Hellraiser : critique des derniers sacrements

Mathieu Jaborska | 13 octobre 2023 - MAJ : 13/10/2023 11:14
Mathieu Jaborska | 13 octobre 2023 - MAJ : 13/10/2023 11:14

Il aura fallu attendre près d'un an pour voir arriver en France le nouveau Hellraiser. Forcément, la plupart des inconditionnels de Clive Barker l'ont piraté depuis belle lurette, intrigués par l'engagement du très doué David Bruckner à la réalisation et la promesse d'un reboot qui respecterait enfin l'oeuvre de l'écrivain. Après la souffrance, l'ascension ?

A waste of good suffering

On ne peut pas enlever à la franchise dérivée du classique de Clive Barker une certaine cohérence. Pour s'infliger la plupart des suites, il faut céder à ses pulsions masochistes. Dépossédé progressivement de son oeuvre par Miramax, Dimension et leurs gourous les Weinstein, l'auteur a ouvertement critiqué l'exploitation nauséeuse de ses cénobites (il tweetait à propos de l'atroce Revelations : "Ça ne vient même pas de mon trou du cul") et n'a cessé de tenter de s'en remparer.

En 2006, il annonçait non sans résignation se charger d'un remake proposé par Bob Weinstein. Mais après le renvoi du duo Alexandre Bustillo et Julien Maury, le départ de Pascal Laugier, puis un jeu de chaise musicale de cinéastes, Dimension a produit Revelations pour 300 000 pauvres dollars afin de garder les droits. L'espoir renaissait en 2008 avec l'évocation d'une réunion avec Weinstein et un remake supposément plus sombre écrit par Barker... dont personne n'a eu de nouvelles ensuite. En 2013 enfin, il racontait avoir écrit un scénario... qui ne sera jamais exploité. Un véritable running gag cruel qui ne pouvait s'arrêter qu'avec la mort artistique de l'empire des frères producteurs.

 

Hellraiser : photoLe Rubik's cube interdit

 

C'est donc au groupe Spyglass qu'a échu la lourde tâche de prendre le relai après la chute de Miramax. Et il s'est directement positionné en faveur du reboot respectueux refusé depuis des années au profit de séries Z opportunistes de la pire espèce. Barker, alors en pleine bataille juridique pour récupérer les droits de son chef-d'oeuvre, n'a qu'un crédit de producteur, mais s'est impliqué dès la préproduction. Lui et le réalisateur auraient eu de nombreuses conversations.

Il faut dire que l'écrivain ne tarit pas d'éloges à propos de David Bruckner, réalisateur du sympathique Le Rituel et de l'excellent La Proie d'une ombre, qui tire d'ailleurs certaines de ses idées d'un scénario rejeté pour Hellraiser. "Il représente la vie pour cette mythologie après ses heures les plus sombres", confiait-il à Bloody Disgusting, en présence de l'intéressé. Pavé de bonnes intentions et supervisé par un véritable artiste, Hellraiser 2022 parvient à rafraichir ladite mythologie... sans totalement parvenir à se débarrasser de ses prédécesseurs de sinistre mémoire.

 

Hellraiser : Photo Odessa A'zionBarker quand on lui parlait d'un nouveau Hellraiser

 

Scream queens

En effet, après tant de rebondissements et une telle détermination à prendre le contre-pied du cynisme des Weinstein, il est étonnant de constater que cette version adopte vaguement une structure de slasherOdessa A'zion joue Riley, une jeune femme à peine remise de ses addictions. Contre l'avis de son frère (Adam Faison), elle entretient une relation avec Trevor (Drew Starkey, l'insupportable gosse de riche de Outer Banks). D'autres vingtenaires tout droit sortis d'un teen movie viendront se greffer au groupe, qui part à la recherche du frangin disparu. À cause d'un mystérieux cube, ils seront pris pour cible par une troupe de cénobites menés par une Jamie Clayton parfaitement castée.

À première vue, sans non plus tomber dans le slasher bas du front comme Hellworld, le film semble hériter de certains travers des suites. Les cénobites n'ont toujours pas l'ambiguïté de leurs comparses de 1987, dont les sévices représentent bel et bien une forme transcendantale de plaisir. Ici, ils s'accrochent à leur statut de boogeymen mystiques aux looks suppliciés bien crades (superbe travail sur les design, ça change des cénobites "CD sur le crâne"). Dépourvus de la portée symbolique sadomasochiste qui rend l'original si particulièrement lubrique, ils incarnent toujours un mal absolu charnel, faisant préférer la mort à leur définition de l'extase.

