The Creator : critique Aïe, Robot

Geoffrey Crété | 26 septembre 2023 - MAJ : 28/09/2023 18:28
Geoffrey Crété | 26 septembre 2023 - MAJ : 28/09/2023 18:28

Révélé avec le superbe Monsters en 2010, le réalisateur Gareth Edwards est apparu sur les radars hollywoodiens avec Godzilla en 2014 puis Rogue One : A Star Wars Story en 2016, lequel a été tourné et fini dans la douleur. Et après avoir touché aux extrêmes (le tout petit film fauché, et les purs films de studio), il revient avec The Creator, ambitieuse histoire de science-fiction originale (scénario de Gareth Edwards et Chris Weitz) menée par John David Washington (Tenet, BlacKkKlansman), et au budget de seulement 80 millions. Un cas d'école particulièrement excitant... et décevant ?

il IA de l'espoir

Un film de science-fiction original (pas une suite, pas une adaptation, pas un remake), avec un budget digne de ce nom (80 millions de dollars) et une promesse de grand spectacle (un homme qui protège un enfant-androïde au milieu d'une guerre dans un futur apocalyptique). Dans un monde normal, ce serait normal. Dans celui-ci, c'est presque une anomalie au sein d'un système phagocyté par les super-franchises, où les écarts se creusent entre les petits et les très gros budgets.

Le réalisateur Gareth Edwards le reconnaît volontiers : le cinéma hollywoodien est dominé par les suites, les remakes et compagnie, et le véritable défi avec un film comme The Creator est de trouver un studio prêt à le financer... alors même que le scénario est parfaitement dans les clous.

 

Un avis plus positif sur The Creator, avec Mathieu

 

Gareth Edwards donnait peut-être l'explication chez Variety : "Je préfère largement avoir un contrôle total de mise en scène à partir d'un scénario médiocre que zéro contrôle sur un excellent récit". Nul doute que l'expérience Rogue One (qui a été massivement réécrit et confié à Tony Gilroy lors des reshoots) lui a servi de leçon, même s'il refuse de parler d'autre chose que d'une expérience extraordinaire depuis. Mais la question-clé face à The Creator reste celle de son scénario, qui respecte les tables de la loi hollywoodienne.

Intelligence artificielle qui a échappé à l'homme, apocalypse nucléaire, androïdes dotés d'émotion, robot d'un nouveau genre qui pourrait mettre fin à la guerre entre synthétique et humains... Pour toute personne ayant tâté un peu de SF, The Creator apparaît comme un simple remix d'une demi-tonne de références venues du cinéma, de la littérature et du jeu vidéo. Une sacrée ironie pour un film "original", très généreux et visuellement sensationnel, mais qui n'arrivera jamais à véritablement surmonter cette erreur de programmation initiale.

 

photoL'armée de fans de The Creator prête pour Geoffrey

 

mr robof

Blade Runner, Akira, E.T. l'extra-terrestre, Apocalypse Now, Baby Cart... Gareth Edwards et son co-scénariste Chris Weitz ne cachent pas leurs inspirations, mais inutile de les lister puisque The Creator en déborde. Le film repose sur tellement d'acquis évidents que l'histoire ressemble rapidement à un best of du genre. Chaque scène, chaque idée, chaque bifurcation narrative semble évoquer un film, un livre, un jeu. Peu importe si c'est en mieux ou en moins bien, le résultat est le même : le film semble vite poussiéreux et facile, et une distance émotionnelle s'installe – ou plutôt s'impose.

Problème : The Creator repose largement sur la relation entre un homme et une fillette androïde qu'il va prendre sous son aile. Il est désabusé et meurtri, et ne s'est jamais relevé de la perte de sa famille. Elle est innocente, mais surpuissante, et découvrira ce qu'est l'amour. C'est la plus vieille histoire du monde, elle semble inépuisable (La Route, The Last of Us, The Mandalorian, Logan), et Gareth Edwards applique la formule à la lettre, sans jamais faire mine de la réinventer. Ça marcherait presque, sauf que le film accélère ou évacue quasiment toutes les étapes obligatoires d'une telle relation.

 

The Creator : photo, John David WashingtonGuerre et père

 

Trop vite, Joshua et Alphie forment un duo à part entière, passant d'inconnus à super-alliés sans trop d'embûches, ni épreuves. Trop vite, leur attachement est donné et acquis, sans mettre en scène la peur et les doutes. De quoi faire du film une grosse entreprise de pilotage automatique, qui compte plus sur les habitudes du public que sur les véritables ficelles du récit.

