Les Gardiennes de la planète : critique de la (vraie) voie de l'eau

Judith Beauvallet | 22 février 2023 - MAJ : 22/02/2023 11:19
Judith Beauvallet | 22 février 2023 - MAJ : 22/02/2023 11:19

Inspiré du poème Whale Nation de Heathcote Williams, Les Gardiennes de la planète est un documentaire de Jean-Albert Lièvre qui nous donne à voir de sublimes images de baleines filmées aux quatre coins du monde. Axé autour du chant des cétacés en particulier, avec les baleines à bosse pour personnages principaux, le film commence sur une approche très classique, mais propose rapidement une mise en scène inventive. Au milieu de cette beauté visuelle, la narration, elle, est presque en trop. Heureusement, la musique est là pour sublimer l’ensemble de ce documentaire important qui alerte sur la faune essentielle à notre survie qu’on est en train de détruire.

Baleines à b(elles g)osses 

Aujourd’hui, an 80 après Jacques Perrin, il n’est pas facile de trouver des manières toujours plus belles et plus poétiques de filmer la vie sauvage. Perrin, qui, au-delà de sa carrière d’acteur, avait révolutionné le documentaire animalier au cours des années 2000 avec Le peuple migrateur, Océans ou Microcosmos : Le peuple de l'herbe, tenait à avoir un regard aussi juste que militant dans ses films réalisés au nom de la nature. Difficile de renouveler l’approche après un résultat aussi beau et sensible.

Mais Les Gardiennes de la Planète se défend très bien, et de plusieurs manières. Tout d'abord, l’évidence : la beauté des images et de leur sujet. Le film se concentre sur les baleines à bosse, les cachalots, les baleines boréales et un soupçon de baleines bleues. Autrement dit, un joli panel de géants aquatiques qui représentent le défi du gigantisme : réussir à faire ressentir leur taille et l’immensité de l’océan sans échelle humaine.

 

Les Gardiennes de la planète : photoDos crawlé

 

Pour y parvenir, la mise en scène redouble d’inventivité. Les plus beaux plans du film sont sans doute ceux qui montrent des baleines danser juste sous la surface de l’eau et qui sont inversées verticalement au montage pour donner l’impression qu’elles volent au-dessus d’un étang argenté. Quelques images prises plusieurs mètres sous une baleine immobile dont la silhouette se dessine sur les rayons du soleil à travers l’eau sont aussi particulièrement impressionnantes et d’une beauté rare.

Le réalisateur, qui a tourné avec différentes équipes réduites composées de techniciens locaux dans chaque continent, joue avec les échelles de plans en nous montrant aussi bien de gros plans sur le regard des baleines que des images prises au drone à des centaines de mètres au-dessus de leur souffle. Quelques images d’archives viennent compléter la partie terrible, mais inévitable sur la chasse à la baleine.

Mais l’idée la plus surprenante est sans doute la séquence qui vient conclure le discours sur les reliefs sous-marins : on y voit une baleine numérique nager (ou voler) sur un fond blanc entre des montagnes renversées, afin de donner une idée de la hauteur des pics qui peuplent le fond des mers. C’est là toute la patte de ce documentaire : faire passer ses messages et ses informations de manière imagée pour être à la fois juste et émouvant

 

Les Gardiennes de la planète : photoEscarg-eau

 

Au fond Dujardin 

Cette patte aurait d’ailleurs gagné à être accentuée, parce qu’elle est parfois trop timide face au point négatif du film : la voix off. C’est l’acteur Jean Dujardin qui narre le film, et s’il sait à peu près tout faire de son visage, son timbre et sa diction seuls manquent de caractère pour accompagner de telles images. Pas facile, il faut dire, d’incarner ce texte écrit à la première personne du pluriel pour faire parler les baleines à bosse et qui tutoit le spectateur. Par moments, on frôle l’infantilisation, ce qui est d’autant plus frustrant en commentaire de sujets si sérieux et d’images si impressionnantes. 

 

Les Gardiennes de la planète : photoPartie de cache-cachalot

 

En réalité, même si le texte apporte quelques informations intéressantes (notamment dans la dernière partie qui alerte sur la situation et explique que les baleines sont vitales à notre survie), il se perd surtout en figures de style un peu épaisses et n’apporte pas suffisamment de savoir pour être nécessaire au film. Les images enseignent déjà beaucoup de choses au spectateur et se seraient suffi à elles-mêmes, notamment grâce aux qualités déjà mentionnées.

Autre astuce notable du film : suivre, en parallèle des images de la vie sous-marine, une opération de sauvetage d’une baleine à bosse échouée. Des gens se pressent petit à petit sur la plage pour hydrater le cétacé et en prendre soin jusqu’à ce que la marée remonte : filmée de A à Z avec une photographie magnifique, il est presque étonnant qu’il s’agisse (a priori) d’une réelle opération de sauvetage, tant elle semble mise en scène. Pour qui est un tant soit peu sensible à la question, ces séquences alternées ramènent toujours à la réalité tragique des baleines entre deux scènes enchanteresses passées sous l’eau. Un fil conducteur qui permet de maintenir un suspens inattendu tout au long du film.

 

Les Gardiennes de la planète : photo L'école des fanons

 

Opéra-Baleine 

Pour évoquer le dernier gros point fort du film, il faut forcément réserver un paragraphe à la musique. En passant de la pop au jazz (entre autres), le film dépoussière le rythme des documentaires classiques. Mais l’intérêt principal est de mettre en valeur le chant des baleines, nécessaire à leur vie sociale.

En calant la musique sur les mouvements d’une nageoire, une baleine devient cheffe d’orchestre. En la jouant en alternance avec leur chant, une autre devient chanteuse. Ces parallèles avec de la musique humaine permettent de mieux nous communiquer la voix des baleines et de nous donner, l’espace d’un instant, l’impression qu’on les comprend.  

On se souvient de la manière dont Kate Bush ouvrait Moving, la première piste de son premier album sortie en 1978, avec un chant de baleine envoûtant avant que sa propre voix ne prenne le relai. Les Gardiennes de la Planète emboîte le pas fièrement à ce noble projet de mêler les chants de notre espèce à ceux des animaux. Une symphonie pour être touché au plus profond (des mers) par ces images de baleineaux qui câlinent leur mère, ces ballets élégants de mastodontes aquatiques et surtout, devant leur souffrance et la menace de leur disparition aux mains de l’Homme.  

 

Les Gardiennes de la planète : Affiche officielle

Résumé

Un documentaire aux images magnifiques qui relève le pari de nous faire entendre le chant des baleines autrement grâce à la musique. On en oublierait presque la voix off, dont on se serait bien passé.

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commentaires
Eusebio
23/02/2023 à 10:26

Les documentaires animaliers vivent déjà une sacrée évolution depuis ceux que vous citez en début d'article. Certes, on y est moins sensibles en France, mais nos voisins anglo-saxons et la BBC ont fait des merveilles absolues. Leurs séries sont plus addictives que sur Netflix !
J'ai notamment en tête des séquences sous-marines dont Avatar peut prendre des leçons. Et sans effets spéciaux.
Je suis donc bien alléché par ce nouveau long-métrage !

yo
22/02/2023 à 21:57

sauvons les baleines, coulons les baleiniers japonais, les samourais se sont tous des faibles....

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