On les aime, mais svp arrêtez avec eux.
Quelques années après un énième Robin des Bois modernisé qui s’est vautré, dans le sillage d’un Roi Arthur : La légende d’Excalibur qui avait été un four colossal, la même question se pose, sans cesse : pourquoi continuer à explorer, recycler, user ces personnages cultes ? Dracula, Hercule et Tarzan (qui vont revenir chez Disney), Sherlock Holmes dont la petite sœur aura droit à sa propre saga sur Netflix… la machine ne s’arrête pas.
Petite sélection de ces icônes qui devraient sûrement être mieux traitées, ou juste laissées de côté quelques temps.
DRACULA
Si l’on considère que la première adaptation au cinéma remonte en 1921 avec Drakula Halala de Karoly Lajthay, le comte n’arrive pas sous les feux des projecteurs puisque c’est une adaptation non-officielle. Tout comme le Nosferatu de F.W. Murnau en 1922. Il faudra attendre 1931 et le Dracula de Tod Browning, produit par Universal, pour que le vampire ne s’installe définitivement dans les salles obscures.
Et, à partir de là, les choses s’accélèrent. Des suites, des spin-offs humoristiques (Deux Nigauds contre Frankenstein), Bela Lugosi qui pète les plombs et est enterré dans son costume : Dracula perce l’écran et s’épuise rapidement.
En 1958, il retrouve une nouvelle jeunesse en Angleterre avec le mythique Cauchemar de Dracula, avec Christopher Lee dans le rôle du comte, Terence Fisher à la réalisation et le studio Hammer à la barre. Beaucoup plus subversif que ses prédécesseurs, ce nouveau film sur Dracula mêle l’horreur à l’érotisme soft et se voit à nouveau décliné de nombreuses fois, avec ou sans Christopher Lee d’ailleurs. Un éternel recommencement qui épuise une fois de plus le personnage.
Après un petit retour en 1979 avec le Dracula de John Badham, il devra attendre 1992 et Dracula de Francis Ford Coppola pour revenir à la source de son identité. Si le film n’est pas parfait, il impressionne par ses qualités esthétiques, son casting (Gary Oldman forever) et se permet de rendre sa stature tragique au personnage, mêlant pour l’occasion le roman de Stoker et quelques éléments biographique du vrai Vlad Tepes.
Une histoire sans fin, qui continue avec une nouvelle version lancée par Netflix, avec Claes Bang.
SHERLOCK
Basil Rathbone et Nigel Bruce dans Le chien des Baskerville de Sydney Landfield
Parmi les nombreuses adaptations du célèbre détective, certaines ont su se démarquer. Les cinéphiles se souviendront de Basil Rathbone et Nigel Bruce qui ont incarné respectivement Sherlock Holmes et Docteur Watson dans 14 films, entre 1939 et 1946. L’héritage qu’ils ont laissé du Docteur Watson, devenu à la longue un peu nigaud, est souvent critiqué.
Peter Cushing recolorisé dans Le chien des Baskerville de Terence Fisher
La figure ascétique de Peter Cushing en Sherlock Holmes a participé au charisme froid qu’on lui connait aujourd’hui. On ne le retrouve pourtant que dans un seul film, Le Chien des Baskerville, produit par la Hammer en 1959 et réalisé par Terence Fisher.
LE ROI ARTHUR
La première adaptation cinématographique du cycle arthurien met en scène un Moyen Âge resplendissant et résonnant au son des joutes de chevaliers en armures polychromées. Les Chevaliers de la table ronde, réalisé par Richard Thorpe en 1953, est un témoignage des gigantesques productions hollywoodiennes.
Magnifiant la légende, ce film est devenu emblématique puisqu’il est un des premiers à être tourné au format large CinémaScope, en témoigne le générique d’introduction très subtil et ses magnifiques rideaux rouges qui ouvrent le cadre de la caméra. Toute l’imagerie d’un Moyen Âge fantasmé et whasé par les années 50 est là. Des côtes de mailles rutilantes aux robes brodées d’or des dames, des dents parfaitement blanches aux habits repassés et colorés, en passant par la vision lissée du chevalier toujours impeccable, même en plein combat, le film est un véritable témoignage des codes du cinéma des années 50.
