L'immense Bertrand Tavernier, réalisateur de L'Horloger de Saint Paul et insatiable cinéphile, est décédé

Antoine Desrues | 25 mars 2021 - MAJ : 25/03/2021 20:07
Antoine Desrues | 25 mars 2021 - MAJ : 25/03/2021 20:07

Une page du cinéma vient de se tourner à l’annonce du décès de Bertrand Tavernier, cinéaste de talent et grand érudit du septième art.

C’est un pan tout entier du cinéma qui semble disparaître avec lui. Le réalisateur et scénariste Bertrand Tavernier s’est éteint ce jeudi 25 mars 2021, à l’âge de 79 ans. Véritable puits de science cinéphile, le président de l’Institut Lumière a commencé sa carrière dans le domaine de la critique, où sa plume lui a rapidement permis de remettre au goût du jour des genres cinématographiques dédaignés, et plus généralement une certaine idée du septième art américain.

Mais plus généralement, le savoir encyclopédique de l’auteur s’est accordé à sa riche expérience, lui qui a été assistant de Jean-Pierre Melville et attaché de presse de Georges de Beauregard (l’un des grands producteurs de la Nouvelle Vague). Sans associer son nom à une unique paroisse, Tavernier s’est au contraire nourri de nombreux mouvements et courants de pensée, qui lui ont bien servi dans sa carrière de cinéaste, débutée en 1973 avec L'Horloger de Saint-Paul, son premier film solo.

 

photo, Philippe NoiretPhilippe Noiret dans L'Horloger de Saint-Paul

 

Alternant ainsi entre la réalisation d'œuvres virtuoses (Coup de torchon, Un dimanche à la campagne...) et des textes affirmés dans Les Cahiers du cinéma ou Positif, Bertrand Tavernier s’est imposé comme une voix incontournable, dont la fièvre lyrique n'a eu d'égale que celle de Martin Scorsese ou encore de Quentin Tarantino.

Sa filmographie lui vaudra d'ailleurs les honneurs de ses pairs avec d'innombrables récompenses prestigieuses de l'Ours d'or à Berlin pour L'appât au prix de la mise en scène pour Un dimanche à la campagne à Cannes, en passant par trois César du meilleur scénario, deux du meilleur réalisateur ou encore un Lion d'or pour sa carrière à Venise en 2015. 

En 2016, l’auteur a livré un sublime testament sous la forme du passionnant documentaire Voyage à travers le cinéma français, déclaration d’amour touchante et érudite à la création hexagonale du XXe siècle, oscillant entre grands classiques et pépites méconnues. Un magnifique cadeau qui a su résonner comme une évidence, et faire transparaître mieux qu’aucune biographie l’énergie d’un homme curieux, toujours prompt à partager de manière enthousiaste et avec pédagogie ses connaissances.

 

photo, Bertrand Tavernier, Mélanie ThierryBertrand Tavernier et Mélanie Thierry sur le tournage de La Princesse de Montpensier

 

C’est d’ailleurs cet appétit qui lui a permis de signer une filmographie aussi variée que ludique, s’aventurant avec brio dans des genres cinématographiques très différents, du drame historique (Le Juge et l'Assassin, La Princesse de Montpensier) au film policier (L.627) en passant par la comédie (Quai d'Orsay). De toutes ces expérimentations, le réalisateur s’est construit une véritable famille de cinéma, comme ont pu en attester, par exemple, ses multiples collaborations avec l’acteur Philippe Noiret.

Et à vrai dire, on retiendra principalement de Bertrand Tavernier son amour du rassemblement, et sa manière de réunir les passionnés autour d’une conversation fructueuse. À ce titre, on ne le remerciera jamais assez pour sa bible cinéphile, Amis américains, où il a retranscrit ses entretiens riches et fascinants avec de grands noms d’Hollywood, de John Ford à Joe Dante. Animé par une flamme à nul autre pareil, l’artiste n’a pas seulement été un illustre passeur de savoir, mais une véritable incarnation de la passion du septième art, qui a inspiré de nombreux critiques. C'est pourquoi, à Ecran Large comme ailleurs, on se sent un peu orphelins...

Tout savoir sur Bertrand Tavernier

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commentaires
Gugusse 0
29/03/2021 à 12:46

Oui. Je me suis mélangé les pinceaux. Désolé. La honte pour moi.

Simon Riaux
26/03/2021 à 13:53

@Gugusse

Bonjour, peut-être vouliez-vous parler de Ca commence aujourd'hui avec Torreton ?

Parce que oui, c'est très très très beau.

Gugusse 0
26/03/2021 à 13:43

C'est domage. On parle très peu de son meilleur film à ce jour. C'est arrivé demain qu'il tourne avec une urgence absolue et ça se ressent. Chapeau l'artiste.

Castor
26/03/2021 à 13:35

Un homme qui a tenté d'élever le cinéma français , respect !

Kyle Reese
26/03/2021 à 09:04

J’avoue ne pas avoir vu les 3/4 de ses films mais je le connaissais surtout pour l’avoir écouté souvent parler de sa passion de cinéphile. Un grand érudit du cinéma. Va falloir que je comble mes lacunes envers ce grand réalisateur.

Ray Peterson
25/03/2021 à 23:07

Grand grand grand monsieur, dont les connaissances cinématographiques (et autres d'ailleurs) atteignaient des sommets stratosphériques. Je rejoins Redmond Barry, le monsieur intervenait avec talent, malice, perspicacité et parfois insolence sur des oeuvres ré édité en bluray (western entre autres mais film noir etc...). Ses commentaires sur ses films étaient d'une lucidité sans égale. Je retiendrais son méconnu "La Mort en Direct" avec Keitel et ses inoubliables Capitaine Conan L627 ou l'Appât.Mais il y en a tellement d'autres.
Ce qui m'énerve le plus, c'est que le monsieur avait encore tellement chose à dire à travers ses films ou sa cinéphile que sa disparition en est d'autant plus douloureuse.
See you Maestro!

rientintinchti
25/03/2021 à 22:46

Très grand réalisateur et auteur. Paix à son âme.

Arnaud (le vrai)
25/03/2021 à 21:15

Un très grand nom du cinéma français vient de s’éteindre. Sa renommée et ses récompenses parlent pour lui, qu’il repose en paix

Redmond Barry
25/03/2021 à 20:25

Pour son travail en tant que réalisateur mais aussi pour ses interventions riches et passionnantes en particulier sur les DVD de l'éditeur Sidonis, je remercie vivement Mr Bertrand Tavernier.

dams50
25/03/2021 à 20:19

Mon 1er film de Bertrand Tavernier : "La passion Béatrice"
Âpre, rugueux, sans concession, c'a m'a mis une grosse claque. Pour un de ses premiers rôles, ca a du traumatiser la pauvre Julie Delpy, face à Bernard-Pierre Donnadieu.

Puis L627, avec le regretté Didier Besace. Génial.

Et plus récemment "Dans la brume électrique" avec Tommy Lee Jones. Polar filmé dans le bayou si je me souviens bien. Film que j'ai trouvé étrange (et qui m'a bien plu du coup).

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