La fin d'Indiana Jones 5 : pourquoi c'était vraiment une très mauvaise idée

Geoffrey Crété | 2 juillet 2023 - MAJ : 02/07/2023 22:23
Geoffrey Crété | 2 juillet 2023 - MAJ : 02/07/2023 22:23

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est (normalement) la fin de la saga Indiana Jones, en tout cas pour Harrison Ford. Et il y a un problème avec cette fin, justement.

Notre critique d'Indiana Jones 5, qui a évidemment divisé la rédaction

A la fin du très détesté Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, Indiana Jones épousait Marion et récupérait son fameux chapeau, empêchant ainsi son fiston (Shia LaBeouf) de reprendre le flambeau. C'était, a priori, une fin idéale pour le célèbre aventurier, surtout après l'avoir vu croiser des aliens êtres interdimensionnels.

Mais ce n'était pas vraiment fini. Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est vendu comme la vraie conclusion, la vraie fin, la vraie der des ders. Et si Indiana Jones 5 ressemble bel et bien à l'ultime aventure pour le héros, il franchit un cap... que la saga n'aurait peut-être jamais dû franchir. Explications sur cette fin.

ATTENTION SPOILERS

 

 

fantastic mr ford

La saga Indiana Jones a toujours flirté avec le fantastique. Dans Les Aventuriers de l'arche perdue, c'était l'Arche d'alliance, qui libérait des forces surnaturelles dignes de SOS Fantômes (version Peter Jackson). Dans Le Temple maudit, c'était les pierres de Sankara et quelques rituels pas très catholiques. Et dans La Dernière Croisade, c'était le Graal et la promesse de vie éternelle, qui permettait de sauver la vie de papa Jones après avoir croisé la route d'un chevalier très, très vieux.

 

Les Aventuriers de l'arche perdue : photoCeci est un nazi

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal avait provoqué quelques AVC en sortant la carte des "êtres interdimensionnels", pour reprendre les mots de George Lucas. Une bien belle appellation pour désigner des créatures pourtant très simplettes, qui ont tout des petits bonhommes cosmiques à la Mission to Mars. A la fin, une soucoupe volante décollait sous les yeux d'Indy, transformé en Mulder de X-Files, histoire de dissiper le moindre doute.

Où aller après ce point de non-retour dans l'espace ? Dans le temps, justement. Indiana Jones et le Cadran de la Destinée franchit donc le cap avec un voyage dans le temps où Indy, Helena et les nazis passent à travers une faille spatio-temporelle pour débarquer en 213 av. J.-C., au beau milieu du siège de Syracuse.

Est-ce vraiment étonnant ? Même sans parler des fuites sur le scénario, qui parlaient de voyage dans le temps dès 2021, non. Au fond, c'est la suite logique de la saga, qui a assumé et revendiqué le fantastique au fil des épisodes. Mais ça ne veut pas dire que c'était une bonne idée.

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photoCeci est un alien

 

les yeux s'envisagent

Depuis le début de la saga, la question du fantastique est liée à celle du regard et du savoir. Faut-il chercher et trouver ces reliques extraordinaires ? Faut-il faire le dernier pas ? L'humain est-il prêt pour ça ?

Les Aventuriers de l'arche perdue répondait à ces questions de la plus belle des manières. Face à l'Arche d'alliance, il fallait abandonner, se détourner de l'hubris et accepter ses limites. Ce pouvoir est trop grand et cette quête, trop folle. Indiana Jones avait l'instinct de fermer les yeux, et disait à Marion de faire de même. Ils survivaient uniquement parce qu'ils renoncaient.

 

Les Aventuriers de l'arche perdue : photoLes aventuriers de l'arche perdue d'avance

 

La fin du Royaume du crâne de cristal répétait cette scène avec Irina, incarnée par Cate Blanchett. Avide de savoir et de pouvoir ("Je veux savoir ! Je veux savoir ! Dîtes-moi, je suis prête !"), la méchante russe était victime de son appétit cosmique, bien trop immense pour sa petite carcasse humaine. Et comment était-elle punie ? Ses yeux prenaient feu, avant que tout son corps ne s'évapore dans les airs, sous le regard d'un alien visiblement ravi de l'avoir remise à sa place.

