American Gods, Hannibal, Dead Like Me : le petit génie qui se cache derrière ces séries mémorables

La Rédaction | 28 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 28 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

De retour avec la très attendue American Gods, Bryan Fuller est l'un des noms les plus intéressants du petit écran américain.

Il n'a pas la carrure médiatique d'une Shonda Rhimes (Grey's Anatomy, Scandal, How to Get Away With Murder), d'un Alan Ball (Six Feet Under, True Blood), d'une Jenji Kohan (Weeds, Orange is the New Black) ou d'un Damon Lindelof (Lost, The Leftovers), mais c'est pourtant l'un des scénaristes et showrunners les plus intéressants de la télévision américaine actuellement : Bryan Fuller, 47 ans, de retour avec American Gods après avoir marqué les esprits avec des oeuvres aussi diverses que Hannibal et Pushing Daisies.

Ce fan de Star Trek, qui a commencé sa carrière sur des épisodes de Deep Space Nine et Voyager, et est plus tard passé sur la série Heroes, avait quitté la nouvelle série spatiale Star Trek : Discovery (toujours prévue pour 2017) pour se consacrer à American Gods, l'une des oeuvres les plus attendues de l'année, qui a confirmé les espoirs avec un premier épisode spectaculaire.

Une nouvelle preuve du talent et de la valeur de Bryan Fuller donc. Retour sur sa carrière de cet artiste passionnant et les petites pépites parfois méconnues sorties de son imagination.

 

 

DEAD LIKE ME

C'est à la fois la naissance et les prémices d'une carrière compliquée pour Bryan Fuller. Après son passage dans les étoiles de Star Trek et l'expérience d'un téléfilm adaptée du roman Carrie de Stephen King, il imagine cette série centrée sur une adolescente cynique, désenchantée et paumée de 18 ans, qui meurt après s'être pris les chiottes de la station Mir sur la tête. Elle découvre alors la vie après la mort dans les rangs des Faucheurs, chargés de collecter les âmes.

Lancée en juin 2003, Dead Like Me a acquis un petit statut de série culte. Normal : la série est drôle, particulièrement tendre et portée par des acteurs excellents (notamment Mandy Patinkin, qui sera adulé plus tard avec Homeland). Mais en coulisses, l'expérience a été douloureuse pour Fuller. En cause : non pas la chaîne Showtime, qui l'a soutenu, mais les producteurs chez MGM-TV Studio. Fuller quitte la série pendant la première saison : "L'expérience avec MGM-TV et leur manque de professionnalisme et bon sens a rendu l'expérience très difficile. Ce n'était pas comme être en Iraq mais c'était une guerre." 

 

Photo Ellen Muth

 

L'un des points de désaccord connus concernait Rebecca Gayheart, pas assez belle selon les producteurs, alors même que c'est un ancien mannequin. Lorsque Fuller quittera Dead Like Me, son personnage sera d'ailleurs éjecté, et l'un des arcs sur l'homosexualité du père de l'héroïne est totalement évacué. "On avait des disputes où ils me disaient que je ne savais pas ce qu'était une belle femme puisque j'ai un homme gay. C'était la pire expérience qu'on puisse imaginer en terme de vieux mecs dégoûtants de studio. Ils étaient constamment dans la lutte. Ca a été la pire expérience de ma vie. (...) C'était assez traumatisant. Showtime ressentait la même frustration. Ils n'étaient pas satisfaits par ce qu'on racontait dans la série, et nous étions tous frustrés vis-à-vis de MGM. Quand Showtime a annulé la série, c'était presque un soulagement."

De quoi expliquer le potentiel mal exploité de l'univers, et l'impression d'avoir affaire à une série bancale, peu solide sur la longueur. 

Première preuve de l'attachement de Bryan Fuller à ses acteurs : l'héroïne, Ellen Muth, apparaîtra dans deux épisodes de la première saison de Hannibal.

 

Affiche

 

WONDERFALLS

Dans la foulée, il créé Wonderfalls avec Tom Holland. Certainement sa série la moins connue alors qu'elle est profondément attachante et absurde, posant les bases de Pushing Daisies dont elle partage la douce poésie. C'est aussi une continuation claire de Dead Like Me, presque une sortie de secours qui lui aura permis de rejouer les mêmes motifs dans un autre cadre.

Il sera donc à nouveau question d'une jeune fille désoeuvrée, renfrognée et cynique, avec des relations familiales compliquées et un travail vide de sens (vendeuse dans une boutique de souvenirs aux chutes du Niagara), qui commence malgré elle à aider des inconnus. Dans Wonderfalls, c'est Jaye, subitement dotée de l'étrange pouvoir d'entendre parler des jouets d'animaux (une figure, une peluche), qui lui donnent des instructions. Aider les autres pour s'aider soi-même, sortir de sa torpeur, redécouvrir ses proches. Cette fois-ci, le motif de l'homosexualité est bel et bien présent à l'écran, avec la soeur de l'héroïne qui se découvre dans le pilote. Là encore, grâce à l'irrésistible galerie de personnages et un humour fantaisiste, le charme est évident.

