Nicky Larson : Angel Dust - critique d'une déception nostalgique

Léo Martin | 27 janvier 2024
Léo Martin | 27 janvier 2024

Nicky Larson, autrefois série du Club Dorothée (adaptée au cinéma par Philippe Lacheau), est plus connue au Japon sous le titre City Hunter, un classique du manga d’action des années 80. Bien que terminée, l'oeuvre de Tsukasa Hōjō est toujours en vie puisqu'on produit encore aujourd'hui de nouveaux films d'animation pour en prolonger la longévité. Et cette année, on a l'opportunité de découvrir dans nos salles sa dernière aventure en date. Nicky Larson : Angel Dust (réalisé par Kazuyoshi Takeuchi et Kenji Kodama) nous arrivait donc avec la promesse excitante de (re)découvrir l'univers de City Hunter en 2024... mais se révèle très décevant.

python 357

Un peu comme le Cobra de Buichi Terasawa, City Hunter doit son grand charme à ses inspirations venues du cinéma policier des années 70/80. Les films de flic ou les films noirs (on pense à Alain Corneau, Jean-Pierre Melville ou même Don Siegel) dans lesquels un héros, intrépide et irrémédiablement viril, fait face à toutes sortes de conspirations pour protéger de jeunes femmes en détresse. Le Python 357 Magnum de Ryo Saeba (Nicky Larson, chez nous) en est d’ailleurs son prolongement comme le symbole de ses héritages.

Chargé de références, City Hunter a marqué l’histoire du manga. Son protagoniste charismatique et quasiment invincible est devenu une icône de la culture japonaise et une immense influence. Et tous ses codes resteront gravés dans la roche : son ambiance noire et mature, son action désinvolte et pulp ou encore l'éternelle romance entre Ryo et Kaori (Laura, en français)... bref, City Hunter est un monument. Néanmoins, quarante ans plus tard, le manga a vieilli. Lorsque le film Angel Dust arrive dans nos salles en 2024, il n'a pas la saveur du manga d'antan et ne réussit pas à réinventer efficacement sa formule. Et ça fait mal à la nostalgie.

 

NICKY LARSON - City Hunter: Angel Dust : photoLes Cat’s Eyes (autres héroïnes de Hōjō) se joignent à Nicky... mais ne servent pas à grand-chose

 

Non, la déception ne vient pas du fait que le film est fait pour les fans. Si le seul défaut de City Hunter : Angel Dust avait été d'être un peu trop exclusif pour les nouveaux venus, on lui aurait presque pardonné. Le principal problème du film c'est surtout qu’après toutes ces années, il n'arrive plus à justifier l'existence de sa licence. Malgré un effort pour se moderniser superficiellement (il y a des smartphones et des influenceurs, attention), le film est bloqué dans le passé. Un peu comme si, en 40 ans, rien n’avait changé. Ni les fans, ni les mœurs, ni City Hunter.

Certes, si on est un amateur de l'oeuvre originale, on retrouvera avec tendresse les personnages qu’on a aimés. Et certains caméos (un en particulier) nous arracheront quelques sourires. Mais pour le reste, c’est vraiment compliqué. Surtout quand le long-métrage cherche à combler les ventres mous de son intrigue trop faible avec un même ressort humoristique, daté, fort gênant et devenu aujourd’hui le plus gros poids mort du manga.

 

NICKY LARSON - City Hunter: Angel Dust : photoKaori et Ryo, un duo qui pourrait être si attachant, si on s'y attardait davantage

 

nicky hunter

Pour contrebalancer le ton sérieux de son récit tout en donnant un aspect guignol à son héros, Tsukasa Hōjō avait, à l’époque, décidé d’en faire un satyre. Un obsédé sexuel constamment puni pour ses écarts. Le but était de le rendre imparfait et plus léger (l'idée de la légèreté a pas mal changé depuis). Si dans les années 80, ce type d’humour était aussi apprécié par une partie du public, il était également un peu mieux équilibré dans la bande dessinée, là où cette adaptation s’en embarrasse (vraiment) beaucoup trop.