 

Indiana Jones et la dernière croisade : photoLe Royaume des crânes cramés

 

Indiana Jones et le Temple maudit insistait aussi sur le regard. Le cauchemar commençait véritablement avec une scène où Indy, Willie et Demi-Lune observent une cérémonie des enfers dirigée par le prêtre Mola Ram, qui sacrifie une victime. Comme s'ils étaient au balcon d'une salle de spectacle, le trio n'avait qu'une chose à faire : regarder.

D'ailleurs, où étaient placées les pierres de Sankara ? Dans les yeux (et le nez aussi ok) d'une statue. Indy volait l'un des yeux, et il en payait très cher le prix.

 

Indiana Jones et le Temple maudit : photoMettre le doigt dans l'oeil

 

Le pouvoir, c'est voir. Et savoir voir est de toute évidence hors de portée des humains. Un peu comme lors du saut de la foi de La Dernière Croisade (où Indiana Jone fermait les yeux), il faut lâcher prise, et s'en remettre aveuglément et humblement à une force qui dépasse l'Homme.

Pour cet archéologue qui pense que la place des artefacts est dans un musée, plutôt que dans la galerie des egos des maniaques, l'enjeu est donc toujours celui de l'humilité. Le troisième film insistait encore plus sur ce dilemme et danger : cette fois, Indy avait besoin de l'aide de son père pour détourner le regard du Graal, reprendre ses esprits, et lâcher l'affaire pour ne pas finir comme Elsa.

 

Indiana Jones et la dernière croisade : photo, Harrison FordLa dernière fois que j'ai croisé le Graal

 

le seuil de la porte des étoiles

Le seuil à ne pas franchir est un autre motif omniprésent dans la saga. C'était un simple couvercle à ne pas soulever dans Les Aventuriers de l'arche perdue (une boîte de Pandore biblique), mais comme l'appétit des nazis, c'est devenu de plus en plus gros au fil des épisodes.

Dans Le Temple maudit, c'était un lieu infernal : pénétrer dans l'antre de la folie, que nul humain n'est censée visiter, c'était peut-être ne jamais en ressortir. Dans La Dernière Croisade, c'était le sanctuaire du Graal : franchir le sceau avec l'objet sacré, c'était prendre le risque d'y laisser sa vie dans les décombres.

 

Indiana Jones et la dernière croisade : photoLe grand sceau


L'idée de trouvaille et trésor va toujours avec celle de punition et prison. Aller jusqu'au bout de la quête exigera forcément un sacrifice énorme, et il faut toujours rebrousser chemin, même si c'est au tout dernier moment.

Indiana Jones 4 figurait ce seuil comme l'ultime limite de la réalité, avec un aspirateur cosmique au plafond. "C'est un portail, un chemin vers une autre dimension". "Je pense pas qu'on veuille aller de ce côté", répondait Indy, voix de la raison, qui entraînait tous ses amis/famille loin de ce vaisseau en plein redémarrage. Exactement comme il le faisait avec Marion, pour qu'ils ferment les yeux dans le premier film. L'héroïsme, c'est rebrousser chemin.

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photoRencontre du troisième tripe

 

de l'autre côté du miroir

Et c'est là qu'on en arrive à Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. A la fin, il y a un portail comme dans le quatrième film. Sauf que cette fois, tout le monde y va.

A la fin du Royaume du crâne de cristal, tout le monde fuyait pour échapper au portail des aliens, qui avalait les méchants et les trésors, encore une fois pour rappeler que c'était hors de portée des héros. Mais dans le cinquième film, tout le monde se jette dans la gueule du loup. C'est l'objectif des méchants nazis, Indy est embarqué avec eux, Helena et Teddy aussi, et surtout c'était la vraie destination du réalisateur James Mangold.

 

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée : photo"I have a bad feeling about this"

 

Non seulement le film franchit ce cap du fantastique en basculant de l'autre côté, mais il s'y installe en plus pour plusieurs longues minutes. Ça discute, ça panique, ça hurle, ça se bagarre, ça saute dans le vide, et ça se pose finalement sur la terre ferme, pour qu'Indiana Jones se retrouve nez à nez avec Archimède. Le temps d'un échange, la saga confronte ainsi le fantasme du fantastique, à la réalité du personnage iconique. C'est la désacralisation totale, en miroir avec celle du chevalier de La Dernière croisade – parce que cette fois, c'est Indy lui-même qui devient l'élément fantastique dans le décor.

