Black Adam est bien un énorme flop, quoi qu'en dise Dwayne Johnson

L'exploitation en salles du très moyen Black Adam est terminée, et c'est donc officiellement, incontestablement, indubitablement un flop pour Dwayne Johnson.

Il n'est plus projeté en Amérique depuis le 5 janvier 2023. Sa sortie en Chine a été enterrée en douce. Il est désormais disponible en streaming et en DVD/Blu-ray. Globalement, Black Adam en a fini avec sa carrière en salles, et on peut donc tirer un bilan économique terminal pour le dernier Dwayne Johnson movie.

Terminal, c'est le mot : le film DC réalisé par Jaume Collet-Serra s'est si bien planté que les suites de Black Adam ont été annulées reportées indéfiniment. Quant au DCEU, qui devait renaître de ses cendres grâce aux sourcils parfaitement arqués de The Rock, il a été abandonné par James Gunn et Peter Safran dans la foulée.

Dernier clou dans le cercueil d'un univers mort il y a des années, Black Adam est bel et bien un échec, même si The Rock n'est pas d'accord.

Vaut mieux pas regarder l'explosion

RAMASSE TES A-DENTS

On avait déjà dressé un bilan exhaustif du box-office de Black Adam (avec chiffres et comparaisons dans le détail) un mois après sa sortie, et presque rien n'a changé par la suite. Nos excuses par avance donc si l'on se répète, mais depuis novembre 2022, Black Adam est douloureusement passé d'un mauvais 325 millions de dollars récoltés dans le monde à un moins mauvais 392 millions. Soit une progression notable, mais loin d'être suffisante.

Cela peut paraître beaucoup, mais rappelons d'une part que Black Adam a coûté 200 millions de dollars à produire. Et encore : Variety a depuis sorti un texte qui affirme que Warner a déboursé 40 millions de plus en tournage additionnel, portant le tout à 240 millions de dollars. Il faut également ajouter à cette somme les coûts marketing, estimés par Deadline entre 80 et 100 millions de dollars. Mais c'est un chiffre qui provient d'un article controversé (on y revient plus bas) orienté en faveur du film, et qui pourrait être plus élevé.

Toujours est-il que le total complet des frais annoncés pour Black Adam devrait se situer entre 340 et 360 millions de dollars, si ce n'est plus.

Money can't buy me love

Alors certes, on nous dira que 392 millions de recettes moins 360 millions de dépenses, ça fait 32 millions de dollars, direct dans la poche, donc succès. On répondra qu'il faut se souvenir que les studios ne touchent pas l'intégralité des montants annoncés au box-office, puisque les salles gardent une part du prix du billet, plus ou moins élevé en fonction des pays.

Le mieux est encore de s'appuyer sur le chiffre avancé par Business Insider fin 2022 (nécessairement sous-estimé donc), qui évaluait que Black Adam devait passer la barre des 600 millions de dollars pour être réellement rentable. En l'état, il manque donc 208 millions.

Rappelons également que, quand bien même cette trop simple soustraction était avérée, il n'y aurait vraiment pas de quoi se réjouir d'un gain net de 32 millions de dollars. Dans l'univers des superhéros où le moindre pet de toile de Spider-Man rapporte 1 milliard, un box-office à 392 millions de dollars pour une usine à gaz pareille ne peut être autre qu'un signe de faiblesse, même en imaginant que l'opération soit fructueuse. En témoigne le récent Black Panther : Wakanda Forever, qui a démarré à 330 millions de dollars, soit 84% du résultat de toute l'exploitation de Black Adam en trois jours.

Domination, allégorie

ANTI-HEROS et gros zÉro

Avec un démarrage beaucoup trop bas pour un tel film (140 millions de dollars), et en l'absence de bouche-à-oreille positif côté critique (39% sur Rotten Tomatoes, 41% sur Metacritic) comme public (un correct mais sans plus B+ sur CinemaScore), Black Adam partait de beaucoup trop loin pour rattraper son retard.

