The Creator, révolution ou anomalie ? Pourquoi ça pourrait tout changer à Hollywood
The Creator a coûté seulement 80 millions de dollars, soit quasiment un "petit" budget à Hollywood. Révolution ou anomalie ?
Le réalisateur Gareth Edwards maîtrise les grands écarts comme Van Damme. En 2010, il a été révélé avec le magnifique Monsters, petit film de science-fiction peuplé de monstres aliens, et tourné pour la somme ridicule (à Hollywood) de 500 000 dollars. Quatre ans après, il était à la tête du film Godzilla, doté d'un budget de 160 millions, soit 320 fois plus cher que Monsters. Et dans la foulée, il touchait à un fantasme de gosse en réalisant Rogue One : À Star Wars Story, le méga-blockbuster Disney à 200 millions (au moins).
Après le fabuleux cauchemar de ce Star Wars (une grosse partie du film a été réécrite et retournée, sans lui), Gareth Edwards semble viser un nouvel équilibre. The Creator est un film de studio (distribué par 20th Century Studios, donc Disney), mais avec un budget modeste de 80 millions ; il a été tourné dans des conditions différentes des blockbusters, tout en ayant de grandes ambitions de spectacle.
Et The Creator était un petit pas vers une révolution dans la manière de faire des films à Hollywood ? Pourquoi le film est-il si spécial ? Explications en 4 points.
- À lire aussi : Notre critique du film The Creator
1. un film tourné en décors naturels, pas en STUDIO
The Creator se déroule principalement en Asie ? The Creator a été tourné principalement en Asie (Thaïlande, Cambodge, Indonésie, Népal, Japon). Très tôt, Gareth Edwards et son équipe ont décidé de tourner en décors naturels et utiliser les effets visuels pour compléter les images, plutôt qu'en studio, où ils auraient pu construire tout de A à Z. Un peu le contraire de Rogue One donc, où les palmiers étaient rajoutés en post-prod.
L'avantage des studios : la logistique, avec un contrôle total des conditions de tournages (les risques de la météo, les déplacements d'un point à un autre pour l'équipe et le matériel, le confort des fonds verts facilement gérés). La limite : ça coûte cher, et le budget s'envole presque automatiquement. Pourtant, c'est bien la norme dans l'industrie.
Aperçu des coulisses de Rogue One, du même réalisateur
Edwards expliquait en conférence de presse : "Normalement quand on fait un film comme ça, on conçoit le monde. On fait tout un tas de concept arts cool. On les montre au studio. Ils répondent, 'Vous trouverez jamais rien nulle part qui ressemblera à ça. Vous devez le construire en studio. Ça va coûter 200 millions, et vous allez tourner devant un fond vert'. On a dit : 'Non, oubliez les images, ce sont juste des idées. On va construire le monde à partir de ce qu'on filme, peu importe ce que c'est. Donc on fera le design quand on finira le film'. On a fait le film à l'envers, en quelque sorte. Donc on s'est dit : 'Ok allons juste faire le film'."
Une fois le film dans la boîte, Gareth Edwards l'a monté (avec Hank Corwin, Joe Walker et Scott Morris), puis est repassé sur chaque plan avec son équipe :
"Ce qui arrive normalement un an et demi plus tôt s'est fait durant le montage. Ils peignaient et concevaient tout l'aspect SF dans les plans qu'on utilisait. Tout devient très efficace à partir du moment où on utilise uniquement ce qu'on voit. Tout ce que j'aime dans le film, c'est parce qu'on a fait les choses différemment. J'ai l'impression que je ne voudrai jamais revenir à l'autre méthode de faire un film."
Ou, comme il le résume joliment dans le making of : "On a tourné dans des lieux fantastiques, et on les a poussés vers le futur". C'est ce qu'on appelle transformer la réalité.
Aperçu du tournage en décors naturels de The Creator
2. ne pas avoir une énorme équipe... pour rien
Autre "obligation" des superproductions : une grosse équipe, tout le temps, par principe. De quoi compliquer toute l'organisation quand on parle de centaines de personnes à déplacer, gérer et coordonner sur un plateau.
Il racontait une scène ubuesque sur son premier jour de tournage de Godzilla : "Je suis passé à côté de rangées et de rangées et de rangées de camions, juste pour accéder à la zone principale. Je n'arrivais pas à croire qu'on avait besoin de 100 camions pour tourner ces scènes". Et c'est sûrement pour ça qu'il a fait en sorte d'éviter ça, au maximum.