Gareth Edwards n'y va pourtant pas de main morte pour placer ses pions, que ce soit avec le monologue je-suis-impitoyable,-mais-j'ai-mes-raisons de la militaire incarnée par Allison Janney, les flashbacks on-était-tellement-amoureux-qu'on-dirait-une-pub-Givenchy, ou le personnage de la talentueuse Gemma Chan, qui ferait passer celui des Eternels de Marvel pour du Shakespeare. On est plus proche des héros-portes-manteaux de Godzilla et Rogue One que de la tendre mélancolie de Monsters, aucun doute sur ça. Et la musique de Hans Zimmer le souligne bien.

Même les surprises plus ou moins évidentes du scénario semblent traitées sans passion, comme des étapes obligatoires, jusqu'à un troisième acte qui enchaîne les facilités de manière aberrante. Mais où était donc le cœur de Gareth Edwards ?

 

The Creator : photoEnfant.jpeg

 

the blast of us

Ce n'est certainement pas anodin si pendant la promo de The Creator, Gareth Edwards a longuement parlé des détails de fabrication d'un film à 80 millions qui a l'air d'en avoir coûté le double. En décidant de tourner en décors naturels plutôt qu'en studio, en adaptant la taille de l'équipe selon les scènes, en utilisant principalement une "petite" caméra (la Sony FX3, qui coûte environ 3000 dollars), et en réfléchissant intelligemment les besoins en effets visuels (pas de lourd procédé comme la motion-capture pour les androïdes), le réalisateur et son équipe ont été très malins.

C'est là la grande réussite éclatante de The Creator : avoir créé un superbe monde qui déborde de détails, de vie, de couleurs, bref de cinéma. Là, Gareth Edwards parvient à dépasser les références pour ouvrir les portes d'un univers à part entière. En délaissant presque entièrement les habituels environnements urbains pour s'installer en Asie, en peuplant les champs d'androïdes pour faire exploser des montagnes sous un ciel paradisiaque, le film gagne instantanément une dimension cinématographique (qui rappelle souvent Rogue One, comme quoi c'était bien un film d'Edwards, parfois).

 

The Creator : Photo Ken WatanabeLui, c'est juste Ken

 

The Creator fourmille alors d'idées et d'images saisissantes. Les rayons bleutés de la station Nomad qui scannent les décors (ce premier plan à tomber avec des soldats qui sortent de l'eau), les méga-tanks qui ravagent un village dans une vision d'apocalypse affolante, les robots-bombes qui ressemblent aux cousins des Bob-omb de Mario... Durant deux bonnes heures, Gareth Edwards en met plein la vue, aidé par la très belle photographie co-signée par Oren Soffer et Greig Fraser (impliqué dans la pré-production avant de partir sur Dune 2), ainsi qu'un sound design soigné.

The Creator est un film généreux, où chaque dollar semble avoir dépensé pour servir le spectacle. Les robots sont filmés sous tous les angles, les personnages ne s'arrêtent jamais d'avancer et courir, il y a presque autant d'explosions que dans un bon Michael Bay, et le scénario prend soin d'exploiter à peu près tous les éléments placés dans le décor jusqu'à un climax spectaculaire.

À la fin, il y a donc un choix : saluer l'ingéniosité et l'ambition d'un tel film et crier victoire, ou constater une nouvelle fois qu'il y a quelque chose qui cloche si The Creator est vraiment considéré comme une anomalie qu'il faut applaudir comme un miracle. On va pour l'instant rester quelque part entre les deux (le débat en cours chez Ecran Large), en attendant de voir si ça (r)ouvre des portes dans l'industrie.

 

The Creator : photo

Résumé

D'un côté, The Creator se contente de remixer une demi-tonne de références faciles, sans en faire grand-chose. De l'autre, c'est réalisé par Gareth Edwards donc c'est généreux, visuellement sensationnel, avec un paquet d'images renversantes (surtout pour un budget de 80 millions). Mission à moitié réussie donc, même si l'ambition l'emporte un peu.
Autre avis Mathieu Jaborska
Il faut certes se coltiner quelques approximations narratives (le dernier acte !), mais ça faisait longtemps qu'on n’avait pas vu un film de science-fiction à gros budget aussi beau et rempli d'idées en tous genres, lesquelles transcendent complètement les poncifs attendus. Du Gareth Edwards période Monsters, mais avec de la thune en somme.
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Lecteurs

(3.6)

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commentaires
@tlantis
21/12/2023 à 21:38

Film superbe top réal mais sans surpris et il aurait gagner a faire 30 min de moins