Alors, certes, ces quelques mois d'exploitations supplémentaires lui ont permis de sauver la face et de s'élever au-dessus de scores les plus bas du MCU, comme Captain America : First Avenger (370 millions) et Black Widow (379 millions, mais sorti pendant la pandémie et victime de piratage massif avec la sortie simultanée sur Disney+).

Les sourcils coincés c'est de naissance, la face est sauvée on vous dit

Mais on est toujours en dessous des Éternels (402 millions et considéré comme un échec), et la hiérarchie des superhéros n'a pas bougé d'un centimètre en 2022. Le MCU a en effet écrasé DC comme un insecte avec Thor : Love and Thunder (760 millions), Black Panther : Wakanda Forever (827 millions) et Doctor Strange in the Multiverse of Madness (955 millions). À la rigueur, si cet équilibre a été perturbé par DC, c'est beaucoup moins grâce à l'univers étendu de Black Adam qu'à The Batman : 770 millions de dollars, et une réception bien plus largement positive.

En 2022, les seuls adversaires super-héroïques qui ne résistent pas à Black Adam sont le loser intégral de l'année Morbius (167 millions de dollars) et les clébards de Krypto et les Super-Animaux (207 millions). Pas de quoi se vanter, d'autant que le concurrent le plus proche Thor 4 le devance de 370 millions de dollars.

Et si l'on sort du cadre des super-héros, c'est pire encore et presque à peine comparable : Top Gun : Maverick est à 1,48 milliard, tandis qu'Avatar 2 : La Voie de l'eau en est à 1,7 milliard et continue de grossir.

Terrible désillusion dans 3... 2... 1...

BLACK ADAM OF PREy

En rembobinant un peu, on peut même trouver des exemples au sein de l'univers étendu DC qui mettent Black Adam à mal. Prenons le cas Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn, globalement considéré comme un échec commercial. Avec 84 millions de coûts de production et un box-office mondial à 205 millions, on obtient un taux de rentabilité à 2,5.

Pas terrible ? C'est pourtant mieux que Black Adam et son ratio de 2. Plus modeste à tous les niveaux, le blockbuster emmené pour Margot Robbie aura néanmoins été une meilleure opération financière que les rouleaux-quadriceps compresseurs Dwayne Johnson, sachant tout de même qu'aucun des deux n'a eu droit à sa sortie en Chine.

Quand tu loupes ta sortie sur l'autoroute du box-office

Gigantesque casino capable de transformer des succès absurdes à l'image de Fast & Furious 7 (390 millions de dollars) ou Venom (269 millions de dollars), la Chine était un marché clé pour Black Adam compte tenu de la popularité de Dwayne Johnson. Avec des Fast & Furious : Hobbs & Shaw (plus de 200 millions), Rampage (156 millions), San Andreas (103 millions) ou encore Skyscraper (98 millions) dans le rétroviseur, l'acteur avait de quoi espérer, et la Chine pouvait être une bouée de sauvetage idéale.

Malheureusement, aucune autorisation de sortie n'a été délivrée, et globalement, le marché asiatique s'est d'ailleurs montré sans pitié avec l'homme en noir, le Japon lui ayant même réservé un accueil particulièrement sauvage.

Tu rentres pas

DAMAGE CONTROL, DOMMAGE COLLATERAL

Le dossier semblait plié, quand soudain Dwayne Johnson dégaine un tweet inattendu le 7 décembre : Black Adam est une affaire rentable, affirme-t-il, à hauteur de 52-72 millions de dollars. Preuve à l'appui : un article de Deadline, un média qui fait autorité en la matière, et qui prouverait que Black Adam est un succès.

HA ! Les analystes se seraient trompés ? Les commentateurs ne seraient donc que de vilaines boules de seum souhaitant provoquer la chute d'un honorable businessman ? Écran Large ne serait en réalité composé que de vibrionnants ouistitis incapables de faire des maths ? Le monde n'était pas au courant que 2 + 2 = 5 depuis 1984 ?

