Le Mangeur d'âmes : critique au Bonnaire des damnés

Mathieu Jaborska | 23 avril 2024 - MAJ : 26/04/2024 18:42
Mathieu Jaborska | 23 avril 2024 - MAJ : 26/04/2024 18:42

Après l'horreur mystique de Kandisha et la tension sous-marine de The Deep House, les réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo s'attaquent à l'adaptation d'un polar archi-sombre écrit par Alexis Laipsker : Le mangeur d'âmes. Le film, interprété par Virginie LedoyenPaul Hamy et Sandrine Bonnaire, sort dans les salles françaises le 24 avril 2024.

ça beugne ?

Au fil des années, les réalisateurs du toujours aussi méchant À l'intérieur, dont la sortie Blu-ray est programmée le même jour que la sortie de Le mangeur d'âmes, ont trouvé des moyens de rester sur le terrain du sordide. Et ce malgré, d'une part les difficultés financières en France, d'autre part le manque de liberté aux États-Unis. L'adaptation d'un polar, qui plus est parfois à la lisière du fantastique, ressemble à un bon compromis : Le mangeur d'âmes s'inspire d'une histoire qui a déjà fait ses preuves en librairie... et qui laisse largement la place à la noirceur chérie par le duo.

Celui-ci ne se fait pas prier : dès le premier acte, il étale littéralement la viande sur les murs. L'élément perturbateur est une scène de crime particulièrement sauvage, qui ferait tache dans les séries policières bien de chez nous diffusées sur TF1. Même dans un projet qui rechigne à assumer, du moins dans un premier temps, ses ambitions horrifiques, les cinéastes restent dans une marge sanglante et ne trahissent pas leur misanthropie.

 

Le mangeur d'âmes : photoAmbiance

 

Difficile de ne pas établir un parallèle avec Les Rivières pourpres, qui tentait au tout début des années 2000 de brusquer un peu l'industrie française avec une intrigue de thriller vicieuse, dérangeante et parsemée de scènes d'action. En dépit de ses défauts, il avait largement tenu son pari au box-office. Ici aussi, un casting aux visages connus est envoyé crapahuter dans la campagne hexagonale, en l'occurrence les Vosges, afin d'élucider un mystère aux limites du surnaturel, ébranlant la fausse tranquillité d'un petit village. Ici aussi, la photographie tente de nous faire tomber en dépression. Ici aussi, le scénario ose explorer des territoires et des idées plus radicales que ses prémisses ne le laissaient soupçonner.

 

Le mangeur d'âmes : photo, Paul HamyUn Hamy qui vous veut du bien

 

Polarisé

Et en effet, le film écrit par Annelyse Batrel et Ludovic Lefebvre a le mérite de partir dans des directions aussi délirantes que glauques, pour certaines tout droit sorties des années 1980 (l'explication des meurtres), pour d'autres très contemporaines (le climax, les twists finaux et les relents de folk horror). Difficile d'en dire plus sous peine de spoiler sa meilleure arme : une forme de générosité thématique qui se préoccupe peu du manuel du bon goût et surtout ne cache pas ses ressorts les plus horrifiques derrière un prétexte social.

 

Le mangeur d'âmes : photoInsérer meme de Nekfeu qui réfléchit

 

Dommage donc que ces idées un poil plus barrées qu'à l'accoutumée soient écrabouillées par une narration, au contraire, extrêmement mécanique, accablée par des dialogues qui le sont encore plus, des caractérisations archétypales (le personnage de Ledoyen) et même d'énormes bourdes, comme un choix de casting qui spoile purement et simplement la révélation finale. Long de 1h50, Le Mangeur d'Âme patine dans la quiche lorraine quand il doit faire avancer son enquête, ce qui n'est pas peu dire dans un pur polar à tiroirs.

Et même quand il lâche les chiens, il doit composer avec divers tics, d'autant plus agaçants qu'un autre film francophone récent a abordé le même sujet, avec cette fois-ci une ambiguïté et un sens du rythme quasi parfaits. En l'état, il restera une tentative, louable certes, parfois amusante assurément, mais qui reste beaucoup trop laborieuse pour atteindre le niveau d'efficacité dont il voudrait faire preuve.

 

Le mangeur d'âmes : Affiche

Résumé

Un polar bien plus méchant et généreux que la moyenne... étouffé par une narration beaucoup trop mécanique.

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Lecteurs

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commentaires
Flo1
03/05/2024 à 13:38

Question polar, dommage que vous ayez manqué "Borgo" de Stéphane Demoustier (certes dans un style plus intimiste, plus dramatique)...
Une session rattrapage à prévoir ?

Mathieu Jaborska - Rédaction
26/04/2024 à 18:43

@ZakmacK

En effet, bien vu merci. Bosser sur les 4K de Cameron me fait voir de l'ultra HD partout. C'est corrigé

Mad Movies
25/04/2024 à 16:04

Même à l'intérieur, c'est naze. Alors le reste pff aha. Pour moi bustille et morillo sont au films d'horreur ce que Kev Adams est à la comédie. Un mystère complet. Les mecs sont incapables d'écrire un scénario digne de ce nom, de diriger des comédiens, tous leurs films sont nuls, ne font pas d'entrées et pourtant ils tournent. Un mystère je vous dis

ZakmacK
25/04/2024 à 09:01

Au début de l'article, vous parlez de la sortie 4k d'à l'intérieur. Il ressort effectivement en Blu Ray collector, mais je ne pense pas qu'il soit en 4k pour la simple raison qu'il a été tourné en vidéo numérique HD. Le gonfler en 4k serait une grosse arnaque, car il n'y a aucun détail à retrouver. Par ailleurs, je n'irai pas acheter le blu-ray pour vérifier, vu que dans mon souvenir le film aurait plutôt mérité une sortie VHS avec jaquette télé k7 ! (Oui c'est des refs de daron mais j'assume)

Geoffrey Crété - Rédaction
24/04/2024 à 16:59

@Dentscie

Je n'ai pas l'impression qu'il y a beaucoup moins de critiques (qui ne pas toutes publiées le mercredi de la soirée néanmoins, on les étale sur toute la semaine et le week-end). On suit toujours l'actu avec les mêmes critères : ce qui est important aux yeux de notre lectorat, ce qui nous intéresse, et le temps qu'on a.

Dentscie
24/04/2024 à 16:27

c'est un choix édito de faire bcp moins de critiques de sorties (films/séries) ou ya moins de monde en ce moment ?

Cidjay
24/04/2024 à 14:26

The Deep House était vraiment mauvais... pas sûr que ça me donne envie de voir ce film quand on sait qu'il a été réalisé par les mêmes personnes...

James Gray
24/04/2024 à 12:48

Incompréhensible qu'ils fassent "carrière" et continuent leurs projets. Leur premier long était pas mal. Depuis de pire en pire, Deep House m'a achevé, je n'irai plus perde mon temps. Je le perds déjà en écrivant ces lignes :)

Djodjo
24/04/2024 à 12:03

le mec il va sur une scene de crime en stop et en bus. heureusement qu'il y avait la police municipale pour prendre en compte les lieux. Ca les emmerderai de prendre un consultant pour que ça soit un minimum crédible leur daube ?

Akitrash
24/04/2024 à 10:10

Franchement moi Maury et Bustillo, à part A l'intérieur, je trouve leur filmographie assez bof...

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