Shazam 2 : La Rage des dieux – critique qui enterre (définitivement) le Snyderverse

Antoine Desrues | 29 mars 2023 - MAJ : 04/04/2023 15:49
Antoine Desrues | 29 mars 2023 - MAJ : 04/04/2023 15:49

Shazam ! La Rage des dieux ne fait pas que sortir dans l’indifférence générale après de nombreux reports. Il est désormais l’une des dernières reliques d’un DCEU abandonné et remanié par Warner. Si ce statut bâtard pouvait (presque) rendre cet objet sacrifié touchant par sa nature anachronique, il est surtout le reflet d’un état de crise du cinéma de super-héros. Un état accentué par le néant abyssal de ce Shazam 2, toujours porté par Zachary Levi, et réalisé par David F. Sandberg.

Eclair de gêne

Les quinze premières minutes de Shazam 2 osent tellement le pire du blockbuster super-héroïque infantile qu’elles devraient aisément devenir un cas d’école à décortiquer. À la simple vue d’Helen Mirren et de Lucy Liu en méchantes affublées de mauvais cosplays, on se demande dans quoi les deux actrices se sont embarquées, et nous avec. Nous voilà lancés dans un tunnel d’indigence et de déjà-vu, alors que les stars sont bien contraintes de jouer comme du Shakespeare des répliques de série Z, tout en récupérant un énième McGuffin magique.

La gravité de la situation est bien évidemment contrebalancée par une coupe ringarde et pseudo-post-moderne sur notre héros en pleine crise existentielle, avant qu’un sauvetage de pont (en 2023 !) ne vienne entériner le rôle de sa bande de personnages à peine croquée. À partir de là, le long-métrage conditionne l’ennui profond que va provoquer son écriture algorithmique sur la durée. Ou du moins, jusqu’à ce qu’une scène, aussi laide que nanardesque, ne vienne parasiter cette fin de premier acte.

 

 

 

On se disait que la tête flottante de Thor 4 ou le M.O.D.O.K. d’Ant-Man 3 avaient déjà amené le genre à toucher le fond du ridicule assumé, mais ce court passage confirme une tendance : celle d’une régression décomplexée du cinéma de super-héros américain. Qu’importe que ce projet mort-né appartienne à l’univers étendu qui n’a pas su voler de ses propres ailes. Marvel comme DC sont maintenant dans le même panier, à prendre plus que jamais au sérieux leurs récits moribonds. Pourtant, au sein de cette narration inerte régulièrement raillée par un second degré lâche, la crise identitaire du genre semble s’exprimer par ces purs pétages de boulons inexplicables, qu’on jurerait sortis du début des années 2000 et du “camp” maladroit d’Elektra ou des 4 Fantastiques.

C’est dire à quel point cette suite se cherche, et sombre dans les travers plus ou moins esquivés par son prédécesseur. Shazam premier du nom était (très) loin de l’origin-story novatrice, mais il laissait ces passages obligés à l’arrière-plan, afin de se concentrer sur ce gamin désœuvré par sa condition d’orphelin. Il suffisait même d’une scène, aussi simple que glaçante, où Billy Batson se prend de plein fouet le rejet de sa mère biologique, pour imposer à ce chemin tout tracé un semblant d’âme qui manque cruellement à cette Rage des dieux.

 

Shazam! La Rage des Dieux : Photo Lucy Liu, Helen MirrenQuand tu es très fier de ton gros gourdin

 

Dans le noir, on vous entendra crier

Bien sûr, on pourrait prendre du recul sur cette catastrophe au vu de l’imbroglio dans les coulisses de Warner. L’annulation du Snyderverse, le remaniement de DC, les chouineries de Dwayne Johnson qui ont empêché l’affrontement entre Shazam et Black Adam... Tant d’arguments ou d’excuses qui – on l’oublie trop souvent – n’intéressent personne à part les nerds dans notre genre. Cependant, ces indécisions et autres retournements de veste se ressentent dans chaque seconde de Shazam 2, au point de révéler sa véritable nature de patchwork tiédasse auquel plus personne ne croit.

Les personnages, dont l’esquisse du premier film promettait un minimum d’approfondissement, sont réduits à un unique trait de caractère (la fêtarde, la crédule, l'explorateur...), alors que leur dynamique conflictuelle de jeunes super-héros devrait clairement être au centre de l’équation. En conséquence, le film ne sait jamais quoi faire de sa caméra lors des dialogues ou sessions de groupe, déjà plombés par un récit d'une maladresse désolante (cf. le rendez-vous manqué de ce coming-out traité en deux secondes avec la subtilité d’une tractopelle).