Waited to confirm with financiers before I shared this excellent #BlackAdam news - our film will PROFIT between $52M-$72M.
Fact.
At almost $400M worldwide we are building our new franchise step by step (first Captain America did $370M) for the DC future.https://t.co/GBIgsbtnkq

— Dwayne Johnson (@TheRock) December 7, 2022

Bien que Geoffrey Crété notre saint rédacteur en chef soit effectivement un petit singe mignon qui aime les cacahuètes [il a relu l'article et dans sa grande bonté, n'a pas censuré, ndlr], la réalité est évidemment plus complexe... et surtout moins arrangée.

Cette publication de Deadline, avec les données qu'elle avance et son ton triomphal, a en effet été montrée du doigt comme source de fausses informations, que l'on va essayer de démêler du mieux que l'on peut avec nos pattes poilues. Et pour ce faire, il faut retourner à l'origine du mal : l'article de Deadline lui-même, qui aura eu pour principal effet de compromettre profondément la crédibilité de la rédaction d'un titre pourtant reconnu pour sa fiabilité.

Dwayne et Deadline : les dessous du deal

Quelques jours après le papier de Deadline, un ancien rédacteur du Hollywood Reporter a en effet affirmé dans Puck et sur Twitter que, selon ses sources au sein de la Warner, ce compte-rendu a été truqué. D'après elles, l'équipe de Dwayne Johnson aurait organisé une fuite de fausses données financières dans la presse, dans le but manifeste de maquiller la réalité, mettre les fans de son côté et peser plus lourdement dans ses négociations sur le futur du DCEU (dont le retour d'Henry Cavill en Superman). Bref, une opération camouflée de damage control, ou limitation des dégâts.

Évidemment, rien de tout cela n'est confirmé... mais rien n'a été démenti non plus. Et en l'absence de réactions de part et d'autre, et compte tenu de l'éviction de Dwayne Johnson des plans immédiats de DC, c'est tout le sérieux du papier qui est mis en cause ; sans parler de l'intégrité d'un titre aussi puissant que Deadline, désormais principale victime de cet épisode chaotique.

Mais cet article soulève malgré tout quelques points intéressants qui méritent qu'on s'y attarde, surtout pour les nuancer. Et réaffirmer pour de bon que Black Adam est bien un ratage.

 À nous deux Dwayne Johnson

DEADLINE, DEAD END

L'article est structuré autour de trois raisonnements : la deuxième vie du film en vidéo / via le merchandising / en droits TV (qui rapporteraient à eux seuls les 52 millions de dollars du tweet de Dwayne Johnson) ; le potentiel d'une franchise (on rappelle que l'article de Deadline est sorti avant que la direction de DC ne change avec James Gunn et Peter Safran) ; et l'optimisation des coûts.

Trois arguments massue affirmés implacablement, soutenus par une avalanche de chiffres, et pourtant largement discutables sans même se lancer dans l'arithmétique. Même en accordant le bénéfice du doute et en prenant tout ce que l'article avance au sérieux, ces trois arguments sont au mieux extrêmement faibles, et au pire, une diversion – très habile, il faut le reconnaître.

Soyons sérieux deux minutes. Tous les studios font vivre leurs produits au-delà de la salle, avec des déclinaisons vidéo, du merchandising et de la télé (en ayant d'ailleurs en tête des montants probablement beaucoup plus élevés que ce tout mignon 52 millions de dollars). Tous les studios espèrent démarrer une franchise dès qu'un réalisateur enregistre ne serait-ce qu'un film de vacances à Arcachon. Et, bien entendu, tous les studios, toutes les entreprises cotées en bourse du monde, optimisent leurs coûts.

Ohlala attention, un univers étendu, c'est du jamais vu !

Le pire, c'est que même en considérant ces arguments, Black Adam est séché par la concurrence. D'après Samba TV, Black Adam a été visionné 1,2 millions de fois à sa sortie sur HBO Max, et l'analyste affirme que c'est un chiffre à la traîne comparé à la tendance générale des films de super-héros.

Quant au départ de franchise, on sait ce qu'il en est : James Gunn et Peter Safran ont purement et simplement tiré un trait sur tout ça, remerciant au passage Dwayne Johnson et Henry Cavill. Enfin, pour l'optimisation des coûts, que vous dire si ce n'est qu'il faut vraiment être désespéré pour mettre en avant la restructuration de la dette de son entreprise pour justifier la réussite de son dernier produit.