Les horribles travers de Ryo Saeba nous amènent toujours au même genre de scènes (Ryo se comporte en prédateur puis se prend un coup de maillet, dans un style de cartoon). Et elles sont répétées jusqu'à l'épuisement. La créativité de Kaori pour stopper son partenaire est parfois amusante, mais en dehors de ça, on a juste le sentiment que le long-métrage gagne du temps avec son unique gag, sans une once de subtilité. Une perte de temps considérable et franchement dispensable. Eh oui, le manga pourrait très bien évoluer avec son temps et rester fidèle à son esprit tout en minimisant ses travers – d'autres l'ont fait. Si l'humour graveleux est toujours de mauvais goût, il est aussi la marque d'une paresse dans l'écriture et le travail d'adaptation.

 

NICKY LARSON - City Hunter: Angel Dust : photoRésumé d’un bon tiers du film 

 

C’est d’autant plus frustrant que l'on détecte dans Angel Dust un embryon de nouveauté. Sa nouvelle héroïne, Angie, avait un réel potentiel et laissait entrevoir la possibilité d’une relation complexe avec Ryo. Surtout quand on évoque le passé de celui-ci. Et l'idée d’actualiser les enjeux qu'entoure l’angel dust – drogue qui était déjà au cœur du manga – aurait pu être aussi salvatrice. Mais tout ça est tristement relégué au second plan et la réalisation se contente du minimum. On a finalement l’amère sensation d’avoir vu un vieil épisode de la série (et pas un des meilleurs) qui s’étire en longueur et qui n’a finalement que peu d’impact.

C’est un réel échec pour ce long-métrage qui annonçait adapter le chapitre final de City Hunter (ce qui est en plus mensonger puisqu’il n’est que le prologue d’un futur autre film). Et seul le climax du long-métrage sauve un peu la donne, avec une confrontation finale plaisante et un rebondissement tragique pas si mauvais – mais qui en fait des caisses. Toutefois, même l'action du film reste sabotée par une technique visuelle indigente et un montage ivre.

 

NICKY LARSON - City Hunter: Angel Dust : photoCe Ryo là (plus sérieux) aurait mérité de briller plus

 

FRANCHISE À LA RAMASSE

C’est d'ailleurs assez dingue d’avoir, dans un film issu d’une licence aussi légendaire, une qualité de production inférieure à celle d'une série animée saisonnière. Animation rigide, dessin imprécis ou storyboard bâclé. Ce n'est pas réjouissant.

C'est encore plus flagrant si l'on compare Angel Dust avec le film Lupin : The First de 2019. Ce long-métrage adapté d’un manga pourtant encore plus vieux (Lupin III, de Monkey Punch, qui date des années 60 !)  avait, lui, parfaitement réussi à se moderniser. Avec une mise en scène innovante, visuellement fort jolie et une aventure originale qui ne laissait pas les néophytes à l’extérieur, on tenait un vrai film de cinéma conçu pour son temps.

Enfin, le film Lupin avait eu la bonne idée de placer son récit d'aventures au premier plan, tout en limant son humour old school – qui a de toute façon été atténué au fil du temps. Une pure antithèse de ce qu’est malheureusement Nicky Larson : Angel Dust. Un film (et une franchise) qui semble à la ramasse. Quitte à ne pas évoluer, autant aller relire le manga, qui, bien qu'imparfait, a au moins le talent de découpage et de mise en scène de Tsukasa Hōjō pour le rendre plaisant.

 

NICKY LARSON - City Hunter: Angel Dust : photo

Résumé

Il est dommage de voir une œuvre aussi culte ne pas réussir à se renouveler en 2024. Tsukasa Hōjō, lui-même, avait mieux compris comment faire évoluer City Hunter avec le manga Angel Heart. Répétitif et paresseux, Angel Dust, lui, échoue à faire de Nicky Larson un héros de son temps. 

