Blue Eye Samourai : critique du Game of Thrones animé de Netflix

Elise Moreau | 20 novembre 2023
Elise Moreau | 20 novembre 2023

Le scénariste Michael Green s'est largement fait connaître pour le flop de Green Lantern, et a enchainé les hauts et bas en écrivant Logan, Blade Runner 2049 ou American Gods, mais aussi Alien Covenant, Jungle Cruise et les Hercule Poirot de Kenneth Branagh. Avec Blue Eye Samurai, dont il est le créateur, il revient avec une série animée pour adultes sur Netflix, racontant une intrigue entièrement originale. Et aussi bien dans son approche visuelle, ses intrigues politiques, sa violence, son ambiance... la série se révèle très marquante. Attention : spoilers !

Le jeu des trônes

Blue Eye Samurai met en scène une trame très riche, constituée de divers enjeux politiques qui s'entremêlent. Dans cette aventure, nous suivons la guerrière métisse Mizu, qui cherche à assassiner quatre hommes blancs, tous ses possibles géniteurs, afin de venger le viol dont sa mère a été victime (back-story qui peut rappeler le manga Lady Snowblood). Cette quête peut donc sembler assez basique, cependant toutes les sous-intrigues qui gravitent autour viennent offrir énormément d'ampleur à ce faux récit archétypal. La série met en place plusieurs antagonistes, plusieurs enjeux solides, ainsi que plusieurs histoires qui se recoupent pour rendre le scénario aussi dense que prenant.

Si le voyage de Mizu marque le point de départ de l'intrigue, cette première saison s'articule énormément autour du mariage de la princesse Akemi. Ces fiançailles de convenance permettent de plonger au coeur de la politique japonaise de l'époque, en abordant la question des alliances et des complots, dans une perversion comparable aux intrigues de Game of Thrones. Diverses machinations se mettent en place et acheminent toutes vers la même direction, nous conduisant à une conclusion dantesque et haletante.

 

 

La série joue entièrement sur le contexte historique, allant jusqu'à réimaginer les circonstances du grand incendie de 1657 qui a ravagé la ville d'Edo, pour raconter son grand final de saison. Qui plus est, Blue Eye Samurai livre un regard assez réaliste sur le Japon du XVIIe siècle. La série en dresse un tableau respectueux, tout en élégance, mais sans chercher à partir dans l'idéalisation totale. 

Les épisodes ne font absolument pas dans l'édulcoration et portent notamment une vision dure et concrète de la condition des métis ou des femmes à cette époque. Ce traitement se ressent également dans le code d'honneur des guerriers samouraïs, qui est présenté de façon crédible, sans partir dans la caricature occidentale des êtres sages et honorifiques, toujours prêts au moindre sacrifice. Les personnages suivent avant tout leurs propres intérêts et sont tous guidés par des instincts primitifs (le sexe et la violence). 

 

Blue Eye Samourai : photoようこそ日本へ  (Bienvenue au Japon)

 

Mulan au Japon

Toutes ces sous-intrigues sont forcément menées par les personnages, qui brillent par leur profondeur et leur authenticité. En premier lieu, nous suivons Mizu, une guerrière se faisant passer pour un homme. Cette jeune héroïne, froide et solitaire, est portée par son désir de vengeance. La protagoniste marque par son charisme et se révèle comme un personnage très entier, impossible à faire plier, comparable à un démon. Pourtant, la série développe bel et bien ses failles et ne cherche pas (à quelques exceptions près) à faire de Mizu une tueuse impassible.

La série prend le temps d'aborder ses souffrances, son mal-être et dépeint un personnage finalement très humain. Si elle peut rappeler la figure légendaire de Mulan en se faisant passer pour un homme, il est intéressant de noter qu'elle cache en réalité son identité depuis l'enfance (ce qui peut rappeler d'autres personnages féminins de la culture populaire, comme Lady Oscar).

 

Blue Eye Samourai : photoMizu, la Lady Oscar du bled

 

Ainsi, le personnage s'est construit et a grandi en tant qu'homme dans une société très misogyne. Cela joue énormément dans son écriture, Mizu se montrant notamment très peu empathique envers les autres femmes, en qui elle ne peut pas s'identifier.

