The Whole Truth : critique du trou detective de Netflix
En toute discrétion, le cinéma de genre thaïlandais parvient à se frayer un chemin en France, par l'intermédiaire des plateformes de SVoD. Après le très amusant The Pool, sorti sur Shadowz, c'est au tour de The Whole Truth de débarquer chez nous, via Netflix.
Gory hole
Pendant l'hospitalisation de leur mère, inconsciente suite à un accident de voiture, deux adolescents déménagent chez leurs grands-parents inconnus et un peu étranges. Au milieu de leur salon, ils remarquent un petit trou mystérieux. Le pitch est alléchant. L'idée d'un orifice obscur, où se loge l'étendue des possibles fantastiques (ou pas), a fasciné bien des cinéastes, jusqu'à récemment, en témoignent les The Hole de Nick Hamm et Joe Dante ou The Hole in the Ground, renommé avec paresse The Only Child il y a à peine quelques mois.
Passée une exposition laborieuse, après plus de 20 minutes de film, Wisit Sasanatieng et son scénariste Abishek J. Bajaj nous présentent donc le fameux trou, moins énigmatique que prévu. On nous dévoile directement ce qu'il renferme, moteur principal d'un scénario loin de valoriser la concision. Les quelques scènes où la fratrie jette un oeil à ce qu'il se passe à l'intérieur se révèlent vite être quasiment les seules séquences purement horrifiques du film.
"Comment ça, tu as vu un trou ?"
The Whole Truth assume donc de puiser ses inspirations dans la J-Horror : les entités fantastiques inquiétantes ne menacent les personnages qu'à travers les questions soulevées par leur présence passive, conséquence d'une noirceur bien plus concrète et révélatrice des vices qui sommeillent en chacun. Ici, le procédé est exposé très littéralement : d'un côté de la paroi, les monstres humains, de l'autre les monstres surnaturels. Et les rebondissements se chargent de démontrer en quoi ce sont les deux facettes (et les deux murs) d'une même pièce.
Le concept est également très économique. Plus de la moitié du long-métrage se déroule dans le même salon, et les décors de studio les plus importants sont au nombre de deux. Toutefois, là où l'intrigue aurait gagné à se resserrer autour de cette dualité trouble, elle se perd en sous-intrigues plombantes (en tête desquelles la fameuse histoire de la vidéo, caution "teen movie" de l'essai) et en détours d'écriture chargés d'étaler le tout sur deux très longues heures, sans pour autant donner le change esthétiquement (tout est très fade).
C'est tout juste si elle se force à réintroduire de temps à autre une petite référence horrifique, comme un dessin pompé du Spirale de Junji Itô, pour contraindre son spectateur à tenir jusqu'à la fin.
Quand tu ne penses qu'aux trous
Toute la vérité, rien que la vérité
En effet, le film mise bien moins sur ses effets et ses ambiguïtés que sur l'avalanche finale de twists, occupant presque 25 minutes. Il est de ces productions qui comptent sur leurs dénouements pour se remettre dans la poche des spectateurs lassés de leurs multiples facilités. De peur de mener son public sur une fausse piste, il évacue très vite l'hypothèse de la récupération d'une des révélations de la filmographie de M. Night Shyamalan (on ne révélera pas laquelle, afin d'éviter de la divulgâcher). Mais il fait une erreur qu'on ne reprocherait même pas au maître contesté du coup de théâtre : il ne propose rien d'autre.
Le titre vendait déjà la mèche. Il ne s'agit en fait que de découvrir ce qui se planque derrière ce fameux trou, quitte à traiter par-dessus la jambe la fameuse "vérité" promise par la voix off. Il est évident que les révélations successives en disent beaucoup sur une paternité et une maternité prédatrices, puis sur un eugénisme intériorisé, en embuscade dans le mythe de la famille nucléaire fonctionnelle. Sujets survolés de bout en bout, au profit d'une quête aveugle du twist, pas loin de prendre le cinéphile attentif pour un abruti fini.
Tout le monde regarde le trou de mamie
Au lieu de laisser à une intrigue résolument surnaturelle sa part de mystère, ou même d'appuyer un peu plus la sombre conclusion dressée par les différentes péripéties, le film multiplie les flashbacks explicatifs à un rythme effréné et enfonce des portes qu'il a lui-même ouvertes bien longtemps auparavant. À force de chercher à prouver la rigidité toute relative de sa structure, il en oublie de raconter quelque chose, et ne nous laisse que les restes de son ambitieux point de départ.
Lecteurs
(1.0)02/12/2021 à 22:24
Merci pour ce titre, j'ai bien rit.
02/12/2021 à 21:01
" Tout le monde regarde le trou de mamie " ... Direct, sans réfléchir, j'me suis dis " ça, c'est Simon. Obligé quoi ". Et bein non. Bravo Mathieu. C'est du propre ^^
02/12/2021 à 18:24
Je suis sur qu'ils ont volé l'idée aux wachowski