 

Hellraiser : photo, Jamie ClaytonJamie Clayton tirée à quatre épingles

 

Un parti pris toutefois assumé par le réalisateur, bien conscient qu'il n'a pas les mêmes marottes que son mentor. Bruckner ne tente pas d'émuler complètement l'univers développé par Barker, fortement influencé par sa propre sexualité. Plutôt que de singer son intimité, il se rabat sur ses obsessions à lui, à savoir le symbolisme et les motifs visuels, déjà au coeur des meilleures séquences de La Proie d'une Ombre. Une inclinaison confirmée par le premier plan à figurer une composante de la mythologie barkerienne : le fameux cube, dont un mouvement de caméra en trompe-l'oeil révèle la vraie forme.

Pour le cinéaste, le vrai antagoniste n'est pas le Prêtre des enfers ou sa bande, mais le cube autrefois connu sous le nom configuration de Lemarchand, lequel est désormais littéralement une arme. Au prix d'entorses vraiment étranges à l'univers de Barker (le coup des sacrifices de cénobites), il évolue au cours du film, jusqu'à ce que le dernier acte dévoile sa signification. La construction très schématique (un sacrifice et on repart) du long-métrage est donc liée à l'approche du réalisateur, qui parvient sans surprise à se réapproprier non seulement le premier opus, mais aussi le second, absolument fascinant, en se concentrant sur la symbolique de ce MacGuffin inoubliable.

 

Hellraiser : photo, Goran VisnjicCube modulable

 

Extrême-onction

Le mélange fonctionne, mais reste extrêmement bancal. Il fonctionne lors de rares coups d'éclat de réalisation, notamment à l'acmé d'une conclusion qui représente d'un mouvement descendant et ascendant simultané la nature paradoxale, voire blasphématoire, des cénobites, anges sortis des enfers les plus nébuleux. Produit pour un budget qu'on estime bien plus élevé que celui des volets précédents, il peut enfin offrir à la saga les visions d'horreur mystiques qu'elle mérite, parfois soulignées par des variations musicales autour des superbes thèmes de Christopher Young.

Il fonctionne beaucoup moins quand le scénario, pourtant cosigné par David S. Goyer, tente désespérément de faire exister un casting assez insipide, avec comme atout dans sa manche un twist grillable une heure avant. Plus généralement, Bruckner et ses nombreux scénaristes marchent sur des oeufs, distillant leurs idées, pour certaines discutées avec l'auteur, sans oser non plus prendre trop de libertés. Le metteur en scène est loin d'être aussi inventif qu'auparavant, ce qui a de quoi décevoir, a fortiori après autant d'attente. Peur de trop malmener une franchise moribonde ou pressions d'un studio qui aimerait bien rentabiliser sa prise de risque ? Les voies de Spyglass sont impénétrables.

 

Hellraiser : photo, Adam FaisonExquis.

 

L'arrivée tardive du film en France a le mérite d'accorder un peu de recul sur sa réception, globalement plutôt positive. Bien qu'imparfaite, la grande rédemption des cénobites elle a bel et bien eu lieu. De quoi relancer l'intérêt pour l'oeuvre de Barker, quelques mois après sa récupération des droits et quelques années après l'annonce d'une série sur HBO, à ce jour toujours incertaine, vu les frasques récentes d'un des réalisateurs affiliés au projet, David Gordon Green. Si la franchise devait s'éteindre avec cet ultime opus, elle ne s'en sortirait pas si mal.

Hellraiser est disponible en DVD depuis le 11 octobre 2023 en France. Il sera disponible en VOD dès le 26 octobre 2023.

 

Hellraiser : affiche

Résumé

Certainement le moins bon film de David Bruckner mais assurément l'un des meilleurs Hellraiser depuis les deux premiers (dans lesquels il pioche d'ailleurs juste ce qu'il faut).

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commentaires
Serievore
16/10/2023 à 03:22

@atlantis.
A quel moment ai je parle de dvd, vhs, blue ray, ou autre?
Le sujet dont je parle est de presenter son avis personnel comme etant une verite. Et d affirmer des choses, sans aucun element fiable ou verifiable ,ni aucune source.
Visiblement, ce n est pas donne a tout le monde de saisir la difference.

shion
15/10/2023 à 06:19

Le pire c'est que j'ai déja vu des clients en magasin acheté un tv 4k et avec un lecteur dvd avec le comble je vous jure incroyable mdr.

Sinon remake sympathique sans plus, serte bien mieux que les pseudo suites des dernières années, mais le désigne de certains cénobites, laisse vraiment a désiré.
Le jeu des acteurs aussi hein !

Jamescr
14/10/2023 à 23:33

J'ai beaucoup aimé car on sent du respect sur le lore de Hellraiser.
Le scénario, oui, bah une bande de jeunes adultes quoi.
Ma scène favorite reste la torture de la jeune femme où Pinhead ressent du plaisir par la douleur d'une épingle dans les cordes vocales.
Un bon moment et parfois de belles images.
Le design des cénobites est vraiment bon.

