Fortnite se prend une amende à un demi-milliard (pour avoir arnaqué ses joueurs)

Le gouvernement américain fait payer à Epic Games plus d’un demi-milliard de dollars pour avoir dupé ses utilisateurs, notamment via Fortnite.

Bien que la FTC (Federal Trade Commission) soit en ce moment très affairée à enquêter sur le rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft (notre feuilleton trépidant du moment), celle-ci garde toujours à l’œil le reste de l’industrie. On en tient pour preuve ses nouvelles sanctions envers le célèbre studio Epic Games, connu autrefois pour avoir développé les jeux Unreal et Gears of War. À présent, c’est surtout en tant que distributeur de jeux compétitifs extrêmement populaires comme Rocket League et bien évidemment Fortnite que la firme est plus célèbre.

Ce dernier jeu (qui, en 2018, rapportait des centaines de millions de dollars par mois à Epic Games) est par ailleurs réputé pour être une souricière particulièrement efficace pour les dépensiers compulsifs. Comme beaucoup de jeux gratuits, Fortnite incite énormément à l’achat de divers contenus cosmétiques et secondaires. Le titre d’Epic Games avait déjà fait polémique en 2019 (suite à une plainte déposée par un père en colère), car soupçonné d’utiliser l’addiction de ses joueurs pour faire du profit. Aujourd’hui, la FTC a décidé de sévir contre la compagnie qui édite le jeu, la condamnant pour pièges à utilisateurs et violation de la vie privée – notamment vis-à-vis d’enfants. 

Attention au vortex

Double peine 

L’amende est double et à la mesure de ce qui est reproché à Epic Games. La FTC a d'abord déclaré que le studio américain devrait payer 275 millions d’euros en raison d’une infraction grave à la COPPA (Children's Online Privacy Protection Rule). Il s'agit de la plus grosse somme jamais obtenue par la FTC pour une telle faute – et ce n’est pas pour rien. En effet, l’organisme américain de régulation du commerce a affirmé qu’Epic Games était parfaitement au courant qu’une partie importante de ses joueurs étaient des enfants (âgés de moins de treize ans) et ont malgré tout collecté des données privées sur ces utilisateurs, sans demander l’autorisation de leurs parents auparavant. 

De plus, des options potentiellement dangereuses pour les plus jeunes (le chat vocal activé par défaut, entre autres) auraient été reconnues comme des circonstances aggravantes du traitement du studio envers ses joueurs les plus vulnérables. Depuis 2017, certains employés d’Epic Games auraient déjà soulevé ces problèmes en interne, ce qui aurait été ignoré par la boîte. De fait, la FTC a décidé de punir en conséquence la négligence (voire la malveillance) du développeur tout en lui ordonnant de supprimer toutes les informations collectées sur les utilisateurs mineurs du jeu. 

Pas si héroïque

Dans un deuxième temps, le studio est aussi condamné à rembourser une somme totale de 245 millions de dollars (on est pas loin du budget d’un film Marvel comme Thor 4 par exemple) auprès des joueurs qu’ils auraient dupés de façon malhonnête. La FTC accuse donc le jeu Fortnite d'avoir une interface confuse, conçue volontairement pour pousser des utilisateurs à acheter du contenu sans le vouloir. La pression d’un simple bouton dans le jeu permettrait d’obtenir trop facilement certains objets ou skins contre de l’argent – chose qui serait arrivée trop souvent par maladresse.

De plus, l’achat de V-bucks (monnaie du jeu), depuis 2018, ne demanderait aucune autorisation du propriétaire de la carte bancaire utilisée sur le compte Epic Games. Ainsi, beaucoup d’enfants ou d’adolescents auraient dilapidé les économies de leurs parents sans le consentement de ceux-là. Voilà qui peut tout simplement être considérée comme de l’abus de faiblesse ou même de l’escroquerie. La FTC a dû, une fois de plus, ne pas simplement montrer les crocs et passer à l'action. Elle a ainsi ordonné que tous les comptes bancaires débités sans autorisation par Epic Games soient bloqués dans le jeu et ne puissent plus être utilisés sans qu’un consentement du propriétaire soit donné.

Malgré les amendes, le butin de Fortnite reste monstrueux

Autre temps, mêmes moeurs

De toute l’histoire de la FTC, il s’agit probablement là d’un des tacles à la gorge les plus brutaux assénés à une entreprise de cette taille : le préjudice n’étant clairement pas tolérable. Les pratiques fallacieuses d’Epic Games sont condamnables depuis 6 ans maintenant et elles n’ont cessé d’être de plus en plus fourbes au cours des dernières années, malgré les plaintes et les avertissements. Que les jeux du studio soient bons ou non n’est pas tant la question puisque c’est seulement le système de boutiques en ligne qui est ici mis en cause. 

Un système qui est d’ailleurs discutable dès le moment où les lootbox (boîtes d’items aléatoires) incarnent des substituts aux casinos, et qui visent des clients mineurs. Beaucoup de titres vidéoludiques gratuits usent et abusent de ces méthodes, jouant un peu trop dangereusement avec les risques d’addictions chez leurs utilisateurs. Ici, Epic Games a clairement franchi à grande enjambée la lisière de ce qui pouvait être encore accepté et se retrouve à en payer les frais pour l’exemple. Espérons que cela puisse faire jurisprudence dans l’industrie et force les grosses compagnies à être plus éthique (malgré eux) dans leur façon de pousser à la consommation.

En route pour payer l'amende

La FTC a donc frappé un bon coup dans la fourmilière et c’est tant mieux, même si la somme que doit reverser Epic Games (bien qu’énorme) n’est pas grand-chose face aux revenus titanesques que lui rapporte Fortnite, en comparaison. Cependant, le cours en bourse de la boîte pourrait prendre un coup dans l’aile du fait de ces sanctions, et inquiéter le géant chinois Tencent (son actionnaire le plus important).

À voir donc comme cela fera évoluer la stratégie de la firme et de ses concurrences sur le long terme. Même s'il faut être réaliste... à la fin, c’est toujours le casino qui gagne.