Diffusée en 2004, Wonderfalls sera très vite annulée : après seulement quatre épisodes et malgré de bonnes critiques, la Fox stoppe la machine. La ressemblance apparente avec Le Monde de Joan, une autre histoire de fille qui entend des voix, n'a certainement pas aidé. L'équipe, soutenue par une base de fans rapidement formée, essaiera bien de séduire d'autres chaînes, pour que l'aventure continue, mais sans succès.

Les fans découvriront finalement l'intégralité de la première saison de 13 épisodes lors de sa sortie en DVD. Ils auront également noté que Bryan Fuller a recasté Caroline Dhavernas dans Hannibal et Lee Pace dans Pushing Daisies.

 

Photo Lee Pace, Caroline Dhavernas

 

PUSHING DAISIES

Après un passage sur Heroes, dont il signe quelques épisodes, Fuller vole plus haut : avec Pushing Daisies, il avance dans son entreprise de réécriture de la réalité selon ses propres règles. C'est à la fois une continuation et une rupture : une continuation car Pushing Daisies se déroule dans un univers loufoque, comme Dead Like Me (même obsessions de la mort, et c'était d'ailleurs pensé comme un spin off à l'origine) et Wonderfalls, où une certaine magie habite les personnages ; une rupture néanmoins car sa troisième série embrasse une vraie candeur, cette fois-ci sans porter un masque de cynisme.

Pushing Daisies tourne autour de Ned. Ned a découvert lorsqu'il était enfant qu'il avait un pouvoir incroyable : celui de ramener à la vie par simple contact. Avec plusieurs conditions néanmoins : après une minute de résurrection, un autre être devra mourir au hasard pour contrebalancer ; et un second contact avec le miraculé le tuera, définitivement. Entre son restaurant de tartes et son ami détective qui profite de ses talents pour résoudre des affaires, Ned voit sa vie bouleversée par le retour de Charlotte, la fille qu'il aime depuis sa plus tendre enfance : elle a été retrouvée morte, et il décide de la ressusciter. Le début d'une histoire d'amour magique entre un garçon et une fille qui ne peuvent se toucher directement, dans un monde d'une loufoquerie inépuisable.

 

 

L'ironie étant que Pushing Daisies n'aura qu'une durée de vie très limitée : après deux saisons, la série est annulée. En 22 épisodes, elle aura néanmoins invité à découvrir un univers fou, d'une beauté et d'une poésie irrésistibles. La formule Columbo, avec une enquête par épisode, a vite montré ses limites, mais aura permis à l'équipe d'inventer et imaginer une galerie de personnages uniques, emballés dans une direction artistique grandiose.

Pushing Daisies aura donc séduit de nombreuses personnes, récoltant même trois nominations aux Golden Globes, notamment pour les fantastiques Lee Pace (venu de Wonderfalls donc) et Anne Friel. Au milieu de ce casting fabuleux : l'inimitable Kristin Chenoweth, que Fuller a recasté dans American Gods

 

 

HANNIBAL

C'est un peu grâce à Heroes que Bryan Fuller arrive sur Hannibal en 2011. Après l'annulation de Pushing Daisies, il retrouve un poste sur de la série de super-héros, mais décide vite de se consacrer à d'autres projets sur la chaîne NBC, notamment en collaboration avec le réalisateur Bryan Singer (X-Men, Usual Suspects). Mockingbird Lane, remake d'une série type Famille Adams des années 60, ne dépassera pas le stade du pilote. NBC lui propose alors Hannibal : la chaîne est vite séduite et commande une première saison de 13 épisodes après avoir lu le scénario du pilote. L'ambition est folle : créer une série digne d'une oeuvre du câble (violence, noirceur, intrigues complexes), mais sur une grande chaîne.

 

 

Fuller rêvait de sept saisons (quatre consacrées à Dragon Rouge, la cinquième pour Le Silence des agneaux, la sixième pour Hannibal et les deux dernières pour boucler de manière originale l'histoire), mais la série n'aura droit qu'à trois années. Mais quelles années : en 39 épisodes, Hannibal aura offert quelques uns des plus grands moments de télévision de ces dernières années, grâce à une mise en scène, une direction artistique et un casting grandioses. D'une beauté renversante, d'une noirceur extrême, d'une violence inouïe, la série est presque une erreur du système tant elle ne ressemblait à rien, et a évité l'annulation plusieurs fois.