Les Chevaliers de la Table ronde
Si Les Chevaliers de la table ronde de Richard Thorpe propose une imagerie extrêmement datée et dénuée de toute magie, la version de David Franzoni, Le Roi Arthur, réintroduit un gimmick célèbre avec sa bande-annonce et le sous-texte de son affiche originale : Le Roi Arthur et ses chers chevaliers, ainsi que Marianne et Merlin, seraient en fait des personnages historiques.
Sorti en 2004, Le Roi Arthur avec Keira Knightley, Clive Owen et Ioan Gruffudd use et abuse de cet argument à des fins marketing. Pourtant le résultat n’est pas au rendez-vous et le box-office américain est catastrophique (51 millions de dollars à domicile pour un budget de 120).
Une politique assez absurde quand on voit à quel point le film baigne dans le mysticisme. Mais le véritable problème réside peut-être plus dans le fait que Clive Owen s’en va combattre un bon millier de saxons avec cinq champions, son épée et une Marianne archée… haute en couleurs.
Chef d’oeuvre d’originalité ou long-métrage incompris, Le Roi Arthur demeure un des plus grands classiques de la mythologie arthurienne au cinéma.
Keira Knightley en Marianne aux côtés du Roi Arthur de Clive Owen
Les enfants que nous avons été se souviennent forcément du Disney Merlin l’enchanteur. Sorti en 1964, il met en scène un Arthur tout mini, Roi de Bretagne en devenir en plein apprentissage auprès de l’enchanteur. Si le dessin-animé se clot au moment où Arthur retire l’épée du rocher, donc au moment où la légende commence, il permet à Wolfgang Reitherman (son réalisateur) de faire toute une série de blagues plus ou moins sympas, mais qui ne manqueront pas de ravir les enfants.
Mais la légende du Roi Arthur et de sa Table ronde a aussi souvent été exploitée à des fins comiques. Qui ne s’est pas écroulé de rire devant l’une des plus fameuses versions du Roi Arthur : Monty Python, sacré Graal, chef d’oeuvre d’humour que l’on le doit à Terry Jones et Terry Gilliam ?
Un film qui puise sa force dans l’humour décalé et incroyablement loufoque des Monty Python. Dans cette comédie (qui est aussi leur premier long-métrage), la troupe livre des scènes à mourir de rire, à l’image de l’ouverture où Arthur et ses chevaliers arrivent à chev… à noix de coco. Succession d’images réelles et d’animations, dialogues entre-coupés d’apartés, inclusions chorégraphiques, Monty Python, sacré Graal c’est tout un programme.
Un monstre à trois têtes bien fameux
Qui parle du Roi Arthur ne peut évidemment se passer d’évoquer Kaamelott. La série française d’Alexandre Astier a bercé nos écrans de télévision de son générique entêtant et de sa bande de pignoufs mal décrottés, de 2005 à 2009.
Alexandre Astier réussit à faire parler la légende par la bouche de parfaits abrutis sans jamais la tourner en ridicule. Extrêmement bien référencée, Kaamelott réussit à amuser par ses joutes verbales tout en rappelant les faits importants de la légende : le mysticisme de la légende, sa reprise par l’Église et le mystère autour du Graal (qui rappelons-le faisait référence à la base à un plat à poisson). Kaamelott a le mérite incroyable de ne pas insulter la légende et respirer le Moyen Âge, de même que Monty Python, sacré Graal, et son ton sacrément décalé.
Presque le même titre mais un tout autre ton pour Camelot, série annulée après une saison avec Jamie Campbell Bower en Arthur, Eva Green en Morgan et Joseph Fiennes en Merlin.
* son du générique * taadaam, taadaam, taadaam
À côté de ça, la version de Guy Ritchie (ô boy…) est un véritable massacre. Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur, sorti en 2017, plante un Arthur et sa bande au sein de la résistance dans un pays en proie aux déferlements des forces du mal. À bas le mythe d’Arthur, exit le clan Pendragon, aux oubliettes les chevaliers légendaires… Montage mi-nerveux mi-ralenti, modernisation des looks qui ne veut rien dire et qui tente de se racheter à coup d’explosions et de boules de feu : le film fait mal.