En conférence de presse pour The Creator, le réalisateur expliquait : "Si vous avez une équipe suffisamment petite, le coût est tellement réduit que c'est moins cher de les faire se déplacer en avion n'importe où dans le monde, que de construire les décors en studio. D'un coup, l'idée de choisir les meilleurs lieux pour chaque scène est devenue une réalité. Donc on a sélectionné les volcans en Indonésie, les temples bouddhistes dans l'Himalaya, les ruines au Cambodge, des villages au-dessus de l'eau, et tout ça. [...] Et à la fin, on avait encore une grosse partie du budget pour ILM et d'autres boîtes."
Gareth Edwards expliquait chez Variety comment il a changé la configuration de tournage selon les scènes :
"Parfois il y a des scènes énormes où on a besoin de toute l'équipe, et parfois on a juste deux personnages dans une pièce, et moi et le mec du son. La machine veut désespérément qu'on ne fasse pas ça. Si on ne se bat pas constamment, on finit par faire un film exactement de la même manière que tout le monde. Pour moi, c'était un non catégorique, si on ne s'y prend pas différemment, je ne voulais pas le faire."
Au-delà de l'approche pragmatique, c'était donc un vrai choix politique du réalisateur : repenser la manière de faire un film, pour remettre en question les bonnes et mauvaises règles imposées par le système. C'est grâce au soutien de la boîte de production New Regency (The Northman, Ad Astra) qu'il a pu le faire. Il expliquait à Deadline : "Le producteur Michael Schaefer me courait après depuis un an ou deux, en me disant que j'aurais une liberté créative. Je n'ai pas parlé de notre rendez-vous à mes agents, c'était vraiment une rencontre discrète".
Un réalisateur dans la tête d'un producteur hollywoodien (ou l'inverse ?)
3. la liberté avant la technologie
Dans The Creator, il y a beaucoup d'androïdes, et Gareth Edwards n'a pas peur de les montrer. Et vu que leur design met en avant la mécanique de leurs crânes, lesquels laissent voir le décor derrière eux, ce n'était pas une mince.
Là encore, l'équipe a choisi une option pas forcément évidente puisqu'il n'y avait pas combinaisons de motion-capture, et peu d'éléments sur les acteurs et actrices lors de la prise de vue. Chez Variety, Edwards renvoie la balle aux équipes d'ILM (Industry Light & Magic), la super-populaire boîte d'effets créée par George Lucas en 1975, et qui fait les 3/4 des blockbusters désormais :
"ILM a fait en sorte que ça fonctionne. Je pense qu'ils ont été surpris de voir à quel point c'était efficace aussi. Tout le monde s'est engagé, en se tenant les mains, pour sauter d'une falaise tous ensemble".
Chez Arab News, le cinéaste expliquait en détail :
"C'était beaucoup plus simple de tourner comme ça en sachant qu'on avait une méga-boîte d'effets visuels derrière le film. ILM a pris des risques pour aider au réalisme du film, en nous laissant filmer des acteurs sans combinaisons de motion capture, ou en ayant des marqueurs de tracking partout dans le décor. Mais pour prouver qu'on pouvait faire un film de science-fiction à grande échelle avec un petit budget et peu de fonds verts, on a été sur place tourner un court-métrage. [...]
On a donné des images de moines entrant dans des temples à Angkor Vat à ILM en leur disant, 'Ok, faites-en des robots'. Je n'avais mis aucun marqueur de tracking. Je n'avais mis aucun point sur leurs visages. Je n’avais rien mesuré. Et ils l'ont fait, en quelques jours. Ça a très bien marché, et ça n'a pas coûté cher."
4. une "petite" caméra
The Creator a été tournée avec une caméra à "seulement" 3000-4000 dollars, la Sony FX3. Si le prix vous semble élevé, dîtes-vous que la ALEXA 65, une très grosse caméra de cinéma utilisée pour les très grosses productions (Barbie, Wonder Woman 1984, Joker...), coûte plutôt dans les 10 000 dollars... par jour, en location.