Bryan Fuller y épouse sa fascination pour la mort en filmant des scènes de crime inimaginables et en racontant une histoire d'amour tordue entre Hannibal Lecter et Will Graham, interprétés par les brillants Mads Mikkelsen et Hugh Dancy, trop souvent oublié au profit de son partenaire. Autour d'eux, des seconds rôles très solides, portés par des acteurs excellents (notamment Gillian Anderson), et quelques visages connus pour les fans de Fuller : Caroline Dhavernas, héroïne de Wonderfalls, dans le premier rôle féminin, et une apparition d'Ellen Muth, de Dead Like Me.

Neill Marshall (The Descent) et surtout Vincenzo Natali (Cube, Cypher) sont passés derrière la caméra, contribuant à en faire l'un des objets les plus envoûtants et mémorables des dix dernières années. De ceux qui vous hantent et ne vous quittent plus.

 

Hannibal

 

AMERICAN GODS 

Avant qu'American Gods ne finisse entre les mains de Bryan Fuller, c'est la chaîne HBO et l'acteur Tom Hanks qui devaient adapter le roman éponyme culte et inclassable de Neil Gaiman dès 2011. Finalement, le projet est tombé à l'eau et s'est retrouvé dans les petits papiers de Starz en 2014. La chaîne s'est octroyée les services de Bryan Fuller et Michael Green, et après trois ans de dure labeur, le résultat est enfin arrivé.

American Gods raconte l'histoire de Shadow Moon (Ombre en français), un ex-détenu fraichement libéré qui va devenir l'homme de main de M. Wednesday, un Dieu nordique oublié des humains. Les hommes s'adonnant aujourd'hui à de nouvelles divinités comme celle de la technologie, des médias, de la célébrité... les anciens Dieux vont essayer de reprendre l'avantage sur ces Dieux modernes. 

 

Photo


On ne va pas se mentir : nous n'avons pu découvrir que le pilote de la nouvelle série de Bryan Fuller (et Michael Green), mais il aura suffi à nous convaincre que cette première saison est l'immanquable de l'année 2017. Fuller nous avait déjà proposé des shows d'une esthétique à couper le souffle mais ici, le scénariste et producteur passe un nouveau cap. Hannibal reposait sur une esthétique d'une sobriété glaçante mais époustouflante de par sa nature intimiste ; ici, Bryan Fuller a capté le potentiel spectaculaire d'American Gods et nous propose une esthétique d'une ampleur visuelle inédite à la télévision. Bien aidé par la caméra toujours impeccable de David Slade (fidèle du showrunner), cet épisode d'ouverture est certainement le premier d'une longue liste où des réalisateurs talentueux - et souvent passés par la case Fuller auparavant - se succèderont : Vincenzo Natali, Guillermo Navarro, Adam Kane ou encore Craig Zobel (l'épisode 2.8 deThe Leftovers). 

 

Photo Ian McShane, Ricky Whittle

 

Mais au-delà d'un spectacle haut-en-couleur artistiquement, Bryan Fuller nous promet ici une série d'une richesse thématique absolue. Porté par un récit psychédélique et des personnages fascinants ou déroutants, American Gods sera politique, religieux, spirituel, mythologique et bien d'autres choses encore. Quand on sait que cette saison 1 représente moins de 100 pages du bouquin original qui en compte plus de 600, on peut d'ores-et-déjà imaginer que Bryan Fuller a construit un plan très précis pour mener à bien son projet. Ne reste plus qu'à espérer que cette malédiction des séries annulées ne s'abatte pas sur lui une nouvelle fois. Au vu du pilote, ses et nos espoirs sont plus que permis.

American Gods arrive le 30 avril sur Starz et sera disponible sur Amazon Video Prime dès le 1er mai, et chaque semaine.

 

Affiche

 

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
29/04/2017 à 02:12

@Stan

N'hésitez pas : Hannibal est véritablement une série passionnante. A la base, c'est peu enthousiasmante certes, mais le pari est réussi et le résultat, étonnant. Comme Fargo, qui a su s'imposer.

Stan
28/04/2017 à 23:15

Je suis un grand fan de l'oeuvre de Bryan Fuller, le maudit. Pushing Daisies est d'une poésie folle, l'histoire d'amour belle, les personnages délirants, la voix-off extraordinaire. Un bijou que je regrette. Dead Like Me une des premières séries hors cop show qui m'a ouvert l'esprit. Le téléfilm n'est pas à la hauteur. Et Wonderfalls, que j'ai toujours pensé être sa première série, un régal. Je n'avais pas envi de Hannibal, Anthony Hopkins étant difficilement oubliable, mais à force d'en lire le plus grand bien, je vais finir par me laisser convaincre.