Les autres personnages ne sont pas en reste non plus. Parmi les plus marquants, on retient Taigen, un jeune samouraï qui connaît Mizu depuis son plus jeune âge. Celui-ci connaît un parcours intéressant puisqu'il commence en se montrant très prétentieux, avant de peu à peu reconnaître la vraie valeur de Mizu dans un mélange de respect et de profonds ressentiments. Il apparaît donc d'abord comme un antagoniste avant de s'avérer plus nuancé

 

Blue Eye Samourai : photoPrincesse Akemi, dans ses meilleurs jours

 

Il y a également un personnage qui se révèle progressivement comme la grande surprise de cette première saison : Akemi. Cette jeune femme, aussi bien alliée qu'ennemie constitue l'un des plus grands tours de force de la série. Le spectateur la prend immédiatement en sympathie face à l'injustice de sa situation. Mais la princesse bénéficie d'un arc surprenant. En trouvant sa force intérieure, elle comprend qu'elle peut être maitresse de son destin... mais pas de la façon attendue. Cette évolution, parfaitement amenée dans son parcours psychologique, fait d'Akemi une personnalité aussi complexe que fascinante. 

Si l'on ajoute à cela de nombreux personnages secondaires captivants et des antagonistes tous plus détestables les uns que les autres, on obtient une excellente galerie de personnages. À noter que le casting vocal de la version originale s'en sort avec les honneurs. Plusieurs grands noms participent à donner vie aux personnages, que ce soit Kenneth Branagh, qui s'amuse beaucoup en Abijah Fowler, ou encore Ming-Na Wen qui illustre très bien l'esprit rusé de la maquerelle Madame Kaji.

 

Blue Eye Samourai : photoLe détestable Abijah Fowler

 

Une estampe animée

Les ambitions de la série se ressentent aussi beaucoup dans la mise en scène, qui participe à son élégance et son ton sérieux. La série est animée par le studio français Blue Spirit, à l'origine des deux premiers épisodes de la série Marvel What If... ?, ainsi que le magnifique long-métrage Ma Vie de Courgette. Les épisodes optent pour des graphismes en image de synthèse avec un habillage en cell-shading, proche de l'animation traditionnelle.

Les décors rappellent les estampes japonaises, notamment celles de Hokusai, ce qui apporte énormément de grâce à la série. Blue Eye Samurai fait également preuve d'un vrai bon travail sur les couleurs, qui participent beaucoup à son ton dramatique. Le combat opposant Mizu à Chiaki le sanguinaire marque les esprits par sa palette de couleurs rouge-orangée, qui accentue la violence de la scène.

 

Blue Eye Samourai : photoComme c'est bô !

 

Quant aux personnages, ils sont dessinés dans un style à mi-chemin entre le comics et le manga. La série s'inspire donc de divers styles visuels, qui la rendent très expressive. Néanmoins, l'animation n'est pas parfaite pour autant. En effet, les mouvements des personnages sont parfois un peu trop lents et rigides. Même si cela participe au ton froid de l'oeuvre, l'effet peut s'avérer parfois un peu perturbant. Dans la même idée, la caméra effectue parfois des rotations un peu trop lentes autour des personnages, ce qui empêche le spectateur d'oublier totalement l'existence de cette caméra virtuelle.

La mise en scène se caractérise également par les combats, qui marquent par leur violence assez extrême. On sent que les réalisateurs se font clairement plaisir, à travers des scènes d'action très créatives, bien chorégraphiées, qui partent totalement dans la surenchère. Si la plupart d'entre elles sont très réussies, quelques-unes poussent parfois le délire un peu trop loin, au point de légèrement entacher la crédibilité de l'ensemble (notamment une scène où Mizu défait une quinzaine d'opposants à elle seule).

Mais ces petits reproches gâchent finalement très peu l'appréciation générale, tant l'histoire reste magnifiquement portée par une mise en scène très efficace.