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Lecteurs

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commentaires
Kobaia
25/02/2024 à 07:20

Je déteste Nicky Larson, j'aime beaucoup City Hunter, Angel Dust lorgne plus du côté de Nicky Larson que de Citu Hunter, je n'ai pas aimé.

Gardert le mokkori, OK. Mais dans ce cas, il faut laisser l'intrigue dans les bas fonds de Shinjuku, dans les années 80/90. Transposer le comportement problématique de Nicky/Saeba dans les années 2020 c'est une mauvaise idée.

Sinon, le chara design est nul, l'histoire est insipide, l'animation est aux fraises. Ce film est un étron. Sans la licence, personne n'aurait aimé ce film.

Selene
01/02/2024 à 21:36

Avis et vision des choses trop "c'est pas assez moderne" l'avis, lui, et vite bâclé je trouve. J'ai trouvé Angel Dust réussi. Mais forcément, si on veut tout avec l'œil de 2024 ce n'est pas bon. Parfois la modernité n'est pas bonne et dans le cas de vôtre avis je vous trouve dur et la critique gratuite.

Krim09
31/01/2024 à 09:13

Ouahhhhhh mais quand je lis la majorité des commentaires j'ai envie de hurler. Les mecs ne connaissent absolument rien à l'œuvre de City Hunter et font les critiques du PMU, "Ryo Saeba c'est culotte, flingue pour compenser je sais pas quoi, coup de marteau, impossibilité d'avoir des vraies relations. Etc etc".
Merci les étudiants de L1 psycho qui ont eu leur premier TD hier pour cette analyse complète.
Sérieux laissez cette œuvre tranquille et aller comater devant DBS.


29/01/2024 à 16:46

"ce type d’humour [...] était également un peu mieux équilibré dans la bande dessinée"

On en parle du Mokkori ? Ryo est fréquemment dessiné avec une énorme érection et plusieurs blagues concernent la taille démesurée de son engin (dont il se sert notamment pour casser les murs)

tom33
29/01/2024 à 11:56

Il faut que Nicky garde son humour des années 80 surtout!

Arsh
29/01/2024 à 09:06

@Altair Demantia

Alors petite précision, Ryo n'a pas toujours été le gros obsédé, ce n'est que depuis qu'il bosse avec le frère de Kaori, Makimura qu'il a se comportement. De plus, le côté "Il compense son impuissance avec son 357, un symbole phallique", c'est aussi faux, puisqu'il était enfant soldat, il n'a connu que les armes et la violence. D'ailleurs, la plupart du temps, il ne cherche pas à tuer mais à punir ses adversaires.

Mouais
29/01/2024 à 07:13

@Altaïr Demantia : merci pour ta réponse ! (et les détails de la suite).
Oui c'est "connu" la révolte des doubleurs qui ont volontairement ridiculisé par mal de dessins animés de l'époque, Ken était l'exemple le plus célèbre ^^ (ahhhh le jus de pomme qui rend joyeux de Juliette je t'aime ! :D (bon ce cas là est entendable))

PS : ca fait du bien de lire ce genre de commentaires et pas des dingueries sur "l'état profond dirigés par les juifs gays pédophiles" comme il y avait hier ^^

Altaïr Demantia
28/01/2024 à 20:05

@Mouais a écrit > je me suis dis "tiens mes souvenirs sont si faussés ?!!" car pour moi c'était 90% de comique lourding (déjà à l'époque)...

C'est parce que tu as regardé "Nicky Larson" du Club Do, des épisodes remontés pour atténuer la violence de la série originalequi est un shonene qui lorgne vers le seinen et qui ne s'adresse donc pas à des jeunes garçons mais à des adolescents et des jeunes adultes, avec un doublage complètement pété pour dédramatiser le fond de la plupart des histoires. Donc, non, ta mémoire ne te joue pas des tours ^^

"Nicky Larson Club Do" fait quelque chose que ne fait pas la série originale, elle rend sympa le côté satyre de Ryo alors que dans la version japonaise elle le rend pathétique.

