Out of Death : critique du dernier Z de Bruce Willis

Mathieu Jaborska | 24 janvier 2022 - MAJ : 24/01/2022 17:01
Mathieu Jaborska | 24 janvier 2022 - MAJ : 24/01/2022 17:01

Si jouer la comédie, c'est vivre, alors Bruce Willis est Out of Death, c'est à dire tout juste Hors de la mort. Le comédien enchaîne depuis quelques mois les micro-productions fauchées, ravi d'échanger son visage sur l'affiche contre un petit chèque. Malheureusement pour l'auteur de ces lignes, toutes ces séries B tendance Z (comme Anti-Life ou Cosmic Sin, également chroniqués ici) finissent un jour ou l'autre par se frayer un chemin en France. La dernière en date a au moins le mérite de faire figure de cas d'école.

L'homme qui Emmett Bruce Willis

Bruce Willis lui-même ne se risque pas à défendre ou même à camoufler la tournure de la fin de sa carrière. Un rapide coup d'oeil à sa filmographie révèle le pot aux roses : le comédien était à l'affiche de 12 films aux États-Unis ces deux dernières années (lesquels nous arrivent au compte-goutte), pour la plupart de sombres navets tenant plus de l'arnaque marketing que du projet artistique. Disponible en France après le bien nommé Anti-Life et le très bien nommé Cosmic Sin, Out of Death est évidemment de ceux là, à ceci près que la science-fiction fauchée laisse place au survival fauché.

Toutefois, il en dit plus encore sur l'absurdité de la combine, notamment parce qu'il est produit par Randall Emmett, qui en a fait sa spécialité. L'ancien assistant de Mark Wahlberg, pourtant soutien inespéré du Silence de Martin Scorsese (sa présence au générique de The Irishman est contractuelle) a fait l'objet d'un article passionnant écrit par Joshua Hunt et paru dans Vulture, qui détaille ses méthodes : "Accepter de l'argent de n'importe qui, en offrir une grande partie à une vieille vedette pour une journée ou deux de travail, puis promouvoir le nom de cet acteur pour prévendre le film dans les marchés étrangers".

 

Out of Death : photoC'est bien de toi dont on parle

 

Très peu apprécié des scénaristes et des artistes en général, la faute à quelques roublardises non pardonnées, Emmet économise sur tout en dépit du bon sens et des nécessités du 7e art. Réalisé par son superviseur musical le plus fidèle, Mike Burns, Out of Death fut tourné à Porto Rico, lieu moins cher et plus avantageux en termes de crédits d'impôt, en octobre 2020. Considérablement réduit à cause de la pandémie et par extension de la disponibilité de l'équipe, le temps de tournage fut de 9 pauvres petits jours, dont un seul au lieu de deux avec Willis.

Et évidemment, ça se voit, d'autant plus que le comédien, parfois presque un caméo de luxe, quand bien même sa trogne apparait sur l'affiche, hérite ici à peu près d'un vrai rôle. Il joue Jack Harris, policier à la retraite venu se mettre au vert chez sa filleule, et forcé de prêter main-forte à la témoin d'un meurtre. Réécrit n'importe comment, son personnage en devient carrément inconscient (il laisse la femme qu'il vient de sauver à elle même), présent par intermittence, et pour cause : il a moins de 15 minutes de temps d'écran alors qu'il participe à plusieurs scènes clé qui temporisent ses apparitions avec un montage anarchique.

Le comédien semble clignoter dans le récit et on repère facilement chaque manoeuvre désespérée du monteur pour simuler sa présence. En résulte un film qui tient à peine debout, à deux doigts de s'effondrer, un long-métrage achevé in extremis, bafouant, pour rentabiliser au maximum l'escroquerie, les règles les plus élémentaires du cinéma de fiction.

 

Out of Death : photo, Bruce Willis, Lala Kent, Tyler Jon Olson"Interdiction d'être crédible"

 

Out of nanar

Quant à sa performance, elle est dans la moyenne du moment, c'est-à-dire qu'elle ferait passer le John McClane de Die Hard 5 pour le Nicolas Cage de Volte/Face. Bruce Willis récite une fois de plus, sans conviction, son texte, quitte à entrainer dans sa chute quelques-uns de ses collègues, à commencer par Jaime King, découverte dans Pearl Harbor, vue dans Sin City et plus récemment à la tête du casting de Black Summer, se débattant ici de son mieux avec un texte vide de sens pour pallier au cabotinage navrant des antagonistes, joués par Lala Kent (dont le personnage s'appelle Billie Jean !), Tyler Jon Olson et le très peu crédible Michael Sirow, mercenaire infatigable du Z opportuniste.

Pour le reste, qui importe évidemment peu à la production, le film s'avère plus criminel encore qu'il ne le laissait présager. Il a l'insolence de nous faire miroiter quelques beaux moments de nanardise après un plan de balle traversant une tête tournée au ralenti, bricolé avec les moyens du bord, avant d'aligner les preuves de je-m'en-foutisme décomplexé. La hideuse photographie dévoile une forêt en cinquante nuances de grisâtre. Ni la mise en scène ni le scénario ne font mine de simuler ne serait-ce qu'un semblant de tension, tout en assumant des facilités même pas assez stupides pour être drôles. De même que la musique n'est jamais assez kitsch pour vraiment révéler son décalage.