Blue Eye Samurai est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 3 novembre 2023

 

Blue Eye Samurai : Affiche officielle

Résumé

La série Blue Eye Samurai remplit toutes ses promesses avec une intrigue riche, des personnages complexes et une approche très mature de ces différents éléments. Si l'on peut reprocher quelques imperfections dans l'animation et les combats, cette première saison pose des bases solides et justifie que l'on espère l'officialisation d'une saison 2.

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Lecteurs

(4.4)

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commentaires
Ozymandias
05/01/2024 à 09:25

Super série, j'ai adoré ! Hâte de voir la prochaine saison.

Hasgarn
24/11/2023 à 09:27

@ Guts

;)

La morale de l'histoire, c'est qu'on a des cadors de l'animation en France, beaucoup et ils font rayonner le savoir faire français à l'international.
Et ce n'est pas Mars Express qui va renverser la vapeur, ni Captain Laserhawk (ça, c'est une méga pépite !).


Je vais me jeter sur Onimusha plus tard, j'ai des sons de cloches très positifs sur cette série.

Guts
23/11/2023 à 23:38

@Hasgarn
Au temps pour moi , c'est en lisant un article sur le samouraï aux yeux bleus, qui indiquait que c'était aussi un studio français qui avait réalisé Arcane , que j'ai confondu.

Par contre j'ai presque terminé Onimusha et autant sur le scénario/dialogues/animation j'ai clairement préféré Le samouraï aux yeux bleus.

Mauny
23/11/2023 à 19:46

Une découverte des ses premiers jours sur Netflix (faut dire que je l'attendais depuis ses 1ers trailers sur youtube) et on ne peut que dire que c'est une réussite.
Techniquement il met une grande claque a beaucoup d'animés. La chorégraphie des combats est juste exemplaire et sait se renouveler. Mais aussi s'adapter aux différents moments de l'histoire et la façon dont ceux ci se passe.
L'histoire qui paraît assez simple au départ gagné en épaisseur sans que cela paraisse pour des facilités scénaristique. On a une véritable écriture en amont, et les évènements ont été mûrement réfléchi. Les personnes aussi gagnent en épaisseur et complexité au fur et à mesure des épisodes (mention a la future mariée). Les musiques et les voix françaises font tilt des le départ et s'adaptent a chaque personnage et moment de l'histoire. Quasi pas une fausse note dans le doublage, on sent les acteurs hyper investi, et ça fait plaisir.
Les épisodes passent trop vite... J'espère vraiment qu'il y aura une saison 2 et que celle ci sera du même acabit, même si la barre a été mise très haute.
Franchement faire l'impasse sur cette série, est se passer d'une superbe découverte. Après comme le disent certains on est vraiment sur un animé "adulte". A ne pas mettre entre toutes les mains du coup.

Hasgarn
23/11/2023 à 08:27

@ Guts

Arcane, c’est Fortiche Prod. et non Blue Spirit.
De toute façon, ils sont occupés à faire la 2e saison d’Arcane, ils n’auraient pas pu faire Blue Eye Samurai

Guts
22/11/2023 à 00:31

J'ai vraiment adoré ( je l'ai regardé en intégralité deux fois pour m'attarder sur la beauté graphique ), techniquement splendide.
La violence et le sexe ne m'ont pas gêné (on est bien sur un animé pour adultes , avec un petit côté L'habitant de l'infini dont je suis un grand admirateur même si le manga est encore bien plus gore )
Après le superbe Arcane , décidément ce studio français est digne des plus grands.
Il me tarde ( mais il va falloir patienter) la suite.

C.Kalanda
21/11/2023 à 23:23

Ah ben voilà merci. Le haut du panier.

MIJU
21/11/2023 à 16:44

Un petit côté Kill Bill qui me plaît bien, et c'est vraiment super beau. J'ai dévoré la saison 1 d'un coup !

Sascha
21/11/2023 à 12:18

Découvert grâce à un ami. Il me reste 2 épisodes à regarder et j'ai adoré.

Hasgarn
21/11/2023 à 11:40

@ Cidjay

C'est pas tellement cell shading. C'est très travaillé.
Jette y un œil, juste 5 minutes.
Si ça ne te plait pas, au moins, tu auras essayé ;)

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