Furies : critique d’un John Wick avec Marina Foïs sur Netflix

Léo Martin | 1 mars 2024
Léo Martin | 1 mars 2024

Avec Furies, on doit admettre que Netflix avait notre curiosité. L'idée de mettre en scène Marina Foïs en impitoyable tueuse du monde criminel, au nom aussi redouté que John Wick, elle vaut son pesant d'or. Avec la bonne formule et la mise en scène adéquate, on aurait largement pu prendre notre pied tout au long des 8 épisodes promis. Sans compter qu'elle partage l'écran avec une talentueuse et jeune comparse, Lina El Arabi. Malheureusement, la série créée par Jean-Yves Arnaud et Yoann Legave ne fait pas autant d'étincelles que ses comédiennes, et souffre d'un récit qui manque de panache et de concision.  

lady vengeance

Comme de nombreuses séries de plateformes, Furies est tiraillé entre deux volontés distinctes. La première, pleine de bonnes idées, et la seconde, qui est un cahier des charges Netflix sans âme. Le pitch de départ avait pourtant de quoi nous donner envie. Furies a ainsi pour protagoniste Lyna (interprétée par Lina El Arabi), témoin de l’assassinat de son père. Pour le venger, elle décide ainsi d’infiltrer le réseau du crime parisien et d’y retrouver la Furie – une tueuse légendaire qu’elle soupçonne du meurtre.

Un récit de vengeance donc, et dont la plus grande force tient davantage dans son délire d’action carnavalesque qu’à ses airs pseudo-dramatiques. Dès le premier épisode, on comprend à peu près dans quoi on met les pieds et ce n’est pas immédiatement déplaisant. Furies est hyper-référencé et régurgite sans subtilité toutes ses inspirations mais, au moins, il le fait avec un enthousiasme égal à celui de ses actrices principales, physiquement investies.

 

Furies : Photo Lina El ArabiQuand on lui en donne la chance, Lina El Arabi crève l’écran 

 

Alors que Lyna se la joue Old Boy dans sa cellule de prison, devenant une combattante d'élite en très peu de temps, la série a le bon goût de nous faire rapidement entrer dans le vif du sujet. Lyna veut en découdre et l'action va la suivre partout. Marina Foïs débarque ensuite pour camper son rôle de mystérieuse boogeyman redoutée, appelée Furie, et traquée par Lyna. Et une fois réuni, le duo noue ainsi une relation d’élève/mentor et de sœurs ennemies plutôt bien trouvée et qui aurait été largement suffisante comme dynamique majeure de cette première saison. Car c'est bien dans leur tandem de choc que réside le principal intérêt de Furies autant que dans le Paris sauvage et criminel qu'elles doivent dompter. 

Avec sa mythologie voyoucratique, la série avait pour lui toute une galerie de gangsters hauts en couleur à opposer à ces guerrières urbaines. Et si ce monde de la pègre est aussi fantasmagorique que grotesque (on le croirait sorti de l’esprit de Luc Besson), il ne manque pas d'un certain charme. En nous présentant un Olympe – vraiment nommé ainsi – peuplée de divers boss du crime, la série avait un terrain de jeu idéal dans lequel mettre en scène les combats de Lyna et la Furie. En confrontant le duo à cet exubérant royaume du sang, on aurait eu bien assez de quoi faire pour empiler les pugilats acrobatiques de manière variée et épique. Bref, Furies, ça aurait pu être comme John Wick : déjanté et grisant. 

 

Furies : Photo Marina FoïsMarina a les Foïs

 

trop peu de fureur

Malheureusement, et il fallait s’y attendre, la série Netflix refuse de se concentrer sur son duo d’héroïnes et sur leurs vivifiantes bastons. Furies tient absolument à construire par-dessus tout ça une intrigue prétendument complexe et sérieuse avec tout ce qu’il faut de rebondissements, de clichés, de quiproquos et de crises de famille. Non seulement ça paraît forcé pour créer de l’enjeu, mais ce cahier des charges dramatique ne fait surtout que générer des dialogues gênants et une dramatis personae encombrée qui sabote l'intérêt du duo Lyna-Furie. 

Et si Furies propose quelques séquences plutôt chouettes (certaines auraient même mérité d’être prolongées comme celles de la maison close de l’horreur ou de la course mortelle...), elles perdent en puissance du fait d'une écriture feuilletonnante pataude. La première partie de cette saison souffre en plus d’un vrai souci de rythme. Entre chaque péripétie, la série comble le vide par les tours et détours d’une romance interminable et de sous-intrigues faiblardes. On pense particulièrement à tout ce qui implique la police (et un personnage précis) qui est d’un ennui total et ne mène nulle part. 