Ce blockbuster a été un flop monumental : 175 millions de dollars dépensés (hors marketing) pour 39 millions encaissés à domicile et 148 à l’international.
TARZAN
Il prendra pour femme Jane Porter, avec qui il rentrera réclamer son titre en Angleterre. Il retournera en Afrique avec elle pour retrouver son fils, Korak-le-Tueur, parti redécouvrir ses racines dans la jungle. Au cours d’aventures de plus en plus exotiques et délirantes, la famille explorera moult cités perdues et lieux fantasmagoriques.
On se souvient également des trois saisons à succès de la série Tarzan où officiait Wolf Larson au début des années 90. Si plus grand monde ne se rappelle de Casper Van Dien dans le rôle, Tarzan et la cité perdue ressuscitait, malgré lui, le charme des pulps d’antan, avec une kitscherie amusante. Mais malgré ses gags lourdauds, c’est peut-être George de la jungle qui aura le mieux capturé ses dilemmes, ainsi que le décalage du personnage avec notre époque.
FRANKENSTEIN

Lorsque le roman tombe dans le domaine public, c’est une aubaine pour le studio Hammer. Arrive ainsi Frankenstein s’est échappé en 1957, où Terence Fisher redonne vie aux personnages avec Peter Cushing en docteur et Christopher Lee en créature. La Hammer exploite le matériau sur six suites plus ou moins mémorables, qui exploitent le potentiel horrifique et sanglant de l’histoire. Avant de, là encore, s’éteindre après usure de la marque.
Frankenstein inspire de tous les côtés, avec des variations italiennes étonnantes (Les Orgies de Frankenstein 80, Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle), une version Factory de Paul Morrissey (Chair pour Frankenstein avec Udo Kier, présenté comme Andy Warhol’s Frankenstein), un film avec Sting (La Promise), Frankenstein Junior de Mel Brooks, ou encore l’inévitable Frankenhooker (où un homme recompose sa petite amie tuée par une tondeuse, avec des morceaux de prostituées).
Le mythe retrouve un peu de noblesse en 1994 lorsque Kenneth Branagh en tire une nouvelle adaptation. Le réalisateur incarne le docteur, tandis que Robert De Niro incarne sa créature. Avec en plus Francis Ford Coppola à la production et Frank Darabont en co-scénariste, c’est ce que beaucoup considèrent comme l’adaptation la plus fidèle. A défaut d’être la plus marquante.
Depuis, le roman de Mary Shelley a inspiré tout et n’importe quoi. Alvin et les Chipmunks rencontrent Frankenstein, Hugh Jackman le croise dans Van Helsing, Tim Burton ressort sa version mélancolique dans Frankenweenie ; il devient une sorte de super-héros musclé dans I, Frankenstein, a droit à un lissage moderne parfaitement insignifiant dans Docteur Frankenstein avec Daniel Radcliffe et James McAvoy, et continue de hanter la saga Hôtel Transylvanie. Il a aussi inspiré le petit écran, de Supernatural à Penny Dreadful en passant par Once Upon a Time.
Universal a tenté de lui redonner vie avec le Dark Universe, que La Momie avec Tom Cruise devait lancer. Une nouvelle version de La Fiancée de Frankenstein était annoncée, avec Javier Bardem en créature et Angelina Jolie en possible fiancée, le tout mis en scène par Bill Condon. Mais l’échec de La Momie a freiné les plans, qui semblent avoir été purement et simplement enterrés.
Récemment, Elle Fanning a incarné Mary Shelley dans un film consacré à l’artiste.
HERCULE
Steve Reeves, Hercule incontournable
Etrangement, il n’est pas arrivé au cinéma tout de suite, même si sa première apparition sur un écran de cinéma remonte à 1918, dans le Hercule de Febo Mari. Il faudra cependant attendre la fin des années 50 pour qu’il investisse les salles obscures. C’est l’Italie qui lui donne sa chance avec Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci, en 1958, dans un pays alors en pleine fièvre du péplum. Une popularité qui ne faiblira pas puisqu’on le retrouvera soit en héros, soit en guest dans une multitude d’œuvres, son visage le plus connu restant celui de Steve Reeves.