 

Out of Death : photo, Jaime King"Qu'est-ce que je fous là, moi ?"

 

Bref, il ne s'agit que du rejeton prétexte d'un montage financier chapeauté par Emmett, qu'il compte d'ailleurs reproduire grâce au futur The Wrong Place, toujours avec Bruce Willis et Michael Sirow au casting, Mike Burns à la réalisation et Bill Lawrence à l'écriture. On ne change pas une équipe qui gagne... de la thune. Le système est bien rôdé et, contrairement à certains de ses homologues, Willis semble en avoir fait son corps de métier désormais, lui qui est annoncé à l'affiche de 12 productions du style en 2022, dont 4 sont produites par Emmett, et beaucoup d'autres par ses imitateurs.

Out of Death est l'un des nombreux aboutissements d'une dégénérescence hallucinante du star-system et de la nostalgie autour des vedettes d'action des années 1980, qui ne peut aller plus loin qu'en imprimant le visage de l'acteur directement sur l'image, lui évitant même le déplacement. Extrême que Bruce Willis a déjà atteint dans une publicité russe pour Megafon, pour laquelle il a vendu (cher) une autorisation de deepfake. Il a beau faire son beurre grâce à son passé, en ce qui concerne son image, il est à la pointe de la technologie.

Out of Death est disponible en VOD depuis le 20 janvier 2022 en France

 

Out of Death : Affiche

Résumé

Peut-être le plus grand crime de cette énième arnaque est-il de nous faire miroiter une parodie involontaire avant de plonger dans les tréfonds du Z opportuniste.

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commentaires
Mézigue
04/08/2023 à 12:37

C'est simple : Willis en tête d'affiche = film à éviter.
Faire de la pub pour arrondir ses fins de mois serait presque moins néfaste à sa belle carrière...d'antan.

Chatout
26/01/2022 à 20:08

J'adord bruce willis, tout les films ou il apparais,je suis tres impretionnee, par ce qu'il fait. Il a un tallent fou. Je suis en rage que l'on puise le traiter de la sorte. J'aime cet acteur.

La Sève
26/01/2022 à 16:12

J'ai eu à regarder "Out of death" et pour ma part je dirais que j'ai été déçu par la qualité de ce film. Non seulement que les acteurs ne sont pas à la hauteur de leur rôle,mais il y a également un manque palpable de suspense et de tension alors qu'il est censé être un film d'action. Ce n'est pas le seul cas en date, il y a aussi "Midnight in the Switchgrass" qui a été une déception, malgré la présence de Megan Fox, et il y en a tant d'autres. Bruce Willis devrait bien choisir ses rôles et les productions dans lesquelles il est censé jouer dans le but de ne pas continuer à ternir son image, alors qu'il nous avait habitué à mieux que ça( Saga "Die Hard","Pulp Fiction", "Incassable",Sixième Sens, etc...)

Zeorymer
25/01/2022 à 15:20

On peut dire ce que l'on veut, il aura eut une belle carrière. Il aurait pu simplement prendre sa retraite et garder une belle filmo. Mais il semble aimer rajouter un peu de beurre sur ses épinards. Du coup il se fait du blé facile en bossant 20-30 jours par ans. C'est triste cinématiquement parlant, mais qui dirait non à un peu d'argent facile ? J'imagine qu'il n'a pas du savoir gérer sa fortune pour avoir besoin de ça.

Luigi
25/01/2022 à 14:35

Il a dû recevoir des tas de proposition de série TV et sûrement du haut de gamme style HBO .. Mais bon il préfère cachetoner , c'est son choix !

Simon Riaux
25/01/2022 à 14:21

@guizmo

Non, on est simplement en train de configurer notre petit bot pour qu'il envoie paître ces messages, tout en essayant de comprendre comme les dits messages sont passés à travers les mailles du filet.

guizmo
25/01/2022 à 14:19

Donc si on écrit un commentaire avec un mot qui plait pas il est effacé, en revanche maintenant il y a carrément des annonces érotiques dans chaque page de commentaires et ça passe!!!

vick
25/01/2022 à 12:50

Je me demande des fois si c'est pas juste qu'il s ennuie dans la vie. On ne lui propose plus rien. Il est là dans sa grand maison à tourner en rond sans aucun but.
Il fait quelques films moisis. Ça le fait sortir, on s'occuper de lui, maquillage tout ça, il gratte un peu d'argents en passant et il est content. Il retourne dans son trou de luxe en attendant le prochain navet.

Cinema Bisseux et Zaideuuux
25/01/2022 à 11:18

mais Nicolas Cages avait une excuse pour faire de la daube:
il a été rincé financierment , voire escroquer par ses conseillers financiers, ila dû tout vendre pour se refaire une santé et enchainer les trucs nanardeux, Pour Willis c'est different, je ne le connais pas comme ayant ete ruiné ..sauf erreur de ma part


25/01/2022 à 10:37

C'est quand même fou cette carrière, aucun acteur n'est tombé aussi bas, même nicolas cage il a fait plein de merdes mais il s'est amusé et maintenant il joue dans des films inégaux mais qui sont des propositions originales (Pig, Prisoners of the ghostland, color out of space, un talent en or massif)

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