 

Furies : Photo Jeremy NadeauPlus ce personnage apparaît, et plus la série s’enlise

 

On finit par vraiment avoir le sentiment (peut-être à tort) que les deux scénaristes de la série auraient été plus à l’aise à l’écriture d’un film d’action plus court, mais plus condensé. Gardant son trio de tête (en comptant le toujours très bon Mathieu Kassovitz), mais en ne s’embarrassant pas du reste. Car très franchement, si on efface tous les twists de Furies (trop nombreux, trop capilotractés et trop prévisibles), on arriverait même à imaginer une autre version de la série, plus épurée, et qui aurait été sans doute plus digeste.

En réduisant tous les enjeux à un seul (Lyna doit explorer les différents territoires de la pègre parisienne pour retrouver le tueur de son père), la réalisation aurait foncé à l’essentiel, se concentrant sur les scènes d’action. La chorégraphie des combats de Furies, elle, est d'ailleurs vraiment efficace et rend justice à la vigueur de ses actrices. Les coups donnés sont impactants. La diversité des lieux dans laquelle la fureur de Lyna peut s’exprimer est aussi plutôt riche : un casino, une maison close, un métro secret, une prison, de multiples cadres parisiens, etc. Encore une fois, le terrain de jeu était là et on en perçoit le potentiel concret tout du long ! 

 

Furies : photoFuries a quand même la classe de temps à autre

 

lyna mérite mieux 

La force des comédiennes (et cascadeuses) est néanmoins noyée dans les mélodrames de Furies et son approximation narrative. Au lieu d’avoir un récit haletant et frénétique, la série Netflix finira par doucement ennuyer, au point de nous faire souffler du nez à chaque nouvelle révélation ou coup de théâtre.

Plus déplorable encore, le personnage de Lyna sera, au bout du compte, délaissé au profit du tumulte ubuesque des derniers épisodes. Le début de saison l’avait pourtant bien caractérisé, mais fatalement, son rôle se retrouve diminué à chaque tournant du scénario. La faute à l’inconsistance de son écriture, incapable de se fixer sur son évolution morale, sa sensibilité ou son humeur du jour.

 

Furies : Photo Marina Foïs, Mathieu KassovitzMathieu Kassovitz, un des atouts de la série avec le duo féminin

 

Le seul twist favorable à son évolution ne sera ironiquement même pas assumé par la série. Lyna continuera alors de perdre en intérêt, jusqu’à un final qui ne conclura absolument pas son arc de façon satisfaisante. Et à force d’être tordue dans tous les sens, sans réelle trajectoire, elle ne pourra tristement pas devenir l'héroïne marquante qu'elle aurait dû être, laissant la lumière à Selma/Marina Foïs et au personnage de Kassovitz.

On est d’autant plus déçu que Lina El Arabi était vraiment convaincante dans certaines de ses meilleures scènes, notamment dans son épisode d'introduction. Elle, comme son personnage, aurait mérité bien mieux.

Furies est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 1er mars 2024 en France

 

Furies : Affiche française

Résumé

Furies nous fait entrevoir un monde où Marina Foïs aurait pu être notre John Wick française, mais s'embourbe trop à raconter une histoire assez médiocre et pataude. Certaines séquences d'action n'en restent pas moins assez généreuses et révèlent au moins l'énergie de Lina El Arabi, qui aurait dû briller encore plus.

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Lecteurs

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commentaires
jogo
06/03/2024 à 17:28

Cela ce regarde mais m'a manque d'âme

Onurb
05/03/2024 à 12:03

Non non et non . il y a des scènes tellement absurdes , insensées , même le canabis est remplacé par des plantes d'appartement . parfois j'ai eu l'impression de regarder une parodie.
les blessures apparaissent et disparaissent au bon vouloir des maquilleurs . Pour moi désolé , j'ai vraiment été jusqu'au bout , mais j'ai beaucoup souffert. Et quand j'ai vu qu'on veut nous coller une suite ...

ropib
04/03/2024 à 19:06

La bande-annonce ne donne vraiment pas envie en tout cas.

gazer
04/03/2024 à 11:27

Elle a changé Sophie Pétoncule !

Wooster
04/03/2024 à 09:04

Le concept est déjà très invraisemblable, mais après tout, pourquoi pas : c’est la magie du cinéma de nous faire adhérer à des histoires improbables.
Mais ce que la bande annonce laisse voir est tellement mauvais que sur ce coup là, je vais passer mon tour.

Jokari
04/03/2024 à 07:41

Je partage les remarques de cette critique tout en étant moins sévère qu'elle. Cette série déploie des moyens qui font plaisir et la font toucher du doigt des séries US.

Flood
03/03/2024 à 04:20

Entre John Wick et Besson bref une des meilleures séries françaises et 2 actrices exceptionnelle. J'ai adoré !

Dddangerfield
02/03/2024 à 17:32

On dirait du Besson , la meilleure critique de la série en 4 mots , et ça dit tout :-)

Val161
02/03/2024 à 15:18

Vous en avez pas marre de toujours tout déglingué comme ça c'est une série ça vous plaise pas d'accord mais pas besoin de la descendre en flèche ca reste avant tout du spectacle

O_o
02/03/2024 à 12:42

Ah voilà de la critique comme on les aime, je commençais à m'inquiéter.

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