Martin Scorsese rend un hommage émouvant à Bertrand Tavernier, un cinéaste "incomparable"

Antoine Desrues | 29 mars 2021 - MAJ : 29/03/2021 11:13
Antoine Desrues | 29 mars 2021 - MAJ : 29/03/2021 11:13

Ami de longue date de Bertrand Tavernier, Martin Scorsese a tenu à rendre hommage au réalisateur de Coup de torchon, décédé le jeudi 25 mars 2021.

À l’annonce de son décès le jeudi 25 mars 2021, le réalisateur Bertrand Tavernier a laissé un vide dans le monde du cinéma. Critique passionné et cinéphile au savoir encyclopédique, son enthousiasme autour du septième art a clairement influencé d’autres de ses pairs, à l’instar de Quentin Tarantino, mais aussi (et surtout) Martin Scorsese.

En effet, le réalisateur des Affranchis était depuis longtemps l’ami de l’auteur de Coup de torchon. Leur attrait partagé pour l’histoire du cinéma et pour le patrimoine les a notamment amenés à mener le mouvement de réhabilitation de la filmographie de Michael Powell (Les Chaussons rouges demeure l’une des œuvres favorites du cinéaste américain).

L’Institut Lumière, dont Bertrand Tavernier a été le Président, a partagé un communiqué évoquant la tristesse de Martin Scorsese à l'annonce de la disparition de son ami. Touché par la nouvelle, l’artiste a tenu à lui rendre hommage dans une lettre émouvante sur Instagram, que Télérama a traduite et publiée. La voici dans son intégralité :

 

photo, Bertrand TavernierBertrand Tavernier dans l'indispensable Voyage à travers le cinéma français

 

“La première fois que j’ai rencontré Bertrand Tavernier, c’était au début des années 1970. Il était alors accompagné de son ami et ancien collaborateur Pierre Rissient. Ils avaient vu Mean Streets et le défendaient avec vigueur publiquement. Un soutien qui signifiait beaucoup de choses à mes yeux.

J’ai très vite compris que Bertrand connaissait de fond en comble l’histoire du cinéma. Plus encore, il était un passionné du cinéma : passionné par ce qu’il aimait, passionné par ce qu’il détestait, passionné par ses nouvelles découvertes, passionné par les figures injustement oubliées dans l’histoire du cinéma – Bertrand a été celui qui nous a permis de redécouvrir le réalisateur Michael Powell –, passionné par les films qu’il a lui-même réalisés.

 

photo, Leonardo DiCaprio, Martin ScorseseOn se tait et on écoute les maîtres !

 

Bertrand était un cinéaste singulier, à nul autre comparable. J’ai particulièrement aimé son film de 1984, Un dimanche à la campagne. Ce film a été conçu avec tant de subtilité que j’ai l’impression qu’il est sorti tout droit du monde des impressionnistes. J’ai également adoré ses films historiques, comme Que la fête commence... et Capitaine Conan, et ses adaptations de Simenon (L'horloger de Saint-Paul, son premier film) et de Jim Thompson (Coup de torchon, adapté de 1275 âmes).

En 1983, je déjeunais avec Bertrand et Irwin Winkler quand ils ont décidé, tous les deux, de faire le magnifique Autour de minuit. C’est pour moi un merveilleux souvenir d’avoir fait une petite apparition dans ce film, dans le rôle de l’agent de Dexter Gordon.

Bertrand connaissait intimement tous les aspects du cinéma français. C’est une chance incroyable pour nous tous que Bertrand ait partagé son savoir et sa passion dans son documentaire Voyage à travers le cinéma français, une œuvre d’une grande beauté.

 

photo, Bertrand Tavernier, Mélanie ThierryUne filmographie variée

 

Il connaissait tout aussi intimement le cinéma américain. Bertrand et Jean-Pierre Coursodon ont coécrit, et régulièrement mis à jour, un dictionnaire exhaustif consacré aux réalisateurs américains (50 ans de cinéma américain). Cet ouvrage majeur mériterait d’être traduit en anglais.

Je veux enfin partager une dernière image à propos de Bertrand. Une image bien connue par tous ses amis et par tous ses proches. Bertrand était tellement passionné qu’il pouvait littéralement vous mettre K.-O. Il restait assis, pendant des heures et des heures, argumentant pour ou contre un film, un cinéaste, un musicien, un livre ou une décision politique. Au bout d’un moment, terrassé, vous vous demandiez simplement : mais d’où lui vient toute cette énergie ?

Aujourd’hui, il m’est très difficile de me dire que je n’aurai plus jamais la chance de recevoir toute cette incroyable énergie. Que je n’aurai plus jamais la chance de rencontrer un homme aussi extraordinaire, un homme tellement irremplaçable.”

 

 
 
 
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Pour marquer son propos, Martin Scorsese a par ailleurs partagé son texte sur Instagram, accompagné d’une photo de lui, à table aux côtés de Bertrand Tavernier, où l’on peut aisément ressentir cette “énergie” évoquée par le cinéaste new-yorkais. Si vous connaissez mal la filmographie du réalisateur français, on vous conseille de vous jeter sur les films disponibles sur Netflix, de regarder Mort en direct et bien d'autres un peu partout.

Tout savoir sur Bertrand Tavernier

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commentaires
Pef
29/03/2021 à 17:36

Quelle magnifique hommage ...

dams50
29/03/2021 à 15:33

C'est donc Bertrand Tavernier qui a réalisé "Round about midnight" avec la BO de Herbie Hancock... Ok. Ce grand monsieur était-il donc également féru de Jazz ? J'ai lu il y a pas si longtemps que la BO de "La passion Béatrice", qui est dans une tonalité très médiévale si je peux le dire ainsi, était signée ... Ron Carter !

Kyle Reese
29/03/2021 à 15:10

Bel hommage et cliché. J'ai découvert Quay d'Orsey hier, drôle et caustique, bien vue avec Thierry Lhermitte déchainé. Très bonne comédie haute gamme.

Ethan
29/03/2021 à 13:53

Les films français ont toujours été réservés à l'élite du show biz américain. Ils peuvent voir les films français mais pas les américains.
Ce système est d'une certaine manière hypocrite.

Saiyuk
29/03/2021 à 13:04

Quand un maître parle d'un autre...

French Cinema
29/03/2021 à 12:37

Powell ET Pressburger,(Les Archers) ils ont fait Redshoes, Blacknarcissus et a Matter of life and Death ensemble, dommage que Powell ait ete degage du Cinema apres son film Peeping Tom""serial killer avec sa camera...
evidemment les gars qui citent Powell -Pressburger ont du goût

Birdy en deuil
29/03/2021 à 12:05

Perdre nos monuments fait toujours un énorme pincement au cœur. Avec Tavernier, c'est une bibliothèque qui s'éteint, resteront des œuvres intenses de subtilité. Je sortais de ses films enchanté, encore plus amoureux du partage que représente une projection en salle. Oui, Tavernier savait communiquer aussi à travers ses films cette fameuse énergie.
La minute de silence sera éternelle pour ce grand, grand monsieur.