Vous imaginez Disney expliquer au monde que Les Éternels n'a pas été une déception commerciale parce qu'ils n'ont dépensé que 2% de leur budget dans les charges, comme le fait Deadline pour Black Adam ? Ce n'est pas dans les entournures des contrats ou dans les interstices de lignes bancaires que se niche le succès d'un film, qui ne se mesure pas qu'en argent, mais également (surtout ?) en popularité. Et pour cela, il n'y a qu'un seul indicateur fiable, celui du rituel social de masse et le mode d'exploitation le plus rentable (n'est-ce pas Disney+) : la salle.

Écran Large qui fait le bilan box-office de Black Adam

ROCK IS DEAD ?

C'est exactement là où l'article ne regarde pas, et ne veut peut-être pas que vous regardiez non plus, car le défaut de spectateurs y est flagrant. On le dit et on le répète : quelle que soit la manière de présenter les chiffres, 392 millions de dollars est un échec pour un film de la trempe de Black Adam, même (surtout) comparé à Captain America, tourné il y a 12 ans avec 140 millions de dollars, soit moins de 75% du budget officiel (et on sait ce qu'on en pense) de Black Adam.

Il faut donc poser la bonne question, et ce n'est pas "Black Adam a-t-il rapporté de l'argent à la Warner ?". Il est d'ailleurs très probable que oui.

Mais imaginez que vous immobilisiez maintenant 700€ de capital pour plusieurs années, et qu'en 2026 on vous rende 770€. Certes il y a une plus-value (et encore, grignotée par l'inflation), mais cela reste une liquidité que vous n'avez pas pu investir ailleurs. À 10% de rendement sur une durée si longue, vous pourriez légitimement considérer que vous auriez pu mettre cet argent dans un projet plus rentable, ou juste vous acheter une PS5 et jouer aux jeux vidéo pendant 3 ans.

Un studio ne réfléchit pas autrement : s’il mise gros, c'est pour gagner gros. Et à la question "Black Adam a-t-il rapporté suffisamment d'argent", la réponse est 395 millions de fois non.

Rend l'argent Dwayne. Ou au moins, file une PS5 au rédacteur.

Paradoxalement, en "prouvant" bon an mal an que Warner n'a pas perdu d'argent avec son projet, Dwayne Johnson a aussi démontré qu'il est le vrai dindon de la farce dans cette histoire. Après avoir tenté de prendre le contrôle plus ou moins de force, et après avoir tout fait pour être identifiée comme le capitaine du projet, la star se retrouve isolée avec un gros bide sous la ceinture tandis que le studio a mis les voiles vers d'autres horizons, avec assez de sous pour sauver les meubles.

Même Henry Cavill a déjà embrayé sur la suite de sa carrière. En perdant le superhéros qu'il s'était (re)fabriqué sur mesure, le rocher est tombé sur un os, et l'avenir semble quelque peu incertain.

Où va Dwayne Johnson ? Si Black Adam n'est pas son premier non-succès (Skyscraper, Rampage) et qu'il est loin d'être fini, la légende est plus que jamais prisonnière d'une impasse créative... et peut-être pas loin d'être has-been. Refroidi à jamais par Southland Tales côté cinéma d'auteur (qui lui préfère de toute façon Dave Bautista) et rejeté par la machine à licence super-héroïque, Dwayne Johnson pourrait se mettre à dangereusement tourner en rond, ce que tend déjà à prouver son prochain Red One, un actionner de Noël avec Chris Evans sur Amazon Prime (juste après Red Notice avec Ryan Reynolds sur Netflix oui).

Et comme Dwayne Johnson est plus occupé à refourguer sa tequila à qui n'en veut pas qu'à diversifier sa carrière, il faut probablement s'attendre à voir arriver Hobbs & Shaw 2, San Andreas 2, un remake du Roi Scorpion, un spin-off solo du toutou de Black Adam dans Krypto et les Super-Animaux et Jumanji 47.