42 ans après avoir détourné le regard de l'Arche d'alliance, Indiana Jones fixe (encore) le fantastique droit dans les yeux. C'est la suite logique de la rencontre avec le chevalier du Graal, qui ne durait que quelques instants et dont Indy revenait vite, laissant le vieil homme disparaître dans les décombres après un bref regard échangé à la toute fin.

Et dans Le Cadran de la Destinée, c'est Indy le vieillard, qui veut rester derrière.

 

Indiana Jones et la dernière croisade : photoLe chevalier du râle

 

LA FIN d'Indiana Jones

Après cette ultime rencontre, ce point de non-retour, l'archéologue veut rester là pour mourir. Il s'obstine, et il faudra qu'Helena l'assomme pour le calmer, à défaut de savoir le raisonner comme papa Jones dans La Dernière croisade. Peut-être parce qu'il y a toujours eu un sacrifice à faire pour celles et ceux qui osaient aller si loin. Ou peut-être parce que ni lui ni la saga ne peuvent exister au-delà de cet instant. Donc, à quoi bon en revenir ?

La tentation d'aller vers l'infini et l'au-delà est excitante, et c'est le cheminement logique dans une saga qui a toujours marché sur la corde raide du fantastique. James Mangold s'en défend d'ailleurs dans Variety, parlant d'une fin qui n'est pas plus folle que "des goules qui sortent d'une boîte en volant et font fondre la tête des gens grâce à la pure puissance des anges noires, ou un chevalier de 700 ans qui est dans une grotte à perpétuité".

 

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée : photoLe cadran de la mauvaise idée


La différence, c'est que ce Cadran de la destinée ne laisse plus aucune place à l'imagination. C'est presque l'anti-Indiana Jones : il force le public à ouvrir les yeux et regarder, et ce au-delà de la fiction. Les figurants, les costumes, les CGI, l'acteur Nasser Memarzia qui fait de son mieux en Archimède (comme Robert Eddison en chevalier du Graal)...

En somme : on regarde le cinéma, dans toute son artificialité (comme dans la scène d'intro qui braque une lampe torche sur Harrison Ford rajeuni, afin d'en scruter les moindres détails). Contrairement aux précédents épisodes, qui contenaient plus ou moins le fantastique (dans un objet, une scène, un décor, un personnage), Indiana Jones 5 ouvre en grand les portes, pour que tout soit vu à la lumière du jour.

 

Indiana Jones 5 : photo, Harrison FordForcer le regard

 

Figurer l'infigurable est toujours un risque, que la saga Indiana Jones connaît bien – les regards caméra des fantômes de l'Arche d'alliance ou de l'alien en sont les preuves. Mais en passant littéralement de "l'autre côté", ce cinquième Indiana Jones a peut-être perdu l'essentiel : l'humilité face à ce qu'il ne faut ni voir ni montrer, ou en tout cas pas trop ou pas trop longtemps, au risque de briser toute la fragile magie.

Donc oui, cette fin d'Indiana Jones 5 est logique pour la saga et le personnage, et elle était peut-être même inévitable. Et c'est probablement la meilleure preuve que cette nouvelle tentative de conclure la franchise (après la fin du troisième, puis du quatrième) était dispensable.

Tout savoir sur Indiana Jones et le Cadran de la Destinée

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commentaires
Pseudonaze
12/07/2023 à 00:23

Perso moi j'achète cette fin qui est pleine d'émotions car elle incarne ce que ressent Indy: il n'a plus sa place dans son époque, mise à la retraite, perte de son fils, divorce...le temps lui a pris tout ce qu'il avait de plus cher, du coup en restant dans le passé pour y mourir sereinement en passant ces derniers instants au cœur même de l'histoire c'est la plus belle manière pour lui de retrouver un sens à sa (fin de) vie.
De retour dans sa temporalité, c'est tellement évident que seul Marion peut lui permettre de retrouver goût à la vie, cette fin fait complètement sens et est chargée d'émotions, j'en ai eu la gorge nouée !
Ce film propose au moins de vraies intentions de mise en scène, ce qui est déjà miraculeux dans le dépotoir qu'est devenu l'univers du blockbuster.
Indy 5 est pour James Mangold l'occasion de faire un adieu au cinéma classique et classieux des films grand spectacle de l'âge d'or d'Hollywood car ce Cinéma là n'existe plus ! Aujourd'hui c'est multiverse de mes boules en sueur et films surdécoupés avec 10 plans pour montrer un personnage qui sort d'une voiture ou qui fait toute autre action qui n'apporte rien à la progression de la narration.