@tlantis
14/10/2023 à 20:04

Vu le film il y a une année et me suis dis … dommage il y avait du potentiel mais le film sert à rien , est pas gore , fait pas peur … pas fun … et la réal est lambda … pourtant pas difficile de faire un film un peux crade et gore…

@serivore : tiens encore un défenseur des dvd et vhs … tu critique lho mais tu as encore moins d’argument donc montre nous ta connaissance et sort nous kke chiffres et pas ceux de Télérama ;)

Serievore
14/10/2023 à 00:36

@loh ,

Sur quoi tu te bases pour dire que "quasi tout le monde possede un ecran HD?"
Sur toi, ta famille, et tes amis, ou tu as une source serieuse que tu peux citer qui donnent le % de personnes en possedant?

Je te demande ca, parce que de plus en plus ,on voit des gens decider que telle ou telle chose est uke verite ,sans aucun fait reel sur lequel il s appuie pour declarer telle ou telle chose.
Mais je suis sur que ce n est pas tpn cas, et que toi tu t appuie sur des sources fiables pour declarer quelque chose. Et que du coup, tu pourras les citer

Loh
13/10/2023 à 22:56

Disponible uniquement en dvd en France et pas en Blu-ray…. C’est juste pathétique
Le dvd est un support techniquement dépassé depuis 10 ans a l’heure où quasi tout le monde est équipé d’écran hd. C’est incompréhensible

Ghob_
13/10/2023 à 20:23

Ah, un bon épisode de Hellraiser depuis le 2e opus ? Voilà qui attise ma curiosité :)
Mais cela ne m'étonne que très peu finalement, vu que les retours que j'ai eu à droite ou à gauche étaient déjà plutôt positifs et en général je me fie assez aux critiques d'EL, selon qui écrit celle-ci (en général, je tombe plutôt ok avec celles d' Antoine (un fan de M. Bay, donc il a forcément tout compris lol), mais j'aime beaucoup aussi les retours, toujours intéressants et argumentés du reste de l'équipe).
Et oui, je suis aussi d'accord avec vous : la franchise Hellraiser n'a fait que sombrer après son second opus (où Barker, même s'il ne réalisait pas, était encore scénariste, ceci expliquant sûrement cela), le 3e avait pour lui quelques très bonnes séquences horrifiques et oniriques, mais frôlait déjà le nanar (notamment sur le design des nouveaux cénobites, ici proprement ridicules en dehors de Pinhead). Pour le reste... pas eu la force d'aller plus loin, mais j'ai un ami dont les goûts en matière de ciné fantastico-horrifique sont très proches des miens et qui s'est tapé l'intégrale en m'exhortant de ne pas me coltiner le même supplice que lui lol et de façon général, toutes les critiques s'accordent pour dire que ça commence franchement à vriller pour de bon après ce 3e volet. Ce qui me conforte bien dans mon opinion. et ne me donne absolument pas envie de m'approcher de ces territoires sombres et nanardesques...

Je vais donc attendre avec grande impatience l'arrivée de ce nouveau volet en VoD !
Et au passage, à quand un nouveau métrage de Barker derrière la caméra ? On parle beaucoup de son Hellraiser originel, mais j'avais beaucoup apprécié également Cabal ou son Maître des Illusions (avec Scott Bakula dans le rôle de son détective privé fétiche : Harry d'Amour), qui malgré un budget pas aussi conséquent que les ambitions de son scénar', réussissait quand même son pari et à nous livrer un film 100% Barkerien (je veux dire, un film qui illustrait à l'écran toutes les obsessions et parti-pris de l'auteur, dans un spectacle horrifique qui ne ressemblait à rien à d'autre... hormis du Clive Barker : c'est à dire, du plaisir du barre du début à la fin pour les amoureux de l'artiste, dont je fais partie depuis une ou 2 décennies, maintenant).

Asturias
13/10/2023 à 16:07

"Enough is a myth."

Pie o Pah
13/10/2023 à 13:42

En tant que fan de la première heure de l'écrivain Barker - et du réalisateur par la suite- j'ai trouvé ce nouveau volet des cénobites plutôt sympa mais malheureusement insignifiant.
Il aurait été tellement mieux d'adapter les évangiles écarlates - excellente suite s de Hellraiser et rencontre entre Pinhead et Harry d'Amour (le héros notamment du maître des illusions au ciné) en enfer

Davmey
13/10/2023 à 12:27

Un teen movie lambda qui n'a tellement plus rien à voir avec la mythologie d'origine que j'ai du mal à y voir du positif. La boîte elle même est devenue un gag, si sophistiquée qu'elle en devient totalement incrédible. Pour moi c'est du même niveau que les derniers films, un peu de fric en plus.

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