrit par Joshua Williamson. Il ne reste plus qu'à attendre qu'il traverse l'Atlantique et espérer qu'il soit aussi plaisant.

Infinite Frontier est disponible depuis le 21 janvier chez Urban Comics.

 

DC Infinite Frontier : photo

Résumé

DC Infinite Frontier ne réinvente rien et ça fait beaucoup de bien. Passée une introduction racoleuse, Joshua Williamson redonne ses lettres de noblesse à l'univers de DC et à plusieurs personnages dans une histoire d'une rafraîchissante simplicité, mais qui n'en reste pas moins captivante et épique, même si elle aurait mérité d'être plus longue.

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commentaires
Fabrice
26/01/2022 à 13:11

Ce genre de comics sont à l'image de ce pays devenu d'une pauvreté neuronal et d'un vide abyssal...

SaitaMouss
26/01/2022 à 00:37

Un article au top.
Infinite Frontier m'a un peu laissé sur ma fain.
Mais ayant commencé àJustice League Incarnate en vo, je me suis rendu compte que c'était une sorte de mise en bouche assez énorme.
On ne s'en rend compte qu'après, et c'est fort appréciable

Luchaman
25/01/2022 à 21:46

après un riberth qui été pas mal ce DC frontier est vraiment une catastrophe surtout le traitement de superman avoir vieillies prématurément jon Kent été une erreur mais DC semble pas vouloir revenir sur cette mauvaise décision

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