Pseudonaze
11/07/2023 à 23:59

"SOS Fantômes (version Peter Jackson)" donc Fantôme contre fantômes ?

2keuss
08/07/2023 à 08:32

ca leur arrive à écran large d'écrire un article positif ? sans qu'il soit put a clic? loool

Spade
05/07/2023 à 10:57

Pour ma part le « problème « de ce film est que Harrisson Ford et vieux, et donc Indiana Jones aussi. C’est finalement ce que je retiens de l’amertume que j’ai ressenti en regardant les suites forcées des films que je regardais dans mon enfance…
Ça va de Ghostbusters, et pourquoi pas StarWars tant qu’on y est… Voir vieillir ou mourir les personnages de fiction qu’on a aimé ça enlève un peu de leurs aura je trouve…

ZakmacK
05/07/2023 à 00:18

Bref, refaire un indiana jones après la débandade du 4, le contrat était de faire un bel adieu pour Harrison Ford, et bien je suis désolé mais le compte n’y est pas. Et pour ma part je resterais avec mon petit coffret quatre films, où il y en a déjà un de trop. Celui-ci je n’ai pas du tout envie de le revoir !

ZakmacK
05/07/2023 à 00:12

@morcar oui, emporté par ma rage devant le film je n’ai pas fini ma phrase :) je pense que je voulais juste dire heureusement que le film est parti pour faire un bide car c’est une souffrance du début à la fin.
Je sais bien que le fait que je n’aime pas un film ne changera rien à son existence. J’exprimais juste mon avis sur le film que j’ai trouvé vraiment pas terrible. Ça m’énerve toujours de voir des films suite tardives à des films que j’ai adoré dans mon enfance se vautrer dans la médiocrité.
J’y vais toujours avec un petit espoir et j’en ressors souvent dégoûté. Le truc c’est que l’on parle d’une série de films dont deux des trois premiers sont des Chef-d’œuvres, (je trouve le temple maudit en dessous)

alxs
04/07/2023 à 11:39

Ils n'auraient pas du faire se poser/crasher les avions et pourquoi pas observer cette bataille d'en haut, comme pour laisser un peu de mystère comme vous dites. Il y a un manie à vouloir tout montrer, trop montrer. Le film n'est pas désagréable mais je regrette cette fin, on sent la pression sur les épaules du réa et des scénaristes ayant fait ce choix par défaut pour clore tant bien que mal la saga. J'ai trouvé l'ellipse du coup sur la tête trop facile, on sent vraiment la facilité (comment s'en sortir en étant allé aussi loin ?) et on s'en sort presque comme on sort d'un mauvais rêve !

Morcar
04/07/2023 à 09:44

@ZakmacK, tu n'as semble-t-il pas fini une de tes phrases. Heureusement que le film est partir pour faire un bide car ... ? Quoi qu'il arrive, bide ou pas, il existe. Donc si tu n'as pas aimé ça ne changera rien à son existence. Et d'ici peu ceux qui voudront acheter les films en BluRay devront soit les chercher en individuels, soit acheter le boitier avec les 5 ;)
La seule chose qui puisse découler d'un bide sera l'absence de "suite" autour du personnage d'Helena. Et encore, je ne serais même pas surpris que Disney le tente quand même.

Personnellement, je n'ai pas acheté le boitier avec les 4 BluRay, attendant la sortie du 5, et j'achèterai l'intégrale sans remord pour revoir les 5 à la maison, même si les deux derniers ne sont pas mes préférés.

mxlf59
03/07/2023 à 23:29

@ZakmacK complétement d'accord avec toi.
Va prendre tes pilules et loupe toi pas ce coup-ci stp.
Avec plein d'amour pour ta 137éme fois.
Bisous
la mort. /s

Monsieur Constructif
03/07/2023 à 18:49

Bah! Et alors ?

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