28/11/2023 à 16:38

1er film en salle depuis une éternité, The Creator me laisse une très bonne impression du coup je décide de le revoir... et là c'est le drame. Je ne vois plus les qualités formelles- décors généreux, effets spéciaux ahurissants, intégration parfaitement invisible, création d'un monde tangible dans ses moindres coutures- mais la faiblesse d'un scénario qui finit par s'écrouler sous le poids de ses maladresses- mon dieu ce dernier acte, pouvait-on faire encore plus balourd ?
Ce qui me chagrine d'autant plus c'est que je retrouve exactement les mêmes qualités et défauts chez Blomkamp. Son Chappie est un androïde plus humain qu'humain et terriblement attachant et émouvant, avec une performance technique à tomber par terre, même si le film est maladroit et le scénario tout rapiécé avec du gros fil. Mais au moins il tente des idées neuves.
Rien de ça dans The Creator, on a déjà vu ces mondes et ce parcours des personnages-que-tout-oppose-mais-qui-vont-s'allier.
Reste une magnifique coquille bien vide, qui prouve que l'ingéniosité technique et les bonnes intentions ne suffisent pas. Même si le film est loin d'être idiot, au final il marque plus par la façon spectaculaire dont il rate son objectif que par ses réelles et nombreuses qualités.
Vraiment dommage.

La Classe Américaine
14/11/2023 à 20:52

Visuellement splendide, le film démarre pourtant bien et puis s'enfonce rapidement dans un scenario mediocre, demagogue et convenu, dont les enjeux ont été vus et revus 1000 fois. Il y a un tel déséquilibre entre le niveau esthétique et celui du récit raconté qu'on assiste en fait a un énorme crash doublé d'un vrai gâchis.

Marc
16/10/2023 à 13:28

THE CREATOR n'est pas sans défauts dans le Scnénario oui comment Joshua pourquoi il ne se rend pas compte que Maya est le chef des rebel. L'attaque drs chars dans le village aurait pu tuer tout détruire alors pourquoi ils envoient des robots bombe ? Plusieurs bombe atomique explose à proximité de nos personnages et ils ne sont pas iradié ils n'aurait pas pu survivre à la température et au radiation.
Malgré tout les point que j'ai lu dans les Critiques ce film est porté par lz gamine qui interprète ALPHIE IA qu'on recherche et qu'on veux l'éliminer. Elle crève l'écran émouvante.
La relation Joshua, Maya et Alphie le point fort du film.
Et surtout les paysages kes plan sont à couper le souffle sublime.
THE CREATOR le film de 2023 sûrement le meilleur gilm pour moi.
A voir et revoir.

Un film pathétique
12/10/2023 à 00:24

J’ai rarement vu en 40 ans de SF un film aussi nul. Bien plus, ce film devient inquiétant culturellement tellement il est nul. Ces dernières années, les studios hollywoodiens nous ont habitués au scénario indigent puis au scénario “tiktok”, c’est-à-dire des successions de scènes flash de 5 secondes pseudo épiques tenues par trois bouts de ficelle écrits par un enfant de 5 ans qu’on aurait enfermé dans une cave sans lecture ni TV. Mais là, on atteint un paroxysme de nullité. Non seulement les scènes flash se succèdent comme autant de réels, mais les incohérences et les absurdités se succèdent à un rythme effréné. Les personnages se téléportent, apparaissent sans raison, meurent puis sont dans la scène d’après, on met un jardin dans une base militaire spatiale, une armée de robots IA dans une armée qui voue une haine aux robots IA. Le grand, mais alors le très très grand n’importe quoi… Je suis vraiment très inquiet de l’état neuronal de mes contemporains…

Norf974
08/10/2023 à 23:16

C est vraiment un film dure a tranché.

Au final c est un peu le contexte actuel qui tranche pour lui. Comme vous dite dans un monde "normal" où tous serait pas misé sur la rentabilité mais sur la volonté artisque et créatives,et bien finalement on ferait peut être pas grand cas de ce film.


Mais nous ne sommes pas hélas dans un tel monde.

Donc forcément ce film est miraculeux et faut le soutenir.

jorgio6924
07/10/2023 à 18:07

Le film a une très belle forme.
Mais une fois sorti de la salle, c'est dur de se rappeler.
Chapeau bas pour la technique qui est irréprochable mais le scénario a été maintes fois vu. Après c'est un de sujets les plus embouteillés tant bon nombre de réalisateurs ont souhaité raconter cette histoire.

Marc en RAGE
05/10/2023 à 10:59

Premièr week-end au US THE CREATOR realise un mauvais score d'entrée c'est dingue !

THE CREATOR un Chef-d'oeuvre ☆☆☆☆☆

SebB1
04/10/2023 à 14:11

Film graphiquement beau mais malheureusement peu intéressant.
On est 3 à l'avoir vu et on a eu le même ressenti.
Pas foule dans la (grande) salle (un lundi soir faut le préciser)
Et désolé, mais pour moi, John David Washington a charisme d'huitre.

Flo
03/10/2023 à 12:09

"QuI.A. pondu cette jolie coquille ?"

