Monarch : Legacy of Monsters - critique d'un roi sans divertissement sur Apple TV+

Mathieu Jaborska | 12 janvier 2024
Mathieu Jaborska | 12 janvier 2024

Les amateurs de lézards géants sont aux anges. Parallèlement au succès mondial de Godzilla Minus One (et à la sortie inespérée en France de Shin Godzilla), quelques mois avant ses retrouvailles avec King Kong dans Le nouvel Empire, le Godzilla américain piétine le petit écran. Apple TV+ a diffusé Monarch : Legacy of Monsters, série dérivée du Monsterverse de Legendary. Et le plus célèbre des Kaiju n'est pas le seul monstre sacré à l'affiche, puisque Kurt Russell et son fils Wyatt y incarnent le même personnage, à deux époques différentes. Attention, spoilers !

Monstres academy

Elle en a fait des virages, la franchise de Legendary et Warner. Du film de monstre grave et guerrier de Gareth Edwards à la gaudriole saturée de néons d'Adam Wingard, en passant par le sous Apocalypse Now simiesque et le Kaiju-porn décomplexé et pluvieux, elle n'a cessé de changer de ton, au gré des envies de ses auteurs. Et les derniers plans de la bande-annonce de Godzilla x Kong : Le nouvel Empire, où les deux bestiaux font la course pour le siège passager, laissent présager une suite plus foutraque encore.

Pourtant, l'ambition de la série Monarch, qui s'ouvre sur un caméo de John Goodman et s'achève sur un assaut de Kong, est de connecter le sérieux du premier opus aux délires complotistes de Godzilla vs. Kong. Il fallait bien 10 épisodes de quasi une heure pour tenter un tel grand écart sans échauffement. D'autant que le récit est scindé en deux arcs se déroulant à 60 ans d'intervalle, de la création de Monarch (organisme censé surveiller les titans) aux conséquences directes de l'attaque de Big G et des MUTO relatée par Edwards.

 

Monarch : Legacy of Monsters : photoBon, on va prendre le métro

 

Pour ce qui est de la digestion du Godzilla de 2014, les premiers épisodes font largement illusion, en traitant l'évènement désormais connu sous le nom de "G-Day" comme un traumatisme planétaire aux répercussions lourdes. Le premier épisode, en plus de livrer la dose réglementaire de rugissements monstrueux via des flashbacks, évoque, un peu à la manière d’Agents of Shield côté Marvel, ce sur quoi les films n'ont pas le temps de s'étendre : l'organisation d'une société apprenant à faire face à une gigantesque menace surnaturelle et les soucis divers des victimes collatérales, formant une bonne partie du panel de personnages.

 

Monarch : Legacy of Monsters : photoLe vrai intérêt d'une série Godzilla

 

Laxisme mundi

Dans ces premiers épisodes, les scénaristes parviennent relativement habilement à jongler entre l'échelle titanesque et l'échelle intime, les apparitions de monstres et leurs conséquences sur la vie personnelle, familiale ou professionnelle des différents protagonistes. Y compris lors des premières expériences sur Godzilla dans les années 1950 : l'une des meilleures scènes de la saison dévoile le contrechamp du faux essai nucléaire esquissé dans le premier long-métrage, au coeur d'enjeux politiques cruciaux pour l'organisation toute neuve et ses fondateurs.

En revanche, dès qu'il s'agit de raccrocher les wagons à la série B boursoufflée sortie directement en VOD chez nous et à ses histoires de Terre creuse et de portails vers des dimensions pleines de monstres, ça fonctionne beaucoup, beaucoup moins. L'intrigue met des lustres à rationaliser les plus débiles des concepts, se perdant même dans des sous-intrigues explicatives qui parasitent un rythme déjà bien ralenti.

 

Monarch : Legacy of Monsters : Photo Ren Watabe, Kiersey ClemonsKiersey Clemons, Oscar de l'arc narratif le plus pété

 

Et au moment de se jeter dans la gueule du Kaiju, pendant les deux derniers épisodes (le dernier étant littéralement intitulé "Beyond Logic"), le budget a déjà été dilapidé en crabes géants. Plutôt que d'investir l'excitante terre creuse abracadabrantesque de Godzilla vs. Kong, le climax se déroule donc dans sa contrefaçon Leaderprice créée pour l'occasion (le "Axis Mundi"). Apple TV+ troque les grandes étendues sauvages contre une forêt municipale colorée en post-production et les grosses bestioles contre des phacochères furtifs ou des clones peu inspirés de Rodan. C'est presque comme si elle n'assumait pas le parti pris décomplexé du film auquel elle est pourtant censée se référer...

 

Monarch : Legacy of Monsters : Photo Anders Holm, Maria YamamotoAnders Holm, Golden Globe de l'arc narratif le plus pété

 

Famille recomposée

Les premiers épisodes parviennent à peu près à s'emparer des zones d'ombre du film de 2014. Les derniers échouent complètement à retrouver l'absurdité du film de 2021. Et entre-temps... il ne se passe pas grand-chose. Car si Monarch se perd dès qu'elle lâche la jambe de Gareth Edwards, c'est parce qu'elle se prend beaucoup trop au sérieux.