Impliqué dans la pré-production avant de partir tourner Dune 2 (il reste crédité comme co-directeur de la photo avec Oren Soffer), Greig Fraser avait parlé d'une caméra idéale pour une telle production, grâce à une maniabilité folle et une qualité d'image exceptionnelle. Gareth Edwards voulait un maximum de liberté dans les mouvements, afin de suivre ses acteurs et actrices, et créer une énergie digne d'un film de guerre du Vietnam – l'une de ses grandes inspirations, évidentes à l'écran. Il a d'ailleurs lui-même opéré la caméra sur une partie de scènes (comme sur son premier film, Monsters).
Encore plus fort : c'est la première fois qu'un film IMAX avec une caméra de ce type.
The Creator a officiellement coûté 80 millions, hors promo. Reste donc à voir si le public sera au rendez-vous (ça commence mal avec un démarrage à 32 millions dont 14 côté domestique). En cas de succès, le film pourrait devenir un modèle pour de futurs films souhaitant trouver un entre-deux, entre le cinéma fauché (où on manque d'argent) et les blockbusters (où on manque de liberté). En cas d'échec, ce serait au contraire une potentielle preuve que les méthodes établies à Hollywood sont bien les seuls qui marchent.
Aïe, Robot : #TheCreator (budget 80 millions) démarrage mal au box-office
— Ecran Large (@EcranLarge) October 1, 2023
Environ 14 millions au box-office domestique, 18 millions dans les autres territoires, pour un total de 32 millions
Notre critique : https://t.co/xcOmKABqwn pic.twitter.com/fsYXlDDQIk
Parce que comme on le sait, il suffit d'un faux pas, d'un non-succès, pour que de belles portes se referment aussi vite qu'elles s'étaient entrouvertes. Et il suffit d'un méga-carton pour que tout le monde se précipite...
24/10/2023 à 16:47
THE CREATOR un Chefs d'œuvre ☆☆☆☆☆
04/10/2023 à 00:44
Avec un QI à 200 et encore... BIDOUILLE (intellectuelle).
02/10/2023 à 13:44
@ lot, et ben vas y, ça fera une entrée de plus.
02/10/2023 à 12:33
THE CREATOR sera l'exemple à suivre pour un budget de moin de 100 millions il est possible de faire un grand film voir un Chef-d'oeuvre.
02/10/2023 à 11:44
THE CREATOR film de l'année 2023 ☆☆☆☆☆
02/10/2023 à 10:37
Visuellement le film est beau, certes, mais dommage que le scénario empile les clichés comme on enfile des perles
02/10/2023 à 10:19
Je ne suis pas cinéaste, mais je n'ai pas l'impression que le film ait été fait à l'envers, mais que ce sont tous les autres qui sont faits à l'envers. On marche sur la tête depuis des années à Hollywood ! Mais ce qui est surprenant, c'est que Gareth Edwards soit parvenu à convaincre ses producteurs de faire son film ainsi, qu'il ait réussi à avoir assez leur confiance pour faire son film comme il le voulait.
Parce que même Denis Villeneuve, dont j'aime beaucoup la filmographie et dont j'attends le prochain Dune avec impatience, malgré la réputation qu'il a acquise aujourd'hui, ne parait pas avoir ce "pouvoir" (ou pas l'envie, peut-être...). Pourtant, la construction de "The Creator" devrait redevenir un modèle pour les futurs projets Hollywoodiens.
Je m'interroge cependant une nouvelle fois sur le budget des derniers Mission Impossible... Parce que Cruise et McQuarrie ne cessent de vanter le fait que leurs effets soient réels, mais dans ce cas comment en arrivent-ils à de tels budgets ? Et je dis ça en ayant aimé chaque MI plus que le précédent depuis un moment (sauf "Dead Reckonning" qui montre des signes d'essoufflements, comme on pouvait s'y attendre).
01/10/2023 à 23:29
Beaucoup de choses prévisibles, mais l'histoire a le mérite d'être simple, on n’essaie jamais de perdre le spectateur avec des dialogues faussement complexe.
Le film est bien réalisé, on s'ennuie rarement, le sujet est philosophiquement passionnant et fertile.
La gamine, je sais pas quel age elle a, mais elle est incroyable comme actrice.
Les dernières scènes dans l'appareil sont lourdingue.
Dans l'ensemble je conseille ce film.
01/10/2023 à 21:37
Superbement exécuté, mais un trop plein d'influences non digérées...
01/10/2023 à 21:26
Un film a grand spectacle qui nous promet quelque chose d'inédit, par le réalisateur du très apprécié Rogue One... C'est insensé qu'un film comme ça bide... Si ce n'est que ça a été vendu n'importe comment par Disney.