Les Etats-Unis s’en emparent bien entendu et là, il sort un peu de son cadre puisqu’il est mis quasiment à toutes les sauces, du véhicule pour Arnold Schwarzenegger (Hercule à New York) en passant par un guest dans Jason et les Argonautes, le dessin animé (le Hercule de Disney) ou, bien entendu, la série télé (Hercule produit par Sam Raimi, qui a donné lieu ensuite à Xena, la guerrière et la série Hercule contre Arès avec Ryan Gosling).
Dans les années 2000, il fait un retour en force grâce à deux films : La Légende d’Hercule de Renny Harlin et le Hercule de Brett Ratner avec Dwayne Johnson.
VIDOCQ
ROBIN DES BOIS
Le héros intéresse rapidement le cinéma, puisqu’il aura droit à une première aventure filmique dès 1908, avec Robin Hood and His Merry Men. Mais le « premier » Robin des Bois à marquer le public sera Douglas Fairbanks, qui inventera presque de toute pièce la figure du héros aventurier au cinéma.
Nous sommes en 1922, et cette version capture si parfaitement un genre naissant qu’il en deviendra le premier film hollywoodien à avoir une première publique et médiatique. Il faudra attendre 1938 et Errol Flynn pour que le héros monte encore en puissance. Flynn illumine Les Aventures de Robin des bois de charisme et ses séquences d’action demeurent aujourd’hui encore des classiques du genre.
C’est dans les années 70 qu’on trouve deux autres adaptations géniales : celle de Disney et celle de Richard Lester. Toutes deux sont parmi les plus fines et politiques qu’ait connu le personnage. La première est un dessin animé où sous les airs sympatoches et rigolards de l’ensemble, se dissimule une critique radicale du pouvoir et de la faiblesse des puissants.
Le second, intitulé La Rose et la flèche, rassemble Sean Connery et Audrey Hepburn. Sous ses airs romantiques, il chronique l’engagement tardif d’un soldat pour une terre et des principes, la dernière bataille d’un combattant rentré chez lui pour mourir.
Enfin, s’il n’est ni le plus réussi, ni le plus fou, ni le plus divertissant, le Robin des Bois : Prince des Voleurs avec Kevin Costner demeure une des versions les plus attachantes.
Sacré Robin des bois !! Culte
Pour le roi Arthur et la saga du Graal si un réalisateur pouvait créer une série ou un film du niveau d’Excalibur de Boorman ce serait génial mais les miracles sont rares.
Bonsoir,
Super article de fond.
Comme toujours ou presque oserais-je dire.
Un grand merci pour vos articles et votre site qui ont accompli la gageure de me réconcilier définitivement avec tout un pan de la pop culture et de me réapproprier une partie de ma propre (et pop!) culture. Bref, merci!
Une remarque toutefois : Dans le paragraphe consacré à Frankenstein, j’ai été surpris par l’absence, remarquable, du Frankenstein Junior de Mel Brooks. Alors même que vous évoquez son Sacré Robin des Bois un peu plus loin dans le chapitre dédié au voleur légendaire. Simple oubli ou bien choix délibéré..? Certes il faut faire des choix, vous ne pouvez pas tout citer mais il me semblait que le Frankenstein (merci de prononcer Frankenstiiiiiine au passage 🙂 ) du sieur Brooks était largement considéré comme une référence en matière d’adaptation comique? Peut-être me trompes-je?
Longue vie à EL, grand merci à toute l’équipe!
Détail de taille oublié pour Dracula :
https://www.youtube.com/watch?v=nV7caPeKQdE
Super dossier ! Vivement une deuxième partie : il vous reste un paquet de figures à explorer.
Un dossier Tarzan sans le film avec Bo Derek n’est pas un bon dossier Tarzan
Bon article. Je pensais aussi à Zorro.
Quand on me parle l’hercule je pense systématiquement à la série.
Elle a fait découvrir la mythologie grec à toute une génération.
Super dossier je kiff
Bonne rétrospective, il y a quelque films que je ne connaissais pas. Mais ce qui me dérange c’est votre façon d’aborder ce dossier du genre « il serait temps de laisser ces icônes tranquille ». Même si c’est plus un questionnement que de donner le « la », ça fait un peut Jupiter dans la manière.