Ce que ne comprennent pas certains commentaires sous cette critique c'est que Hojo Tsukasa ridiculise Ryo, il n'en fait pas un héros. En fait, si on s'intéresse à l'oeuvre de ce mangaka, on s'aperçoit que les personnages masculins sont tous des pauvres types impuissants. C'est aussi le cas dans Cat's eyes.

Ryo est donc un obsédé sexuel qui va parfois jusqu'à l'agression sexuelle - soulever la jupe d'une femme pour mater sa culotte à hauteur d'yeux est une agression sexuelle, mettre sa main sur la poitrine d'une femme également -, qui ne conclue jamais et pas juste parce que sa partenaire lui tape sur la tête en permanence avec un maillet de cartoon, juste parce que c'est un immature incapable d'avoir un rapport social normal aux femmes. Il compense son impuissance avec son 357, un symbole phallique s'il en est et avec lequel il tire toujours juste.
Si c'est pas une métaphore, je ne sais pas ce que c'est.

Hojo a donc créé un débile profond, impuissant et problématique, même dans les années 80 mais qui est capable d'utiliser la violence pour venir en aide à d'autres personnes.

Dans un autre genre, on a Cobra, qui est aussi un obsédé sexuel avec un énorme gun qui ne rate jamais, mais dans son bras cette fois. Et il a aussi pour partenaire une femme bien plus intelligente que lui. Et lui aussi n'est utile que dans l'utilisation de la violence.

Bon, ça c'est pour la série animées. Pour le manga, le personnage évolue et est moins stupide.

EricSolo
28/01/2024 à 19:07

Vu et finalement pas mal du tout . L’histoire autour de l'angel dust offre un arc narratif sans grande surprise pour ceux qui connaissent déjà l’histoire de Ryo Saeba mais qui bien que classique reste efficace comme dans l’œuvre originale. Les graphismes sont de bonne facture et les animations fluides et énergiques. Pas un chef d'œuvre mais une agréable petite madeleine pour peu qu’on sache encore regarder avec du second degré et de l’ironie et qu’on se rappelle qu’on va au cinéma pour voir une œuvre d'art, une fiction et non pas pour écouter un sermon.

GTB
28/01/2024 à 12:52

Effectivement j'en ai pas entendu du bien de ce film City Hunter. En ce mois janvier, il vaut mieux se tourner vers le très honorable Mabaroshi de MAPPA sur Netflix. Techniquement top, et si le scénar peut sembler cryptique au début, les thématiques sont intéressantes.

Je n'ai jamais été très client de l'humour City Hunter autour du comportement lubrique de Ryo. Par contre, il est toujours étonnant de voir combien le filtre du regard moderne est sélectif. Si aujourd'hui on trouve moyen de faire de l'humour sur le comportement problématique (et il l'est) de Ryo, le comportement de Kaori, lui, passe complètement au travers du filtre. Il faut croire qu'aujourd'hui punir/réprimander par la violence est toujours parfaitement acceptable et on peut en rire (d'autant qu'ici en plus c'est son love interest qu'elle frappe). De toute évidence si Ryo est un perso qui devrait évoluer avec son temps, Kaori elle n'en a pas encore besoin. Pas que je considère que ça devrait être le cas hein, juste je constate le 2 poids 2 mesures...comme bien souvent. Tout ce qui touche de près ou de loin au sexe est très vite sujet à la polémique (parfois pertinente, parfois d'une sottise et superficialité affligeante), alors que tout ce qui touche à la violence est beaucoup, beaucoup, mais alors vraiment beaucoup moins sujet à l'analyse morale.

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