 

Shazam! La Rage des Dieux : Photo Rachel ZeglerFaites des dons pour sauver la carrière de Rachel Zegler

 

En même temps, l’élément narratif le mieux introduit par le scénario n’est autre que le placement de produit le plus éhonté depuis la canette de Pepsi de World War Z, ce qui permet de jauger les priorités des décisionnaires de Warner. Au milieu de ses doigts d’honneur les plus explicites en direction de son spectateur, Shazam 2 est surtout une suite de clichés mis bout à bout sans aucune inspiration.

Qui peut encore croire qu’il est cool de transformer son film en jukebox avec du Bonnie Tyler et les Beastie Boys ? Quel blockbuster peut encore se contenter d’effets visuels approximatifs, dont la principale prouesse reste des déplacements d’immeubles tendance dimension miroir de Doctor Strange ? Qui peut encore oser raconter une histoire de super-héros qui rend malgré elle hommage aux Simpson, le film ? Et surtout, qui peut torcher son exposition obligatoire de mythologie en faisant littéralement du Wikipédia, comme un mauvais élève ?

 

Shazam! La Rage des Dieux : photoUn placement de produit subtil

 

Bêtise artificielle

L’ironie en serait presque mordante, tant La Rage des dieux est un énième pot-pourri de codes éculés, comparable à l’exposé d'un gamin qui se serait contenté de faire du copier-coller en urgence. Du foutage de gueule de son caméo final, en passant par ses scènes post-génériques criminelles, le film essaie dès qu’il peut de rentrer dans le rang, pour mieux se planter à chaque occasion.

À force de tout sacrifier pour privilégier les mêmes scènes d’action vues cent fois, les enjeux s’écroulent sous le poids de l’ennui. Zachary Levi a beau essayer d’amuser la galerie avec son insupportable énergie de teckel shooté au sucre, rien ne peut sauver la sensation de faire face à l’œuvre d’une intelligence artificielle nourrie par vingt ans de blockbusters super-héroïques.

 

Shazam ! la Rage des dieux : photo, Zachary LeviIl y a des claques qui se perdent

 

C’est d’autant plus triste que Shazam 2 ne peut pas faire totalement oublier les humains derrière sa fabrication. Depuis son court-métrage Lights Out, David F. Sandberg n’a jamais perdu de vue ses origines de cinéaste, et son humilité d’artisan qu’il commente encore sur sa chaîne YouTube. S’il est le premier à admettre que l’industrie hollywoodienne demande des concessions et de l’adaptation, il a continué à insuffler une part de débrouillardise et de “do it yourself” dans ses grosses machines, d’Annabelle 2 au premier Shazam.

Dommage de le voir ainsi à la barre de ce Titanic pas bien glorieux, incapable d’engager le navire dans une quelconque direction, si ce n’est les abîmes. Le ridicule ne tue peut-être pas, et on le voit bien au vu de la persistance du cinéma de super-héros face à sa mort annoncée par certains depuis plusieurs années. En tout cas, Shazam 2 prouve que le genre est définitivement malade, tant le résultat annonce la phase terminale d'un cancer qu'il faudrait arrêter de traiter en soins palliatifs.

 

Shazam ! la Rage des dieux : Affiche française

Résumé

À force d’avoir été repoussé, Shazam 2 a le mérite de coïncider avec l’utilisation accrue des intelligences artificielles dans l’art. Au moins, cette honte de blockbuster devrait servir à une chose : prouver que confier l’écriture et la réalisation de films à Chat GPT n’est pas une bonne idée.

Autre avis Déborah Lechner
Shazam 2 est le Thor 4 de DC, c'est-à-dire une mauvaise blague, sans chute, si ce n'est celle de son univers étendu.
Autre avis Arnold Petit
Alors que le premier film savait être touchant et un peu rigolo, Shazam! La Rage des Dieux est tellement vide d'idées qu'il est seulement ennuyeux et affligeant, multipliant les traits d'humour ratés et les scènes d'action ignobles pour tenter de justifier son existence dans cet univers étendu déjà mort.
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Lecteurs

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commentaires
hbb
29/05/2023 à 14:31

esprit d'escalier, bravo pour le lyrisme de cette critique vraiment bien écrite, c'est un régal.

hbb
29/05/2023 à 14:26

J'en suis à la moitié du visionnage de ce film et je l'ai mis en pause pour vérifier sur internet que ce que je vois est une des plus grosse daube jamais vue. Merci, ce que je lis me rassure. J'y retourne parce qu'il pleut et j'ai rien d'autre à me mettre sous les yeux.