Gareth Edwards il paraît, réalisateur qui raconte toujours de la Science Fiction dystopique, où des êtres perdus errent dans des paysages au climat non tempéré... à la recherche de l'Amour, le Pardon, la Mort. Et ainsi trouver comment redevenir Humain.
En théorie, parce-que depuis 13 ans presque tous ses opus n'arrivent pas à mettre en scène la construction progressive d'un sentiment de plénitude chez ses protagonistes... ou plutôt si, mais la façon d'y arriver y est souvent laborieuse, handicapée par le manque de concision, le manque de moyens ou bien l'excès de moyens.
"The Creator" ne fait pas exception dans sa filmographie, même en étant un film au scénario original, pas du tout porté par une franchise... mais faisant tout de même partie d'une catégorie de SF "rurale", en bordure des métropoles, aux designs industriels, insectoïdes et Rétro, combattant des puissances militaires et commerciales, et donc avec quelques accents sociaux.
Un sous-genre que Neill Blomkamp a extraordinairement plié en une seule fois ("District 9"), et sur lequel il s'est assez cassé les dents par la suite, à chaque fois - Rupert Wyatt et d'autres aussi.

Très programmatique aussi la façon dont ce film s'habille de références SF connues, pour maintenir en éveil les spectateurs. À la manière d'un James Cameron, en pillant à droite à gauche pour servir de contexte à une histoire paradoxalement plus modeste et intimiste, lorgnant sur une sensibilité typiquement asiatique, mais dont il n'arrive toutefois jamais à reproduire l'absence de manichéisme - disons que c'est plus du Classicisme moderne.
Ce qui se retourne ici contre Edwards puisque ses références à lui sont moins littéraire/comics que venant de films hollywoodiens ayant Déjà creusé ce sillon.
Par exemple, voir que l'anti-héros joué par John David Washington possède lui-même des prothèses robotiques, le liant ainsi un peu plus aux machines (comme Will Smith dans "I Robot"), ça nous ajoute une caractérisation facultative au personnage.
Est-ce ça va participer à l'état d'esprit du personnage, à son évolution logique ? Non, Edwards n'en fait rien, donc ça alourdit sa narration... Ça arrive trop de fois dans ce film.

Programmatique car à piocher dans tant de productions connues, oubliant de se recentrer sur son intrigue, on a ainsi un énième long-métrage conçu comme un produit de plateforme, agglomérant tout ce qui peut rassurer le spectateur, lui évitant toutes idées trop radicales parce-que nouvelles et déviantes.
Ironiquement, ça menace le film de correspondre à ce qu'il montre à l'écran (et ce que les scénaristes craignent) : la peur de se faire remplacer par des copies, crédibles en apparence mais creuses à l'intérieur - comme le montrent tous ces visages humanoïdes, dont à voit à travers quand on change d'angle de vue.
Même si le film a d'emblée choisi son camp, celui (Cameronien) de la métaphore des minorités oppressées, au détriment d'un Occident intégralement belliqueux.
Mais comme dans un paquet de blockbusters récents, toutes les pistes scénaristiques qu'on nous dégaine régulièrement à l'écran sont du remplissage, nous orientant vers des idées très téléphonées (la mise en veille), incohérentes car pas bien écrites (les improbables fausses morts), ou qui ne seront jamais exploitées - hop, on passe déjà à autre chose, et ainsi de suite.

Une belle coquille, plutôt divertissante, avec quelques moments d'humour sympas, filmée comme si on était en guerre au Vietnam - le temps y est tellement lourd qu'on n'y voit pas toujours, c'est très sous-exposé...
Mais coquille vide ? Pas loin, il y a plus de satisfaction dans un bon film de super-héros aux images brutes et pas prétentieusement sophistiquées, que dans ce film (jolies décors bien... sales) qui a pourtant une ligne claire :
Le soldat et l'enfant prodige, le premier enfant et l'amour perdus etc... Et Edwards nous frustre en ne voulant pas choisir quoi garder, quoi couper, où s'arrêter - et qu'est-ce que c'est que ces gags avec des animaux (robots ?).
Sur "Rogue One" il avait eu besoin de Tony Gilroy pour rester sur ses rails, et mener le récit vers sa conclusion résiliente (sans compter un épilogue bonus excitant).
Il aurait fallu plus que Chris Weitz au scénario pour aider ce film-ci à se diriger, de façon fluide, vers un final équivalent.
Néanmoins, l'illusion y fonctionne bien, à quelques reprises. Grâce aussi au jeu expressif et émouvant de la jeune Madeleine Yuna Voyles.
C'est pour elle qu'on peut aller voir ce film, pas que pour son apparence.

"Trop de créatine pour ce Creator... la prochaine fois, essayez le phosphore".

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