Afin de naviguer entre origin story et références aux derniers volets, elle s'articule intégralement autour de son saut temporel, éparpillant une foule de personnages plus ou moins liés à 60 ans d'intervalle, avec en guise de fil rouge ce cher Kurt Russell, dont le rôle est interprété par son fils Wyatt dans les années 1960. Si l'idée est plutôt bonne et que le comédien semble s'amuser un peu à jouer les vétérans à qui on ne la fait pas, la mécanique narrative qui résulte de ce long montage alterné est surtout extrêmement laborieuse.

 

Monarch : Legacy of Monsters : photo, Kurt RussellÀ la recherche du fun

 

D'autant que tous ces jeunes héros, pourtant réunis par des circonstances passionnantes (le G-Day révèle des secrets de famille), passent plus de temps à lire de vieux documents d'archives la bouche ouverte qu'à vraiment évoluer. Beaucoup trop contrainte par son allégeance à un univers parti dans tous les sens, la série se contente de déballer lentement un arbre généalogique, sans pour autant s'intéresser à ses membres. Tant et si bien que les noeuds émotionnels du climax, survenant pourtant après 8 heures de pérégrinations monstrueuses, se dénouent très vite et que certains seconds couteaux sont purement et simplement négligés par le récit.

Pour vraiment s'inscrire dans la continuité de Godzilla vs. Kong ou même de ses prédécesseurs, elle aurait eu tout intérêt à remplacer les réunions de famille par plus de grosses bestioles, celles-ci disparaissant subitement du devant de la scène passé le premier tiers de la saison. Un niveau de générosité impossible à atteindre au format télévisuel ? Peut-être l'idée d'une série sur le Monsterverse était-elle foireuse depuis son annonce.

Tous les épisodes de Monarch : Legacy of Monsters sont disponibles sur Apple TV+ depuis le 12 janvier 2024

 

Monarch : Legacy of Monsters : Affiche

Résumé

Monarch se force à faire le grand écart entre le sérieux de Godzilla et la générosité décomplexée de Godzilla vs. Kong, au risque de sous-traiter ses nombreux personnages, réduits pour la plupart à leur statut familial et à leur place dans une chronologie bancale.

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
gazer
16/01/2024 à 12:01

Pas encore vu le dernier épisode mais on va dire que ça oscille entre le plutôt bon et le très moyen. Comme beaucoup de commentaire je suis vraiment pas convaincu par le trio d'acteur de l'ère contemporaine, à l'inverse du trio des années 50 qui fonctionne bien mieux.

Par contre je m'attendais pas à une série ou l'on voit des monstres toutes les 5 minutes, donc de ce point de vue j'éprouve pas vraiment de déception.

Çà reste une série dans la moyenne,

Breizatao
15/01/2024 à 19:10

Très bonne série, qui apporte sur la création de monarch et qu'il fasse bien le lien entre le godzilla de 2014, Kong et godzilla vs Kong. Hâte que la saison 2 sort sur la partie de Kong, entre ses 2 films.

Ahtssé
14/01/2024 à 11:14

Très bonne série !
Je ne comprends pas les critiques sur les acteurs.
La fin est très touchante.
Il y a des longueurs mais elles sont justifiables et parfois nécessaires
N'étant pas un fan absolu, j'ai découvert avec surprise ces histoires de monde des monstres. C'était une bonne surprise.
Apple envoi du lourd face à D... et N...

RAFdelacritique
13/01/2024 à 15:21

Saison 1 excellente, vivement la saison 2.

ALyon
13/01/2024 à 15:15

@abraxare + 1
Côté acteurs une catastrophe, ça joue mal,, le scénario qui explore chaque histoire de chaque personnage sans un semblant de soucis de cohérence, et je ne parle pas de la temporalité ... je suis en Alaska une heure plus tard je suis à Los Angeles no problemo on doit pratiquer la téléportation.
Sérieux pas une situation crédible pour sauver cette catastrophe. Effectivement une des pires de l'année 2023 !! Juste une qualité quand même, nous avoir bien fait rire.

lepetitbreton
13/01/2024 à 14:36

Perso j'ai beaucoup aimé cette première saison et j'ai trouvé les personnages attachants et l'intrigue prenante.

pascalg72
13/01/2024 à 12:00

j'ai trouvé très sympa cette première saison. Vivement la suite

Benasi
13/01/2024 à 09:16

C'était mou, mais mou. Je suis resté pour Kurt Russel et les flashbacks des années 50-60. Pas pour les endives qui servent de protagonistes.

Anthony.P
13/01/2024 à 01:27

Contrairement à vous, je n'ai pas suivi tout les Godzilla en film et j'ai pourtant bien aimé cette série.

Squoal
13/01/2024 à 01:05

Excellent tout simplement .

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