Cala
28/04/2023 à 12:21

Vous êtes tous des rageux des jaloux c'est vous les nazes les pourrit moi j'ai adoré ce film dans sa globalité il était génial j'espère ouï j'espère qu'il va bientôt y avoir une suite

Gallahad
25/04/2023 à 10:25

Franchement, ce film est loin, très loin d'être raté. C'est même un bon divertissement familial. Descendre ainsi un film parce que vous vous attendiez sans doute à autre chose c'est vraiment ridicule. Bref! Un bon film à voir en famille ou à montrer aux enfants! ^^

Wolf
08/04/2023 à 19:36

Je viens de le voir et il est très au dessus de Thor 4, le point positif c'est Freddy et le sorcier (ils ont compris que Billy (le héros) était inintéressant et tant mieux), je me suis même surpris à rire alors que d'habitude j'ai la migraine à force de lever les yeux au ciel. Après ya beaucoup de point négatif mais pour un film pop corn je lui mettrait 2 voir 2,5/5, Pas un bon film de super héros mais loin d’être un des pires comme WW 84, Thor 4 ou même Shazam 1.

moldorm
07/04/2023 à 13:19

Honnêtement, je trouve la critique un peu dur. Oui ce n'est pas le film du siècle, oui il y a eu mieux, mais il y a eu aussi bien pire. Le film n'est pas prise de tête, c'est un divertissement familial sympathique. De plus, avec les films Marvel qui nous force à faire nos devoirs et à regarder 4 films et 7 séries avant de pouvoir voir un film pour tout comprendre, j'ai apprécié la simplicité du film. Si vous n'avez pas vu les autres films du DCEU, que vous avez apprécié Shazam! premier du nom, et que vous allez voir le film avec comme attente d'être diverti sans prise de tête, c'est un bon film. Pas un chef d'œuvre, mais pas non plus un film qui mérite 1/5 comme note.

Flo
04/04/2023 à 13:04

"Shazam Mim ! On avait dit Pas de dragon !!"

Voilà un héros qui aurait pu tomber dans les limbes de l’histoire de la Bande Dessinée, mais qui garde une identité old school un peu attachante, au point d’arriver à côtoyer de grands héros des comics DC.
Au cinéma ? Warner, studio se croyant plus malin et audacieux qu'il n'est vraiment… et avec l’expérience acquise depuis maintenant longtemps dans la prod super héroïque, on devrait y être : une suite à "Shazam !" a pû être possible, alors que un seul volet pouvait se suffire à lui-même.
Pas très compliqué à mettre en route même si la prod, comme depuis 3 ans pour tous les films, a dû se faire avec une prépa sous Covid. Et avec des enfants grandissant très vite.
Il suffisait juste de reprendre sa modernisation récente dans les comics "Rebirth"... et de toujours être empêché d'utiliser Black Adam, parce que « réservé » par Dwayne Johnson pour un film solo à sa gloire (celle de l’acteur surtout).

Résultat : toujours aucune « patte » distinctive du réalisateur David F. Sandberg, même pas la moindre touche horrifique la plus remuante.
C’est un peu plus fonctionnel, les scènes d'action sont plus efficaces...
Et le point principal n'est plus le scénario, ayant perdu de la justesse et surtout de la sensibilité du premier opus…
On n'y voit plus assez Asher Angel en subtil Billy Batson, et beaucoup trop de Zachari "Gérard Vives" Levi en Shazam immature et surexcité, insupportable quand il joue au petit chef ou au dur, ses efforts tournant à vide, superficiels, un pastiche du Thor dépressif exalté du MCU. Tout en ayant conscience de ses actes irréfléchis, mais sans les avoir suffisamment résolu depuis le dernière fois, et sans les rectifier avant d'arriver à une jolie bataille finale réglementaire.
L'acteur n'a plus sa bonhommie d'antan, et c'est une sacrée perte.

Pire, le film se permet de s'autocritiquer sans sincérité quant à cette infantilisme très gênant (que ça soit avec des personnages ayant une apparence ados ou adulte), aux blagues mécaniques, souvent ringardes, et innofensives pour trop jeunes enfants, plus du tout proches d’un film Amblin des années 80...
Ou ces artéfacts traités de façon si cavalière (dans une scène flashback incohérente - le look ne colle pas) qu'on les laissent facilement entre n'importe quelles mains funestes...
Ou ce manque de confiance en soi représenté de manière parodique.
Ou enfin ces références aux autres héros DC (en évitant scrupuleusement de citer Superman ?) et ce caméo censé se moquer de celui du premier volet, pour finalement se concrétiser réellement... en dea ex machina poussif qui annihile toute la gravité acquise à ce moment là. Annulant l'un des instants les plus émouvant et cinématographique qu'on pouvait avoir là dedans.

Alors on ne croit plus à ce qu'on voit. Ça ressemble juste à un épisode de plus, se reposant sur des actrices assez charismatiques en guise d'antagonistes... dont on ne fait pas grand chose, même pas en exploitant le fait qu'elles évoquent plutôt les Moires antiques.
Se reposant en bonne partie sur un Freddy Freeman plutôt sympathique, et plus assez sur les autres membres de la famille d’accueil (caricaturaux) avec un acte manqué pour Mary et sa maturité contrariée - sans explication dans le film sur le changement d'actrice (qui devrait logiquement suivre pour tous les autres).
Le coté pragmatique et désenchanté en rapport avec la cellule familiale, qu'on avait avant, se limite maintenant à une simple opposition de caractères.

Et c’est là qu’on se rend compte qu'on n'a toujours pas quitté une Origin Story, où les personnages ne font que galérer, mal comprendre leurs alias et capacités, et faire des super conneries irresponsables. Se passant totalement de la présence d'un arc narratif clair pour son jeune héros.
Rappelons que la dissociation entre l’enfant et l’adulte est une part des caractéristique de Shazam dans les comics. Et ne peut plus être justifiée ici comme si c’était une puberté expresse modifiant le comportement (les enfants paraissant plus sages que les grands ados trop excités)…
On le cite dedans, mais on oublie encore de résoudre le fait que parmi les pouvoirs accordés à celui sensé avoir un Coeur Pur, il y a la Sagesse de Salomon, et le courage d’Achille. Et ceux là ne cessent d'être représentés trop grossièrement.
Comme dans "Black Adam", avec là aussi l'insertion peu pertinentes de liens avec les productions de James Gunn - qui ne donnent pas confiance en l'avenir de DC.

Toujours le même problème avec ce Shazam ! : une touche de réalisme et de drama, pas assez de Pulp, de folies BD. Et pas assez de mondes (magiques) étranges, plutôt que d'être cloîtré dans une "banale" métropole américaine à peine perturbée par des effets piqués à "Inception", "Dr Strange" et autres films apocalyptiques... Non, le Rocher d'Éternité a des tas de portes vers d'autres univers et, à part un temple grec (au look mille fois vu), c'est seulement hors-champ qu'on les explore ?! Définitivement rien à voir avec les comics Rebirth, c'est sûr.
Et inclure plein de créatures mythologiques en guise d'énième armée d'envahisseurs en images de synthèse, ne fait qu'enlever de la valeur à celles-ci si on ne les restreint qu'à être des sbires terrorisant la foule sur le chemin du boss final.
C'est "plaqué" sur le scénario, et c'est dénué de tout pouvoir évoquateur ni même d'originalité dans l'utilisation.
Ceci étant, aucun autre divertissement ne réussit à faire efficacement du Pulp, comme si ça s'était perdu, que c'était aujourd'hui trop désuet.

C'était juste un épisode supplémentaire, qui devient un épisode de trop...
Avec le temps, on sera plus indulgent avec lui, on retiendra mieux ses petits bons moments.
En espérant une suite qui relâcherait enfin le frein à main - le potentiel est là, il est en attente.

Venger
31/03/2023 à 16:52

Je peux comprendre votre critique sur shazam qui est médiocre, mais des le titre il y a une attaque envers le snyderverse qui n à pas lieu d être, snyder n as pas réaliser shazam qui s inspire plus des marvel que du snyderverse... mélanger le dcu et le snyderverse s est philosophie différentes.

Ford
31/03/2023 à 10:13

Je suis assez réjoui par cette crise du cinéma de SH. Le genre est à mon sens malade depuis la Phase 2 de Marvel (la Phase 1 était déjà bancale mais avait le mérite de tenter des trucs), et il est temps que le public se rende compte qu'on lui sert de la daube.
Qui plus est, comme d'autres genres exploités jusqu'à la corde avant lui (western en premier lieu), une contre-attaque hors-système et un renouveau relanceront sans doute le genre avec pertinence... Je doute cependant que l'on voit émerger un Sergio Leone du film de SH (faut pas rêver), mais je suis tout de même curieux de voir l'héritage que certains tireront de ce marasme.

Jey772
31/03/2023 à 05:02

Cette franchise Shazam n'a jamais fait partie du Snyderverse... DCEU n'est pas égal à Snyderverse. Problème dès votre titre.

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